All of Us Strangers (Sans jamais nous connaître) de Andrew Haigh

Depuis Weekend et Looking, je suis très attentif et j’ai un a priori très positif pour les œuvres d’Andew Haigh, et donc j’étais super content d’avoir l’opportunité de découvrir ce film en avant-première à Nantes en fin d’année dernière. De savoir en plus que le premier rôle est tenu par Andrew Scott (que j’adore dans toutes ses performances) et que cette histoire flirte avec le surnaturel m’ont encore plus convaincu que ce serait ma came. Le film est basé sur un livre japonais qui a déjà été adapté une fois, mais là on est sans doute sur une inspiration un peu plus lointaine, disons que l’idée majeure a été conservée, mais contextualisée de manière très différente.

Le personnage principal Adam (Andrew Scott) habite dans un immeuble neuf, et il n’y a que très peu de locataire. Naturellement solitaire, le scénariste neurasthénique n’a pas l’air de vivre ça trop mal. Un soir, un voisin, manifestement plus jeune (joué par Paul Mescal), frappe à sa porte et vient lui faire du rentre-dedans. Adam refuse poliment ses avances, mais on le sent malgré tout intrigué et émoustillé par le petit jeune. En faisant des recherches pour un scénario, il revoit des photos de famille, et il décide de retourner sur le lieu de son enfance pour voir la maison où il a grandi. Il prend le train, et finit par arriver près d’une bâtisse. Il est accueilli par ce qui semble être ses parents (le père c’est Jamie Bell et la mère Claire Foy), mais qui ont l’air plus jeunes de lui.

Le début est donc un peu confus, mais on comprend vite que ses parents sont morts (il en ont conscience), et qu’il les rencontre donc avec une dimension fantastique très assumée. Les parents sont morts d’un accident de voiture il y a longtemps, mais ils sont très heureux de voir leur fils. Et lui en profite pour renouer avec eux, et leur raconter sa vie sans eux. Le film tourne autour de ces voyages en train jusqu’à cette maison « hors du temp », avec une série d’échanges avec ses parents. En parallèle, le soir dans son immeuble dépeuplé, il s’affirme de plus en plus dans une relation amoureuse avec son jeune voisin.

Le film fait irrémédiablement penser à Weekend dans la forme, et l’excellence de la réalisation. On y retrouve aussi une bande-son très efficace et très présente dans la narration. Il y a ces plans rapprochés des visages qui sont absolument incroyables, et une vraie célébration de la beauté des comédiens. C’est aussi une manière de montrer la relation amoureuse et les sentiments par leurs regards magnifiés et particulièrement expressifs (mais « comme dans la vie » selon moi, et qui sont finalement assez rarement rendus dans des longs-métrages). Et il faut noter que malgré le peu de protagonistes, c’est une énorme réussite sur les comédiens et la comédienne, et la direction d ‘acteur y est aussi sans doute pour quelque chose.

Je suis déjà très fan d’Andrew Scott mais là, ça ne fait que confirmer mon entichement pour le bonhomme. Il incarne ce rôle avec un naturel et une authenticité frappante, et il a vraiment le chic pour jouer ces introvertis qui laissent en apparence peu passer les émotions. Paul Mescal est également très bon, mais c’est surtout le couple Jamie Bell et Claire Foy qui sont absolument parfaits.

C’est vraiment d’amour dont il s’agit tout le long du film, que ce soit d’abord l’amour-propre du personnage principal, mais aussi cette relation naissante avec son petit voisin, et surtout l’amour pour ses parents, et son parcours singulier avec cette mort accidentelle quand il était enfant. On comprend que c’est aussi cette rupture extraordinaire qui l’a marqué toute sa vie, et une sorte de rédemption est à la clef, à la fois dans la réalité de ses sentiments pour son voisin, que dans une réassurance sur ce que ses parents lui auraient apporté, et sur une sorte de réconciliation de toutes les « timelines« .

