Foot ou Céline Dion ?

Comment vous parler d’un cliché, sans en être un moi-même, ce n’est pas évident… On va essayer tout de même. ^^

Vous n’êtes pas sans savoir que j’ai changé récemment de job, et donc je savais bien qu’en intégrant une équipe un peu plus « technique et ingénierie », ça serait forcément des collègues un peu plus « moustachus et couillus ». Mais c’est toujours un choc de replonger au quotidien dans un tel cadre de référence.

Il y a donc très peu de femmes dans ce nouvel entourage de boulot, et vraiment on est dans une ambiance qui est juste totalement surannée pour moi. Ce n’est pas tant d’ailleurs que ce soit toxique ou malveillant, mais c’est en revanche maintes occasions d’écarquiller les yeux un peu dubitatif de tout ce qui est en train de se dérouler.

Et ce que je trouve fascinant/inquiétant/déprimant (rayez la mention inutile), c’est que tout cela est parfaitement transgénérationnel puisque mes collègues sont nés entre 2002 et 1968 (je suis dans les plus vieux, mais on est plusieurs ^^ ).

Cette ambiance très masculine donc se traduit par des interpellations à base de « ma poule » ou « mon poussin » uniquement entre mecs évidemment, et qui s’appuient par des remarques très viriles pour contrebalancer l’éventuelle incompréhension. (Hu hu hu.) Mais il y a aussi une surreprésentation extrêmement prégnante en conversation footballistique, mais alors prégnant quoi !! Et surtout, il y a toutes les métaphores du monde pour parler de cul en gloussant, et le plus drôle c’est quand on insinue qu’on s’encule d’une manière ou d’une autre (en s’asseyant sur un truc contondant, ou en passant derrière quelqu’un ou je ne sais quoi de plus inventif). Et ça glousse et caquète ensuite, mais comme au collège quoi. ^^

Ce n’est pas très grave bien sûr, blague de potache quoi… Mais cela me rend juste assez silencieux et discret, exactement comme les quelques femmes qui émaillent ce lieu de travail. Ils savent tous que je suis pédé, car c’est un truc que je dis très rapidement, dès que j’en ai l’occasion en tout cas (à peu près aussi vite que les collègues dégainent un « mes enfants », « ma femme », ou « ma copine » donc immédiatement). Et je remarque donc une exclusion assez immédiate, pas du tout offensive ou ostracisante per se, de ces échanges de garçons car j’ai rejoint tout naturellement le clan des filles. BREF MATOO EST DE RETOUR À L’ÉCOLE !!!

Bon ça ne m’empêche pas de m’exprimer ni d’échanger ou de plaisanter, car vraiment tout cela n’est pas pesant et omniprésent non plus. Allélulia. Mais j’avais vraiment l’impression que c’était un signe des temps anciens et que c’était vraiment totalement derrière nous. Bah non !

Et cette semaine, j’ai eu deux jours à Tours en déplacement pour un séminaire sur un sujet avec une quarantaine de… mecs (et 4 ou 5 femmes tout de même). On avait tout ce qui fait le charme de ces réunions avec un ice breaker et du team building, bref ces trucs auxquels je suis absolument allergique mais considérés comme des briques essentielles du boulot tel qu’on le voit aujourd’hui. Pour l‘ice breaker qui consiste donc à se présenter et mieux faire connaissance, il fallait apporter un objet qui nous représentait en forme de clin d’œil. Et là je vous le donne en mille, la moitié de la salle avait rapporté un t-shirt de son équipe de foot favorite. Mazette !!!

Pour le team building, donc l’activité sympathique pour nous détendre et faire de nous des grands potes, on m’avait parlé de bowling ou de karting, ou je ne sais quoi, que je redoutais donc comme les cours d’EPS dans les années 90. Et là quand j’ai vu que ça allait être un blind test musical, j’ai remercié tous les dieux de l’Olympe dans ma tête. On était réparti en équipes de personnes qui ne se connaissaient ni d’Ève ni d’Adam, et j’ai évidemment fait gagner mon équipe. Alors que les footeux rouspétaient qu’ils n’allaient rien y connaître (en effet), l’animateur encore plus vicieux a en plus imposé des thèmes improbables1.

Et j’ai gagné presque tout seul les quizz sur Céline Dion et celui sur les comédies musicales2. Mon équipe était ravie d’une telle érudition, et se demandait bien comment je pouvais avoir une culture générale aussi spécifique. LAULE !

