Je refuse depuis longtemps les débats sur les Internets, et j’ai l’impression d’avoir connu ça déjà à petite échelle à l’époque de l’émergence de la blogosphère mondiale, il y a une vingtaine d’années. Lorsque les blogs ont vraiment éclos et sont devenus incontournables pour porter une certaine parole médiatique (celle des gens « en ligne », peu de gens mais influents et dotés de certains privilèges dans la société), on a vu s’opposer des extrêmes déjà à l’époque. Et déjà là, on avait des « clashs » et des paroles obscènes qui jouaient de la polarisation des opinions.
Ces éditorialistes ou « pundits » comme on disait alors dans le monde anglosaxon, qui était celui du monde des blogs de l’époque, portaient alors leurs discours critiques de la politique et des sociétés du début des années 2000. Et comme aujourd’hui, on ne savait pas exactement d’où ils venaient ou leur pedigree, des fascistes cachaient leur jeu sous couvert de rhétorique habile ou de culture, et des fake news émaillaient déjà la toile. Bien sûr, les médias traditionnels ignoraient encore tout cela, et l’impact sur la population générale était tellement faible, que tout est largement passé inaperçu. Et pourtant, je vous assure qu’il y en a eu des drames, et des gens qui suivaient des gens d’extrême-droite, contre des gens qui suivaient des gens d’extrême-gauche, et des discours « ultra », et qui n’ont cessé de s’écorcher et se dresser les uns contre les autres.
Déjà à l’époque, il fallait faire de l’audience, de la « page vue » et du commentaire, pour marquer son importance et son pouvoir. C’est un truc qui m’a toujours déplu, même si je n’ai jamais été le dernier à vouloir faire ma prostipute pour attirer le chaland. ^^
Je regardais de loin tous ces gens s’écharper sur des sujets importants et souvent très politiques, avec déjà en 2005 un Maître Eolas1 qui avait une aura assez dingue et une audience surprenante (mais à la hauteur de son esprit, je pense). Je me disais, en 2005 (avec deux ans de blogging au compteur donc), que dans ma petite pédéblogosphère parisienne, j’étais loin de tout cela et bien tranquille, mais évidemment la contagion a été complète et la pandémie a fini par nous rattraper. Il a suffit d’un sujet polémique et tout s’est enflammé. En l’occurrence, nous étions en plein mouvement de « relapse2 » et de « bareback » avec un rebond étonnant des écrits de Guillaume Dustan (et Érik Rémès, mais il faut avouer que l’auteur est beaucoup moins doué que le précédent) qui avaient été publiés quelques années auparavant.
Un pédéblogueur, dont je garde un souvenir plein de tendresse et de considération, avait témoigné de ses propres pratiques, pas pour les promouvoir, mais simplement pour témoigner, s’exprimer, et sortir du discours d’auto-flagellation et surtout des conseils hypocrites et béni-oui-oui que personne ne suivait (sucer avec capote notamment, qui était dans les diktats sans doute raisonnables scientifiquement à l’époque, mais dont on préférait ne pas parler vraiment pas car personne3 ne l’appliquait). S’en était suivi un déluge de commentaires, d’insultes et de harcèlement en tout genre, mais vraiment des trucs d’une violence inouïe pour l’époque. Evidemment ce n’est rien avec ce qui se passe aujourd’hui sur les réseaux sociaux, mais il y avait eu des menaces, de l’outing, des nuisances réelles et un bashing systématique de la part de gens très bien-pensants et qui rougiraient sans doute aujourd’hui si on pouvait leur rappeler leurs actes.
J’avais mis quelques jours à poster quelque chose, car j’étais d’abord resté mutique, et ne voulant vraiment pas attiser les choses. Mais à un moment, je ne pouvais pas ne pas m’exprimer moi aussi à ce sujet. C’était trop injuste !4 J’ai donc publié cet article Hue Dada ! (jeu de mot évident sur le barebacking), et cela m’a valu mon lot de commentaires, mais aussi d’injures, d’emails peu amènes et de dénonciations sur la place publique, mais beaucoup moins violent que pour Freaky.
Je n’ai pas eu souvent à m’exprimer ainsi, c’est arrivé une poignée de fois (notamment contre la follophobie ou la « bonne image » à la Pride), mais c’était toujours pour affirmer certaines luttes ou postures qui comptaient vraiment beaucoup pour moi. Ces sujets continuent d’ailleurs à émailler notre communauté en ligne quand on voit la polarisation des opinions à propos de la PrEP aujourd’hui ou du mariage du tous il y a quelques années.
En revanche, j’ai vraiment complètement lâché l’affaire sur les réseaux sociaux, il n’est pas question de nourrir les trolls ou de se battre contre des hordes de SJW5. Donc j’assume mon côté superficiel et hors du temps à propos des sujets d’intérêt de mes contemporains. J’écris tout cela sur un blog que peu de monde lit et lira, et sur bien trop de lignes pour que quiconque s’inflige une lecture pareille. ^^
Je suis en revanche pas mal des polémiques sur les réseaux avec le plus de distance possible, mais ce n’est pas facile. Je suis parfois atteint dans ces discours tellement opposés que les deux camps perdent tout sens commun selon moi. Donc j’essaie de rester vraiment le plus lymphatique, atone et veule possible. Je vous parle des petits oiseaux, je vous montre des couchers de soleil et je discute du dernier film. Bah c’est déjà ça.