Symphonie n° 7 « Leningrad » (Dmitri Chostakovitch) par l’Orchestre national du Capitole de Toulouse

Je ne connaissais pas vraiment cette symphonie (et le compositeur que de nom en réalité), et j’ai juste écouté ça deux fois avant de venir à la Philharmonie. Mais c’était l’occasion d’écouter une personne que je suis sur les Internets et qui est violoniste dans cet orchestre. Je ne connaissais pas non plus Tugan Sokhiev, mais les applaudissements nourris à son égard m’ont fait dire que ce n’est pas loin d’être une rock-star dans son domaine. ^^

Et puisque c’était la soirée des découvertes, j’étais en catégorie 2 et juste au premier rang, bille en tête dans les cordes !! Ce n’est pas vraiment la position idéale pour avoir une écoute équilibrée et la plus harmonieuse, mais il n’y a pas à dire : c’est une expérience incroyable pour vivre au cœur des instruments, et même si j’ai perçu « plus fort » la partie de l’orchestre dont j’étais le plus proche, j’ai eu l’occasion de voir de plus proche que jamais les instrumentistes et tous ces incroyables artisans de la Grande Musique1.

En plus, j’étais plutôt bien placé avec un violoniste assez agréable à regarder pendant 1h10. ^^

Ensuite, la symphonie en elle-même était une merveilleuse pièce à ressentir comme cela en « live ». Et pour une fois, en tout cas c’est assez rare pour le signaler, le programme était très intéressant et un vrai vademecum pour accompagner les morceaux. On comprenait déjà le thème « Leningrad » et toute la complexité des relations du compositeur avec le régime soviétique. Donc cette symphonie pouvant à la fois être une célébration de la résistance de Leningrad contre les allemands pendant la seconde guerre mondiale, mais également l’image de ce qu’elle a elle-même subi du régime stalinien quelques années auparavant.

On pouvait y lire également une description plutôt bien fichue (parce que proposant des pistes d’interprétation, mais sans fioriture ni style ampoulée, et même avec du conditionnel, d’un commissaire d’exposition qui aurait trop fumé) qui permet de s’y retrouver dans les différents mouvements, et qui donne quelques métaphores possibles avec la guerre ou les émotions que la ville a pu susciter à l’auteur. Cela m’a permis de suivre correctement le spectacle et j’ai l’impression de vraiment bien en profiter.

J’ai vraiment été conquis par deux passages très différents, mais les deux sont superbes selon moi. D’abord c’est ce truc tellement pompier que ça ne pouvait que me plaire. Dans le premier mouvement, j’avais lu qu’on avait une partie qui était analogue au fameux (et répétitif avant l’heure) Boléro de Ravel, c’est à dire un truc qui commence petit, avec un motif musical reconnaissable, et puis une amplification progressive, avec des instruments en plus, et une répétition de plus en plus forte, ample et emphatique. Et là la tronche dans un orchestre philharmonique, je peux vous dire que ça donnait à fond les ballons !! On est clairement dans une sorte de marche militaire qui finit dans une apothéose qui est à la fois jouissive, bordélique et l’annonce d’une destruction complète de toute vie. Mais il y a eu à ce moment un élan assez fantastique, et les musiciens étaient à fond et avaient l’air de bien prendre leur pied aussi (l’autre avantage d’être à deux centimètres de leurs pompes).

Il y a eu plusieurs moments comme cela, mais pas aussi forts, et cette symphonie N°7 n’est au moins pas du tout un truc chiant ou atonal (je n’ai rien contre, mais parfois c’est chiant ^^ ), c’est au contraire une vraie musique de film qui raconte énormément de choses. J’ai aussi beaucoup aimé un passage principalement concentré sur les violons et les cordes dans le troisième mouvement, c’était très très mélodieux, puissant et romantique à la fois, un truc qui m’a plongé dans un moment et un état très singulier, difficile à décrire.

