La Zone d’intérêt (Jonathan Glazer)

J’avais vraiment beaucoup de curiosité pour ce film tout en ayant pas lu grand chose à son sujet. Et comme beaucoup, je me demandais comment filmer une histoire pareille, et les répercussions ou les messages passés plus ou moins subliminalement à montrer des nazis aussi comme des gens « comme tout le monde ». Mais j’ai trouvé le stratagème brillant et simple comme tout au final. Et ça fonctionne terriblement bien, et le film a donc tout son intérêt et déploie toute ses qualités au fur et à mesure que l’intrigue (très fine) se déroule.

Il faut dire que l’intrigue est secondaire, puisque ce sont les deux personnages centraux, et historiques, qui tiennent le film, et donc l’acteur et l’actrice qui les incarnent au premier chef. Le film évoque la vie quotidienne du directeur des camps de concentration et d’extermination d’Auschwitz-Birkenau et de son épouse : Rudolf (Christian Friedel) et Hedwig Höss (Sandra Hüller).

Mais on ne verra jamais directement les camps, ni même les prisonniers, ou fugacement, on est vraiment dans la facette de vie quotidienne où la famille Höss vit dans une grande et luxueuse maison avec un immense jardin (à quelques mètres des murs d’enceinte des camps de la mort), et profite aussi de la nature des environs pour faire des pique-niques et se baigner dans une rivière. Le film insiste bien sur cette vision idyllique du couple avec ses enfants, et sur l’attention portée à l’équipement de la maison, les nombreuses plantes et fleurs qui ornent le jardin, la piscine et les tobogans pour les enfants et leurs amis etc.

Mais on n’est jamais dupe, car il y a trop d’indices qui montrent où on est et ce qu’il s’y passe. Et cela rend la vision idéale de cet endroit encore plus flippant et empreint d’une odeur absolument méphistophélique. La vue étant troublée par ce qu’on voit, Jonathan Glazer utilise beaucoup le son pour nous faire comprendre ce qu’il se passe à quelques mètres. Et on a donc une bande-son terrible à base de cris, de pleurs, d’aboiement, d’insultes et de coups de feu, mais tout est étouffé et comme feutré, et parfaitement ignoré ou feint par les Höss, et surtout par Hedwig.

Cette dernière est la plus dingue et elle respire littéralement la folie à chaque plan. Elle se focalise complètement sur la chance qu’elle a, et les efforts qu’elle met à avoir son paradis à elle. D’ailleurs quand l’occasion est donnée à déménager à Berlin, elle refuse tout de go, et fait des pieds et des mains pour rester dans cet environnement paradisiaque et idéal pour élever leurs enfants.

On aperçoit en même temps par les interstices du film des prisonniers émaciés et en guenilles qui viennent rapidement et le plus discrètement possible, véritables esclaves apeurés et déshumanisés, chercher les bottes du commandant pour les nettoyer lorsqu’il rentre chez lui le soir, ou préparer son cheval pour qu’il parte pour ses inspections. On n’en verra pas plus, sinon les cheminées qui crachent fumées noires, flammes et braises, et le balai des convois qui est évoqué en filigrane.

On comprend juste que tout est affaire de logistique et d’efficacité, et que c’est la spécialité de Rudolf Höss. Il est célébré comme le meilleur et celui aux méthodes les plus productives. Il présente des plans pour améliorer les procédés d’élimination, depuis l’arrivée des trains à la tuerie en masse, puis à la suppression des corps de manière industrielle et parfaitement maîtrisée : comme des rouages bien huilées et à la redoutable ingénierie et ingéniosité. Pendant ce temps, Hedwig et ses amies se partagent les manteaux de fourrure des femmes juives qui sont arrivées pour mourir dans le camps, et en toute conscience pérorent sur le bienfondé de leur destin.

Et tout cela avec cette démonstration continue de petit paradis exclusif, mais qui donc sue un soufre démoniaque de tous ses pores. La démonstration la plus explicite vient avec la visite de la mère d’Hedwig qui essaie de se convaincre que sa fille a décroché la timbale, et vit vraiment dans un endroit superbe. Mais alors qu’Hedwig est tout sourire et paraît guillerette, sa mère ne peut s’empêcher de tousser avec les fumées qui les entourent, et de s’inquiéter de ces murs d’enceinte si proches, d’entendre les bruits et cris du camp, et de voir ces cheminées qui crachent du feu et de comprendre parfaitement ce qui s’y trame. Elle fuit la maison le lendemain en secret, sans ne rien dire à personne, au grand dam de sa fille.

On a aussi les enfants qui s’amusent dans la rivière avec leur père, et qui doivent en sortir urgemment, car Rudolf Höss réalise que des morceaux d’os humains sont charriés par les eaux.