J’ai beaucoup aimé le film pour sa délicatesse, et son approche calme et posée de l’histoire, les plans sont lents, silencieux et parfois impressionnistes. Et la photo comme la mise en scène sont d’une telle beauté et efficacité, que le film n’est jamais chiant ou « trop long ». Et j’ai été vraiment très très touché par la relation avec les parents. Mais je crois que je me suis fait moi-même des films pendant le film. ^^

Andrew Scott est de 1976 comme moi, et le film explique qu’Adam (son personnage donc) a perdu ses parents en 1988 quand il avait douze ans. Donc on est de retour en 88, et c’est difficile de ne pas s’identifier… Cette maison avec cette déco, cette musique (New Wave bien sûr) et l’attitude des parents, je ne pouvais qu’être très attentif à tout cela, et bien évidemment j’ai laissé la résonnance venir à moi, en moi. Il est très drôle aussi d’avoir un coming-out à ses parents alors qu’on est plus âgé qu’eux, et qu’ils sont dans un contexte « 1988 ». La scène avec Claire Foy notamment est vraiment drôle et cruelle à la fois (elle parle évidemment du VIH…). Et le rapport avec le père est extrêmement touchant et surprenant.

Le film est clairement moins dans une dimension culte comme « Weekend » l’est pour moi aujourd’hui, mais c’est vraiment une œuvre de grande qualité, et qui a encore cette faculté d’évoquer des relations qui transcendent réellement l’orientation sexuelle. Il y a un vrai déclic universel à cette relation amoureuse, certes entre deux pédés, et celle filiale, qui touchera tout le monde, et met la sexualité plutôt au second plan (même si elle est très présente). Et puis formellement, il n’y a pas à dire mais Andrew Haigh est vraiment fortiche. Et avec en plus des super comédiens, une histoire intrigante qui flirte avec le fantastique, de la musique prenante, ça marche très très bien.

Star Trek à la Défense

Cela m’a marqué dès l’érection de la Tour, et j’en avais parlé déjà ici en 2011 (je bossais dans le coin). Depuis que je rebosse de temps en temps à la Défense, je passe devant très souvent, et à chaque fois je pense la même chose : la marquise de ce bâtiment à la forme de l’USS Enterprise !!!!

Entrée de la Tour EDF Pei - La Défense - USS Enterprise
USS Enterprise - Star Trek

Je me suis dit que ça valait juste le coup d’aller refaire quelques photos avec une meilleure qualité, et il y avait une belle lumière hivernale avec un ciel bleu aussi glacial que la température locale. Eh bien ce truc a indéniablement exactement la forme du premier vaisseau de Star Trek !!!

Du côté de l’Arche de la Défense c’était également assez beau avec ces couleurs azuréennes et des formes bien géométriques.

Bon, je suis tout de même content d’être rentré. On est bien à la maison, et le balcon offre un autre genre de spectacle. ^^

Hedwig and the Angry Inch au Café de la Danse (Paris)

J’ai connu Hedwig d’abord via l’adaptation en film de ce grand succès off-Broadway (de 1998) en 2001. Je me rappelle que c’était un certain événement à l’échelle du Marais parisien, et le cinéma était une véritable Gay Pride1 à l’UGC des Halles à ce moment là. J’ai eu le film en DVD quelques années après, et je l’ai regardé maintes et maintes fois depuis, donc je connais un peu toutes les chansons par cœur. Néanmoins le film reste assez méconnu du grand public, malgré également le succès relatif de Shortbus, du même John Cameron Mitchell (auteur et interprète d’origine de Hedwig) qui avait pas mal défrayé la chronique des pédés parisiens en 2006.

Hedwig est tellement un truc pour moi, qu’à l’occasion j’en avais même pondu un article dédié en 2005, et donc vous pouvez y lire un bon résumé du film comme de la pièce.

