Vingt Dieux (Louise Courvoisier)

C’est un petit film qui fait parler de lui, et c’est vraiment justifié et bien mérité. Il faut aller voir ce premier long métrage de Louise Courvoisier, qui déjà formellement est drôlement bien construit et filmé pour une première œuvre. Comme beaucoup de jeunes cinéastes, elle puise dans ses propres racines (elle est de Cressia dans le Jura, le pays du Comté, et c’est tourné dans le coin), et comme on est sur une distribution avec des comédiens non professionnels, on a vraiment ce côté petit film jurassien qui fleure bon le comté avec l’accent du terroir en sus.

Et j’ai vraiment cru que ce n’était que cela, mais pas du tout. Enfin, oui mais non !! L’histoire est celle de Totone (surnom d’Anthony, et excellent Clément Faveau) qui est un jeune un peu loser qui vit avec son père et sa petite sœur. Il a ses deux potes, tout aussi rustauds et vaguement paumés, avec qui il se bourre la gueule et fait du stock-car dans la cambrousse. Mais un soir de bal, alors qu’il intime son père à rentrer chez eux car il est saoul, ce dernier se plante en voiture et décède. Le jeune gars se retrouve avec sa petite sœur à charge, et doit tenter de subsister. Un ami de son père lui propose de reprendre le boulot consistant à bosser pour une fromagerie de Comté, une fruitière. C’est comme cela que Totone découvre qu’on peut gagner 30 000€ si on remporte le prix du meilleur comté. Il a un vieux chaudron chez lui, et avec ses potes, il va essayer de tout faire pour fabriquer son fromage et devenir un champion.

Dit comme ça, ça fait tellement feel good movie à la con, mais absolument pas. Et pourtant ça pourrait en être la définition, sauf que c’est admirablement filmé et joué avec une authenticité et une nature qui emportent complètement l’adhésion. D’ailleurs, la réalisatrice joue clairement sur la force intérieure et la nature profonde de ses acteurs et actrices, on n’est pas vraiment sur de la composition, mais ça donne une puissance d’interprétation, en plus de quelques maladresses touchantes, qui est vraiment folle.

Et ce ne sont ni des héros, ni des anti-héros, on est juste dans un récit à la fois original, singulier dans les faits, mais assez banal dans les personnalités et les péripéties. Mais il y a ces accents à couper au couteau chez des petits jeunes qui ont quelque chose de très attachants. J’ai notamment beaucoup aimé aussi Maiwène Barthelemy qui a un rôle assez casse-gueule, mais qui est crédible et vraiment très convaincante. Il y a aussi Mathis Bernard qui montre un physique de jeune premier à la beauté insolente qu’on trouverait chez un Gus Van Sant ou un Larry Clark.

Le film fonctionne particulièrement parce qu’il ne se termine pas comme on pourrait le penser, pas comme Hollywood nous l’aurait pensé en tout cas. Et ça le rend vrai et intense, ça lui redonne une beauté assez troublante, et on reste à la fois avec beaucoup d’espoir dans un beau récit initiatique et décoiffant, mais sans verser dans le niais ou l’improbable.

J’espère qu’il fera un joli bout de chemin dans les salles, et que le bouche à oreille sera bon, car c’est du très bon cinéma de chez nous ! ^^

Sarah Bernhardt, La Divine

J’étais vraiment curieux du film car Sarah Bernhardt est vraiment un personnage que j’adore. Et j’avais lu que c’était un film un peu académique, mais je n’imaginais pas à ce point !! C’est vraiment très très très classique. Mais bon, comme le biopic part d’un personnage génial, et que le film est porté par deux excellents comédiens : Sandrine Kiberlain qui joue la Divine, et Laurent Lafitte en Lucien Guitry, cela donne un film tout à fait regardable.

Mais ces décors et costumes géniaux, avec une très belle reconstitution, et globalement une bonne distribution, donnent presque l’impression d’un gâchis pour un film ultra convenu sans aucune surprise, et un petit manque de panache (alors qu’on parle de la personne pour laquelle Cocteau a inventé le terme « monstre sacré »). Après les ingrédients étaient là avec une merveilleuse Sandrine Kiberlain qui incarne à merveille Sarah Bernhardt, et elle déploie tout ce qu’il faut de grain de folie, de charisme et de passion avec une justesse vraiment louable. Et comme le fil rouge c’est l’histoire d’amour passionnelle avec Lucien Guitry, on a en face un Laurent Laffite tout aussi bon et efficace.