Bref ce procédé m’a vraiment paru aussi flippant qu’efficace, et en filigrane il permet de comprendre un peu mieux les personnalités de ce couple « extraordinaire ». Et même si on comprend aussi que c’était des êtres humains et des familles qui vivaient là avec leurs enfants, on a la juste et complète peinture avec le peu qui transparaît et dont le pouvoir suggestif est tout sauf négligeable.

En revanche, Jonathan Glazer a rajouté des effets qui m’ont paru un peu trop décalé et « arty » et peu nécessaire. On a ces passages où une petite fille se déplace la nuit pour mettre des pommes un peu partout sur le passage des prisonniers et travailleurs forcés. C’est filmé en « négatif » peut-être pour montrer l’envers du décor, mais ça ne sert pas très bien le propos selon moi, et c’est juste bizarre. De même les plans abruptement disposés à la fin du film entre une scène avec Rudolf Höss et la manière dont les femmes de ménage préparent le site historique actuel d’Auschwitz ne m’ont pas convaincu. C’était très bien de filmer et de monter ces scènes, mais ç’aurait pu être fait avec moins d’emphase. Le film est bien assez flippant comme ça.

Je retiens vraiment l’intérêt de voir la vie de ces personnes, et ce parti pris de ne pas montrer l’extermination de manière directe, mais bien de se focaliser sur le « paradis » pour le rendre encore plus malaisant et malfaisant, véritable illusion de théâtre derrière une usine à torturer, tuer et incinérer les gens.

Sandra Hüller déjà vu dans Anatomie d’une chute aurait aussi largement mérité un prix pour ce rôle, c’est assez fou d’ailleurs puisque c’est un sacré grand écart de jeu, mais elle confirme un talent vraiment dingue.

Je vous conseille la critique ci-dessous d’une keupine des Internets, je souscris à la plupart de ses remarques. Et il écrit fort bien !!

Madame Web

Ouh là là que c’est mauvais !! Et vraiment il n’y a pas grand chose qui va bien pour essayer de sauver ce truc. Ce que je trouve dommage c’est que les comédiens et comédiennes ne sont pas mauvais (je trouve notamment que Dakota Johnson a un certain charisme) mais vraiment on leur fait dire des répliques lamentables à tout bout de champ. Et puis cette histoire pue du cul de la première à la dernière minute du film. Oh là là c’est terrible.

Madame Web est logiquement une mutante dotée de grands pouvoirs de précognition qui est lourdement handicapée, et qui reste sur une chaise roulante en étant aveugle. Elle est une aide à Spider-Man lors de quelques-unes de ses aventures. Le film pourrait être vu comme une préquelle de Madame Web, qui est guérie dans un premier temps de sa maladie grâce à une piqûre d’une araignée spéciale (Amazonie péruvienne) alors qu’elle est encore dans le ventre de sa mère, ce qui lui donne aussi ses pouvoirs de voyance.

Mais j’ai trouvé le film tordu et maladroit dans son approche de l’univers de Spider-Man. On a ce peuple d’Amazonie qui a les mêmes pouvoirs que Spider-Man car ils vivent avec des araignées particulières. Et les mecs sont absolument RIDICULES !! Des costumes immondes, ils parlent très bien anglais, vraiment n’importe quoi… Il y a le grand méchant qui a tué la mère de Madame Web pour lui piquer des araignées et devenir une sorte de Spider-Man avant l’heure (cela rend le film vraiment confus ce mélange des genres). Mais il a des visions de 3 Spider-Women qui vont l’assassiner dans le futur, et il cherche à les tuer alors qu’elles sont encore adolescentes.

Ah oui, et pour arranger le coup le collègue de travail de Madame Web est Ben Parker, oui oui. Celui-ci veille sur la belle-sœur qui va bientôt accoucher…

Tout le film est cousu de fil blanc à un point que c’en est presque ridicule. Le montage est aussi super bancal, et vraiment l’écriture est faiblarde, les répliques débiles ou poussives. C’était à la base sympa d’avoir cette bande de filles qui vont devenir des héroïnes, et Madame Web qui va devenir le Bosley de ces drôles de dames. Mais leurs rôles sont indigents, et à côté de ça Les Marvels, qui était aussi un film très féminin, est un chef d’œuvre du genre.

Encore du beau gâchis !! Le seul truc marrant c’est que le film se passe en 2003 et nous propose vraiment des « vibes » des années 2000. C’est vrai que c’était il y a vingt ans et que l’on peut raisonnablement appeler ça « rétro », mais bon c’était tellement hier pour moi1.