Quand on est rentré au bureau, mes collègues ont évidemment vendu la mèche à ceux qui n’étaient pas à Tours, en vantant mes talents de caelinophile en rigolant de cela bien sûr. Et quand un collègue pour renchérir a demandé comment j’avais « fait », j’ai répondu narquoisement :

C’est le privilège de l’homosexualité, ça vient avec le package !

Et comme je m’en doutais, tout le monde s’est tu, gêné et confus par cette révélation qui n’en était pas une mais qui était sans doute une remarque trop assertive et franche pour une fille.

Après je vous assure que j’en fais des tonnes, car ce n’est pas du tout une ambiance dégueulasse, et ce sont des gens très très sympathiques et accueillants. Et je suppose que si j’étais dans une ambiance à 98% gay, et que je n’étais pas fan de Lady Gaga et de Drag Race, je pourrais aussi me sentir un peu « à part ». Mais je ne me doutais juste pas que ces comportements « mascus » de base étaient encore si inscrits dans les mœurs, et que dans un groupe où se concentrent des vrais mecs, au bout d’un moment on sent forcément un peu un olibrius. Mais j’ai toujours aimé être un type singulier, donc ça me va, et je n’ai pas fini d’ajouter mon grain de sel à ce plat un peu fade. ^^

PS : Mes collègues de télétravail, elles sont hyper cool et ouvertes d’esprit.

  1. Mais ça dépend pour qui. ↩︎
  2. C’est pour cela que quand on parle de clichés hein… ↩︎

Iwak #30 – Vide

Dans nos parcours de vie, on découvre des nouveaux trucs sexuels très régulièrement, que ce soit avec des partenaires, ou dans des représentations quelconques (mais souvent des films plus ou moins artisanaux). Et la découverte est parfois expérimentale mais la plupart du temps c’est une une simple prise de conscience, un « Oh bah merde alors, ce truc existe, *cela est* !!! ». Cette dernière peut être choquante pour certains, mais c’est vrai que je ne suis pas choqué par grand chose, parfois étonné, souvent amusé, quelque fois intrigué, rarement révulsé, tout le temps très très intéressé !!

Je vous ai conseillé sur la gorge profonde, je vous ai renseigné sur le moignoning, et j’ai proposé une semaine d’articles pédégogiques sur un site spécialisé de l’époque. Hu hu hu. Mais bon tout ça, c’était il y a vingt ans. A mesure que le blog devenait plus « fréquenté », ça devenait super difficile de parler aussi ouvertement de cul (évidemment le couple aussi limite l’exploration et les expériences empiriques, tout en étant un brin pudique laule), en tout cas quand comme moi on traite le sujet de manière aussi détendue du slip que la dernière Palme de Cannes ou un coucher de soleil en Bretagne. Car il faut rentrer dans des cases, et ne pas trop en sortir pour ne pas choquer-han1. Bon, vous noterez que je mets des petits trucs intermédiaires pour prévenir sur les liens olé olé hein. ^^

Depuis j’ai reparlé de cul bien sûr, mais de manière plus subtile ou émaillée, ou comme récemment juste avec du texte, ce que je trouve encore plus vicieux et décalé dans nos Internets actuels. Hu hu hu. Car pas grand monde ne lit de textes, mais encore moins lorsque ça dépasse trois paragraphes. C’est sans doute le grand changement par rapport à la grande mode des blogs du début des années 2000, nous avions soif de nous lire et nous entre-dévorer les mots. Aujourd’hui écrire et être lu est finalement une activité très discrète. J’évoquais il y a quelques jours le fait que certains diaristes publient sur une toile parallèle (en utilisant le protocole Gemini), mais écrire comme cela est finalement une certaine garantie d’être lu uniquement par des alliés, et je brasse large dans mon acception du partisan moderne du blog : des gens qui savent lire et écrire.

