Le Sphinx des Escaliers

J’ai profité de quelques jours à Paris pour passer voir ma môman, et donc voilà le petit Obi-Wan qui se montre sous son meilleur jour en m’observant stoïque depuis les escaliers. C’est le matou de l’hiver avec son poil et son embonpoint, et c’est un sacré phénomène !! Il est surtout d’une beauté à couper le souffle, et il en use pour rendre ma maman corvéable à tous ses désirs. ^^

Ah sinon, bah je suis passé par la Viosne en rentrant depuis la gare d’Osny. Bah oui hein.

Dune (2ème partie)

Après un premier opus plutôt réussi, il faut avouer que Denis Villeneuve a bien transformé l’essai ! Cela donne un ensemble tout à fait réussi, et qui a son propre intérêt et singularité par une adaptation qui n’est pas que littérale vis-à-vis des bouquins. Après, je reste très épris du film de Lynch qui est et restera une référence indispensable pour moi, mais j’avoue que ces deux premiers films sont redoutablement efficaces et bien troussés.

Je reprocherais peut-être quelques longueurs à ce second film, ou bien en tout cas des détails qui ne me paraissaient pas si nécessaires que cela. Dans le film de Lynch on a des ellipses dingues pour tout faire tenir en deux heures, mais là il me semble qu’au contraire, on a des tas d’explications qui me paraissaient un chouïa superflues. Je ne voyais pas l’intérêt par exemple d’en savoir autant sur Feyd et toute cette partie « gladiateurs » sur Geidi Prime, de même avec Lady Fenring (Léa Seydoux est plutôt bien). Mais c’est sûr que ça complète vraiment bien la vision des Bene Gesserit et leurs impacts sur les filières génétiques de toutes les planètes. Mais voilà, j’ai trouvé que parfois ça tirait un peu en longueur.

Globalement j’ai trouvé Timothée Chalamet en Paul pas mal mais toujours pas super convaincant, un peu « meh ». En revanche, Zendaya délivre une superbe Chani, le personnage est remarquablement interprété, mais aussi bien écrit. J’aime beaucoup qu’elle porte cet anticléricalisme forcené, et qu’elle lutte aussi clairement contre ce que Paul représente. C’est selon moi une des meilleures facettes du film, et qui représente un élément très intéressant (complètement absent du Lynch), on voit clairement comment la conquête par la religion et les croyances s’est effectuée, et la puissance que cela revêt.

Evidemment, c’est encore prouesse sur prouesse pour les effets spéciaux et la photographie du film, vraiment il n’y a rien à redire à ce sujet. Et globalement, l’action est soutenue, le film mêle bien les scènes d’action et l’aide à la compréhension de ce micmac politico-économico-logistico-mystico-génétique assez confus à la base (il faut l’avouer ^^ ).

Je fais encore des comparaisons direz-vous, mais par rapport au film de Lynch il m’a manqué un peu de panache pour certains moments. On est évidemment dans un film plus moderne et moins « hollywoodien » ou manichéen, mais clairement pour moi les éclats du Baron Harkonnen (j’ai été assez déçu globalement par le personnage de ce film-ci malgré le talent de Skarsgård), le charisme méphitique de Gaius Helen Mohiam (Get out of my miiiiiind!), Alia qui tue le baron à la fin en pleine extase ou même les amours de Paul et Chani, ou bien le regard prescient de Paul à la fin… Bref tout ça m’a marqué, même si c’est un peu pompier, ce sont des marqueurs importants. Là, j’ai trouvé que c’était certes très intéressant et bien ficelé, mais ça pouvait me manquer un peu de points d’orgue qui retiennent l’attention et restent en tête.

C’est étrange ce changement de temps, c’est à dire avoir considéré que Paul ne met que quelques mois à devenir l’Élu, et donc Alia reste uniquement dans Jessica. Dans le livre ou le film de Lynch, il s’agit de quelques années, et donc Alia est une enfant (avec toutes ses caractéristiques singulières de mini Révérende Mère) et on comprend que Paul se soit complètement mué en combattant Fremen, et grimpe pas à pas les échelons de la communauté du désert. Je ne sais pas trop ce que Villeneuve a voulu insinué avec ce rapport au temps là, même si c’est assez tripant de voir Anya Taylor-Joy jouer le rôle dans une vision de Paul (elle sera géniale dans la suite !!).