  1. La remarque qui me prouve que je suis vieux, c’est officiel. ^^ ↩︎

May December (Todd Haynes)

J’étais très circonspect sur ce titre (que je ne comprenais vraiment pas), mais c’est une expression idiomatique qui signifie qu’il y a une grande différence d’âge dans un couple. C’est vrai que c’était vraiment difficile de trouver une traduction adéquate, et je vois qu’au Québec c’est également laissé en anglais, donc je ne peste pas plus à ce sujet. ^^

Le film est très librement inspiré de l’affaire Mary Kay Letourneau, et on retrouve en effet un contexte similaire. Julianne Moore incarne une femme qui a eu une relation amoureuse et sexuelle avec un de ces ses étudiants, un jeune homme d’origine coréenne de 13 ans, et qui a été emprisonnée pour cela. Mais elle a eu trois enfants avec le garçon (joué par Charles Melton) et ils sont mariés depuis plus de vingt ans. Il n’en reste pas moins qu’ils vivent toujours bléssés par un certain opprobre, et ils vivent toujours dans le même coin, avec leurs familles et connaissances aussi marqués par tout cela.

Natalie Portman, en tant que comédienne, arrive chez eux car elle va produire et jouer dans un film, où elle va incarner le rôle de cette femme. Elle cherche, pour travailler son rôle, à comprendre et imiter le plus possible Julianne Moore. Elle plonge dans une situation très complexe et émotionnellement tendue, avec une famille dysfonctionnelle à bien des degrés.

Le film mise clairement sur ses deux interprètes, et on peut largement le comprendre. Le duo Natalie Portman / Julianne Moore est merveilleusement bien chorégraphié, et Todd Haynes (qui est gay évidemment ^^ ) met le paquet pour exploiter au mieux le talent dingue de ces deux monstres du cinéma. Cela donne quelques scènes d’anthologie, dont ce moment où Julianne maquille Natalie, ou bien un autre où Natalie s’exerce pour son rôle et incarne l’autre femme en mode Actors Studio. Et globalement toute la photo, et les plans avec les deux femmes ou l’une avec l’autre, ou encore en regard de l’autre, sont travaillés avec beaucoup de minutie et de brio.

Todd Haynes c’est le génial réalisateur de Carol, Dark Waters ou encore Loin du Paradis, et Julianne Moore est une de ses actrices fétiches. Il arrive à instiller une ambiance à couper au couteau dans des scènes en apparence très lisses et américaines. On retrouve vraiment une ambiance chabrolienne très intéressante. Et j’ai adoré comme le sujet de base est déjà assez intrigant, mais il est détourné par la relation entre les deux femmes, et au-delà de cela : le fait même de faire un film sur un fait-divers comme ça.

Mais j’ai eu un gros problème, et c’est la première fois que c’est un tel phénomène pour moi : la musique ! Il y a un thème qui revient régulièrement et qui est CHELOU !! Déjà ce sont clairement les notes du générique de « Faites entrer l’accusé » et donc ça m’a énormément troublé (c’est peu de le dire). Mais c’est complètement dissonant avec le film. On n’est pas du tout dans un thriller ou une enquête d’Hercule Poirot, et à intervalle régulier on a ce thème qui est asséné, et qui vient complètement vous sortir du film. Je ne comprends pas du tout, pourquoi ce thème (au-delà de la référence troublante ^^ ) aussi appuyé et emphatique sur un film plutôt subtil et finement réalisé.

Mais sinon, c’est vraiment un film à voir et qui a énormément de niveaux de lecture, et d’appréciation. Il est magnifiquement porté par ces deux comédiennes de génie, et il vous colle dans une atmosphère très gênante et malaisante, avec des personnages qui ne sont jamais vraiment gentils ou méchants. Une ambiance encore une fois chabrolienne à couper au couteau, et on en ressort encore tout chafouin, car la fin n’est pas vraiment très « tranchée » et jusqu’au bout l’auteur nous roule dans la farine et brouille les pistes. C’est un film dont je me dis qu’il faudrait que je le revois en réalité. ^^

Pauvres créatures (Yórgos Lánthimos)

Depuis The Lobster, que je considère comme un chef d’œuvre assez culte, je suis très impressionné par Yórgos Lánthimos. La Favorite était aussi une sacrée réussite, et tout pointait pour que ce film soit plutôt très bien. Mais non, ça n’a pas fonctionné pour moi… Je ne sais pas si j’ai raté le coche, car les critiques ont plutôt l’air bonnes, mais moi je suis passé clairement à côté.

Et pourtant formellement le cinéma est toujours d’une aussi bonne qualité, on a des comédiens et comédiennes vraiment d’excellence (Emma Stone, Wilem Dafoe et Mark Ruffalo sont irréprochables), une réalisation très belle et originale. Mais tout ce déluge de moyens, de décors, et surtout ce « temps » (le film dure 2h20, et je ne les ai que trop senti passer) ne riment à pas grand chose j’ai l’impression. Au-delà d’une transposition fade de Frankeinstein au féminin, je n’ai pas du tout été sensible à cette histoire sans queue ni tête.