Ce qui m’épate, en passant, c’est qu’en 2005 je te mettais des « transsexuels » en veux-tu en voilà, c’est marrant comme je n’écrirais plus cela aujourd’hui. Et en réalité, si je regarde l’occurrence des mots-clefs de mon blog, j’ai utilisé ce terme jusqu’en 2008, après je parlais de « trans » tout court, et à partir de 2011 c’est le terme « transgenre » qui est uniquement usité (et c’est le terme correct encore aujourd’hui). On retrouve le terme « transgenre » malgré cela dès 2005 dans un article de libé cité par le sociologue Coulmont qui évoque « l’interdiction judiciaire du mariage entre une transsexuelle et un transgenre« . Et donc la nuance est apportée dans le détail puisque la personne dénommée « transsexuelle » a en réalité mené sa transition jusqu’à un changement d’état civil et une réassignation, tandis que l’autre personne est appelée « transgenre » car ayant transitionné sans changement officiel d’état civil. C’était appelé une provocation à l’époque. Purée, les bigots !! Je pense qu’on s’en branle tellement la nouille aujourd’hui de ces questions, et c’est d’ailleurs en quoi le mariage pour tous portait bien son nom (simple et efficace).

Bref, ce spectacle extraordinaire, et qui est un truc fondateur et culte pour moi, dont on apprend que le droits de représentation en public sont libres depuis peu, bénéficie d’une toute nouvelle production au Café de la Danse à Paris. Je ne connaissais que le film, mais j’ai vite compris la forme curieuse de cette œuvre qui oscille vraiment entre performance théâtrale et musicale. Le lieu est une unique scène, et c’est une belle mise en abîme car c’est VRAIMENT la scène du Café de la Danse où Hedwig est en concert, alors que lorsqu’on ouvre la porte au fond on entend le concert dingue sur toute la Bastille de son amant et Némésis Tommy Gnosis. Et donc le concert, comme n’importe quel concert, consiste bien en des chansons entrecoupées par des histoires racontées par Hedwig. Comme dans un concert classique, la star parle un peu de sa vie, de ce que ses chansons illustrent, et ainsi on reconstitue le fil entier de l’histoire.

Tout commence à Berlin en 1961, avec la mère de Hedwig (alors Hansel) qui les embarque à l’est. On revit son enfance, puis sa rencontre avec un soldat américain qui souhaite l’épouser (pour lui permettre de fuir la RDA) et qui, pour que cela soit possible, lui fait faire une opération de réassignation sexuelle qui tourne mal. Et c’est ainsi qu’il obtient son « angry inch », fruit d’une opération ratée, et avec laquelle il tente de trouver une voie et un certain sens à sa vie et son identité brouillée. Et tout cela, quelques mois avant la chute du mur de Berlin, ce qui ajoute encore à la cruelle ironie de l’anecdote bien sûr.

Là où Hedwig est fabuleuse, et c’est ce qui m’avait tant marqué il y a presque 25 ans, c’est que c’est une personne terriblement mauvaise et vénéneuse, vraiment l’anti-héros par excellence. Je me rappelle à l’époque d’ailleurs des critiques qui pestaient contre une certaine transphobie, avec une approche aussi biologique de la transition et ce choix d’un personnage aussi négatif et en souffrance. Mais les années sont passées, et je pense qu’aujourd’hui cela passe mieux avec un regard rétrospectif, et parce que l’on a, alléluia, accès à des représentations qui nous ont enfin sorti des images de serial killer tordus.

Moi j’ai toujours trouvé qu’Hedwig transcendait cela avec son histoire singulière, et qui pour moi représentait à la fin du film une héroïne à laquelle, au contraire, je m’identifiais parfaitement (et qui m’a beaucoup apporté). Mais je peux comprendre bien sûr que cela ait pu encore ajouter à l’imaginaire « weird » de la transidentité de l’époque.

Hedwig est brillemment interprété au Café de la Danse par Brice Hillairet, et sa performance est tout bonnement hors-norme. Vraiment j’ai été subjugué par son talent, et par la manière dont il incarne ce rôle avec une justesse et une troublante authenticité. Il fait vraiment un grand honneur à John Cameron Mitchell, et est autant talentueux sur le plan vocal que le jeu ou la chorégraphie. On le suit surtout dans sa narration et toutes les émotions par lesquelles il passe du début à la fin. Et il emporte vraiment tout sur son passage, avec une énergie queer du désespoir et un panache de rockstar qui dépasse l’entendement. Les perruques, costumes et maquillages sont très proches de l’imagerie du film, et vraiment c’est une production tout à fait bien troussée.