Maintenant j’ai très envie de revoir les deux à la suite l’un de l’autre. Et il est clair qu’on a enfin réussi à avoir une adaptation digne de ce nom, ce qui est un exploit au vu des tentatives précédentes1 !!!

Je vous conseille le super article de Leto (qui porte bien son pseudo) qui trifouille et capillotracte habilement les différences entre bouquin et film.

  1. L’histoire du film de Lynch n’est pas piqué des hannetons, il a tout de même refusé qu’on mette son nom au générique suite au montage final. Il faut voir aussi le docu Jodorowsky’s Dune, et les excellentes, même si d’une qualité formelle à pleurer (mais avec des micro-budgets), les mini-séries Sci-Fi de 2001 qui ont le mérite d’avoir été très bien écrites. ↩︎

Starmania au Zénith de Nantes

Quel bonheur d’avoir eu la chance de revoir Starmania pour une troisième fois, et avec quelques différences qui se remarquent sur le plan du casting comme celui de la mise en scène. C’est subtil, mais des choses ont été améliorées ou altérées sur les éclairages, certains éléments même de mise en scène ou des illustrations vidéos. Tout ça est très bien, mais c’était déjà tellement impeccable qu’à ce niveau c’est plutôt de l’ordre du perfectionnisme.

En tout cas, c’est de nouveau une immense réussite pour l’ensemble du spectacle, avec une maîtrise de la lumière qui est parfaite, et qui, encore une fois, habille la scène, sublime les décors, et est un participant majeur à la dynamique des actions qui se déroulent. Techniquement parlant, et c’est assez rare pour le souligner, c’est un show qui est au niveau de ce qu’on trouve de mieux à Londres ou à New York.

Outre cela, et c’est une surprise géniale pour moi, c’était la meilleure troupe de chanteuses et chanteurs de mes trois spectacles. J’ai retrouvé pour la troisième fois la géniale Maag (Stella) qui tient ses notes à la perfection, mais qui a en plus un charisme et une présence en adéquation magique avec son personnage, et qui a en plus un timbre particulier et un petit truc rauque qui rend sa voix absolument singulière. Et de même, pour la troisième fois aussi, l’excellent Alex Montembault (Marie-Jeanne) qui est toujours aussi convaincant dans son rôle de serveuse automate, et d’une justesse troublante dans ses notes ou son interprétation. On n’est vraiment pas dans la performance vocale en mode « criard » mais au contraire dans la nuance et le jeu, et le chanteur est bluffant de bout en bout. C’était sa toute dernière fois dans ce rôle et cette tournée, et je suis bien content d’avoir pu l’applaudir à tout rompre à la fin !!

Pour tous les autres, c’était de nouvelles têtes et voix. J’ai eu une petite déception avec Côme (Johnny Rockfort) qui a une très bonne attitude et une solide interprétation, mais dont on ne retrouve pas la puissance vocale contraltiste qu’on est en droit d’attendre. Et notamment pour son dernier morceau de bravoure, avec SOS d’un terrien en détresse qui n’est malheureusement pas au niveau (du tout ce soir là). Pour tout le reste, c’est proche de la perfection avec de très bonnes performances dans les titres phares des personnages (toujours des points d’orgue important de la comédie musicale). Lilya Adad (Cristal) m’a un peu fait peur car elle a ouvert le bal avec une sorte de retenue troublante, mais très rapidement elle s’est reprise et n’a montré qu’excellence par la suite.

