Dans la continuité de la veille, ce matin c’était le soleil levant sur la jolie Grue de la pointe de l’Île de Nantes.



J’ai plutôt choisi de retenir le côté anglais cette fois, et pour moi le Grunge c’est avant tout un courant musical pile-poil de ma génération. Et son représentant le plus emblématique, et c’est peut-être une vue de l’esprit ou un truc très personnel, c’est le groupe Nirvana et le fameux album Nevermind de 1991. J’avais 15 ans.
Kurt Cobain s’est suicidé en en 1994. J’en avais donc 18, l’année de mon bac. On était en plein mania du chanteur, et encore largement sur cet album mythique. Et ce fut une émotion gigantesque dans le monde, et d’autant plus sur la jeunesse d’alors. Il fait partie de cet étonnant club des 27 (ans) qui est un âge funeste pour un nombre trop important d’artistes, je pense notamment à Amy Winehouse quand j’écris cela.
Ce que j’aime c’est que lorsque je réécoute l’album (je pense que tous les 3-4 ans, ça me revient par hasard ou bien délibérément), je suis immédiatement replongé dans ces années là. Je revis vraiment de drôles de sensations entre le souvenir de l’adolescence, et des frémissements de l’âge adulte. Et ces chansons n’étaient que des sérénades torturées et d’une noirceur qui correspondaient bien à l’air du temps.
Come as you are, as you were
As I want you to be
As a friend, as a friend, as an old enemy
Take your time, hurry up
The choice is yours, don’t be late
Take a rest, as a friend, as an old memoria
Depuis quelques temps, et avec l’arrivée des IA génératives qui se mettent carrément à pondre des morceaux de vidéos, on voit des clips comme cela qui réussissent à recréer des anciennes séries ou des extraits de films avec un look différent. Ce sont soit des pastiches, soit comme ici des réinventions complètes. On est bien sûr loin d’être en capacité de faire des films complets, mais on va y arriver dans très peu de temps.
Je sais pertinemment que tout cela repose sur un « pillage » des ressources en ligne de maints artistes qui ont entraîné des modèles apprenant pour créer ces « machines à imiter et combiner ». Et pour le moment, on est vraiment dans cette limite de la création. Mais les limites sont repoussées de mois en mois, ce qui est flippant par sa capacité d’amélioration avec le temps, et si antinomique avec notre propre capacité à nous y adapter.
Mais le résultat c’est que ça va détruire une énorme partie des créatifs, tout en clonant des modèles, et finalement en réduisant le champ de l’invention et du renouvellement. Je me trompe sûrement, et on commence déjà à voir des IA qui se nourrissent du hasard pour essayer de réellement créer ex-nihilo. Travaillant plus ou moins aussi dans ce domaine, je ne peux m’empêcher de trembler d’être à la fois le démiurge et la future victime…
C’est pourquoi ces vidéos me fascinent et m’émerveillent, autant qu’elles me font flipper à mort.
Aujourd’hui, j’étais en réunion juste à côté de la maison, sur l’Île de Nantes, et c’était vachement agréable. J’aime beaucoup cet endroit avec le Parc des Chantiers et ses deux grues monumentales, les anneaux de Bouchain et Buren, ou bien la vue sur le quai de la Fosse (où un joli trois-mâts barque de 1948 qui s’appelle le Français de Saint Malo) et Notre-Dame-de-bon-Port. J’en ai profité pour faire quelques photos en y allant ce matin, et en rentrant en flânant gentiment jusqu’à mes pénates.









Comment reconnaît-on des français en voyage à l’étranger ? D’abord avec des vêtements de la marque Quechua : chaussures, sacs à dos, polaire. C’est un vrai bon signe de ralliement gaulois ! Mais ces dernières années, Decathlon a bien essaimé en Europe, et ce n’est plus aussi fiable. En revanche, il reste vraiment un signe extérieur de francitude tout à fait manifeste depuis 1926 : un Guide Vert Michelin à la main !!
Je ne fais pas exception à la règle, car je reste très très attaché au fameux Guide Vert. J’ai beau en avoir essayé d’autres, j’y retourne toujours. Et à voir la surreprésentation de livres verts aux mains de nos compatriotes en vacances et en polaires Quechua, je ne suis pas le seul. ^^
Et moi qui suis le gars qui tire moins de cent euros par an de liquide (plutôt 50 d’ailleurs maintenant), qui paye surtout avec son mobile (maintenant la carte physique c’est une fois sur vingt ou trente) et qui n’a pas de badge d’impression au boulot, bah je ne me suis pas fait à des guides en ligne. C’est comme la bédé, et même encore plus, le guide se consomme en papier. Il a besoin d’être feuilleté, annoté, corné, on a besoin de passer de la carte au détail, de repérer les trois étoiles sur le parcours, de faire un crochet pour ce truc que souligné mais qui a l’air tout de même pas mal (hein bidoubouchou ??), de regarder la carte parce que Maps n’est pas à jour, de vérifier si le resto n’est pas trop un attrape-touriste, de chuchoter la description du retable rococo de la petite l’église trop cool hors des sentiers battus (sauf par d’autres porteurs de livres verts à la francité exacerbée et au pompes Quechua rutilantes), de lire dans la voiture à son chéri qui conduit le résumé de la région dans laquelle nous arrivons etc.