Son côté méchant est en plus assez grinçant et fonctionne assez bien pour une scène parisienne (selon moi). Je n’ai pas pu m’empêcher de penser à cette vidéo de Jennifer Coolidge qui tourne aujourd’hui et à laquelle je ne peux que souscrire.

Le passage au français passe étonnamment très bien, sans doute aussi avec l’accent allemand d’Hedwig (qu’on a aussi dans la VO, et il explique bien qu’il suite la tournée de Tommy Gnosis en France), avec les chansons qui sont sous-titrées pour qu’on puisse bien suivre ce qui est raconté. On retrouve aussi certaines illustrations vidéo qui font penser à certaines scènes du film, et qui permettent d’enrichir le dispositif scénique. Car on est dans un truc assez dépouillé au final (une scène de concert un peu minable mais irrémédiablement rock et punk), mais on n’a vraiment pas besoin de plus.

Car on est vraiment dans une toute petite salle, et l’histoire devient encore plus crédible, on se retrouve à la vivre même si la chronologie n’est pas la bonne. Et en plus d’un brillant Brice Hillairet, Anthéa Chauvière, qui joue Yitzhak2, est très très bonne. Et les musiciens qui accompagnent ne sont pas en reste, ils ont une présence scénique remarquable en plus d’être de très bons instrumentistes.

Ce n’est pas compliqué, il s’agit d’un spectacle absolument remarquable qu’il faut urgemment aller voir !!! Vous ne serez pas déçu, c’est un show total et troublant, qui déploie une puissance à la fois rock, punk et poétique, résolument queer et qui ne ressemble à rien d’autre.

  1. A l’époque, on appelait ça comme ça. ^^ ↩︎
  2. Autre personnage dont je me souviens que le parcours était assez critiqué à l’époque dans l’image FtoM qui se révèle dans la détransition. ↩︎

Complexité comparée des conjugaisons

Quand un mathématicien approche la complexité des systèmes de conjugaison de plein de langues, ça donne David Madore qui, comme à son habitude, triture le truc et en sort des tas de choses passionnantes que j’ignorais sur les langues. Enfin si, on savait déjà que le français est horriblement difficile parce qu’on peut savoir le parler sans du tout savoir l’écrire correctement. ^^

A Gay Manifesto (Carl Wittman) : « Out of the closets and into the streets »

C’est en lisant l’article ci-dessous qui évoque ce singulier « Gay Manifesto » qui date de Stonewall (à priori écrit juste avant, mais Cy Lecerf Maulpoix explique que certaines mentions évoquent une écriture plus tardive), que j’ai découvert Carl Wittman.

Après quelques clics sur les Internets, j’ai trouvé le texte d’origine, et le voici pour votre propre curiosité ou édification. ^^

Ce truc est incroyable, et j’ai vraiment eu beaucoup d’émotion et quelques épiphanies en le lisant car ça pourrait carrément être un texte d’aujourd’hui. Et donc c’est aussi assez frustrant et cinglant, en même temps que c’est génial. Oui c’est génial de se dire qu’il y a encore une vraie filiation d’idées et de positions entre un pédé de 1970 et un pédé d’aujourd’hui, mais c’est terrible de se dire que l’on serine la même chose depuis plus de 50 ans, et que les changements ont certes eu lieu, mais ça reste tout de même encore un objectif non atteint. Evidemment cela résonne aussi particulièrement avec cet essai sur la « pédérité » que j’ai récemment évoqué, on pourrait vraiment y lire des lignes très similaires, ou même plaquées mots pour mots.

Il faudra que je lise le bouquin de Cy Lecerf Maulpoix qui offre une traduction de ce texte et surtout un commentaire qui doit être passionnant, mais c’est pas mal de d’abord le lire et se faire aussi son opinion (sans doute moins contextualisée car je suis loin d’être un spécialiste de l’histoire des mouvements LGBT). En tout cas, pour qui est un peu versé en anglais, ça se lit vraiment très facilement et ce ne sont que quelques pages de texte avec une forme très didactique et qui revêt vraiment cet effet « manifeste ».