Et puis, il faut tout de même saluer Tugan Sokhiev qui a donc été applaudi à tout rompre avec ovations d’une foule en délire (sans déc). Le chef d’orchestre était vraiment incroyable, et encore une fois l’avantage d’avoir le nez sur les musiciens c’est que j’ai parfaitement vu son jeu à lui. C’était fascinant et très instructif quelque part, il a un charisme incroyable et une vraie emprise sur l’ensemble des musiciens. Son regard et les mouvements de son visage étaient sans cesse en agitation et en train de diriger autant qu’avec les inflexions de ses mains. Et la symphonie se jouant quasiment non-stop pendant 1h10, c’est un tour de force qui doit l’avoir complètement mis sur le carreau.

Je n’avais jamais entendu l’orchestre national du Capitol mais clairement ce ne sont pas (littéralement) des petits joueurs. ^^ Bon après, c’est l’avis d’un sacré béotien, mais c’est le mien. Hu hu hu.

  1. Comme disait ma grand-mère pour la musique classique. ^^ ↩︎

Zaho de Sagazan au Zénith de Nantes

L’album tourne en boucle depuis plus de six mois, mais c’était la première occasion de voir Zaho de Sagazan en concert, et j’étais curieux de voir ce que cela pouvait donner. Je ne venais pas avec des idées dingues me disant que c’était une jeune chanteuse de 24 ans, et que ce serait peut-être un peu vert. Avec un premier album (génial) et des récompenses récentes qui l’ont propulsé un peu rapidement, cette tournée des Zéniths paraît un sacré défi.

Mais je l’aime énormément cet album et j’en connais vraiment toutes les chansons par cœur, c’est vraiment pour moi l’équivalent d’une révélation comme Juliette Armanet, et surtout Clara Luciani. On avait eu une pub importante par nos amis à Nantes, car elle est de St Nazaire et déjà assez connue sur la place nantaise. Inutile de dire donc que le Zénith hier était blindé et les gens chauds-bouillants (chauvinisme oblige) !

Le début du concert est parfois mais pas surprenant, et même plutôt convenu. Elle égraine ses chansons, et c’est assez classique mais d’une excellente tenue. On a une chanteuse qui a une voix exceptionnelle, et qui en joue avec une facilité déconcertante. Les accents électros de sa production musicale donnent une ambiance de concert à la fois dansante et planante, car les morceaux n’appellent pas spécialement à se remuer. On profite en revanche d’une superbe diction, d’une voix qui dépasse la musique (qui pourtant est assez « forte »), et une plasticité dans le chant qui m’a rappelé Lady Gaga d’une certaine manière (dans cette apparente facilité à monter en gammes et à rester d’une justesse dingue).

Mais, surtout, voilà que se déploie une chanteuse joyeuse et pimpante, qui raconte des trucs drôles, qui est absolument heureuse d’être là, et d’une générosité qui émaille tous ses gestes et toutes ses paroles. C’était un tour de chant admirable et technique, fidèle à ses enregistrements, mais son charme opère d’une telle manière que le concert devient plus intime, plus émouvant et prend une dimension plutôt inattendue. En tout cas, on repassera pour l’artiste un peu verte et immature qui tente un premier truc. Non c’est une artiste déjà accomplie à sa manière, qui n’a pas l’once d’une trace de trac et qui a l’air de follement s’amuser à faire la Lorelei devant quelques milliers de fans.

Les versions rallongées et orchestrées pour le concert sont géniales, et je n’ai eu aucune déception, absolument aucune. Tristesse est évidemment un point d’orgue majeur du concert, et ces milliers de personnes qui scandent : « Marionnettiste je suis, et sûrement pas l’inverse… Marionnette on naît et on le reste. Marionnette on est et on déteste… », bah ça le fait grave !!! ^^

Et le morceau « Ne te regarde pas » arrive, mine de rien, car elle est une chanson assez mineure de l’album selon moi. C’est sans doute pour cela que Zaho transforme ça en un manifeste fou qui enjoint le public à se lâcher, et à danser de toute l’énergie du désespoir et d’autre chose de très vivant et captivant. Alors l’ambiance change du tout au tout, car la musique se fait techno allemande industrielle, et d’ailleurs elle évoque une ambiance berlinoise et elle cite Kraftwerk à qui on pense évidemment. Elle se démonte alors pendant de longues minutes avec des accents à la Chemical brothers, et une techno qui assomme tout le public, alors qu’elle court d’un bout à l’autre de la scène, et se tort littéralement (et corporellement) devant nous.