Mais revenons à nos moutons, et laissez-moi vous conter des choses scabreuses, des trucs exhalant le stupre et la luxure, avec un brin de souffre. ^^

J’avais déjà bien donné des explications détaillées sur les positions qu’on appelle plus couramment aujourd’hui celles de pénétrant et de pénétré, qu’on appelait avant avec des termes chargés de patriarcat (en français ou en anglais) : actif/top ou passif/bottom. Les termes parlent d’eux-mêmes, et dans mon expérience on rencontre à peu près la dynamique suivante : 40% versatile (pratique les deux), 25% seulement actif, 25% seulement passif et 10% non pratiquant de la sodomie (le terme anglosaxon est side, il n’a pas de traduction officielle). Après vous avez, et on rencontre maintenant les nuances sur les applications de rencontre, bien sûr des préférences plus marquées avec des exceptions ou des rôles qui se décident selon la configuration du moment (et souvent la taille du sexe du partenaire), mais les versatiles rentrent dans cette grande case.

J’ai vraiment été surpris dans ma vie sexuelle de rencontrer donc une proportion non négligeable de gens : soit l’un soit l’autre. Parfois c’est vraiment « comme ça », mais souvent2 j’ai dénoté des clichés tout à fait ancrés dans nos mœurs et comportements. Je ne crois pas que ce soit critiquable, et en tout cas c’est souvent ce qu’on voit en représentation pornographique, car ce sont bien ces positions extrêmes et tranchées qui excitent et fournissent des matériaux de fantasme3. Mais cette polarisation des pratiques sexuelles va s’étendant vers des pratiques BDSM ou des paraphilies étonnantes, mais passionnantes, pour tout un chacun.

Car avec ce renforcement des « caractères », j’ai rencontré des actifs qui n’embrassent pas ou ne sucent pas, et aussi des passifs qui refusent qu’on touche leur sexe et qui ne visent que le plaisir anal, et rien que cela. Et ce sont ces derniers qui m’intéressent dans cet article et qui résonnent avec le mot du jour. Ces dernières années, et je suis épaté encore à mon âge de constater que, même si on n’a rien inventé en pratique sexuelle depuis les temps immémoriaux (je l’imagine en tout cas4), on recycle beaucoup, et on remet beaucoup à la mode des méthodes et des standards technologiques, on voit dans ce cadre un retour en force des cages de chasteté (mais pour du plaisir plus que de la punition quoi que ^^ ). Elles enferment donc les pénis dans une position flaccide pour une durée plus ou moins longue, et cela joue aussi sur la retenue et l’edging (le fait de se retenir de jouir le plus longtemps possible, tout en étant stimulé, puis de relâcher tout ça dans un bonheur décuplé), mais également sur une soumission quand c’est un tiers qui commande l’enfermement et la libération des membres contraints.

Nous sommes d’ailleurs en parallèle de cet Inktober with a keyboard, en plein Locktober également, qui consiste à conserver une cage de chasteté pendant tout le mois d’octobre, ou bien le plus longtemps possible. Bon, tout ça me parle dans le sens où je comprends le trip, et l’outillage est assez marrant. Après ça va un peu plus loin dans des vidéos (comme toujours) où la cage est vraiment portée pour souligner le caractère purement anal de la prestation, alors qu’habituellement dans les pornos, on a les deux interprètes qui éjaculent quels que soient leurs rôles. Quelques performers ont donc développé une certaine notoriété pour porter leur cage, et on voit cette tendance s’affirmer dans un plaisir vraiment uniquement anal et allant jusqu’à ne plus avoir d’éjaculation classique.

Mais voilà, le truc peut aller encore plus loin… Cela fait maintenant quelques années que je suis le mouvement « Nullo ». Nullo c’est pour « genital nullification » soit une « annihilation génitale ». Il s’agit concrètement de castration volontaire et d’eunuque nouvelle génération qui sont donc des hommes dépourvus de pénis et de testicules. Ils s’appellent aussi « smoothie5 » pour mettre en exergue le fait qu’ils n’ont plus de « bosse » mais que c’est tout lisse en bas de la ceinture. Il y a plus d’une raison ou d’un objectif pour qu’un homme devienne nullo. Certains hommes donc, dans cette poursuite ultime de ne plus avoir de rapport avec leur pénis et leurs testicules et de se concentrer sur le seul attribut « anal », décident d’aller jusqu’à cette castration complète. Certains ont plus l’air dans une quête de neutralité de genre, ce qui est une autre motivation, mais il me semble que la plupart le font dans une démarche ultime d’appropriation de leur corps, et donc de « séparation » de leur appareil génital.

Bon là du coup c’est considéré à la fois comme une paraphilie mais aussi comme une affection psychique, et c’est vrai que c’est assez difficile de positionner un curseur pareil, même si l’aspect volontaire et la détermination personnelle devraient être les seuls indicateurs (je me demande sincèrement). Il y a en tout cas une vraie importance dans la démarche, mais aussi dans la transformation de ces nullos6.

