À hue et à dIA

Quand je chemine cahin-caha sur les Internets au quotidien, je me note régulièrement des petits liens, et je continue à en collecter pas mal sur l’IA générative. Quelques trucs optimistes mais surtout énormément de peurs ou de méfiances parfaitement étayées par une intuition solide, des études scientifiques, et parfois la réalité des faits qui se déroulent sous nos yeux. Je ne vais pas vous en pondre un article tous les deux jours, et au contraire de l’immédiateté de nos informations, qui sont obsolètes à peu près deux heures après avoir été publiées, j’attends un peu de voir… pour voir.

Les thématiques autour de l’IA se diversifient, et je vois souvent des « sujets » qui émergent, fleurissent puis s’estompent. Cet été, j’ai lu des tas de choses sur les impacts de l’IA sur l’éducation, et c’est absolument flippant. D’un Monsieur Samovar qui est en pétards, à raison, à Spencer qui s’interroge sur le bienfondé de la technologie en s’aidant de la pensée de Jacques Ellul, et ce brillant papier qui résume parfaitement les choses, c’est une catastrophe qui gronde déjà. Et ce qui est fou c’est que ces phénomènes sociaux qui prenaient des décennies, ne prennent que des mois. On verra dans moins d’un an les impacts de l’usage massif de l’IA générative par nos têtes blondes dans l’éducation, mais également chez les adultes même si ce sera plus diffus.

Très concrètement, c’est Microsoft qui lancé les festivités en annonçant fièrement des licenciements liés aux usages de l’IA dans leurs opérations quotidiennes. C’est beaucoup plus discret chez nous évidemment, mais on le voit déjà par un effet « en négatif » avec des agences de com par exemple qui ont gelé les recrutements de rédacteurs ou de community managers, ou bien qui font faire le boulot de 3 ou 4 personnes par une seule.

Après, l’usage intensif des IA montre que c’est loin d’être la panacée. Entre les modèles qui nécessitent d’utiliser des tas d’humains (sous-payés dans des pays en développement bien sûr) pour les faire évoluer et empêcher des débordements ou hallucinations, mais aussi ces mêmes humains qui doivent modérer des contenus et en sortent traumatisés. Et sur l’usage même, je vois que les sources commencent à sacrément souffrir, on voit des citations de sites web qui sont complètement rédigés par des IA, et on a forcément une baisse de qualité à chaque régurgitation d’une information dont la qualité d’origine est douteuse. Mais ce qui se passe tout simplement, c’est que les créateurs de contenus dont le modèle de subsistance repose sur la publicité sont en train d’arrêter car l’IA ne fait qu’extraire de la valeur sans rien en rétribuer. Et apparemment le phénomène est déjà visible !

Sur le sujet des modèles qui s’épuisent par endogamie, on voyait récemment une recrudescence d’image générée avec un filtre sépia pourri. Et c’est sans doute lié à la mode des images générée avec le style Ghibli qui a inondé les Internets, et en retour cela influence les modèles qui statistiquement considère cela comme une norme à reproduire. Toutes ces limites sont saines et devraient nous permettre de prendre du recul, et de raison garder, mais la course à l’échalotte est bien trop folle pour cela.

Quand j’ai vu cette vidéo sur Mastodon, je me suis vraiment demandé mais ce n’est pas possible, c’est de l’IA non ? Et donc il me semble que c’est une vraie vidéo, mais impossible d’être catégorique. J’aurais tellement envie de m’en émerveiller candidement, mais au lieu de cela je doute… ^^

Et si l’on devait encore se convaincre de l’impact environnemental calamiteux pour l’IA générative, voilà un article pour ajouter de l’eau au moulin. Après c’est valable pour tellement et tellement d’autres choses du domaine du numérique, mais tout aussi globalement de notre modèle de consommation, et finalement du capitalisme tout court. Mais bon ça n’aide pas quoi…

Pour finir sur une note un peu différente mais connexe, j’ai évidemment jubilé à la lecture de ce texte de Karl.

Ne vous laissez pas désabusez par la commercialisation excessive, par la récurrence massive des robots d’indexation quelque soit leur nature : moteur de recherche, data scrapers, AI bots.