Les accents allemands continuent et se précisent alors qu’elle crie littéralement « Hab sex mit mir », puis carrément le classique des années 80 outre-Rhin 99 Luftballons. Et ça se termine par un tour de salle du Zénith comme un tour de stade, en contact physique avec le public pour un original Ah que la vie est belle de l’inénarrable Brigitte Fontaine.

Impossible de s’attendre à un truc comme ça, et surprendre autant à cet âge est tout de même de bon augure pour la suite !! Je me demande si ce tournant techno germanique est un avant-goût de la suite, mais pourquoi pas ? En tout cas je vais suivre la jeune femme avec tous les égards dus à son talent déjà bien affermi, et on voit qu’elle en a sous le pied. ^^

Trilogie Cocteau / Philip Glass à la Cité de la Musique

J’étais content de réussir à dégoter des places pour ce spectacle. C’était vraiment très original (et réussi) d’avoir comme cela une sélection de morceaux tirés de trois opéras de Philip Glass adaptés de films de Cocteau, et interprétés en solo par deux pianos. Et les deux pianistes en question sont deux sœurs virtuoses qui ont montré là l’étendue immense de leur talent. Elles sont tout de même un peu flippantes à jouer les sœurs siamoises, mais si c’est leur kif. ^^

Come and play with us, Danny!

Ce n’est pas tout car la promesse était encore plus « intense » avec l’annonce d’une scénographie, et même d’un complément olfactif original par des diffusions de parfums spécialement concoctés pour l’occasion. Bon, et là le bât blesse…. La scénographie c’était ce lustre en néon qui fluctue de temps en temps, et passe d’un couleur froide à un peu plus chaleureuse (et en couleurs pour la dernière partie). Je m’attendais en effet à un truc un peu moins minimaliste, je l’avoue (bien entendu le minimalisme de la musique est utilisé comme justification). Et même si l’on faisait bien le lien avec la Belle et la Bête, je ne vois pas trop celui avec Orphée ou Les Enfants Terribles. si vraiment le truc (qui dans l’absolu est très bien) avait eu un vrai rôle pour souligner certains moments ou illustrer des passages, pourquoi pas. Mais là c’était juste un PNJ.

Et les parfums c’était trop anecdotique, avec encore une fois un accord de roses bien sentis (hu hu hu) pour La Belle et la Bête dont la fleur est un personnage en tant que tel. Mais le reste, bah ok j’ai lu le programme, mais c’est le genre de textes boursoufflé et emphatique qui fait peur, et là à raison.

Mais heureusement le cœur d’un tel concert c’est la musique, et la qualité était au rendez-vous. Je ne suis pas un grand fan d’Orphée ou de la Belle et la Bête de Glass, mais Les Enfants Terribles vraiment j’aime beaucoup. J’avais déjà vu l’opéra en entier il y a 15 ans, et l’entendre ainsi avec ce double piano fut un plaisir immense. Et donc ce dernier morceau a complètement remporté mon adhésion. Et je salue vraiment l’appropriation très enlevée et « passionnelle » que les interprètes ont parfois apporté à une musique à la base minimaliste, et pouvant aussi être jouée de manière un peu plate et sans âme. Au contraire, ce fut un moment très fort, à l’image de l’opéra lui-même, avec une énergie superbe et un hommage très cool à la partition de Glass.

