Tout le monde ASCII (en hiver et tout)

Voilà le genre de truc qui me ravit. Huhuhu. Je ne sais pas comment j’ai pu rater ce truc, mais dès 1997 un sympathique geek a recréé « image par image » le film Star Wars (La Guerre des Étoiles donc, celui de 1977) en lettres et symboles (qui correspondent à la norme ASCII, la plus classique, ancienne et répandue depuis les débuts de l’informatique) d’un simple clavier d’ordinateur.

Et donc ça consiste VRAIMENT à refaire chaque image avec uniquement ce jeu de caractères, et à avoir tout le film animé de cette manière. C’est tellement inutile que c’en est d’une beauté et ingéniosité indispensable à l’humanité. Et moi je trouve que ça se regarde plutôt bien !!! ^^

J’ai trouvé ça via un article en ligne de The Verge qui évoque un projet similaire : ASCII Theater. Il vise à également diffuser des films avec un formalisme proche, même si on peut remarquer l’extraordinaire évolution en qualité et en rendu.

Evidemment tout cela est fort illégal, mais je n’arrive pas à savoir en quoi cela fait du mal ou pourrait s’apparenter à du piratage dans les faits…

Vive les geeks !!!

May December (Todd Haynes)

J’étais très circonspect sur ce titre (que je ne comprenais vraiment pas), mais c’est une expression idiomatique qui signifie qu’il y a une grande différence d’âge dans un couple. C’est vrai que c’était vraiment difficile de trouver une traduction adéquate, et je vois qu’au Québec c’est également laissé en anglais, donc je ne peste pas plus à ce sujet. ^^

Le film est très librement inspiré de l’affaire Mary Kay Letourneau, et on retrouve en effet un contexte similaire. Julianne Moore incarne une femme qui a eu une relation amoureuse et sexuelle avec un de ces ses étudiants, un jeune homme d’origine coréenne de 13 ans, et qui a été emprisonnée pour cela. Mais elle a eu trois enfants avec le garçon (joué par Charles Melton) et ils sont mariés depuis plus de vingt ans. Il n’en reste pas moins qu’ils vivent toujours bléssés par un certain opprobre, et ils vivent toujours dans le même coin, avec leurs familles et connaissances aussi marqués par tout cela.

Natalie Portman, en tant que comédienne, arrive chez eux car elle va produire et jouer dans un film, où elle va incarner le rôle de cette femme. Elle cherche, pour travailler son rôle, à comprendre et imiter le plus possible Julianne Moore. Elle plonge dans une situation très complexe et émotionnellement tendue, avec une famille dysfonctionnelle à bien des degrés.

Le film mise clairement sur ses deux interprètes, et on peut largement le comprendre. Le duo Natalie Portman / Julianne Moore est merveilleusement bien chorégraphié, et Todd Haynes (qui est gay évidemment ^^ ) met le paquet pour exploiter au mieux le talent dingue de ces deux monstres du cinéma. Cela donne quelques scènes d’anthologie, dont ce moment où Julianne maquille Natalie, ou bien un autre où Natalie s’exerce pour son rôle et incarne l’autre femme en mode Actors Studio. Et globalement toute la photo, et les plans avec les deux femmes ou l’une avec l’autre, ou encore en regard de l’autre, sont travaillés avec beaucoup de minutie et de brio.

Todd Haynes c’est le génial réalisateur de Carol, Dark Waters ou encore Loin du Paradis, et Julianne Moore est une de ses actrices fétiches. Il arrive à instiller une ambiance à couper au couteau dans des scènes en apparence très lisses et américaines. On retrouve vraiment une ambiance chabrolienne très intéressante. Et j’ai adoré comme le sujet de base est déjà assez intrigant, mais il est détourné par la relation entre les deux femmes, et au-delà de cela : le fait même de faire un film sur un fait-divers comme ça.

Mais j’ai eu un gros problème, et c’est la première fois que c’est un tel phénomène pour moi : la musique ! Il y a un thème qui revient régulièrement et qui est CHELOU !! Déjà ce sont clairement les notes du générique de « Faites entrer l’accusé » et donc ça m’a énormément troublé (c’est peu de le dire). Mais c’est complètement dissonant avec le film. On n’est pas du tout dans un thriller ou une enquête d’Hercule Poirot, et à intervalle régulier on a ce thème qui est asséné, et qui vient complètement vous sortir du film. Je ne comprends pas du tout, pourquoi ce thème (au-delà de la référence troublante ^^ ) aussi appuyé et emphatique sur un film plutôt subtil et finement réalisé.