Il y a d’abord cette introduction sur le rôle particulier de San Francisco pour les homos, et ça m’a irrémédiablement fait penser à ce que j’ai pu maintes fois écrire ici et ailleurs sur le rôle de Paris et du Marais pour moi pendant des années. Les choses ont bel et bien changé à ce sujet, et, comme SF aujourd’hui, Paris est moins le havre qu’il a été pour nous, mais ça reste une Mecque indéboulonnable pour les petit·e·s queers et torduEs qui cherchent l’émancipation.

Mais Carl Wittman commence son texte avec une métaphore forte et frappante en évoquant nos situations de « gay refugees » en parlant de SF comme « un camp de réfugiés pour gay ». Il évoque tous les américains qui ont fui de tous les coins du pays pour s’y retrouver, et c’est clairement assez analogue à Paris pour la France. Cette première métaphore est une des nombreuses qui émaillent le texte, et après une certaine solidarité avec la situation de personnes migrantes cherchant un refuge, il fait rapprochements sur rapprochements avec des luttes antérieures que ce soit celles des noires, des femmes ou plus étonnant l’écologie (en tout cas ça m’a étonné que ce soit un rapprochement aussi ancien).

Après le manifeste de manière très structurée propose plusieurs pistes de réflexions, et pour l’époque j’imagine que certains se décrochaient la mâchoire à lire cela, aujourd’hui heureusement la majorité des gens se dirait sans doute « bah oui hein ».

Donc d’abord Car Wittman explique des petites choses sur l’homosexualité, et des assertions évidemment essentielles pour expliquer ce que c’est et ce que ce n’est pas. On a donc tout une première partie sur l’orientation sexuelle, et notamment après avoir défini l’homosexualité, un second élément fort consistant à célébrer la bisexualité et on dirait aujourd’hui quelque part la « non binarité » dans les orientations ou la « pansexualité ». Il affirme avec une phrase qui m’a beaucoup fait sourire (mais à laquelle je souscris complètement) : « Les gays commenceront à se tourner vers les femmes quand 1) ce sera quelque chose de voulu et non d’obligatoire, 2) quand la libération des femmes aura transformé la nature des relations hétérosexuelles ». Et v’lan !!!

La seconde partie du manifeste est à propos des femmes, et en tout premier chef évidemment on regarde du côté de la cause lesbienne. Il reconnaît aussi que le machisme est un fléau chez les gays, et que la libération des femmes est une pierre angulaire du combat LGBT. Il évoque de manière très intéressante le rôle de la sexualité par exemple, qui chez les homos a plutôt été une source d’émancipation et un « symbole de liberté », tandis que pour les femmes une des origines de leur oppression. Et donc il y a nécessité à travailler avec ces alliées évidentes.

La troisième partie nous renseigne sur les « rôles » dans la société et les images perçues des différentes types de gays notamment. Mais il commence par fustiger le fait de vouloir rentrer dans le rang et d’imiter les hérétos dans leurs comportements, rites ou aliénations. Et évidemment le mariage dans sa forme actuelle n’est absolument pas prôné, on devra profiter de nos luttes pour le transformer et s’inventer peut-être de nouvelles manières de « faire couple ». Et ce qui m’a aussi beaucoup fait plaisir c’est de lire qu’il faut déjà à l’époque lutter contre la follophobie et cette sacro-sainte et détestable « bonne image ». Carl Wittman célèbre déjà les hurlantes, les drags et toutes les personnes « non conformes » qui sont au cœur de l’oppression et donc du combat.

J’ai été très étonné par l’insistance sur le coming-out et le fait que personne ne devrait être dans le placard, et que la finalité de tous les homos du monde est d’être « out ». Je suis vachement d’accord avec ça, mais ça m’étonne de le lire comme un des axes de libération aussi important. Mais d’un autre côté, à cette époque j’imagine que les militants devaient être super frustrés de se battre contre des moulins à vent, alors qu’ils connaissaient des tas de pédés dans le placard, et qui empêchait une visibilité dont on sait à quel point c’est une arme redoutable pour faire changer la société.