Mais le reste pèche un peu malheureusement… On a principalement un name dropping de tout ceux qui ont gravité autour de la comédienne, et c’est vraiment très impressionnant bien sûr, mais au final cela ne nourrit pas grand chose en terme de narration ou d’approfondissement du personnage. Il y a bien des mentions importantes de ses positions dreyfusardes (avec Zola qu’elle fréquentait), de son filleul Sacha Guitry (et la brouille avec son père), de tous ses amants et son amante la plus connue, l’impressionnante peintre Louise Abbéma et son look impayable incarnée par Amira Casar.

C’est juste que c’est très classique, sans surprise, sans relief, très « reconstitution à la française » et autocentré. Dommage, mais ça reste très cool d’avoir enfin un film qui évoque ce personnage incroyable de notre histoire, une des premières grandes stars internationales1 avec ses fans et ses détracteurs, sa folie des grandeurs, son charisme inébranlable et une protoféministe accomplie.

  1. On ne voit pas du tout sa tournée internationale, c’est tellement dommage, mais j’imagine que ce n’était pas dans les moyens de la production… ↩︎

Nosferatu (Robert Eggers)

Je connaissais surtout le Dracula de Coppola que j’aime énormément, mais je n’avais pas vu l’original de Murnau de 1922, ni le remake de 1979 (de Werner Herzog avec Klaus Kinski et Isabelle Adjani). Après avoir vu ce remake là, j’ai regardé celui de Murnau, et il est en effet vraiment bluffant pour l’époque, et encore tout fait regardable1. J’avais lu des avis assez partagés avec des critiques notamment du jeu de Lilly-Rose Depp, et donc j’y allais avec un peu d’a priori.

Mais force est de constater que j’ai beaucoup aimé le film. On est vraiment dans un respect profond pour l’œuvre d’origine avec un grand respect de l’histoire, mais aussi des plans et des décors d’origine. En revoyant celui de 1922 juste après, la filiation est absolument visible. On est donc dans un exercice de genre autant que dans un hommage, et il s’agit vraiment d’une réinterprétation avec des codes de cinéma et des techniques un peu plus modernes mais pas trop.

Donc le jeu est parfois un peu appuyé mais j’y vois simplement un style expressionniste assumé, et qui, à mon avis, passe vraiment bien, même en comparaison de nos standards. Là où ça peut peut-être pêcher, c’est qu’il n’y a pas du tout d’action. Le rythme est un peu lancinant, et le film de 1922 avait plus de scènes « percutantes » à cet égard. Mais ça ne m’a pas vraiment dérangé, et j’étais complètement dans le film du début à la fin.

J’ai vraiment aimé la direction artistique, la musique, et ce style gothique et expressionniste qui le rend aussi singulier et totalement hypnotisant pour moi. J’ai trouvé aussi que Lilly Rose-Depp était magnifique et plutôt bonne comédienne, avec quelques scènes de bravoure notables pour incarner cette Ellen/Mina. Pour Bill Skarsgård c’est carrément de la performance pure au vu de ce qu’il accomplit et comment il est transformé, mais c’est plutôt très convaincant.

Ce n’est vraiment pas aussi efficace, d’un point de vue purement cinématographique, que le Dracula de Coppola, mais je lui trouve un charme fou, et il réussit à alimenter une tension continue pendant deux heures. J’ai bien aimé aussi cette fin, plus conforme au Murnau, qui joue sur la faiblesse de Nosferatu vis à vis d’Ellen, et dont elle use pour sauver tout le monde. C’est encore une fois une scène d’action en moins en mode « allons tuer la bête », mais cela donne un moment d’horreur romanesque, angoissant et glam à la fois qui est assez incroyable.

Ce n’est pas un grand chef d’œuvre, mais j’ai vraiment bien aimé, et ça mérite un coup d’œil.