Et n’étant pas touché par la morale, ou la narration, ni vraiment par les personnages, je me suis surtout beaucoup fait chier. J’ai eu l’impression d’un Wes Anderson avec les facéties et la légèreté en moins, ou bien d’un Tim Burton de la bonne époque sans la fibre romanesque ou onirique.

Et comme pour The Lobster par exemple, je n’ai pas du tout été rebuté par l’absurdité de certains parti-pris ou du surréalisme fantastique des relations sociales, je ne crois pas que ce soit ces aspects là qui m’aient dérangé. C’est juste que je ne vois pas où cela nous mène, ce que cela nous apprend, ou l’édification obtenue.

Godzilla Minus One (ゴジラ-1.0)

Il y a vraiment à boire et à manger sur la trentaine de films qui figure le célèbre Godzilla, l’image d’Épinal des kaijū1 depuis 1954. Et donc 70 ans plus tard, ce film est une sorte de reboot qui nous resitue juste après la seconde guerre mondiale. Mais surtout ce n’est pas un film américain ni hollywoodien, et c’est sans doute une des grandes qualités de cette cuvée de Godzilla. Le film est super efficace et plutôt bien fichu, mais surtout comme il est purement « japonais » on ne tombe au moins pas dans le scénario du blockbuster totalement markété et écrit à l’emporte-pièce.

Le héros du film est un kamikaze qui n’a pas eu le cran de se suicider, et qui atterrit sur une petite île en prétextant un problème d’avion. L’équipe sur place se rend vite compte de son mensonge, mais rapidement Godzilla débarque et dézingue tout le monde, sauf le héros Kōichi Shikishima (joué par le choupi Ryūnosuke Kamiki) et le chef des mécanos.

Shikishima revient à Tokyo et trouve la maison de ses parents incendiés, et toute la population dans un grand dénuement. Il fait la rencontre inopinée d’une jeune fille aussi très paumée, Noriko Ōishi (jouée par Minami Hamabe), qui vient de sauver un bébé orphelin. Shikishima les accueille dans ce qu’il reste des ruines de sa maison, et il essaie de trouver du boulot. Mais rapidement, Tokyo se retrouve attaqué par Godzilla, et Shikishima va tout tenter pour aider à éliminer cette menace sur ses proches.

Le scénario n’est vraiment pas d’une folle originalité, tout le contraire, mais le jeu japonais apporte quelque chose de différent, même si il y a parfois une certaine hystérie un peu « fausse » dans les passages entre des échanges calmes et plein de quiétude, et puis d’un seul coup les personnages qui se mettent à se hurler les uns sur les autres (un travers assez classique du jeu japonais ou coréen). Mais il y a un élément tout de même qui est très marquant et sort de l’ordinaire, c’est tout cette histoire autour du sacrifice et du kamikaze.

Le film au début est clairement « contre » le héros et lui reproche le fait d’être vivant et de ne s’être pas sacrifié. Et Shikishima passe tout le film avec sa culpabilité et dans une quête de rédemption. Néanmoins, tout le film peu à peu a un discours beaucoup plus contrasté, et à la fin carrément « occidentalisé ». C’est à dire que des personnages, alors qu’on est censé être en 1947, disent que c’était injuste d’avoir sacrifié autant de soldats avec des armes inefficaces, des chars non blindés ou d’avoir envoyé des aviateurs au combat comme s’ils étaient des bombes vivantes. Et clairement, le message est de plus en plus sur le peuple qui doit se mobiliser pour contrer le monstre, mais clairement sans embrigadement militaire et avec l’espoir de se sauver aussi, et surtout pas de se sacrifier, en tout cas pas « la fleur au fusil ».

Et la conclusion du film est très très clairement en ligne avec ce sous-texte que je trouve très révolutionnaire pour des sociétés qu’on pense plutôt en proie à un confucianisme et un réflexe de sacrifice pour la patrie, ou d’un devoir qui dépasse sa propre conservation.

Et sinon bien sûr, les effets spéciaux sont plutôt de bonne facture, même si ça flirte tout de même pas mal parfois avec des animations de jeux vidéos plus que de film, et avec quelques rendus d’images de synthèse un chouïa brouillon à mon goût. L’action est bien soutenue, mais on a une très très chouette histoire personnelle, entre cette histoire de rédemption mais surtout une histoire d’amour bien classique et tout de même émouvante.