Mais sinon, c’est vraiment un film à voir et qui a énormément de niveaux de lecture, et d’appréciation. Il est magnifiquement porté par ces deux comédiennes de génie, et il vous colle dans une atmosphère très gênante et malaisante, avec des personnages qui ne sont jamais vraiment gentils ou méchants. Une ambiance encore une fois chabrolienne à couper au couteau, et on en ressort encore tout chafouin, car la fin n’est pas vraiment très « tranchée » et jusqu’au bout l’auteur nous roule dans la farine et brouille les pistes. C’est un film dont je me dis qu’il faudrait que je le revois en réalité. ^^

Pauvres créatures (Yórgos Lánthimos)

Depuis The Lobster, que je considère comme un chef d’œuvre assez culte, je suis très impressionné par Yórgos Lánthimos. La Favorite était aussi une sacrée réussite, et tout pointait pour que ce film soit plutôt très bien. Mais non, ça n’a pas fonctionné pour moi… Je ne sais pas si j’ai raté le coche, car les critiques ont plutôt l’air bonnes, mais moi je suis passé clairement à côté.

Et pourtant formellement le cinéma est toujours d’une aussi bonne qualité, on a des comédiens et comédiennes vraiment d’excellence (Emma Stone, Wilem Dafoe et Mark Ruffalo sont irréprochables), une réalisation très belle et originale. Mais tout ce déluge de moyens, de décors, et surtout ce « temps » (le film dure 2h20, et je ne les ai que trop senti passer) ne riment à pas grand chose j’ai l’impression. Au-delà d’une transposition fade de Frankeinstein au féminin, je n’ai pas du tout été sensible à cette histoire sans queue ni tête.

Et n’étant pas touché par la morale, ou la narration, ni vraiment par les personnages, je me suis surtout beaucoup fait chier. J’ai eu l’impression d’un Wes Anderson avec les facéties et la légèreté en moins, ou bien d’un Tim Burton de la bonne époque sans la fibre romanesque ou onirique.

Et comme pour The Lobster par exemple, je n’ai pas du tout été rebuté par l’absurdité de certains parti-pris ou du surréalisme fantastique des relations sociales, je ne crois pas que ce soit ces aspects là qui m’aient dérangé. C’est juste que je ne vois pas où cela nous mène, ce que cela nous apprend, ou l’édification obtenue.

Suzanne Valadon, un monde à soi (Musée d’Arts de Nantes)

Suzanne Valadon c’était bien un de ces noms que je connaissais vaguement, plutôt comme une peintre de cette époque (postimpressionniste) mais sans trop de détails, sinon quand j’ai vu ce tableau qui m’a rappelé son talent, et que cette peinture m’était familière !! (Je le trouve juste incroyable, il s’agit de Joie de vivre – 1911.) Mais elle a été longtemps surtout connue et citée comme la mère du peintre Maurice Utrillo et la compagne de André Utter (aussi peintre).

Cette exposition est absolument remarquable (mais pour le moment je n’ai pas été déçu par les expos du Musée d’Arts de Nantes), et elle permet de se concentrer sur l’œuvre et la vie de Suzanne Valadon. On n’échappe évidemment pas à ses accointances avec les « hommes de sa vie », mais c’est vraiment l’occasion d’avoir son prisme à elle qui est mis en exergue, et le travail muséographique est vraiment très efficace et intéressant à ce niveau.

Il est déjà assez original d’avoir une femme artiste à cette époque, mais encore plus quand on a l’opportunité de la voir dans beaucoup des toiles de ses contemporains puisqu’elle a été modèle alors qu’elle était encore adolescente. Et sa vie étant aussi passionnante que son parcours artistique, c’est génial de suivre les deux en parallèle en entremêlés. On la voit donc dans plein de peintures, alors qu’elle posait nue et qu’elle était indéniablement une très belle femme de son époque (et reconnue comme telle). C’est aussi l’époque de l’explosion de la photographie, et j’ai été étonné du nombre important de clichés qui la représentent.

Mais donc il est très cool d’être ainsi sensibilisé à sa pratique artistique, et clairement ce qui (me) marque le plus c’est son appétence à peindre des nus féminins, mais sans ce regard masculin1 que l’on ne connaît que trop bien. Il y a une différence assez incroyable avec les « odalisques » de Suzanne Valadon, et les peintures de femmes nues de la même époque. Cela fait du bien de voir ça, et d’avoir toutes les explications afférentes à cela aussi.

Et clairement son existence permet un name-dropping d’un sacré niveau quand on voit qu’elle était en couple avec Erik Satie, bonne copine de Lautrec, amie intime de Degas, proche collègue de Derain, Picasso ou Braque… Donc toute l’exposition permet aussi de plonger dans toutes ces influences qui décrivent une bonne partie de l’évolution artistique postimpressionniste et en (bonne) voie vers l’abstraction.