Parfums d’Orient à l’Institut du Monde Arabe

Il s’agissait de la grande exposition de l’Institut du Monde Arabe (par rapport à la plus petite avec Etienne Dinet), et j’étais dans les prolongations car nous sommes dans les tous derniers jours pour la voir. C’est vraiment l’exposition thématique typique de l’IMA, et en général ils réussissent à merveille ce genre d’exercice. Eh bien là encore, c’est une parfaite exécution et une exposition passionnante, intéressante, pédagogique et qui fleure bon !!

Car en plus de présenter des objets anciens, des œuvres plastiques contemporaines et des explications culturelles, le musée propose aussi de sentir les odeurs et parfums qui sont évoqués. Cela donne une visite très contextuelle et dont l’expérience est principalement olfactive, ce qui permet vraiment de comprendre ce dont on parle, et de susciter de vrais connexions entre ce qu’on visite et ce qu’on y sent (avec le nez).

On commence par la base, et par les éléments constitutifs des parfums d’Orient avec l’encens, l’ambre grise, le musc ou l’oud, et pour chacun on peut voir à quel point ces ressources antiques étaient prisées et la base des senteurs des peuples de l’époque. Mais surtout on peut les sentir, et c’est un expérience en tant que telle d’humer des odeurs aussi fortes, et qui sont des marqueurs comme les couleurs primaires le sont au milieu d’une palette aux milliers de couleurs. Ces substances olfactives, avec à côté des fleurs qui complètent le répertoire de l’époque (oranger, jasmin et safran), sont les bases de toutes les senteurs « composées » et sont encore aujourd’hui des éléments essentiels à l’industrie du parfum.

On voit d’ailleurs des objets qui illustrent aussi ces antiques pratiques, que ce soit avec une tablette cunéiforme qui donne une recette de parfum.

Ou ce bas relief égyptien qui décrit le processus de fabrication du parfum.

On va aussi passer par des endroits avec des évocations très fortes, mais sans odeur cette fois. J’ai beaucoup aimé cette série de photographie (dont celle en tête du post) grand format (échelle 1:1) qui nous immerge dans des échoppes où la simple vision nous permet presque de sentir les épices qu’on y trouve.

On passe ensuite à des périodes encore antiques puis moyenâgeuses, avec des améliorations techniques majeures et géniales qui permettent de distiller des essences et d’inventer de nouveaux parfums indispensables au monde entier.

On a aussi quelques éléments plus culturels sur les hammams et leur lot de senteurs, et même de « socques » que certaines Drag-Queens ne rechigneraient pas à porter en boîtes. ^^

Bref l’exposition est d’une immense richesse, et fait aussi le pont avec des représentations plus occidentales et chrétiennes, comme cette statue de Marie-Madeleine qui est justement reconnaissable par l’attribut du vase de nard.

Il y a aussi de la place pour les épices, et quelques œuvres contemporaines que j’ai bien aimé qui célèbrent la cuisine orientale et ses odeurs appétissantes. Au-delà des choses à sentir, il y avait cette sorte de mandala de sable qui est réalisé en épices orientales et dans une forme traditionnelle de pavements palestiniens. L’œuvre est évidemment éphémère et évoque là la fragilité du peuple palestinien…

Je trouve toujours assez génial ces expositions thématiques qui mêlent art antique et moderne, artisanat et cultures immatérielles, et là pour les parfums c’était particulièrement idoine d’essayer d’ajouter une dimension plus abstraite encore aux odeurs. Je suis sûr que ça a encore dû être un « hit » de fréquentation pour le musée, et c’est tellement mérité.

Étienne Dinet, passions algériennes à l’Institut du Monde Arabe

Je ne sais pas si beaucoup de français connaissent Étienne Dinet (1861-1929), moi je l’ai découvert lors de cette exposition, mais apparemment il est éminemment connu en Algérie, et est étonnamment réputé et apprécié pour un peintre français orientaliste. Mais quand on sait qu’il était absolument amoureux de l’Algérie, qu’il s’est converti à l’Islam et qu’il a souhaité être enterré là-bas, on comprend sans doute mieux ce curieux pont entre nos deux pays. Et de ce que j’en ai lu, il a lutté toute sa vie durant non pas contre la colonisation, mais pour une prise en compte plus égalitaire et fraternelle des algériens dans la France de son époque.