J’ai aussi pour l’occasion découvert, complètement par hasard, le système 4DX pour ce film2. C’est très très drôle et sympa, car c’est vraiment un sacré outillage et on pourrait carrément se croire dans un manège à sensation. Il y a non seulement tous les sièges qui bougent (et vraiment qui donne des effets similaires à un simulateur qu’on trouverait chez Disney), mais de la vraie fumée dans la salle, des souffles froids ou chaud, des odeurs, de l’eau en gouttes ou en vapeur, des jets d’air à droite et à gauche du cou et derrière les mollets, des flashs qui rendent plus vrais que nature des coups de feu, et même de la neige carbonique qui simule des explosions en une sorte de « réalité augmentée ».

Je ne croyais pas trop à ce genre de truc, mais c’est du sérieux, et c’est super super marrant et plutôt efficace. Et pendant les bastons, il faut s’accrocher car on peut carrément tomber de son siège tellement ça balance dans tous les sens, ça vibre, ça tangue et ça vous enverrait presque valdinguer. Evidemment impossible de faire ça si vous avez un quelconque mal de mer ou habituellement des difficultés dans les attractions. Cela fonctionne super bien pour un film d’action comme cela bien sûr, et je comprends ce que ça peut ajouter et l’intérêt d’aller au cinéma pour une expérience aussi « augmentée ».

  1. Un monstre en japonais, littéralement  « bête étrange » ou « bête mystérieuse ». ↩︎
  2. C’était au Pathé Atlantis de Nantes. ↩︎

Sergent Major Eismayer

En voyant ce film, sans avoir rien lu à son propos, je me disais à la fin « Bon ok, mais tout de même ce n’est pas super crédible comme histoire !! ». Et puis à la fin du film, on explique que c’est une histoire vraie, et on voit les photos de mariage des bonhommes. Donc non seulement le film est crédible, mais en plus ils ont plutôt bien casté les comédiens. Mouahahahahahaha.

Et contre toute attente, l’histoire c’est bien cela, nous sommes en Autriche, et nous avons le Sergent Major Eismayer qui est instructeur à l’armée. Mais alors l’archétype de l’instructeur tyran et qui terrifie les troupes, voire qui abuse et met en danger la vie de certains. Evidemment raciste et homophobe pour en ajouter une louche hein. ^^

Et voilà que débarque un aspirant, Mario Falak (joué par Luka Dimic), qui est ouvertement gay et plutôt du genre basané. En plus de cela, il a une grande gueule et refuse de se laisser faire ou abuser par quiconque. C’est donc immédiatement un fort désamour entre les deux hommes, et Eismayer (joué par Gerhard Liebmann) le brime comme il a l’habitude.

Mais ça finit par un mariage, et les deux sont encore ensemble, tout en étant militaires de carrière. Alors franchement rien que pour cela, le film vaut le coup d’œil. C’est tout à fait charmant, et apparemment ça a fait pas mal de bruit en Autriche. C’est presque dommage que le film n’ait pas une distribution ou une presse plus importante, car ça ferait du bien à certains militaires de voir ça. ^^

All of Us Strangers (Sans jamais nous connaître) de Andrew Haigh

Depuis Weekend et Looking, je suis très attentif et j’ai un a priori très positif pour les œuvres d’Andew Haigh, et donc j’étais super content d’avoir l’opportunité de découvrir ce film en avant-première à Nantes en fin d’année dernière. De savoir en plus que le premier rôle est tenu par Andrew Scott (que j’adore dans toutes ses performances) et que cette histoire flirte avec le surnaturel m’ont encore plus convaincu que ce serait ma came. Le film est basé sur un livre japonais qui a déjà été adapté une fois, mais là on est sans doute sur une inspiration un peu plus lointaine, disons que l’idée majeure a été conservée, mais contextualisée de manière très différente.

Le personnage principal Adam (Andrew Scott) habite dans un immeuble neuf, et il n’y a que très peu de locataire. Naturellement solitaire, le scénariste neurasthénique n’a pas l’air de vivre ça trop mal. Un soir, un voisin, manifestement plus jeune (joué par Paul Mescal), frappe à sa porte et vient lui faire du rentre-dedans. Adam refuse poliment ses avances, mais on le sent malgré tout intrigué et émoustillé par le petit jeune. En faisant des recherches pour un scénario, il revoit des photos de famille, et il décide de retourner sur le lieu de son enfance pour voir la maison où il a grandi. Il prend le train, et finit par arriver près d’une bâtisse. Il est accueilli par ce qui semble être ses parents (le père c’est Jamie Bell et la mère Claire Foy), mais qui ont l’air plus jeunes de lui.