Tous ceux-ci peuvent bien indexer tout mon contenu, copier mon contenu, le réinterpréter. Ce n’est pas ce qui m’intéresse. Je trouve du plaisir dans les gens que je lis. J’espère que certains ont du plaisir à me lire. Le reste n’est pas important. Ce n’est pas la première merdification que je vois passer. Les framesets. Je suis encore là. Le flash. Je suis encore là. Les bandeaux publicitaires. Je suis encore là. Le Web 2.0. Je suis encore là. Les réseaux sociaux. Je suis encore là.

En ce moment tout le monde s’affole des bots IA. Je serais encore là après. L’important c’est ce que vous publiez et ce que vous lisez. Les moteurs de recherche peuvent bien mourir. Les bulles X et Y peuvent bien exploser. Les magazines de la tech insipides en ligne peuvent bien cesser de publier. Cela ne me concerne pas. Je lis au quotidien des gens formidables.

Extrait de l’article « laver le riz » par Karl (Les carnets Web de La Grange)

J’y ai pensé aussi. C’est vrai que depuis la petite lorgnette de ce site ouaibe écrit à la mimine, je vais continuer à publier mes élucubrations, et à nourrir qui voudra, humains et non-humains. ^^

Après avoir mis en sommeil mes comptes Twitter, Facebook, Whatsapp1 et Instagram, je constate que tout le monde y sévit encore exactement comme avant (et j’y retournerai aussi peut-être hein ^^ ). Et je vois l’hypocrisie des militants anticapitalistes qui disent que c’est essentiel pour toucher les gens, même s’ils nourrissent la bête immonde en passant. Et je vois la bêtise crasse des personnes qui comptent sur ces plateformes pour « tout bloquer », ou bien simplement une candeur insupportable et terriblement endémique d’une société qui est bien trop engluée dans ses rets pour s’en sortir. Thierry Crouzet décrit très bien tout ce qu’il fait pour sortir des algorithmes tout simplement, et c’est passionnant. Car on a tellement l’habitude qu’on nous donne les choses toute crues qu’en effet on est surpris quand on consulte un réseau comme Mastodon ou qu’on termine de lire ses flux RSS.

Bon bah, comme d’hab, j’ai digressé. ^^

  1. Le plus difficile à supprimer alors que les alternatives sont là, c’est insupportable. ↩︎

Yi King et binaire

J’ai été absolument fasciné et épaté d’apprendre ce matin en lisant le blog d’Alain que notre découverte du calcul binaire, et donc ses applications incroyables, venait certes de Leibniz, mais que ce dernier était parti des considérations du Yi King. Et la lecture de ces simples explications, de la constitution des 8 trigrammes puis 64 hexagrammes, est juste bluffante.

J’avais entendu parler du Yi King pour la première fois dans un K. Dick très connu, le maître du haut-château, et d’ailleurs l’auteur avait un rapport très singulier et prégnant à cet ouvrage « divinatoire ». Depuis c’était revenu plusieurs fois comme des petites incursions, mais je n’avais pas plus creusé le sujet, voyant un peu ça comme du Nostradamus de l’est, mais je me suis bien mis le doigt dans l’œil. ^^

Show drag au Marquis de Sade (Rennes)

On vient de débarquer à Rennes, alors forcément moi je cherche les activités LGBTQ+ de mes coreligionnaires bretons. En fouillant un peu sur Instagram, j’ai trouvé cet événement, et j’ai bien compris que ce serait un truc peu à la marge, mais exactement ce qui me plaît dans la créativité et l’inventivité queer du moment. Les shows drag avec Drag Queen en mode « pageant1 » c’est très bien, mais ce n’est pas tout.

Maintenant que des Drag Queens sont à la télévision dans une émission récurrente ou aux JO, et ont gagné une sorte de respectabilité (même si largement à géométrie variable au sein de la société). Et d’ailleurs je ne conspue pas du tout une forme plus « acceptable » et consensuelle qui permet de diffuser des messages au plus nombreux. Mais on peut aussi s’intéresser à tout le spectre de cette queeritude, et s’intéresser à des formes moins lisses, mais tout aussi stimulantes, hautes en couleur, réjouissantes et militantes. Et surtout, on gagne à jeter un coup d’œil du côté de nos copines lesbiennes et tout simplement nos frangines et adelphes.