David Latulippe (Zéro Janvier) est fabuleux et montre autant de talent à interpréter qu’à pousser la chansonnette, et il rend un hommage vibrant à tous ceux qui ont osé le « J’aurais voulu être un artiste » car on l’attend tous, et lorsqu’il est délivré avec autant de maestria, ça force évidemment le respect et l’admiration. Ziggy était pour moi un personnage assez secondaire, mais les deux dernières fois, il était vraiment remonté dans mon estime. Et là encore, avec Adrien Fruit, c’est une réussite sans conteste. J’adore également la mise en scène de la chanson de Ziggy qui consiste à avoir tous les danseurs en sosie de Ziggy et qui illustre ses élucubrations rock de « fils à maman ».

Manet-Miriam Baghdassarian est impeccable en Sadia, et Simon Geoffroy aussi en Gourou-Marabout, et même s’ils sont un peu plus secondaires, il se trouve qu’ils délivrent parfaitement leurs chansons titres dans leurs registres. Après elles sont tellement toutes connues ces chansons, que c’est assez dingue de découvrir de nouvelles choses, mais cette version bien d’aujourd’hui réussit vraiment à transformer l’essai de manière implacable et glorieuse.

Et il y a toujours cette résonnance avec notre propre monde, 45 ans après le premier Starmania, qui est plus que frappante. Comment ne pas faire le parallèle avec la société de consommation, les médias qui suivent cette même règle, la téléréalité bille en tête, la politique qui s’en mêle pareillement, l’écologie reléguée à l’utopie New Age, l’urbanisme déshumanisant des banlieues ou conurbations contemporaines, etc. Tout était déjà écrit là. Et la comédie musicale est géniale, tout le monde chante intérieurement toutes ces magnifiques chansons, et on célèbre malgré tout l’effondrement d’une société à laquelle nous appartenons corps et âmes, corvéables.

La Zone d’intérêt (Jonathan Glazer)

J’avais vraiment beaucoup de curiosité pour ce film tout en ayant pas lu grand chose à son sujet. Et comme beaucoup, je me demandais comment filmer une histoire pareille, et les répercussions ou les messages passés plus ou moins subliminalement à montrer des nazis aussi comme des gens « comme tout le monde ». Mais j’ai trouvé le stratagème brillant et simple comme tout au final. Et ça fonctionne terriblement bien, et le film a donc tout son intérêt et déploie toute ses qualités au fur et à mesure que l’intrigue (très fine) se déroule.

Il faut dire que l’intrigue est secondaire, puisque ce sont les deux personnages centraux, et historiques, qui tiennent le film, et donc l’acteur et l’actrice qui les incarnent au premier chef. Le film évoque la vie quotidienne du directeur des camps de concentration et d’extermination d’Auschwitz-Birkenau et de son épouse : Rudolf (Christian Friedel) et Hedwig Höss (Sandra Hüller).

Mais on ne verra jamais directement les camps, ni même les prisonniers, ou fugacement, on est vraiment dans la facette de vie quotidienne où la famille Höss vit dans une grande et luxueuse maison avec un immense jardin (à quelques mètres des murs d’enceinte des camps de la mort), et profite aussi de la nature des environs pour faire des pique-niques et se baigner dans une rivière. Le film insiste bien sur cette vision idyllique du couple avec ses enfants, et sur l’attention portée à l’équipement de la maison, les nombreuses plantes et fleurs qui ornent le jardin, la piscine et les tobogans pour les enfants et leurs amis etc.

Mais on n’est jamais dupe, car il y a trop d’indices qui montrent où on est et ce qu’il s’y passe. Et cela rend la vision idéale de cet endroit encore plus flippant et empreint d’une odeur absolument méphistophélique. La vue étant troublée par ce qu’on voit, Jonathan Glazer utilise beaucoup le son pour nous faire comprendre ce qu’il se passe à quelques mètres. Et on a donc une bande-son terrible à base de cris, de pleurs, d’aboiement, d’insultes et de coups de feu, mais tout est étouffé et comme feutré, et parfaitement ignoré ou feint par les Höss, et surtout par Hedwig.

Cette dernière est la plus dingue et elle respire littéralement la folie à chaque plan. Elle se focalise complètement sur la chance qu’elle a, et les efforts qu’elle met à avoir son paradis à elle. D’ailleurs quand l’occasion est donnée à déménager à Berlin, elle refuse tout de go, et fait des pieds et des mains pour rester dans cet environnement paradisiaque et idéal pour élever leurs enfants.