Le début est donc un peu confus, mais on comprend vite que ses parents sont morts (il en ont conscience), et qu’il les rencontre donc avec une dimension fantastique très assumée. Les parents sont morts d’un accident de voiture il y a longtemps, mais ils sont très heureux de voir leur fils. Et lui en profite pour renouer avec eux, et leur raconter sa vie sans eux. Le film tourne autour de ces voyages en train jusqu’à cette maison « hors du temp », avec une série d’échanges avec ses parents. En parallèle, le soir dans son immeuble dépeuplé, il s’affirme de plus en plus dans une relation amoureuse avec son jeune voisin.

Le film fait irrémédiablement penser à Weekend dans la forme, et l’excellence de la réalisation. On y retrouve aussi une bande-son très efficace et très présente dans la narration. Il y a ces plans rapprochés des visages qui sont absolument incroyables, et une vraie célébration de la beauté des comédiens. C’est aussi une manière de montrer la relation amoureuse et les sentiments par leurs regards magnifiés et particulièrement expressifs (mais « comme dans la vie » selon moi, et qui sont finalement assez rarement rendus dans des longs-métrages). Et il faut noter que malgré le peu de protagonistes, c’est une énorme réussite sur les comédiens et la comédienne, et la direction d ‘acteur y est aussi sans doute pour quelque chose.

Je suis déjà très fan d’Andrew Scott mais là, ça ne fait que confirmer mon entichement pour le bonhomme. Il incarne ce rôle avec un naturel et une authenticité frappante, et il a vraiment le chic pour jouer ces introvertis qui laissent en apparence peu passer les émotions. Paul Mescal est également très bon, mais c’est surtout le couple Jamie Bell et Claire Foy qui sont absolument parfaits.

C’est vraiment d’amour dont il s’agit tout le long du film, que ce soit d’abord l’amour-propre du personnage principal, mais aussi cette relation naissante avec son petit voisin, et surtout l’amour pour ses parents, et son parcours singulier avec cette mort accidentelle quand il était enfant. On comprend que c’est aussi cette rupture extraordinaire qui l’a marqué toute sa vie, et une sorte de rédemption est à la clef, à la fois dans la réalité de ses sentiments pour son voisin, que dans une réassurance sur ce que ses parents lui auraient apporté, et sur une sorte de réconciliation de toutes les « timelines« .

J’ai beaucoup aimé le film pour sa délicatesse, et son approche calme et posée de l’histoire, les plans sont lents, silencieux et parfois impressionnistes. Et la photo comme la mise en scène sont d’une telle beauté et efficacité, que le film n’est jamais chiant ou « trop long ». Et j’ai été vraiment très très touché par la relation avec les parents. Mais je crois que je me suis fait moi-même des films pendant le film. ^^

Andrew Scott est de 1976 comme moi, et le film explique qu’Adam (son personnage donc) a perdu ses parents en 1988 quand il avait douze ans. Donc on est de retour en 88, et c’est difficile de ne pas s’identifier… Cette maison avec cette déco, cette musique (New Wave bien sûr) et l’attitude des parents, je ne pouvais qu’être très attentif à tout cela, et bien évidemment j’ai laissé la résonnance venir à moi, en moi. Il est très drôle aussi d’avoir un coming-out à ses parents alors qu’on est plus âgé qu’eux, et qu’ils sont dans un contexte « 1988 ». La scène avec Claire Foy notamment est vraiment drôle et cruelle à la fois (elle parle évidemment du VIH…). Et le rapport avec le père est extrêmement touchant et surprenant.

Le film est clairement moins dans une dimension culte comme « Weekend » l’est pour moi aujourd’hui, mais c’est vraiment une œuvre de grande qualité, et qui a encore cette faculté d’évoquer des relations qui transcendent réellement l’orientation sexuelle. Il y a un vrai déclic universel à cette relation amoureuse, certes entre deux pédés, et celle filiale, qui touchera tout le monde, et met la sexualité plutôt au second plan (même si elle est très présente). Et puis formellement, il n’y a pas à dire mais Andrew Haigh est vraiment fortiche. Et avec en plus des super comédiens, une histoire intrigante qui flirte avec le fantastique, de la musique prenante, ça marche très très bien.

Les Trois Mousquetaires : Milady

La première partie D’Artagnan était une vraie bonne surprise : malgré quelques défauts on avait un film de capes et d’épées de bonne facture, et un divertissement de qualité. Et la suite et fin, Milady, est encore meilleure, donc c’est tout de même notable : un bon film français grand public et une adaptation qui n’a pas à rougir des Trois Mousquetaires.

J’ai bien aimé aussi que ça reste un film à l’action aussi soutenue que le premier, et avec une importance plus grande apportée aux personnages, donc on voit vraiment plus les mousquetaires ou Eva Green. Les scènes de combats sont plutôt bien filmées et chorégraphiées, et l’attention aux détails des costumes et décors est toujours aussi soutenue et qualitative. Cela donne de très belles scènes à la photo impeccable avec des décors et costumes somptueux, et aussi encore des gueules un peu dégueulasses qui tentent le réalisme.