Et il est également positivement considéré par son œuvre car tout en étant un orientaliste, il n’a pas concentré ses thèmes et ses peintures sur des aspects outrageusement exotiques des populations locales. On a au contraire une peinture très naturaliste et réaliste qui cherche à capturer l’essence des algériens qu’il a connu, rencontré et vécu avec. Et vraiment j’ai pu constater cela avec plaisir lors de l’exposition, un peu comme cette première image dépeignant un conteur (meddah aveugle) qui charme ses auditeurs par son récit (1922).

Je dois aussi avouer un sentiment tout personnel car Étienne Dinet a porté son dévolu sur une région qui m’est chère. Il s’installe en effet à Bou Saâda qui est une oasis aux portes du désert, et il est enterré là-bas. Or c’est à 100km d’où mon grand-père est né et a vécu, et l’exposition a aussi été pour moi une de ces occasion qui nourrit mon imaginaire. Plusieurs tableaux dépeignent cette région des Zibans, et notamment Biskra, qui est donc aussi ma région d’origine (1/4 de mon merveilleux patrimoine génétique donc), aujourd’hui surtout connu pour l’excellence de ses dattes, et j’ai adoré avoir une vision de ces paysages, ces visages et des ambiances qui correspondent exactement à la jeunesse de mon grand-père (1905 à 1928) avant son arrivée en métropole.

L’Oued de Bou Saâda en crue (1890)

Et il y a ces visages qui m’ont tant plu, car je retrouve vraiment les traits de mon grand-père et de ses sœurs, les mêmes tatouages sur le visage, et même certaines typologies dans les gestes ou les vêtements. C’était très émouvant et touchant de voir cela.

Mes grands-tantes Aïcha et Fatima au tout début des années 80.

J’ai beaucoup aimé ses dessins qui capturent les visages très finement et avec une troublante beauté.

Et il y a ce très beau tableau de Dinet qui est son plus connu en Algérie. Il y a beaucoup de peintures qui montrent des relations intimes entre hommes et femmes, ce qui peut apparaître comme troublant en comparaison de la situation actuelle, beaucoup plus puritaine et pour laquelle la mixité a énormément reculé. On a aussi des peintures qui clairement représentent des prostituées et qui figurent des quartiers « chauds » de l’époque.

Esclave d’amour et Lumière des yeux : Abd-el-Gheram et Nouriel-Aïn (légende arabe) 1900

Le style a un peu vieilli, et ce n’est pas spécialement ma tasse de thé, mais c’est vraiment plaisant de trouver une peinture de l’Algérie avec autant d’allégresse, de couleurs chatoyantes dans les habits et les accessoires, d’une vie quotidienne bouillonnante où se croisent les hommes, les femmes et les enfants. Il montre aussi régulièrement des situations plus religieuses, mais avec encore beaucoup de beauté, de sérénité et de mixité.

L’exposition est une magnifique rétrospective de l’artiste, avec également des éléments de son œuvre plus éditoriale (livres, affiches, illustrations), et qui donnent encore plus à voir et apprécier ce sud algérien de mon grand-père, si mystérieux et intrigant pour moi (et pas qu’exotique je vous rassure).

Revoir Paris

Cela faisait longtemps que je n’avais pas passé une semaine complète à Paris (si je compte Osny aussi ^^ ), et c’était une bonne occasion de renouer avec la capitale, d’autant plus que le chéri était là aussi une bonne partie de la semaine, et qu’on a pu squatter l’appartement d’une copine, ce qui nous a donné un doux sentiment de toujours habiter là.