  1. Un peu comme ce film dont j’avais parlé et qui date de la même année. Vraiment les chefs d’œuvre ont un truc universel qui leur permet de traverser les époques. Après j’ai juste un bémol pour Nosferatu qui est la scène où il transporte lui-même son cercueil à travers la ville comme un benêt. C’est à mourir de rire, et la scène aussi où il se redresse de tout son long a tellement été pastichée que c’est difficile de ne pas sourire. ↩︎

Wicked (partie 1)

J’y allais vraiment pas du tout pré-convaincu, ne connaissant pas du tout l’histoire, ni le bouquin, ni la comédie musicale éponyme, et ayant uniquement pour références le film de 1939 (évidemment) Le Magicien d’Oz et celui de 2013 : le très Disney Le Monde fantastique d’Oz. Ce dernier n’était pas un grand chef d’œuvre (assez médiocre en réalité), mais s’il donnait quelques billes en tant que préquel.

Wicked est surtout connu comme une comédie musicale avec un immense succès depuis sa création, et je savais que c’était un point de vue très intéressant car le roman de Gregory Maguire, en donnant un autre prisme et une narration des interstices de l’histoire d’origine, très manichéenne, permettait une relecture complètement renouvelée. Et quand on brouille la frontière entre les gentils et les méchants, c’est tout de suite beaucoup plus intéressant. Et donc contre toute attente, alors que je m’attendais à trouver cela au mieux « sympathique », j’ai beaucoup beaucoup aimé !

Car on est complètement dans l’univers d’Oz avec son côté féérique et neuneu, mais dans cette fable un peu simpliste, faisant s’opposer une gentille, belle, talentueuse et vertueuse Glinda à une méchante Sorcière de l’Ouest à l’horrible peau verte et dégaine de fée Carabosse, on retrouve entre les lignes d’origine des chapitres entiers. Et on découvre que Glinda est une petite connasse superficielle et idiote, dont la bonté est surtout une marque de fabrique, tandis qu’Elphaba souffre d’une différence lui venant de sa naissance, et surtout en réalité de l’opprobre que les autres lui font vivre.

Et j’ai aimé que tout soit très subtil dans l’histoire et dans les nuances de leurs personnalités, y compris sur le Prince Charmant, succédané de mannequin instagrammeur. Donc peu à peu, tout en restant très conforme à l’histoire d’origine, on a une autre vision qui se forme, et on comprend très bien qu’une bonne propagande peut parfaitement nous faire prendre, à ce point, des vessies pour des lanternes. Le film est en cela, notamment, très moderne et assez bien vu, tout en étant woke à moooooort, super folles de comédies musicales et filles à pédés assumés (il n’y a pas d’autres habitants à Oz je crois de toute façon ^^ ). Tous les garçons semblent extrêmement sensibles, et les filles prêtes à faire Drag Race, et vice-versa.

J’ai été aussi très agréablement surpris par le jeu des deux comédiennes. Ariana Grande, en Galinda qui devient Glinda dans une démarche digne des plus grands SJW, est aussi dingue et éthérée qu’une Anne Hathaway, mémorable Reine Blanche dans un moins mémorable Alice au pays des Merveilles, et c’est vrai que les deux histoires ont quelques points communs. Mais Cynthia Erivo lui vole aisément la vedette avec un personnage très attachant, et qui est le prisme principal par lequel l’histoire se vit. Et les deux sont des chanteuses de ouf, avec de chouettes moments de bravoure.

Après, sincèrement, que ce soit la musique ou les paroles, on est vraiment dans de la comédie musicale made in Broadway de base de base. C’est vraiment de la chanson de crieuse professionnelle, qui a le mérite de proposer quelques sérénades dont les points d’orgue fournissent de jolis moments d’émotions (et on te met bien le doigt dessus en appuyant fort). Jonathan Bailey est aussi plutôt pas mal, même si j’ai été troublé tout le film avec sa ressemblance avec Rupert Everett (pré-chirurgie évidemment), et même sa voix (et ses oreilles ^^ ). En plus de lui, le casting est très très gay avec notamment Bowen Yang, mais aussi le caméo des deux chanteuses de la comédie musicale que sont Idina Menzel (la mère de Rachel dans Glee, chanteuse de Let it go…) et Kristin Chenoweth qui sont toutes deux des juges récurrentes de RuPaul Drag Race. N’en jetez plus, le gaydar a explosé et a mis des paillettes partout partout. Hu hu hu.