« Tu prends le guide ? »
« Tu as pris le guide ? »
« Purée, il est dans la voiture ! »
Ce fameux guide nous a d’ailleurs procuré une expression idiomatique très locale, à l’échelle de notre couple carrément : « faire une sarlate ». Je vous explique.
A l’été 2011, on avait décidé d’un chouette périple façon roadtrip mais dans le sud-ouest de la France, et en essayant de voir des « Grands sites de France« . On a vu plein de trucs géniaux malgré une météo pas très clémente. Je crois que c’est vers Rocamadour, qui nous avait déjà bien fait bifurquer de notre route, que je vois que la ville de Sarlat n’est pas très loin et que c’est trois étoiles dans le Guide Vert (!!!)1. Mais non c’est une heure de détour, ça fait planter tout l’itinéraire, c’était pas prévu, nanananananana.
Je dis « bon ok, tant pis ». Et oui, ok, peut-être que j’ai répété une petite centaine de fois par la suite que « C’était tout de même dommage de ne pas être passé à Sarlat parce que tout de même : y’avait trois étoiles !!! ». Depuis les occasions manquées de ce genre, et de tous les gens, sont des sarlates ! Quand il m’entend dire d’un air dépité « ok tant pis2« , il faut que j’assure que ce n’est pas une sarlate !! (Sinon on fait demi-tour sur l’autoroute en pleine nuit, et on ne prend plus l’avion qui était prévu !! ^^ )3
Dernière mise en application : pendant les dernières vacances, typiquement nos dialogues en voyage (je dis ce que je veux visiter, et c’est lui qui fait l’itinéraire, il est assez génial il arrive à caser 95% de mes desiderata4 ^^ ).
« Ah bon ? On ne peut pas passer voir la cathédrale de Worcester et celle de Gloucester en chemin vers celle d’Exeter ??? »
« Bah non, on n’a pas le temps, Exeter c’est tout ce qu’on peut faire avant le ferry !! »
« Ok, tant pis, mais elles ont l’air vraiment vraiment vraiment incroyables, c’est vraiment dommage. Tant pis. »
» Tu vas pas me faire une sarlate hein ?? » (Parce qu’il sait mon assuétude des cathédrales gothiques…)
Voilà exactement le genre de film qui pourrait être un chouïa décevant parce que formellement un peu plat et convenu. Mais c’est tout le contraire, parce que son histoire est juste DINGUE !! Et les comédiennes et comédiens sont impeccables, avec une photo superbe, et juste passionnant par sa narration. Quoi de plus fou que de raconter une histoire vraie qui relie la petite à la grande, et qui en elle-même se suffit avec son héroïne, son action trépidante, ses amours pimentées et qui est presque complètement inconnue du grand public ?
Donc on pardonne le côté un peu maladroit de la mise en scène ou même de son articulation et son rythme. On pardonne aisément car Kate Winslet est incroyable, sur tous les plans et sur tous les plans ! Elle irradie de son charisme, et elle nous fait comprendre l’aura même de cette Lee Miller qui méritait bien qu’on la connaisse après toutes ces années d’un relatif anonymat. Et en plus de cela, on a une Marion Cotillard toujours aussi sublime, et Noémie Merlant que décidément je trouve excellente, ou Alexander Skarsgård qui confirme son talent.
Mais le truc fou et génial du film repose donc sur cette histoire, tout bêtement chronologique, qui raconte la vie de Lee Miller… Une mannequin américaine, devenue égérie, muse puis photographe, grâce à Man Ray, parmi les surréalistes. Et voilà comment elle fréquente en toute intimité Éluard (et son épouse Nusch), Cocteau et Picasso… La guerre arrive, elle bosse pour Vogue à Londres en tant que photographe de mode, et rapidement en tant que photographe et grand reporter de guerre. Elle arrive à partir pour photographier le blitz avec un photographe américain de Life (David Sherman qui sera un amant). Elle couvre aussi une partie du débarquement (on voit St Malo dans le film notamment). De retour dans un Paris libéré, elle comprend que beaucoup de gens ont été déportés et manquent à l’appel, ses anciens amis sont gravement touchés par l’occupation de Paris. Elle prend alors la route en 1945, et avec David Sherman, elle traverse les pays ravagés par les bombardements et la guerre. Et c’est comme cela qu’elle arrive en Allemagne, et qu’elle rend compte dans ses milliers de photos de villes anéanties. Mais elle est aussi là à l’ouverture des camps de Dachau et Buchenwald, et elle documente tout ça.