On aperçoit en même temps par les interstices du film des prisonniers émaciés et en guenilles qui viennent rapidement et le plus discrètement possible, véritables esclaves apeurés et déshumanisés, chercher les bottes du commandant pour les nettoyer lorsqu’il rentre chez lui le soir, ou préparer son cheval pour qu’il parte pour ses inspections. On n’en verra pas plus, sinon les cheminées qui crachent fumées noires, flammes et braises, et le balai des convois qui est évoqué en filigrane.

On comprend juste que tout est affaire de logistique et d’efficacité, et que c’est la spécialité de Rudolf Höss. Il est célébré comme le meilleur et celui aux méthodes les plus productives. Il présente des plans pour améliorer les procédés d’élimination, depuis l’arrivée des trains à la tuerie en masse, puis à la suppression des corps de manière industrielle et parfaitement maîtrisée : comme des rouages bien huilées et à la redoutable ingénierie et ingéniosité. Pendant ce temps, Hedwig et ses amies se partagent les manteaux de fourrure des femmes juives qui sont arrivées pour mourir dans le camps, et en toute conscience pérorent sur le bienfondé de leur destin.

Et tout cela avec cette démonstration continue de petit paradis exclusif, mais qui donc sue un soufre démoniaque de tous ses pores. La démonstration la plus explicite vient avec la visite de la mère d’Hedwig qui essaie de se convaincre que sa fille a décroché la timbale, et vit vraiment dans un endroit superbe. Mais alors qu’Hedwig est tout sourire et paraît guillerette, sa mère ne peut s’empêcher de tousser avec les fumées qui les entourent, et de s’inquiéter de ces murs d’enceinte si proches, d’entendre les bruits et cris du camp, et de voir ces cheminées qui crachent du feu et de comprendre parfaitement ce qui s’y trame. Elle fuit la maison le lendemain en secret, sans ne rien dire à personne, au grand dam de sa fille.

On a aussi les enfants qui s’amusent dans la rivière avec leur père, et qui doivent en sortir urgemment, car Rudolf Höss réalise que des morceaux d’os humains sont charriés par les eaux.

Bref ce procédé m’a vraiment paru aussi flippant qu’efficace, et en filigrane il permet de comprendre un peu mieux les personnalités de ce couple « extraordinaire ». Et même si on comprend aussi que c’était des êtres humains et des familles qui vivaient là avec leurs enfants, on a la juste et complète peinture avec le peu qui transparaît et dont le pouvoir suggestif est tout sauf négligeable.

En revanche, Jonathan Glazer a rajouté des effets qui m’ont paru un peu trop décalé et « arty » et peu nécessaire. On a ces passages où une petite fille se déplace la nuit pour mettre des pommes un peu partout sur le passage des prisonniers et travailleurs forcés. C’est filmé en « négatif » peut-être pour montrer l’envers du décor, mais ça ne sert pas très bien le propos selon moi, et c’est juste bizarre. De même les plans abruptement disposés à la fin du film entre une scène avec Rudolf Höss et la manière dont les femmes de ménage préparent le site historique actuel d’Auschwitz ne m’ont pas convaincu. C’était très bien de filmer et de monter ces scènes, mais ç’aurait pu être fait avec moins d’emphase. Le film est bien assez flippant comme ça.

Je retiens vraiment l’intérêt de voir la vie de ces personnes, et ce parti pris de ne pas montrer l’extermination de manière directe, mais bien de se focaliser sur le « paradis » pour le rendre encore plus malaisant et malfaisant, véritable illusion de théâtre derrière une usine à torturer, tuer et incinérer les gens.

Sandra Hüller déjà vu dans Anatomie d’une chute aurait aussi largement mérité un prix pour ce rôle, c’est assez fou d’ailleurs puisque c’est un sacré grand écart de jeu, mais elle confirme un talent vraiment dingue.

Je vous conseille la critique ci-dessous d’une keupine des Internets, je souscris à la plupart de ses remarques. Et il écrit fort bien !!