La partie suivante, sur l’oppression justement, détaille bien les stratégies ennemies, et c’est hallucinant de voir aussi comme c’est parfaitement actuel. Il suffit de voir les mouvements anti mariage pour tous d’il y a dix ans pour s’en persuader. Et on y parle aussi du grand danger de l’oppression « internalisée » (Self-oppression) par la propre communauté LGBT, celle qui notamment impose la « bonne image » et des statu quo par rapport à son propre cadre de référence et surtout son statut précaire de « parvenu ». On y comprend aussi toutes les luttes intestines et les dissensions qui ne sont que pain béni pour les ennemis de la cause.

La cinquième partie sur le sexe est un texte assez important et qui m’a pas mal étonné. Mais c’est vrai que l’on était dans une époque où la libération sexuelle n’était vraiment pas derrière nous, et à certains égards je vois bien qu’elle ne l’est toujours pas. Donc c’est aussi un élément clef du manifeste qui redit que le sexe c’est un truc sympa et pas sale. ^^ Mais il va super loin en disant qu’on doit remiser les notions d’actifs (pénétrants) et de passifs (pénétrés) et de toutes les notions de domination sociale qui s’y rapportent. C’est fou comme le texte évoque à chaque fois des choses dont j’ai l’impression qu’elles sont assez récentes, et pas du tout. (Bon, sachant que c’est Monique Wittig notre démiurge qui a tout inventé et déclenché de toute façon. Bravo les lesbiennes !!!) Et c’est marrant l’auteur va aussi jusqu’à évoquer les fantasmes sur l’âge ou la condition physique, et la nécessité de dépasser aussi ces carcans de nos propres mouvements.

La sixième sur nos ghettos est intéressante car elle reboucle déjà sur certaines notions. On y lit notamment qu’on crée ces espaces pour qu’ils soient sûrs et à notre image, et avec nos règles, mais qu’au final il y a récupération et exploitation par la société (et du capitalisme). On peut toujours être dubitatif sur celui-ci, car il faut à la fois être acceptant de tous et toutes, et utiliser aussi ces havres comme des lieux de médiation, de mélange, de sensibilisation et d’éducation, donc attractif pour tout le monde, mais gardant son âme… Un peu complexe à atteindre comme finalité.

La dernière partie se focalise sur ce qu’on appellerait aujourd’hui la « convergence des luttes », et c’est drôle et passionnant car il en fait des assertions très pratiques sur la manière dont on doit aborder les différents groupes. Donc on a des conseils de coalition et coopération avec les femmes, les noirs, les latinos etc. Et on n’est pas non plus dans l’ignorance de l’homophobie plus ou moins internalisée de ces groupes, donc ce n’est pas non plus le monde des bisounours, mais au contraire un positionnement assez rationnel et sérieux, et c’est assez épatant de se dire que 50 ans plus tard, on n’est pas loin d’écrire à peu près la même chose.

J’aime beaucoup le dernier groupe qu’il appelle les « homophiles », et qui sont aussi présents chez nous. Ce sont les gays les plus conservateurs et les moins militants en apparence, que certains taxent d’ailleurs de profiteurs (ils profitent des luttes sans faire aucun effort ou prendre aucun risque), et qui sont vraiment dans cette continuelle recherche de statu quo et de « bonne image » que j’exècre tant. Dans les années 50 à 80, c’était à peu près le terrain de l’association « Arcadie » et aujourd’hui ce serait pour moi GayLib ou L’Autre Cercle. Et il faut toujours raison garder, car on ne peut pas non plus être contre ces associations qui font aussi le job à leur manière. Roger Peyrefitte qui est un des fondateurs d’Arcadie est aussi l’auteur des Amitiés particulières qui est sorti en 1943, et dont on ne peut pas nier l’importance dans l’histoire du mouvement gay en France.

Et donc les conseils de Carl Wittman pour ce groupe :

1) réformistes ou minables1 parfois, ce sont nos frères. Ils progresseront comme nous avons progressé. 2) ignorez leurs attaques. 3) coopérez quand la coopération est possible sans compromission majeure. »

Encore une fois, c’est super actuel !! Et enfin la conclusion avec en résumé les 4 choses2 à retenir selon Carl Wittman :

1) Libérons nous : sortez du placard, lancez vous dans des activités politiques et défendez vous.
2) Libérez les autres gays : parlez tout le temps, comprenez, pardonnez, acceptez.
3) Révélez/libérez l’homosexuel en chacun : ce sera très difficile avec certaines personnes, mais il faut rester modéré et continuer à parler et agir librement.
4) Nous jouons un rôle depuis longtemps, donc nous sommes devenus des comédiens accomplis. Maintenant nous pouvons commencer à être nous-mêmes, et ça va être un très beau spectacle.