J’avais adoré découvrir quelques drag kings et queers locales nantaises, ou plus dernièrement à Paris des créatures un peu plus protéiformes et difficiles à cerner. Bien sûr je pense aussi à feu les Paillettes avec leurs shows militants et fabuleux. Et j’ai l’impression que c’est du côté queer de la Force, que la nouveauté se trouve, mais également aussi un ferment intelligent, sensible et savoureux qui ne mérite que d’être découvert et apprécié à sa juste valeur.

Et puis clairement, on sait bien que le combat le plus aigu est celui qui consiste à protéger et aider les personnes trans, et lutter pour leurs droits. Quand je repense à ce moment à Quimper, je tremble encore d’effroi.

Donc là, on est à Rennes avec ce collectif « king » qui s’appelle Kingkea2, alors évidemment ça va être très artisanal et militant. Mais on peut avoir de très bonnes surprises avec ces shows (et j’en ai vus une palanquée), et assurément c’en était une pour nous. Et d’autant plus, qu’on a, je pense, un peu fait se retourner quelques têtes avec nos statures de pédés quadras (avancés) bobo white cis. D’ailleurs on a bien ri quand le monsieur Loyal, Soleil, a plaisanté sur le fait d’être né en 1997 et d’être donc le plus vieux de l’assistance… Hu hu hu.

Mais je m’en balance, et tant qu’on ne fout pas en l’air l’ambiance ou la concorde de l’endroit en faisant peur aux gens (ce qui pourraît arriver, je mesure parfaitement cela, et on est venu car ça paraissait ouvert à toutes et tous). J’insiste un chouïa là-dessus, car je me rappelle très très bien ma propre appréhension lorsque j’avais 19 ans et que je voyais débarquer des hétéros en boîte gay. J’avais besoin d’être avec des gens comme moi, c’était absolument essentiel pour moi, et pour être moi-même une condition sine qua non. La simple présence, toujours trop emphatique, de personnes hétéros me rendait complètement parano et craintif, forcément renfermé…

Or on était clairement dans une (petite) population queer au sens large : trans, non-binaire et jeunes fluides de toutes parts. ^^

L’endroit déjà, c’est un bar qui s’appelle donc le « Marquis de Sade », il faut avouer que ça en jette comme nom ? Hu hu hu. J’adore ce genre de bar libertaire, qui me rappelle exactement les rades parisiens alternatifs qui sont dans la même veine, avec une arrière-salle qui permet d’accueillir des groupes, et donc là quelques personnes assises pour un show. Et le show en question était en réalité précédé par la finale de l’émission de téléréalité : King of Drag. C’est la toute première saison d’une émission comme celle-ci dédiée à des Drag Kings, et présentée par Murray Hill, que je connaissais pour la série Somebody Somewhere.

Mais le plus intéressant c’était la suite et les performances des quelques drags qui étaient invités ce soir. Soleil était le présentateur mais aussi un artiste drag qui a présenté deux performances très engagées avec un drag parfois presque possédé par son show. J’ai beaucoup aimé son visage très mobile, et les détails du maquillage qui masculinisent son visage. Et puis il y a une énergie fascinante qui se dégage de lui, entre BDSM et puissance contrariée, sans doute un peu inabouti mais intéressant !

En réalité, c’est Sylvestre qui a démarré les hostilités, avec une fabuleuse interprétation planante de Si j’étais un oiseau de Bertrand Belin. Excellent lip sync et avec une présence d’une intensité peu commune, c’était vraiment cool.

Après c’était GORKI qui joue sur le registre Drag Queer en démarrant par un classique du drag king dans le rôle du cowboy viril et couillu. Hu hu hu.

Je l’ai préféré pour son second passage avec un personnage encore un peu plus mascu toxique, et jouant merveilleusement avec les codes et tous les brouillages de signaux qui vont bien.

Soleil est également revenu avec une performance, mais quand le lip sync ne suit pas, j’avoue que je décroche… Mais il reste doté d’un sens esthétique et d’une maîtrise de l’espace qui est cool.

Sylvestre est revenu dans une forme plus chimérique avec cette belle créature, et encore une fois un lip sync impeccable, et remarquablement interprété.