Après cette intense et troublante période, et en plus de l’alcool qu’on comprend a permis aussi de supporter toutes ces macabres découvertes et bouleversante humanité en miettes, elle ne travaille plus vraiment, et c’est son fils qui a finalement redécouvert tout le travail (60 000 photographies au grenier) de sa mère dans les années 90.
Vous comprendrez donc que le film vaut déjà juste pour savoir et comprendre tout de cette vie là, dont l’exception seule vaut le coup d’œil. Mais en plus, avec une Kate Winslet aussi excellente et convaincue, on est suspendu et souffle coupé par le déroulé de cette existence hors norme et si discrète ou invisible à la fois (le fait qu’elle soit une femme n’y est évidement pas étranger). Il est dommage de ne pas avoir eu une manière un peu plus habile et subtile de raconter tout cela, on aurait vraiment frôlé le génie.
On découvre à la fin du film que les différentes scènes sont de parfaites reconstitutions de certaines photos de la photographes, et certaines où elle pose elle-même. On peut saluer là aussi la prouesse de ces reconstitutions, avec des costumes et décors vraiment extraordinaires. Et évidemment les scènes de découverte des camps de la mort sont aussi insoutenables que brillamment « montrées », avec notamment l’expression des soldats ou photographes à l’odeur qui émane des wagons, aux portes cadenassées, plein des cadavres en putréfaction des prisonniers qui sont morts avant même d’arriver dans les camps. Elle a aussi photographié les presque-survivants qui rodaient alors dans les baraquements, hagards et les yeux dans le vide… Terrible vision.
Et comme une ironie du sort, dont la véracité frappe l’imagination, il fallait vraiment que ce soit vrai pour qu’on puisse écrire une scène pareille. Lee Miller s’est retrouvée par hasard dans une maison d’Hitler, occupée par des soldats américains qui s’y restaurent et reposent. Il y a l’eau chaude courante dans la salle de bains. Elle se fait couler un bain après des semaines d’errance sans hygiène. Elle demande à David (Andy Samberg) de l’y photographier avec un portrait d’Hitler, en mettant en scène quelques éléments en plus de ses chaussures crades sur le tapis de bain. Cette photo dépasse bien sûr l’entendement.

On se dit tout de suite après la fin du film qu’elle et son œuvre devraient avoir une place de choix dans des musées ou même un lieu pour elle. En tout cas, il est bienheureux qu’un tel film existe pour ce coup de projecteur plus que mérité.

Je n’aime pas trop me perdre complètement et errer dans un hasard total, mais à la manière des jeux vidéos où l’on découvre peu à peu une carte, j’aime bien aller à la découverte aléatoire des terra incognita1 de mon environnement proche. Donc cela consiste à toujours vouloir aller un peu plus loin, de voir ce qui se cache derrière ce promontoire ou cette colline, au bout de ce chemin de traverse, suivre le bord du ruisseau pendant 5 minutes avant de revenir sur mes pas. Et c’est comme ça que de manière tout à fait stochastique, j’ai découvert des petits trésors. J’aime beaucoup cette sérendipité des mes errances solitaires (ça n’est souvent pas possible en groupe).
Et clairement, le point de vue sur le pré Mathurin dans la forêt de Carnoët est une de ces précieuses errances maîtrisées. ^^
Et depuis qu’on a déménagé à Nantes, je pratique de la même manière. C’est comme cela que je suis tombé sur ce petit étang nourri par la Chézine que j’aime beaucoup.

Et il y a des tas et des tas de petits trucs comme cela qui sont mon émerveillement à moi, et je l’admets, peu compréhensibles de mes contemporains. Hu huhu. Et comme en plus souvent je baptise ces lieux lorsqu’ils n’ont pas de nom, c’est vrai que ça peut donner des choses un peu curieuses.
Il y a une vraie sensation grisante, en même temps qu’une petite peur, à affronter ainsi l’inconnu, les sens aux aguets, et la conscience en contact direct avec son environnement. Sachant que dans 90% des situations, je me retrouve au bout d’un cul de sac, à visiter la décharge sauvage locale, agrippé par les ronces d’un chemin de forêt qui n’en était pas un, les pieds dans la boue ou une pompe engloutie dans la vase, ou en panique parce que je ne retrouve pas mon chemin. ^^
Et là ma conscience me dit : putain de merde, tu t’es encore planté en voulant jouer les aèdes explorateurs de mes couilles du bois joli espèce de gros con, on va te retrouver dans trois semaines bouffé par les renards et colonisé par les cordyceps2 !!!