Et la direction artistique qui est dans la lignée de celle de 1939 (les hommages sont vraiment chouettes, j’ai trouvé) avec des effets spéciaux très beaux, et malgré tout de somptueux décors et costumes ont achevé de me conquérir. On est vraiment dans une belle production, le fond, la forme, pas mal du tout. Après 2h40 pour tout cela, c’est un peu trop long, on aurait aisément pu grapiller vingt minutes. Mais je n’ai pas regardé ma montre, et globalement c’est une narration, qui certes prend son temps, mais donne à voir pas mal de choses, avec une action correctement soutenue. Toute cette première partie permet de vivre l’ascension et la découverte initiatique d’Elphaba qui se verra incarner complètement la méchante sorcière de l’Ouest.

L’originalité de l’histoire, le fait d’avoir un récit qui mêle aussi bien les faits d’origine, et cette version « alternative », est assez épatante et follement intrigante. Et même si on devine bien l’issue, qui est déjà connue justement, j’aime assez que l’on arrive à surprendre dans des méandres narratifs insoupçonnés, et qui façonnent une toute autre morale, même si la conclusion sera factuellement la même. Et ce final à coup de balai supersonique m’a assez plu pour que je veuille maintenant voir la suite !!!

PS : Matt Bernstein, dans son podcast, proposait justement une lecture intéressante du personnage de Glinda en tant que pseudo-alliée qui profite de ses privilèges, en réalité, et n’hésite pas à retourner sa veste pour conserver et consolider sa position.

Flow

Après le Dreamworks bien classique mais chouette malgré un côté trop sage et neuneu pour moi, on a là un film qui sort vraiment de l’ordinaire !! Imaginez donc un film d’animation de 1h35 sans un seul humain, et qu’avec des animaux qui ne pipent (donc) pas un mot. 1h35 de miaulements, d’aboiements et autres caquetages, grognements et cris de bestioles diverses et variées, et une nature un brin hostile qui s’exprime principalement par une mystérieuse montée des eaux.

On suit donc un chat dans une nature totalement déshumanisée, où les animaux évoluent et survivent contre des terres de plus en plus submergées. Le chat en question va finir par croiser d’autres bestioles et ils vont même squatter et piloter un bateau vers des habitats devenus plus ou moins lacustres. Un groupe hétéroclite mais super attachant se forme avec notre minou (adorable et insupportable comme un bon chatounet), accompagné d’un capybara facétieux et généreux, un labrador évidemment trop cool et un peu pataud, un lémurien très humain et un serpentaire (j’ai l’habitude d’utiliser leur nom vernaculaire, mais en réalité c’est un messager sagittaire) impressionnant et très charismatique.

Il ne faut pas s’attendre à une histoire très prosaïque, et on est parfois carrément dans un récit plus fantasmagorique ou onirique, avec quelques passages qui laisseraient même songeurs ou pantois. Mais c’est follement « européen » et vraiment cool. Pour moi, ça a en tout cas super bien fonctionné. On ne s’emmerde pas une seconde, car l’action est plutôt soutenue, le monde est immense et superbe, et les animaux très bien animés. Et il y a tellement de surprises et de péripéties, qu’on est plutôt accroché à cette curieuse narration. On aura en plus aucune explication sur cet univers, ces animaux ou l’absence des humains, et les étranges restes de civilisation qui se noient progressivement.

Techniquement c’est marrant car ce n’est absolument pas le nec plus ultra de l’animation, mais que c’est justement complètement assumé et embrassé, et même utilisé pour faire fonctionner une direction artistique singulière qui marche du feu de dieu. Donc les textures sont très belles, même si y’a pas un nombre de polygones dingos, et un rendu parfois faiblard, mais on est dans un rendu très esthétique et arty, proche d’Arcane, qui augure vraiment d’une vraie convergence entre l’approche animation « images de synthèse » et celle du jeu vidéo. Mais surtout ce qui est très notable et hyper efficace, c’est la réalisation.

Tout a été produit dans Blender (un outil de modélisation 3D open source), ce qui est un peu fou-fou, et le réalisateur, Gints Zilbalodis (qui est letton), a juste fait créer un immense espace 3D dans lequel il a placé ses caméras. Vraiment cela fait penser à un jeu vidéo, et j’y retrouve des vibes de Flower pour le côté contemplatif zen et virevoltant, ou Stray pour l’œil à hauteur de chat. Et surtout on a beaucoup de plans séquences avec une vision subjective très fluide et dynamique. La mise en scène est vraiment originale tout en ayant permis au réalisateur de bosser sans storyboard.