Ils exposent sur les réseaux sociaux (qui le permettent) leurs corps et c’est assez troublant, car, en effet, il n’y a « rien ». Un simple orifice pour uriner, le pubis plus ou moins poilu, et le vide intersidéral… Physiquement, cela reste vraiment des hommes en termes d’expression de genre, et ils ont les comportements sexuels identiques à ce que je peux voir des gars avec des cages. Mais voilà, c’est la cage de chasteté ultimissime, avec tout un comportement particulièrement soumis dans des rapports BDSM très intenses.

Evidemment le côté mutilation volontaire et irréversibilité posent question, mais aussi l’aspect santé avec le fait de ne plus vivre avec ses petites gonades, mais il y a sans doute des traitements hormonaux substitutifs pour cela (il existe des ablations de ce type suite à des cancers, donc ce n’est pas non plus une opération inédite). Le trouble en question est appelé syndrome skoptique, et c’est basé sur la secte des « scoptes » au 18e (mais encore vivace jusqu’au 20ème apparemment). Cette secte russe, qui appartenait à un mouvement religieux chrétien, se basait sur un retour aux racines de l’humanité. Ses adeptes étaient alors convaincus qu’Adam et Eve n’avaient pas d’organes reproducteurs avant le serpent et le péché originel, et que la mutilation pour hommes (pénectomie et orchidectomie) et femmes (mammectomie) étaient le moyen de recouvrer cette innocence des temps anciens.

  1. Contre-natur-haaaan. ↩︎
  2. Je fais exprès des généralités que j’assume, mais qui ne sont donc que mes élucubrations personnelles à ne pas prendre au pied de la lettre. ↩︎
  3. Modulo le retournement de situation qui propose littéralement une surprise qui ne manque souvent pas de sel. ↩︎
  4. Les puppies sont sans doute une catégorie à part d’ailleurs ! ↩︎
  5. Rien à voir avec les jus de fruits. Hu hu hu. ↩︎
  6. En français, forcément ça fait aussi « nulos » ce qui est phonétiquement péjoratif. ↩︎

Iwak #22 – Bouton

Quand je ne parle pas de fin du monde explosive, je parle d’IA qui, à sa manière, alimente parfaitement le premier événement, et le rend plus tangible et palpable. Mais je trouve que c’est globalement intéressant de s’interroger sur le progrès technologique, de ses qualités intrinsèques à son aliénation de la société, et il semble que l’un n’aille pas sans l’autre. Dans quel cas, faut-il y renoncer ?

Parce que si l’on devait recouvrer un peu de bon sens on prendrait la bonne décision globale de… Tiens par exemple : supprimer les téléphones portables. C’est une source dingue de pollution, les communications sans fil sont beaucoup plus consommatrices et moins efficaces que les communications filaires, et on se débrouillait bien avec le téléphone et des bêtes ordinateurs. On fonctionnait aussi sans Internet, et ça marchait non ? Mais là, c’est un retour en arrière basé sur moi, mon expérience et mes repères. Un gamin d’aujourd’hui dirait qu’on n’a pas besoin d’IA générative, et ma grand-mère me disait qu’elle vivait bien sans électricité et sans téléphone jusque dans les années 60.

Mais abandonner aujourd’hui nos Internets qui sont si pratiques pour tant de choses, et sur lesquels repose une grande partie de notre économie, nos portables qui sauvent aussi couramment des vies et nous permettent d’être tout le temps en contact les uns avec les autres… Dur dur. Ne parlons pas d’un retour en arrière sur le front de la santé , ou même de la pénibilité de certains emplois. Là aussi d’ailleurs, on glose toujours sur des emplois non qualifiés et déshumanisés, apportés par le taylorisme et le travail à la chaîne, qui sont de plus en plus automatisés, et ce qui serait un bien pour l’humanité ?

Tout ça passe crème jusqu’à ce que l’IA générative vienne taper dans les rangs des professions plus intellectuelles ou créatives. Là ça secoue un peu plus des gens qui ont des voix qui portent un peu plus… Mein gott, que c’est terrible cette hypocrisie absolument généralisée.