Je ne peux que conseiller cette visite. ^^

  1. C’est ce male gaze bien connu, mais tellement répandu qu’on ne le voit plus. ↩︎

L’orchestre de Paris dirigé par Klaus Mäkelä à la Philharmonie de Paris (Thorvaldsdottir, Chopin, R. Strauss)

Cela faisait quelques temps que je n’étais pas allé dans la grande salle de la Philharmonie de Paris, et c’est vraiment un endroit génial, un cocon architectural et acoustique avec une forme asymétrique enveloppante et très chaleureuse.

Et là c’était un petit concert de l’orchestre de Paris avec son jeune et talentueux chef d’orchestre Klaus Mäkelä, qui a l’air complètement dingue mais très doué et dynamique. Le mec vraiment se donne à fond pendant ses concerts, et c’est une sacrée séance de cardio pour lui. Il m’a fait penser à ce célèbre cartoon de Tex Avery.

Attention, le dessin-animé ci-dessous (Magical Maestro de 1952) véhicule des représentations caricaturales, désuètes et parfaitement racistes, qui l’étaient très ordinairement à l’époque.

Ce qui était vraiment très cool, c’était la sélection du soir, car on a eu droit à un assemblage plutôt hétéroclite mais impeccablement dirigé et interprété. Cela a commencé par une œuvre super contemporaine de Anna Thorvaldsdottir (islandaise comme son nom l’indique) qui était d’ailleurs présente (c’était apparemment la première fois que la pièce était jouée).

Il s’agissait de ARCHORA (création française), et j’ai vraiment beaucoup aimé. Cela pouvait être un peu déstabilisant pour les première mesure, mais en réalité on se fait vite happer par l’ambiance globale et les évocations très « organiques » qui viennent tout de suite à l’esprit. Très très cool !!

On aperçoit les tuyaux de l’orgue au fond et les trappes ouvertes permettant de bien entendre l’instrument.

Après on était dans le suuuuuper classique avec un bon Frédéric Chopin de chez nous, et une méga-star au piano avec Daniil Trifonov (qui a aussi l’air complètement dingue comme le bon musicien qu’il est). Mais je ne connaissais pas ce « Concerto pour piano n° 1 » qui est vraiment une œuvre de jeunesse, et que j’ai adoré découvrir ainsi. Il fallait voir l’apparente facilité avec laquelle le pianiste faisait voler ses mains au-dessus du clavier, c’était d’une virtuosité assez épatante et surréaliste. Mais surtout cette pièce est d’une beauté folle, et vraiment tout l’orchestre était à l’unisson pour nous faire apprécier ce petit bonheur musical.

On a fini également par du classique mais un peu plus proche de nous avec un poème symphonique de Richard Strauss : « Une vie de héros ». Et là on était bien dans le post-romantisme allemand bien pompier que j’aime. Mes coreligionnaires ont moins aimé que moi, mais je reconnais que c’est terriblement ma came. Hu hu hu.

Cela m’a donné envie de revenir rapidement, et donc j’ai déjà repris des places, huhuhu.

Godzilla Minus One (ゴジラ-1.0)

Il y a vraiment à boire et à manger sur la trentaine de films qui figure le célèbre Godzilla, l’image d’Épinal des kaijū1 depuis 1954. Et donc 70 ans plus tard, ce film est une sorte de reboot qui nous resitue juste après la seconde guerre mondiale. Mais surtout ce n’est pas un film américain ni hollywoodien, et c’est sans doute une des grandes qualités de cette cuvée de Godzilla. Le film est super efficace et plutôt bien fichu, mais surtout comme il est purement « japonais » on ne tombe au moins pas dans le scénario du blockbuster totalement markété et écrit à l’emporte-pièce.

Le héros du film est un kamikaze qui n’a pas eu le cran de se suicider, et qui atterrit sur une petite île en prétextant un problème d’avion. L’équipe sur place se rend vite compte de son mensonge, mais rapidement Godzilla débarque et dézingue tout le monde, sauf le héros Kōichi Shikishima (joué par le choupi Ryūnosuke Kamiki) et le chef des mécanos.

Shikishima revient à Tokyo et trouve la maison de ses parents incendiés, et toute la population dans un grand dénuement. Il fait la rencontre inopinée d’une jeune fille aussi très paumée, Noriko Ōishi (jouée par Minami Hamabe), qui vient de sauver un bébé orphelin. Shikishima les accueille dans ce qu’il reste des ruines de sa maison, et il essaie de trouver du boulot. Mais rapidement, Tokyo se retrouve attaqué par Godzilla, et Shikishima va tout tenter pour aider à éliminer cette menace sur ses proches.

Le scénario n’est vraiment pas d’une folle originalité, tout le contraire, mais le jeu japonais apporte quelque chose de différent, même si il y a parfois une certaine hystérie un peu « fausse » dans les passages entre des échanges calmes et plein de quiétude, et puis d’un seul coup les personnages qui se mettent à se hurler les uns sur les autres (un travers assez classique du jeu japonais ou coréen). Mais il y a un élément tout de même qui est très marquant et sort de l’ordinaire, c’est tout cette histoire autour du sacrifice et du kamikaze.