Les animaux sont formidablement bien modélisés et animés, mais aussi bruités, et on glousse beaucoup avec les gimmicks du chat, des chiens ou du capybara. Le choix d’avoir ces animaux domestiques qu’on connaît si bien, et un exotique comme le lémurien, une curiosité qui ne doit pas être connu de tant de monde comme le capybara (même si ce sont parmi les plus chouettes animaux du monde qui fleurissent dans les mèmes des Internets), et l’extraordinaire serpentaire dont je suis persuadé que la plupart des gens ignorent l’existence d’une telle bestiole.

Et donc c’est étrange à certains égards, mais toujours très beau et poétique, et super palpitant car le monde part en couille dans la flotte. Et puis il y a ce lien singulier entre ces animaux si différents, et ça touche de manière aussi universelle que le film, qui ne possède pas une seule parole humaine, donc vous pouvez le voir en VO sans sous-titre. ^^

Le bouche à oreille est excellent, et je suis persuadé que plein de mômes vont adorer ce truc !!

Nevermore 2023 au cinéma à Lanester (56)

Bon, promis c’est la dernière fois que j’en parle. Mais c’était la sortie au cinéma pour cette soirée unique de diffusion du film du concert de Mylène Farmer. Comme on est en Bretagne, on est allé à l’endroit le plus proche qui était Lanester, en banlieue de Lorient.

La population était très étonnante, en tout cas pour moi. J’étais vraiment surpris de voir autant de « vieux » pour cette séance (il y en avait une première qui a été complète, et ils ont dû en prévoir deux en parallèle). Sérieusement, la moyenne d’âge était de 70 ans, avec la plupart des gens de l’âge de mes parents, et même quelques personnes qui paraissaient vraiment avoir 80 piges. GROOVY!!!!! ^^

Le film était une bonne surprise aussi, alors que je redoutais un montage encore à la serpe et parfois carrément épileptique comme François Hanss avait pu en faire pour d’autres concerts. Là, c’était très respectueux de la direction artistique globale de cette tournée, et de l’ambiance NEVERMORE, on est sur quelque chose d’assez posé et qui fait réellement profiter de tous les détails du show.

Formellement parlant, il faut avouer aussi que tous les défauts vocaux de la chanteuse sont totalement gommés, et que l’ingénierie du son est d’une absolue perfection alors qu’on sait ce que ça vaut dans les stades… Donc cette perfection sonore associée à un film qui montre mieux que jamais la scène, ça le fait carrément. Car j’ai eu beau voir le concert trois fois en live, la scène était très haute et on ne voyait pas toujours très bien les chorégraphies, il faut être super près et on ne l’est pas toujours, et de loin bah on rate absolument tous les détails.

Et là au cinéma, avec un son très fort mais d’une qualité supérieure, et une immense image qui vous englobe, c’était vraiment le complément idéal au concert, et un super succédané pour qui n’avait pas eu cette chance.

J’ai vraiment bien aimé voir les décors, les effets de lumières et les costumes avec autant de minutie et précision. Et surtout, on profite à fond des danseurs et danseuses qui sont absolument géniaux. Les chorégraphies millénaires de MF ne cassent évidemment pas trois pattes à un canard, mais sont citées toujours en clin d’œil et réinventées avec un peu plus d’ampleur et de dynamique. Les numéros solos des danseurs sont vraiment épatants, on en prend plein les mirettes avec bonheur.

Après le concert, bah ça reste vachement bien, mais ça ne vous surprendra pas pour quelqu’un qui vous en a déjà parlé trois fois. ^^

L’amour ouf (Gilles Lellouche)

Je me suis fait niquer en beauté avec la bande annonce et les trois millions d’entrées, je me suis dit que ça devait valoir le coup d’œil au moins. Je n’ai pas pensé à lire les critiques, et j’ai au moins été rassuré de voir que je ne suis pas le seul à trouver ce film indigent. Pourtant j’y allais avec vachement d’entrain, et en me disant que j’allais au moins avoir deux comédiens que j’aime bien, Adèle Exarchopoulos et François Civil, dans une chouette histoire d’amour.