Tout à l’heure, c’était au bonheur des chattes sur le canapé. Avec Sookie coincée entre nous deux, et Arya juste à côté totalement affalée sur une couette en boule. La situation par-faite !

On avait vraiment parlé d’un avant et d’un après COVID, et force est de constater, même si je pensais que c’était du flan à l’époque, que certaines choses ont l’air en effet de s’inscrire dans la durée. Par exemple, certaines personnes, comme en Asie par exemple, mettent un masque quand elles sont malades, et plus souvent en mettent quand elles veulent éviter de se contaminer (notamment tous ces vieux qui s’accrochent à leurs retraites ^^ ). Cet altruisme asiatique (qui est aussi une gêne et un sentiment d’opprobre quand on ne met pas un masque après avoir toussoté ou éternué même pour une allergie) n’est pas chose commune, mais c’est vrai que je le remarque de temps en temps.
Une autre chose étonnante c’est qu’on a perdu de manière assez durable, j’ai l’impression, et je n’y croyais pas non plus, le fait de se faire la bise ou même de se serrer la main. C’était un truc assez fort au boulot pourtant, me concernant, et je vois bien que c’est clairement en voie de disparition. L’histoire de la bise avec les femmes, c’est plutôt pas mal car c’était franchement subi pour beaucoup de mes collègues. Mais je regrette le serrage de pinces, que je trouvais un truc assez sympa le matin en arrivant. Après ce n’est pas une mauvaise chose pour éviter en effet qu’on se refile des miasmes, et serrer la main doit être pire que se faire la bise.
Donc aujourd’hui, c’est anecdotique quand on se fait serrer la main, et c’est arrivé récemment pour des personnes que je rencontrais en réunion (genre un commercial qui voulait vendre sa came). Clairement on a tous regardé le gars comme s’il faisait un truc très étrange. En revanche, avec sa famille et ses amis, les bisous sont revenus, et ça c’est très cool. Parce que faut pas déconner, les bisous c’est chouette !! Enfin moi je suis très pour. ^^
Et puis l’autre truc, c’est le télétravail, le distanciel comme on dit maintenant ou le remote pour les plus franglais d’entre nous. C’est devenu le grand classique d’avoir 2 jours de télétravail par semaine pour la plupart des jobs de bureau. Et comme je suis un burolier1, j’ai ce même privilège. Et là, on est tous schizophrène avec ça. C’est super, on en veut plus, mais on se plaint aussi de ne plus voir ses collègues qu’en conférence téléphonique, de n’avoir aucun confort dans des bureaux en flex (sans place attitrée), pas assez de salles de réunion ou de « coworking ». On est mieux chez soi, mais pas toujours, on est mieux au boulot avec ses collègues, mais pas toujours. C’est pratique de pouvoir faire un brin de ménage ou garder ses mômes, ou se faire livrer des trucs, ou surveiller ses travaux, et donc ça empiète bien sur le taf, mais non pas du tout, on est plus concentré, on bosse mieux sans être dérangé toutes les trois secondes. Mais avec l’ultraconnectivité, on est de toute façon dérangé que ce soit au boulot ou à la maison.
Donc on dit juste tout et son contraire sur les vertus ou des défauts du télétravail ! Mais la constante c’est que c’est séduisant, même si c’est l’horreur quand on intègre une nouvelle boite, et que ce n’est pas parfait. Mais ça permet aussi à certains de réussir à bosser loin d’où on habite, et à d’autres de concilier aussi d’autres choses. Après je vois aussi que c’est super dur pour les stagiaires et alternants qui débarquent, et que l’on peut aussi bien dissimuler du taf non fait que trop de taf chez soi, mais ces notions sont tout aussi éloquentes sur le lieu de travail. Hu hu hu. ^^
Je crois que ça a juste permis de rajouter des tas de sujets de commisérations à des tas de gens (dont moi). Mais au moins, ça me fait des chouettes week-ends et vacances prolongés à Clohars, ça me permet de passer l’aspirateur entre deux réunions (youhouuuuu !), et de dormir un peu plus le matin (c’est toujours bon à prendre), j’aime bien aussi prendre un kawa avec mon mari dans la journée (et déjeuner ensemble) et faire comme si on était collègues, et les chatounettes adorent passer devant ma caméra ce que mes collègues attendent inexorablement maintenant quand on est en visioconférence. ^^