Et enfin le clou du spectacle c’était avec PEES dont la performance m’a fait penser à La Gouvernante qu’on avait vu au Warehouse pour une Pride nantaise. On est dans un genre de drag très singulier mais vraiment impliqué, dans l’extrême don de soi et la performance artistique. Il se peint le corps avec une substance noirâtre, et il s’agrafe à même la peau des morceaux de textiles, sur la poitrine puis sur le visage, tout en effectuant un excellent lip sync, et tout en se transformant en une inquiétante créature mi-kafkaïenne mi-frankenstein. ^^

Ah oui, c’est pas votre petit show propret avec des robes à volant et des paillettes, mais c’était cool, c’était drôle, c’était engagé et déroutant ou dérangeant parfois. J’étais content d’y assister, dans mon propre cheminement de découverte de cet art du drag si complet, et de cet air du temps qu’on ne peut mieux saisir qu’en ayant le bonheur de voir comme cela du spectacle vivant à fleur de peau et servi par des doux-durs à queer.

  1. Pageant = beauty pageant = concours de beauté du type Miss France, donc des shows consistant à montrer de beaux travestissements exclusivement « en femme » avec de belles personnes bien maquillées dans de beaux vêtements. ↩︎
  2. Jeu de mot sur « kinky » soit une excentricité sexuelle au sens le plus littéral (classiquement les pratiques sexuelles BDSM, mais en gros tout ce qui sort de la norme, quelle que soit votre acception de la chose… ^^ ) ↩︎

Zaho de Sagazan à l’Olympia

Je vous rebats les oreilles depuis un certain temps avec Zaho de Sagazan, et ça continue !! Car après les deux concerts dans le cadre de sa tournée des Zéniths, le premier pour découvrir, le second pour confirmer l’excellence de la chose, eh bien là c’est une série à l’Olympia ! Bah oui, ça ne se rate pas quand on aime comme on aime cette chanteuse.

L’Olympia c’est l’occasion de se plonger cette fois en fosse et de goûter à ce brin de folie communicative, et une bonne partie de danse qui défoule, dans une salle plutôt petite (en comparaison d’un Zénith). Il s’agissait exactement du même show, donc aucune surprise sur le contenu ou le déroulé, mais nous étions à chaque fois en gradins, et l’expérience en fosse change beaucoup de choses. Déjà on a pu la voir de près et se régaler de son sourire, ses expressions et une impression plus « directe » de la manière dont elle « brille en public ».

Mais surtout, comme le concert est avant tout une décharge d’énergie et d’explosions d’émotions, un maelstrom de corps qui bougent, de voix qui chantent à tue-tête et reprennent en chœur des chansons, qui sont déjà des standards, on était dans un ambiance cathartique très intense (et très sympa). Car on a la Zaho calme au piano qui fait entendre sa voix pure, grave et claire.

Mais aussi subrepticement la chanteuse qui libère son grain de folie qui invite à la suivre dans une danse de Saint-Guy éperdue où on bouge dans tous les sens en essayant de suivre le rythme tonitruant de ses mouvements épileptiques.

Et puis celle qui se replie sur elle par moment pour mieux exprimer ses chansons les plus intimistes et qu’elle nous confie au creux de l’oreille.

Celle aussi qui embarque toujours l’équipe qui l’entoure, techniciens ou musiciens ou autre, elle rappelle toujours qu’il s’agit d’un groupe qui la porte et la galvanise tous les soirs.

Et enfin, Zaho qui vient dans le public et ouvre elle-même la foule pour chanter au plus près de son public et ressentir tout l’affect qu’on a pour elle.

C’était vraiment exactement le même spectacle, mais cette fois vécu de plus près, et avec une échelle différente. Donc on peut tout de même faire une comparaison, car autant les deux Zéniths étaient très similaires, autant là je me suis rendu compte d’une chose : Zaho de Sagazan est fatiguée.