Bon… par quoi commencer ? Bah déjà c’est très très long, beaucoup trop long, le truc prend son temps, ce qui pourrait être une qualité, mais là c’est pour ne rien raconter de spécial. Le scénario tient sur un timbre poste, et le film paraît être un patchwork d’inspirations qui ne parvient jamais à se fixer sur un objectif ou un fil rouge. Donc déjà on a deux parties qui sont très distinctes, et la première partie qui ressemble à une introduction pour mieux comprendre la suite. Mais en fait non, la première partie dure mille ans, et elle raconte la genèse de cet « amour ouf » entre les deux héros, entre les années 80 et 90.

Alors le point positif c’est que les deux acteurs qui incarnent la petite Jackie et le petit Clotaire sont plutôt mignons et touchants, et pas trop mauvais (surtout lui). Mais tout le reste est terriblement raté et naze. Avec déjà un premier truc qui m’a énormément gêné. On montre le jeune Clotaire comme un voyou prolo qui va crescendo dans la violence et devient de plus en plus malfrat. Mais tout cela est illustré par un mélange de scènes de harcèlement où il insulte tout le monde, vole ou dégrade des trucs, et en même temps des images de grandes libertés et joie de vivre sous forme de s’accrocher à un train en marche ou conduire une mobylette sans casque.

On a vraiment toute cette mythologie des années 80, et le film développe un truc masculiniste et patriarcal complètement moisi. Et avec cela, le bullying est presque montré comme un truc cool, comme de conduire sans casque. En plus tout ça, les prolos n’ont vraiment pas le choix d’être des losers qui deviennent des loubards. Mais au moins ils sont cool, alors que les bourges sont ridicules et absolument pas enviables. Le sous-texte de tout le film est vraiment terriblement bancal et maladroit. Malgré tout, les décors et les costumes ou coiffures sont vraiment très bien « années 80 » et j’imagine que ce sera un truc un peu nostalgique pour certains, mais au-delà de ça, je ne vois aucun intérêt.

Et alors, ça dure, ça dure… Et ça ne fait que raconter deux petits ados qui tombent amoureux, et le gars qui devient de plus en plus racaille et violent. Bon ok, mais quoi d’autre ? Bah plein de trucs inutiles, avec grands renforts de musiques hyper pompiers, de zoom en avant, de zoom en arrière, et de scène de danse. Il y a presque un côté Danny Boyle mais sans le talent, juste une idée similaire mais mal fait et mal exécuté, avec des ficelles beaucoup trop grosses.

Clotaire déconne à fond, et finit par faire 10 ans de prison, et on se retrouve pour la seconde partie à sa sortie. Et là, on se dit que ça va peut-être partir sur un truc un peu violent et sur une thématique de revanche (il s’est fait avoir et a porté le chapeau pour un meurtre), mais même le côté Tarantino fait un four. Il y a un accident de voiture foutraque, et Jean-Pascal Zadi qui se retrouve le side-kick noir et faire valoir comique… En fait, c’est un film avec tous les codes des années 80, écrit comme à l’époque, et donc porteur de tous les stigmates de l’époque mais super bien assumés comme des regrets implicites ou une nostalgie chelou.

Et là encore, on a des scènes avec des plans ridicules… Dans l’église notamment avec Poelvoorde qui voit François Civil comme le tueur de son fils, ou lorsque Clotaire et Jackie se retrouve avec un travelling désopilant sur elle, ou encore le moment Top Gun avec des baisers torrides sur un coucher de soleil. C’est juste du mauvais cinéma, avec beaucoup trop de moyens ! Et c’est quoi cette histoire d’amour ? Mais on n’y croit pas !! C’est beaucoup moins fort que lors de la première partie. Et accrochez-vous, François Civil a écrit 457 mots avec un dictionnaire en prison qui lui font penser à Adèle Exarchopoulos, et ils sont sur un papier et il va les lui lire. Nan mais sérieux ????

Après je vois bien que ce sont de bons comédiens, mais ils sont très mal dirigés, et malgré quelques scènes sympas avec Alain Chabat ou Elodie Bouchez, bah c’est très mal écrit et c’est naze. La morale est absolument putride, et le film démarre plein de trucs sans jamais sérieusement s’y mettre.

Le Robot Sauvage

J’avais lu que c’était « mieux que WALL-E », mais non il ne faut pas exagérer. Mon petit WALL-E n’est pas encore détrôné ! On est plutôt dans un mélange de ce dernier, de Baymax, du Géant de Fer et des robots de Laputa pour le design. Donc plutôt de bonnes références, et au final un film d’animation de bonne qualité. Mais ça reste très très enfantin, malgré de curieuses, et bienvenues, incursions d’un humour un peu morbide et décalé.