Les vues de La Rochelle notamment sont plutôt bien fichues, ainsi que les tournages sur site, et il n’y a pas d’aussi gros ratés d’effets spéciaux comme le château de St Germain en Laye qui est au bord des falaises de craie anglaises dans le premier opus (là encore, mais au moins on ne fait plus des survols avec travellings nazes).

J’ai même trouvé que les comédiens étaient un peu mieux dans leurs rôles, avec une écriture qui sert assez bien la narration, mais permet aussi quelques incursions pour donner de l’épaisseur aux personnages. Malgré quelques éléments encore un chouïa maladroits, comme les scènes finales qui s’articulent de manière peu crédible entre Constance et Milady.

Le film se tient vraiment très bien, avec quelques scènes de comédie qui allègent le tout, mais une trempe globale qui rend plutôt hommage aux films de capes et d’épée, et avec encore une Eva Green absolument solaire et impeccable. Louis Garrel est encore fabuleux en Louis XIII flegmatique et à l’humour neurasthénique. Il y a aussi un clin d’œil assez sympathique avec un personnage secondaire noir qui est inspiré par un personnage historique à l’époque de Louis XIV. Ce n’était pas forcément très crédible de l’avoir comme mousquetaire, mais la manière dont le scénario le fait voir comme ayant le roi comme parrain, et l’importance que cela revêt, est un moment sympathique du film.

Il faut en profiter, c’est pas tout le temps qu’on a des films français d’actions qui tiennent la route comme ça. ^^

Mars Express

Cela faisait longtemps que je n’avais pas vu un aussi bon petit film de SF, et que ce soit de l’animation française est la cerise sur le gâteau ! Cela m’a tout de suite rappelé la série Lastman que j’avais dévorée il y a quelques années, et évidemment il s’agit en réalité du même créateur. Donc la filiation est assez évidente et c’est pour le mieux, car on n’est pas dans la qualité de rendu, de fluidité ou de finesse la plus dingue, mais le style est là et il est irréprochable. L’animation reste très propre, et la direction artistique est vraiment d’une qualité supérieure. Le dessin est super créatif, et le film fourmille d’idées géniales très « françaises » (selon moi ^^ ).

Le scénario est assez classique, mais fonctionne super bien. Et c’est peut-être un peu la fin qui est curieuse, mais qui après coup, est d’une grande originalité puisque les méchants, littéralement le grand Capital, gagnent haut la main. Hu hu hu.

Nous sommes en 2200, et la vie humaine est bien développée sur Mars où l’on vit même dans de meilleures conditions que sur Terre. Le monde est techniquement très développé, et les humains cohabitent avec plusieurs formes de robots : IA, cyborgs, androïdes, humains augmentés etc. Il y a même une nouvelle forme de robots à base de créatures biologiques génétiquement élaborées (« Gilbert » et « Jeanine »1 dans le film, mouahahahahaha). Aline Ruby, une détective privée et son acolyte, Carlos Rivera, qui est un androïde « sauvegardé »2, enquêtent sur des morts suspectes qui gravitent autour d’une importante entreprise de robotique. On va découvrir un complot beaucoup plus massif qui remet en question la nature même de la cohabitation entre les humains et tous les êtres synthétiques.

L’animation est excellente, mais surtout la fibre SF est de très bonne facture, avec des inventions d’anticipation qui sont crédibles et bien foutues, des scènes d’action très convaincantes et rythmées, et qui tiennent en haleine du début à la fin. C’est cool de voir un film français de SF aussi bien fait et tout à fait au niveau d’une production hollywoodienne, avec ce petit supplément d’âme qui en fait un film qui sort de l’ordinaire.

  1. Jeanine ressemble vraiment à un navigateur de 3ème échelon de la Guilde Spatiale. ↩︎
  2. C’est à dire qu’il est un humain décédé qui avait enregistré sa personnalité, et qui a été répliqué dans un robot. ↩︎

Napoléon (Ridley Scott)

Je n’y allais vraiment pas du tout rassuré par les différentes critiques que j’avais lu au sujet de ce film. Mais bah moi, j’ai bien aimé ce film. Ce n’est pas un chef d’œuvre qui marquera l’histoire du cinématographe, et ce n’est certes pas le Napoléon (1927) d’Abel Gance. Mais c’est un très beau film en costumes, plutôt bien réalisé, qui propose son biopic d’un grand personnage historique avec assez de panache, d’originalité et une action soutenue, et sans, il me semble, des énormes conneries super honteuses sur not’ Empereur des Français.