J’ai arrêté assez tôt de bosser hier pour aller faire une bonne balade dans Paris comme avant. C’était bien sympa de profiter comme cela de mon ancien port d’attache, je n’aime rien autant que de marcher et flâner dans une ville. Et Paris a tant à offrir, tant en architecture moderne ou ancienne. Je me suis plu à me faire les expositions de l’Institut du Monde Arabe dont la façade du bâtiment est une des beautés de cette ville.

Et comme un étrange mélange d’ancien et de moderne, c’est le triste échafaudage de Notre-Dame même si le panorama des bords de Seine n’a rien perdu en superbe et magnificence.

Et il suffit d’un brin de soleil dans cette mer de nuages, et d’une coïncidence heureuse pour que Ste Geneviève, protectrice de Paris, du haut du pont de la Tournelle, soit particulièrement bien mise en valeur.

Bon, en revanche, le métro blindé à 23h, les bagnoles omniprésentes, les bruits assourdissants dans les rues, et le stress qui suinte par tous les pores de la ville ne sont vraiment pas des trucs qui nous manquent. Content de rentrer à Nantes tout de même (bon oui, ok les chattes nous manquent). ^^

La Grisette et la Drag Queen

Rencontre improbable certes, mais qui m’a fait sourire quand j’ai vu où nous avions rendez-vous hier. Mais une occasion de voir la Grisette est forcément une bonne occasion, et quand en plus il y a un drag show dans l’équation, alors que demande le peuple !!!? ^^

Je remarque d’ailleurs qu’avec les années, la Grisette a enfin été à la fois nettoyée et est protégée, mais en plus elle est bien mise en valeur, même la nuit, et on ne retrouve plus les poubelles à ses pieds ou des buissons phtisiques. Je sais que c’est une œuvre tout à fait mineure, mais vous savez aussi si vous me suivez que je l’aime beaucoup beaucoup, autant dans sa représentation formelle que dans la mise en valeur d’un certain symbole.

Grisette (femme)
Le mot grisette désignait avec condescendance, du xviiie au xixe siècle, une jeune femme vivant en ville de faibles revenus, ouvrière de la confection, dentelière, employée de commerce, réputée sexuellement accessible.

Définition du mot Grisette sur Wikipédia

Mais donc à quelques mètres de là, on peut trouver un bar queer (We Are Brewers), qui brasse ses propres bières, et qui présentait un spectacle de Drag-Queens. L’hôtesse de cette soirée est Quetzal, et on a pu voir une des compétitrices de la S2 de Drag Race España : Jota Carajota.

Martin Luminet à la Cigale

On avait été tellement enchanté par son Café de la Danse il y a quelques temps, qu’on avait vraiment tenu à voir Martin Luminet nous refaire son concert mais cette fois à la Cigale. Car l’effet « je passe à la télé » a évidemment fonctionné, et apparemment il a rempli sans trop de souci cette belle scène de Pigalle.

C’était encore un très beau spectacle et c’est vraiment un grand plaisir de le voir se donner sur scène avec une énergie superbe, et toujours cette noirceur dans les paroles qui contraste avec son ironie et son grand sourire charmeur. Forcément dans une salle pareille, la force du public est intense, et j’aime bien la Cigale, qui reste un établissement modeste, qui propose un théâtre de revue fin 19ème classique avec une forme de cocon qui permet vraiment de bien profiter du spectacle et d’avoir cette « intimité de foule » (bel oxymore ^^ ).

Il y a eu un petit moment d’anthologie humoristique alors que le chanteur a proposé de casser l’ambiance avec diaporama de personnalités dont le moins qu’on puisse dire est qu’il ne s’agissait pas du tout d’un panégyrique.

Et vraiment, quelle pêche et quelle vigueur sur scène, c’était parfaitement communicatif et très appréciable.

MONDE de Martin Luminet

Après si je fais la fine bouche, je vois les changements depuis qu’il est avec une maison de disque, et je crois que j’aimais beaucoup le petit qui débarquait avec sa prod imparfaite. On commence à voir poindre un vernis marketing qui n’était, selon moi, vraiment pas nécessaire à son éclosion. Mais bon c’est dans l’ordre des choses.