Un robot de service aux humains est échoué à cause d’un typhon sur une île sauvage. Le·a robot·e (quel est son genre ? ^^ ) se lie avec les animaux, et devient accidentellement la maman d’un oison qui vient d’éclore. Son rôle est alors d’élever l’oie pour qu’elle réussisse à se nourrir, nager et voler pour rejoindre la prochaine migration. Evidemment la conquête des animaux de l’île n’est pas évidente et se frotte à d’abord de l’incompréhension et une certaine animosité. ^^ Et l’oison doit subir l’opprobre de ses semblables alors qu’il se comporte en imitant sa maman robote. Hu hu hu.

Bref, le truc est relativement cousu de fil blanc, et un chouïa trop dégoulinant pour moi, mais c’est le film familial parfait. Et il a pour lui d’être d’une beauté époustouflante (sauf pour la partie citadine qui manque un peu de relief et de détails) avec un style très particulier et flamboyant pour les espaces naturels. C’est plein de jolis et bons sentiments, mais l’action est plutôt soutenue, et il y a comme je disais ces quelques accents humoristiques qui rendent l’œuvre assez attachante.

Je m’attendais à un truc un peu plus adulte, mais ça se regarde très bien !

Lee Miller

Voilà exactement le genre de film qui pourrait être un chouïa décevant parce que formellement un peu plat et convenu. Mais c’est tout le contraire, parce que son histoire est juste DINGUE !! Et les comédiennes et comédiens sont impeccables, avec une photo superbe, et juste passionnant par sa narration. Quoi de plus fou que de raconter une histoire vraie qui relie la petite à la grande, et qui en elle-même se suffit avec son héroïne, son action trépidante, ses amours pimentées et qui est presque complètement inconnue du grand public ?

Donc on pardonne le côté un peu maladroit de la mise en scène ou même de son articulation et son rythme. On pardonne aisément car Kate Winslet est incroyable, sur tous les plans et sur tous les plans ! Elle irradie de son charisme, et elle nous fait comprendre l’aura même de cette Lee Miller qui méritait bien qu’on la connaisse après toutes ces années d’un relatif anonymat. Et en plus de cela, on a une Marion Cotillard toujours aussi sublime, et Noémie Merlant que décidément je trouve excellente, ou Alexander Skarsgård qui confirme son talent.

Mais le truc fou et génial du film repose donc sur cette histoire, tout bêtement chronologique, qui raconte la vie de Lee Miller… Une mannequin américaine, devenue égérie, muse puis photographe, grâce à Man Ray, parmi les surréalistes. Et voilà comment elle fréquente en toute intimité Éluard (et son épouse Nusch), Cocteau et Picasso… La guerre arrive, elle bosse pour Vogue à Londres en tant que photographe de mode, et rapidement en tant que photographe et grand reporter de guerre. Elle arrive à partir pour photographier le blitz avec un photographe américain de Life (David Sherman qui sera un amant). Elle couvre aussi une partie du débarquement (on voit St Malo dans le film notamment). De retour dans un Paris libéré, elle comprend que beaucoup de gens ont été déportés et manquent à l’appel, ses anciens amis sont gravement touchés par l’occupation de Paris. Elle prend alors la route en 1945, et avec David Sherman, elle traverse les pays ravagés par les bombardements et la guerre. Et c’est comme cela qu’elle arrive en Allemagne, et qu’elle rend compte dans ses milliers de photos de villes anéanties. Mais elle est aussi là à l’ouverture des camps de Dachau et Buchenwald, et elle documente tout ça.

Après cette intense et troublante période, et en plus de l’alcool qu’on comprend a permis aussi de supporter toutes ces macabres découvertes et bouleversante humanité en miettes, elle ne travaille plus vraiment, et c’est son fils qui a finalement redécouvert tout le travail (60 000 photographies au grenier) de sa mère dans les années 90.

Vous comprendrez donc que le film vaut déjà juste pour savoir et comprendre tout de cette vie là, dont l’exception seule vaut le coup d’œil. Mais en plus, avec une Kate Winslet aussi excellente et convaincue, on est suspendu et souffle coupé par le déroulé de cette existence hors norme et si discrète ou invisible à la fois (le fait qu’elle soit une femme n’y est évidement pas étranger). Il est dommage de ne pas avoir eu une manière un peu plus habile et subtile de raconter tout cela, on aurait vraiment frôlé le génie.