C’est vraiment marrant comme le coming-out était l’alpha et l’oméga de ce manifeste, mais après tout ça tombe sous le sens quand on se remet dans le contexte de 1969. L’existence même des LGBT et leur visibilité étaient la première pierre à l’édifice, et là au moins on peut se dire que oui les choses ont bien changé. ^^

Je vous mets aussi ce super document qui est publié par le même organisme « Red butterfly ». Il s’agissait de la cellule marxiste du New York Gay Liberation Front, et c’est passionnant de lire justement la convergence LGBT/anticapitaliste (et qui dans les faits atteint sa propre limite lorsqu’on lit le texte).

  1. J’ai beaucoup de mal à traduire « pokey », c’est peut-être une grosse erreur de ma part. ^^ ↩︎
  2. Encore une fois, une traduction très approximative ↩︎

Coucher de soleil nantais (huhuhu)

Bah oui, même depuis le balcon, on en voit de jolies choses. Avec la Grue Grise à gauche et le clocher de l’église Ste Anne, on a un chouette panorama de cette partie de Nantes. On est donc rentrés hier, et j’ai dû me lever ce matin pour trouver une pharmacie ouverte le dimanche, car j’ai oublié mon dernier flacon d’insuline en Bretagne, et évidemment j’en avais besoin hier soir. Normal !!!

Mais ça m’a permis de prendre une photo de Graslin tout juste atteinte par les rayons du soleil dans la matinée. Le grand sapin est toujours là, mais je suppose qu’il sera tout prochainement remisé avec les décorations de Noël.

Et depuis, je n’ai pas bougé d’un iota, car il fait froid et c’est dimanche, et c’est veille de reprise, donc dépression obligatoire. ^^

Sookie et Arya ont retrouvé leurs marques, et ont chacune repris leur poste d’observation favori pour observer discrètement le monde extérieur à travers la baie vitrée.

Le petit livre rouge

A l’été 2020, l’ami F. avait passé un peu de temps avec nous en Bretagne, et il promenait avec lui un curieux petit carnet rouge. Il nous l’a montré plus en détail, et il s’agissait d’un journal de bord et intime de son grand-père qui racontait jour après jour son expérience en Allemagne dans le cadre du STO. F. commençait déjà à décrypter la petite écriture manuscrite de son aïeul pour la retranscrire dans un document informatique. Et voilà qu’il a lancé un passionnant blog qui va publier tous les jours les textes qui correspondent au même jour à 80 ans près.

Samedi 1er janvier 1944, mon grand-père commence son STO dans le 3ème Reich. Il durera jusqu’à la fin de la guerre.
À son départ en 2009, il me laisse un petit livre rouge où chaque jour, il a gravé ses souvenirs d’une écriture minuscule.

Le petit livre rouge

Sol Invictus

Enfin on dit ça, mais c’était le dernier espoir ce soir, et je vais repartir à Nantes SANS un coucher de soleil digne de ce nom. NOM DE DIEU !!! ^^

Pourtant hier c’était vraiment bien parti avec ce ciel bleu et nuageux de compétition et une jolie lueur à l’horizon, vraiment très très prometteuse. Et autant quand on est arrivé, on avait eu des doutes.

Eh bien, quelques minutes plus tard on avait un truc carrément plus azuréen et enchanteur !!

Mais non, la bande nuageuse tout en bas, était bien trop opaque, et même si depuis la plage ça rendait plutôt bien, ça n’en reste pas moins un simulacre de coucher de soleil. Hu hu hu.

Et ce soir, même combat avec un ciel encore joliment nuageux et éclairé, mais cette fois depuis Kerabas à Moëlan, on avait de chouettes reflets… Rien de plus. Rhaaaaaa. Hi hi hi.

JE R’VIENDRAI !!!!!