Alors évidemment, il manque des tas de trucs, énormément d’information, de faits majeurs et même des pans entiers de l’histoire napoléonienne, mais en 2h40 c’est déjà bien de réussir à faire le tour des péripéties les plus marquantes, et d’essayer de dresser un portrait plus ou moins télégénique. C’est-à-dire de mettre un peu de charisme déformant sur le gars, d’ajouter de la passion amoureuse, quelques travers bien franchouillards, et de conclure malgré tout sur le nombre de morts dans ses guerres pour rappeler que c’était un grand boucher de l’histoire. Mais donc c’est vrai qu’on a rien de la campagne d’Italie, ni sur les changements politiques et administratifs en France (qui sont énormes), ni le rétablissement du code noir dans les Antilles, les exécutions dont le célèbre tableau de Goya témoigne, ou encore les 134 départements français en 1812 (la France n’en a jamais comporté autant), ou même les rapports avec les maréchaux d’Empire, sa famille ou le peuple.

Mais malgré tous ces manques, on a un récit assez circonstancié qui nous mène de la Révolution Française, vers l’accession au pouvoir d’un général ambitieux et talentueux, surtout doué pour la guerre évidemment, et jusqu’à cet Empire des Français incroyable après une monarchie dont on venait tout juste de se débarrasser. Et surtout il y a Joaquin Phoenix qui est égal à lui-même c’est à dire complètement dingue dans ce rôle. On le sent totalement possédé par le personnage et d’une authenticité très « Actors Studio » (même si le comédien affirme ne pas du tout utiliser cette approche). Et donc même si on peut raisonnablement mettre en doute le choix d’incarnation d’un Napoléon aussi fantasque que colérique, et amoureux passionné de Joséphine au point de se faire mener par le bout du nez (tout en la dominant clairement, c’est assez étrange et bien foutu comme relation), la proposition a le mérité d’être crédible dans le film. Joaquin Phoenix en Napoléon et Vanessa Kirby en Joséphine jouent remarquablement bien, et ça aide carrément je pense à rendre le film tout à fait digeste.

Les décors et les costumes sont somptueux, vraiment superbes à tout point de vue, et le détail de la scène de couronnement qui se veut une réplique du fameux tableau de David force le respect. Enfin Ridley Scott s’est éclaté sur les scènes de bataille, et on sent que c’était vraiment ce qui animait le réalisateur. On a des moments épiques et diablement bien filmés, avec énormément de figurants, des décors réels à grands renforts de plans aériens qui montrent les stratégies de plans de bataille, et comment les affrontements se faisaient en avançant comme sur un échiquier. Il y a un mélange très habile de plans réels et d’images de synthèse, avec un montage très dynamique et efficace, qui produisent une action très soutenue. Globalement le film alterne bien entre les moments de guerre et sa progression en tant qu’homme d’état. Et comme rien n’est calme, cela a au moins le mérite de produire un film historique très enlevé et romanesque.

On oublie rapidement que la langue n’est pas la bonne, mais surtout parce que l’anglais est devenu une lingua franca des films et séries TV. J’aurais été choqué pour n’importe quelle autre langue sans doute. C’est un petit peu étrange quand il se bat contre les anglais à Toulon, car tous parlent la même langue, mais ça prête juste à sourire.

Le point d’orgue dans les batailles est sans doute Austerlitz qui est un très beau moment de cinéma. Même si Ridley Scott fait de l’anecdote un point central, cette scène de la fuite des armées sur un lac gelé, avec l’artillerie qui fait céder la couche de glace, et les ennemis : hommes, chevaux et canons, qui disparaissent dans les eaux glacés est vraiment à couper le souffle.

Mais on sent tout de même que le film est « trop court », et qu’on a eu la main lourde sur le montage (pauvre Ludivine Sagnier a été coupée sur cette version cinéma). Comme la version Apple fait 4h30, on ressent tout de même que l’enchainement d’événements là est un peu trop saccadé et « pressé ». A peine a-t-il libéré Toulon, qu’il devient général de Brigade, et hop le Directoire, et il est déjà premier consul, et on n’attend pas dix minutes que l’Empire est là. Et c’est un peu pareil pour sa relation avec Joséphine. Donc c’est compliqué car on peut lui reprocher de n’en dire pas assez, mais il dure déjà 2h40 et a un montage hyper serré.

Eh bien globalement, avec ces contraintes, avoir réussi à traiter aussi la chute avec la retraite de Russie, quelques scènes bien senties avec Talleyrand (sacré Charles-Maurice !), la période île d’Elbe et son retour flamboyant pour les 100 jours, avant la fin des haricots à Ste-Hélène, c’est une chouette réussite. Avec un Joaquin Phoenix évidement omniprésent et particulièrement investi, de beaux costumes et décors, un fond historique pas déconnant, et une action soutenue, j’ai passé un bon moment.