Le film au début est clairement « contre » le héros et lui reproche le fait d’être vivant et de ne s’être pas sacrifié. Et Shikishima passe tout le film avec sa culpabilité et dans une quête de rédemption. Néanmoins, tout le film peu à peu a un discours beaucoup plus contrasté, et à la fin carrément « occidentalisé ». C’est à dire que des personnages, alors qu’on est censé être en 1947, disent que c’était injuste d’avoir sacrifié autant de soldats avec des armes inefficaces, des chars non blindés ou d’avoir envoyé des aviateurs au combat comme s’ils étaient des bombes vivantes. Et clairement, le message est de plus en plus sur le peuple qui doit se mobiliser pour contrer le monstre, mais clairement sans embrigadement militaire et avec l’espoir de se sauver aussi, et surtout pas de se sacrifier, en tout cas pas « la fleur au fusil ».

Et la conclusion du film est très très clairement en ligne avec ce sous-texte que je trouve très révolutionnaire pour des sociétés qu’on pense plutôt en proie à un confucianisme et un réflexe de sacrifice pour la patrie, ou d’un devoir qui dépasse sa propre conservation.

Et sinon bien sûr, les effets spéciaux sont plutôt de bonne facture, même si ça flirte tout de même pas mal parfois avec des animations de jeux vidéos plus que de film, et avec quelques rendus d’images de synthèse un chouïa brouillon à mon goût. L’action est bien soutenue, mais on a une très très chouette histoire personnelle, entre cette histoire de rédemption mais surtout une histoire d’amour bien classique et tout de même émouvante.

J’ai aussi pour l’occasion découvert, complètement par hasard, le système 4DX pour ce film2. C’est très très drôle et sympa, car c’est vraiment un sacré outillage et on pourrait carrément se croire dans un manège à sensation. Il y a non seulement tous les sièges qui bougent (et vraiment qui donne des effets similaires à un simulateur qu’on trouverait chez Disney), mais de la vraie fumée dans la salle, des souffles froids ou chaud, des odeurs, de l’eau en gouttes ou en vapeur, des jets d’air à droite et à gauche du cou et derrière les mollets, des flashs qui rendent plus vrais que nature des coups de feu, et même de la neige carbonique qui simule des explosions en une sorte de « réalité augmentée ».

Je ne croyais pas trop à ce genre de truc, mais c’est du sérieux, et c’est super super marrant et plutôt efficace. Et pendant les bastons, il faut s’accrocher car on peut carrément tomber de son siège tellement ça balance dans tous les sens, ça vibre, ça tangue et ça vous enverrait presque valdinguer. Evidemment impossible de faire ça si vous avez un quelconque mal de mer ou habituellement des difficultés dans les attractions. Cela fonctionne super bien pour un film d’action comme cela bien sûr, et je comprends ce que ça peut ajouter et l’intérêt d’aller au cinéma pour une expérience aussi « augmentée ».

  1. Un monstre en japonais, littéralement  « bête étrange » ou « bête mystérieuse ». ↩︎
  2. C’était au Pathé Atlantis de Nantes. ↩︎

Sergent Major Eismayer

En voyant ce film, sans avoir rien lu à son propos, je me disais à la fin « Bon ok, mais tout de même ce n’est pas super crédible comme histoire !! ». Et puis à la fin du film, on explique que c’est une histoire vraie, et on voit les photos de mariage des bonhommes. Donc non seulement le film est crédible, mais en plus ils ont plutôt bien casté les comédiens. Mouahahahahahaha.

Et contre toute attente, l’histoire c’est bien cela, nous sommes en Autriche, et nous avons le Sergent Major Eismayer qui est instructeur à l’armée. Mais alors l’archétype de l’instructeur tyran et qui terrifie les troupes, voire qui abuse et met en danger la vie de certains. Evidemment raciste et homophobe pour en ajouter une louche hein. ^^

Et voilà que débarque un aspirant, Mario Falak (joué par Luka Dimic), qui est ouvertement gay et plutôt du genre basané. En plus de cela, il a une grande gueule et refuse de se laisser faire ou abuser par quiconque. C’est donc immédiatement un fort désamour entre les deux hommes, et Eismayer (joué par Gerhard Liebmann) le brime comme il a l’habitude.

Mais ça finit par un mariage, et les deux sont encore ensemble, tout en étant militaires de carrière. Alors franchement rien que pour cela, le film vaut le coup d’œil. C’est tout à fait charmant, et apparemment ça a fait pas mal de bruit en Autriche. C’est presque dommage que le film n’ait pas une distribution ou une presse plus importante, car ça ferait du bien à certains militaires de voir ça. ^^