On découvre à la fin du film que les différentes scènes sont de parfaites reconstitutions de certaines photos de la photographes, et certaines où elle pose elle-même. On peut saluer là aussi la prouesse de ces reconstitutions, avec des costumes et décors vraiment extraordinaires. Et évidemment les scènes de découverte des camps de la mort sont aussi insoutenables que brillamment « montrées », avec notamment l’expression des soldats ou photographes à l’odeur qui émane des wagons, aux portes cadenassées, plein des cadavres en putréfaction des prisonniers qui sont morts avant même d’arriver dans les camps. Elle a aussi photographié les presque-survivants qui rodaient alors dans les baraquements, hagards et les yeux dans le vide… Terrible vision.

Et comme une ironie du sort, dont la véracité frappe l’imagination, il fallait vraiment que ce soit vrai pour qu’on puisse écrire une scène pareille. Lee Miller s’est retrouvée par hasard dans une maison d’Hitler, occupée par des soldats américains qui s’y restaurent et reposent. Il y a l’eau chaude courante dans la salle de bains. Elle se fait couler un bain après des semaines d’errance sans hygiène. Elle demande à David (Andy Samberg) de l’y photographier avec un portrait d’Hitler, en mettant en scène quelques éléments en plus de ses chaussures crades sur le tapis de bain. Cette photo dépasse bien sûr l’entendement.

On se dit tout de suite après la fin du film qu’elle et son œuvre devraient avoir une place de choix dans des musées ou même un lieu pour elle. En tout cas, il est bienheureux qu’un tel film existe pour ce coup de projecteur plus que mérité.

Joker : Folie à Deux

J’avais vraiment bien aimé le premier Joker, c’était résolument original, super bien filmé, et ça faisait du bien une telle inventivité pour mettre en lumière un super vilain. Et donc faire une suite était une gageure, ou en tout cas un truc sacrément casse-gueule.

Et là en plus, en face de l’incroyable Joaquin Phoenix, on a Lady Gaga dans le rôle de Harley Quinn. Bon c’est du lourd quoi !!

Je reste circonspect quant à ce film, c’est vraiment difficile de dire si j’ai aimé ou pas. Clairement c’est formellement très intéressant et tout aussi habile et inventif que le premier film, ce qui est déjà une prouesse. En plus de cela, Todd Phillips nous ressort quelques éléments attendus dans la logique de Joker (la maladie mentale, les fantasmes, les hallucinations), mais en arrivant aussi à retourner certains ressorts qui auraient été trop facile.

En tout cas, Joaquin Phoenix est extraordinaire, mais vraiment. Super convaincant, et avec un charisme qui est très impressionnant et crève l’écran. Lady Gaga en face est parfaitement à la hauteur et est vraiment excellente. Je regrette qu’on ne lui ai pas assez donné de moments pour briller un peu plus. En tout cas, elle en a vraiment l’étoffe. Et évidemment, comme le film est émaillé de moments chantés : elle y est particulièrement bonne et talentueuse.

Mais là où le bât blesse c’est le déroulé du film qui est un peu plan plan. On est à Arkham où Joker est enfermé, et va être jugé pour les crimes du premier film. Il y rencontre Harley, et les deux se lient entre réalité et imaginations. Tout le film surfe sur les hallucinations du Joker et la vraie vie en jouant jusqu’au bout sur cette ambivalence. Mais rien de nouveau, et il n’y plus vraiment la surprise du premier. Malgré tout le film réussit à aller au-delà, et parvient à surprendre en proposant une sorte de film de procès avec les classiques joutes de prétoires.

Mais au moment, où le Joker émerge, et où on aurait pu sortir d’une certaine torpeur. La sauce retombe, et le film se termine sans panache. C’était un peu décevant, et en même temps c’est encore une fois une proposition plutôt gonflée et originale.

Donc je reste mitigé, la « folie à deux » manque vraiment de peps et de grandeur, mais il y a encore tout un sous-texte intéressant sur la maladie mentale, et la manipulation des masses… Et vraiment c’est toujours aussi bien filmé, avec des plans assez fous sur Joaquin Phoenix qui est plus « Joker » que jamais. Mais ça ne décolle pas assez pour avoir complètement réussi le pari d’une suite.