Cette jeune femme de 25 ans nous fait une tournée hallucinante depuis deux ans quasiment sans arrêt, et elle parlait pendant le concert de sa frayeur d’arrêter et que « ça s’arrête ». Mais là, on voit bien qu’elle est éreintée de tout cela, et même si elle assure comme une déesse, et qu’elle déploie une grande énergie, j’ai noté des signes de fatigue dès le tiers du concert, et j’ai trouvé qu’elle terminait vraiment sur les rotules même si portée par le public et son âme d’artiste. Donc ce sont des signes subtils, mais elle a besoin de vacances Zaho !!! (Pourtant c’est loin d’être terminé, mais espérons que les concerts « symphoniques » lui laissent un peu plus de répit au quotidien.)

Empathie

Je consomme beaucoup (trop) de séries américaines, et même si de temps en temps il y a des trucs francophones qui sont sympas, il faut avouer que c’est bien trop rare (à mon goût, en tout cas). Cela fait du bien aussi d’avoir régulièrement des coups de cœur sur des productions étrangères, et là c’est en français, mais du Québec, et c’est une réussite extraordinaire à n’absolument pas manquer selon moi.

Empathie est une série canadienne produite par une plateforme de VOD de nos cousins américains, et ce sont dix épisodes qui suivent une héroïne, la docteure Suzanne Bien-aimé, incarnée par une sensationnelle Florence Longpré (elle est aussi la créatrice de la série). Cette dernière est psychiatre, et elle intègre une institution psychiatrique à Montréal (ce n’est pas précisé, mais je pense que c’est sous-entendu). Elle prend la direction d’une petite équipe soignante de « l’aile D », et on va suivre ses pérégrinations au sein de l’hôpital, mais aussi beaucoup de ce qui a fait son parcours et ses propres difficultés vis à vis de sa santé mentale.

C’est sans doute le maître-mot de la série : santé mentale. Et pour donner quelques références, on y retrouve des aspects En thérapie avec une petite ambiance « Vol au-dessus d’un nid de coucou » pour le côté tragicomique et l’attachement aux patients, mais aussi résolument des accents de Rachel Bloom pour les dernières saisons de Crazy-Ex Girlfriend ou Natasha Lyonne pour la seconde saison de Russian Doll. D’ailleurs on retrouve en Florence Longpré le charisme et la trempe de ces deux comédiennes et autrices.

La petite surprise française de la série c’est que Thomas Ngijol joue Mortimer qui est un collègue de Suzanne, et les deux deviennent assez proches aussi en dehors du boulot. Thomas Ngijol est également très bien dans la série, et très convaincant en comédien au registre plus dramatique et varié. On découvre donc que Suzanne a un passé assez lourd et est très perturbée par sa vie privée, mais qu’en plus le job implique des situations également difficiles à gérer au quotidien.

La série démontre par l’exemple que la prise en charge psychiatrique va bien au-delà d’un espace « d’emprisonnement de fous », c’est bien au contraire de cela (en tout cas c’est le propos de la série) un endroit pour soigner et pour aider à libérer des patients en difficulté. Il y a de la tristesse, et quelques scènes parfois compliquées à appréhender, mais aussi quelques moments drôles qui font du bien et permettent de relâcher la tension autour de situations individuelles et sociales particulièrement tragiques.

Les personnages de patients et patientes, et notamment Jacques Dallaire (joué par Benoît Brière) ou Carole Moisan (jouée par Brigitte Lafleur), sont à saluer avec des performances qui forcent l’admiration. Et tout cela est narré avec délicatesse, intelligence et subtilité. Ce n’est pas caricatural, ni pour faire tire-larmes, ni pour du feel good déplacé à l’hollywoodienne, on est vraiment dans un récit digne et beau, avec ses parts d’ombre et de lumière. Les personnages sont parfaitement calibrés en la matière, et si l’alchimie fonctionne c’est parce que la trame est très bien écrite, et parfaitement interprétée (sans doute bien dirigée aussi).

La série se dévore avec bonheur, et on s’attache beaucoup à tous ces personnages, principaux comme secondaires. On a mis les sous-titres en français pour s’aider un peu, surtout pour les patients qui jargonnent beaucoup et on des prononciations un peu ardues. Mais on se fait rapidement à la prosodie québécoise, avec des expressions qu’on intègre rapidement, et cet accent tonique qui fleure bon la Nouvelle-France.

Cela fait du bien de voir une bonne série qui attaque de front le sujet de la santé mentale, et aussi intelligemment et finement. Indispensable, c’est ce que j’ai vu de mieux depuis très longtemps !