La fin était aussi un peu bordélique peut-être pas super menée, avec des chansons en duo pas terribles, des impros qu’il aurait peut-être dû éviter. Alors que finir sur MONDE était, je pense, un peu dans les esprits de tout le monde, et aurait été une plus grande apothéose que là. Mais je fais mon chieur, je reconnais.

Coronavicissitudes

J’ai brièvement évoqué le déficit d’assiduité de ces quelques années dans mon post des 20 ans du blog. Et je me suis promis à moi-même de remettre cela d’équerre. Oui c’est tout à fait inutile, donc c’est obligatoire et essentiel. Mon blog, depuis 2003, a toujours été pour moi un web-log c’est à dire un carnet qui liste et compile littéralement mes activités. Et l’idée ça a toujours été d’avoir la trace des films vus au cinéma, des bouquins lus, des expositions visitées et des concerts vécus.

De 2013 à 2019, quand j’ai eu une énorme flemme d’écrire (comme tous mes congénères), j’ai malgré tout noté mes brouillons d’article dans un fichier (puis une note en ligne). Au minimum, j’ai conservé la mémoire de toutes ces activités culturelles. Parfois je rattrapais, et parfois pas ! J’ai aussi sans doute dû en manquer quelques-unes, mais grosso modo j’ai la grande majorité encore sous le clavier.

Avant de rattraper ce retard sous forme d’une compilation thématique par type d’activités (je vais essayer de faire appel à ma mémoire pour des évocations très brèves), je me suis posé la question de ma productivité au cours de ces 20 dernières années. J’ai d’abord regardé la production mensuelle (nombre d’articles en ordonnée), mais ce n’était pas très explicite.

Bon, on se rend bien compte que les premières années ont été fastes, et que ça merde entre 2009 et 2019, mais ça ne traduit pas si bien que cela les tendances générales. On voit aussi toutes mes tentatives de m’y remettre, qui souvent sont marquées sur un mois ou deux avec une production exceptionnelle, avant de retomber bien bas. Mais vraiment, la vision simplement annuelle me paraît plus intéressante (toujours le nombre d’articles en ordonnée).

2003 était beaucoup plus faible que ce que j’imaginais (même si le blog a démarré en avril), mais 2004 (449 posts) et surtout 2005 (619 posts) et 2006 (615 posts) marquent le pinacle de cette aventure. Après 20 ans, je vois bien que la bonne santé du blog correspond à peu près à un post par jour (pour la partie weblog et celle un peu plus libre où je m’exprime sur d’autres sujets dont MOÂ). Et en réalité un peu moins, donc autour de 300 articles par an c’est une marche que je vise.

C’est cette vitesse de croisière qui correspond aussi à l’habitude d’écrire, et à la gymnastique essentielle à entretenir pour remettre l’ouvrage sur le métier sans trop ahaner1.

Mais que s’est-il donc passé en 2007 (480 posts) ? Certes Facebook est arrivée cette année là, et ça a été aussi une première vague côté Twitter, mais les blogs avaient encore largement le vent en poupe, et la Grande Conversion n’était pas encore dans la ligne de mire. Je vais vous dire ce qui est arrivé : le chérichou. Le Péruvien est arrivé, et baaaaam ma productivité qui se barre en couilles. Hu hu hu.

C’est simplement que j’étais très amoureux (mais je l’étais aussi avant, car je suis amoureux en continu depuis très longtemps), et qu’il lisait le blog, et pour la première fois depuis quelques années, je ne pouvais plus me permettre de me raconter comme je le faisais. En tout cas, c’était beaucoup moins croustillant et j’avais moins de plans cul à raconter quoi. Mais ça reste une activité soutenue, et 2008 (361 posts) et 2009 (314 posts) sont bien dans cette moyenne que je trouve un bon compromis entre une activité qui reste un plaisir, mais pour laquelle je fournis des efforts substantiels, et qui malgré tout ne me bouffe pas tout mon temps libre.

Mais la suite, 2010 (145), 2011 (104), 2012 (104), 2013 (147 posts2) c’est la dégringolade, et avec 2014 (17) et 2015 (5) c’est la fin des haricots. C’est le cœur de la période de fin des blogs avec un report absolument massif sur les réseaux sociaux, là où sont parties toutes les conversations, les commentaires, les échanges, et là où tout est facilité pour poster, échanger, se connecter en un clic, là où on constitue de merveilleux profils marketing de nos existences pour mieux nous faire cibler en termes publicitaires, et bien d’autres usages viciés et dévoyés. C’est aussi une convergence des usages, avec les blogueurs qui migrent sur les réseaux sociaux, et une grande et large adoption des réseaux sociaux par tout un chacun.

Cette grande faiblesse de 2014 (17 posts) et 2015 (5 posts) s’explique aussi par ces listes d’articles en brouillon qui me donnaient au moins bonne conscience, en me disant que j’avais bien le temps d’écluser ces articles pour plus tard. Finalement j’ai passé ces deux ans, à noter simplement ce que je voyais au ciné ou au théâtre, mais en n’écrivant presque rien, et en ayant de plus en plus la flemme, puis une sorte de blocage à de nouveau m’épancher en ligne. Pourtant 2014 c’était l’année de notre mariage, 2015 le voyage de noces, et évidemment les attentats qui m’ont pourtant énormément touchés.

En 2016 (116 posts), j’ai voulu me rattraper mais en réalité je n’ai blogué que sur 4 mois, à chaque fois par à-coup comme pour reprendre du poil de la bête, mais pour mieux renoncer ensuite. La suite y ressemble même si j’essaie quelques stratagèmes, notamment de poster mes photos Instagram histoire d’avoir des archives ici, et de les retrouver plus facilement. Mais la production n’est pas faramineuse. 2017 (81) et 2018 (76) sont des années de vache maigre, mais avec toujours une certaine motivation, et un espoir pour des jours meilleurs. En plus, les réseaux sociaux s’essoufflaient, tous les teubés les ont envahi, et les blogs étaient de nouveaux plébiscités sans pouvoir trouver un nouvel élan. 2019 avec seulement 26 articles aurait pu sonner le glas, mais 2020 est arrivé.

Et qu’est-ce qui est arrivé en 2020 ? Mais le confinement suite au COVID-19 dès le mois de mars bien sûr !!! On a eu pour la plupart beaucoup de temps enfermé chez nous, avec beaucoup moins de boulot, une période d’incertitude, d’angoisses existentielles et de sentiment de répétition générale de fin du monde. Et les blogs se sont remis à vivre !!! Et hop, en 2020 : 375 articles.

Bien sûr, certains sont depuis retombés en somme prolongé, et d’autres ont jeté l’éponge, mais moi ça m’a permis de reprendre une vraie hygiène de blog, à systématiser le fait de poster des photos, à m’astreindre à écrire sur ce que je vois, lis, visite, quitte à de la redite, à des trucs un peu bâclé parfois. Mais ce qui compte c’est que trois ou quatre fois par an, j’écris un truc que je trouve sympa au milieu de ce fatras.

389 articles en 2021, un peu moins en 2022 avec 168 posts, mais une bonne reprise en 2023 avec 345 posts. Je trouve que c’est un bon rythme de croisière, et j’espère bien le tenir. Après si ça foire, bah ça sera pas la première fois.

Mais j’ai toujours la foi. ^^

  1. Un peu comme le sport que je honnis de toute mon âme quoi. ^^ ↩︎
  2. Le rebond s’explique par pas mal de posts à propos de la Manif pour Tous et des manifestations en faveur du Mariage pour Tous. Quelle année singulière et mouvementée à ce sujet !! ↩︎