Le capitalisme fait croire que le progrès n’est qu’un prétexte à créer plus de valeurs, et que par cette nouvelle valeur, même si cela donne lieu à des difficiles et cruelles transitions économiques et industrielles, on crée plus de jobs, et que c’est un cercle vertueux. Mais lorsque nous sommes dans la pure extraction de valeurs comme on le voit ces derniers temps, et que ça va très très vite, à une échelle globale, eh bien ça pue du cul. ^^

Et quand en plus, nous sommes sur des technologies qui ne sont pas rentables, aspirent littéralement l’ensemble des investissements de tous les domaines technos, sont des béhémots consommateurs de ressources rares et ont un impact terriblement nuisible sur l’environnement : bah on ne fait rien, on y va bille en tête.

Mais même avec ça, on peut se dire que l’on trouvera des moyens pour que ça coûte moins cher, pour que ça pollue moins, et on se focalise aussi sur les bienfaits de ces technologies. Et ils existent bien sûr. Et je me dis mais pourquoi refuser ce truc là, alors qu’on a accepté tous les autres. Y compris les calculatrices qui font que je suis incapable de faire la moindre opération d’arithmétique sans utiliser un navigateur (car c’est comme ça que tout le monde fait non ? ^^ ). Alors pourquoi refuser les IA génératives aux gamins qui comme moi avec l’arithmétique auront cette nouvelle béquille tout le temps avec eux ? (IA Générative que j’utilise moi-même couramment pour le boulot ou même un usage personnel depuis que c’est disponible parce que c’est très utile.)

Bon et après évidemment, on remonte à Socrate, dans le Phèdre de Platon, selon qui l’écriture rend les hommes oublieux en ne mémorisant plus, et en leur donnant une illusion de savoir alors qu’ils ne possèdent qu’une connaissance superficielle.

Platon, quoiqu’auteur, met dans la bouche de son maître Socrate une critique incisive de l’écriture. Dans le Phèdre, Socrate critique l’écriture, qui ne favorise pas la mémoire mais au contraire la décharge, et fige la pensée dans des formules. L’apprentissage par l’écriture serait vain en ce qu’il ne fournirait qu’une apparence de savoir, et dispenserait l’apprenant de compréhension propre. L’écriture ne devrait ainsi jamais être qu’un aide-mémoire pour s’aider à retrouver un mouvement de pensée à oraliser.

Article Wikipédia sur l’écriture (philosophie).

Et tout découle de là…

Et pourtant on voit bien l’abîme de l’IA… Et comme abyssus abyssum invocat, on vient d’apprendre aujourd’hui qu’Amazon prévoit d’avoir 600 000 emplois de moins à recruter/conserver d’ici 2033 grâce à un ambitieux programme de robotisation de ses entrepôts.

L’exemple le plus connu de révolte contre la technologie est celui des luddites au 19ème siècle en Angleterre. Cela a donné le courant du luddisme, et celui du néo-luddisme qui correspond à des mouvements très actuels de rejet des technologies (même s’il est peut-être dans ce domaine plus intéressant de lire Jacques Ellul). Ces luddites sont des briseurs de machines de 1811-1812 alors qu’en plein essor d’industrialisation en Grande-Bretagne, des premières machines à tisser viennent révolutionner des corporations bien organisées et des métiers qui se voient directement touchés : les tondeurs de draps, les tisserands sur coton et les tricoteurs sur métier. Et là c’est un bon exemple de réactions à une nouveauté technologique qui vient bouleverser un équilibre, un rapport de force, et vient entamer directement le moyen de subsistance de toute une communauté.

Mais comment ça s’est terminé :

En fait, les trois métiers mentionnés vont quasiment disparaître à l’aube des années 1820.

Article Wikipédia sur le Luddisme.

Mais d’un autre côté, on a arrêté le Concorde et le transport supersonique parce que c’était risqué pour l’environnement, un gouffre financier non rentable, mais ça permettait de faire Paris-NYC en 4 heures pour des privilégiés qui payaient une blinde. Cela paraît fou aujourd’hui, alors que Musk déploie des milliers de satellites en orbite basse dont on redoute la fin de vie, et qui paraissent une hérésie au moins similaire. Aujourd’hui, on garderait le Concorde, on baisserait même artificiellement les prix en misant sur la croissance et le volume, et on spéculerait pour cacher tout ça. Et on dirait que l’avenir nous donnerait sans aucun doute des technologies supersoniques propres et bon marché.

J’ai été surpris il y a quelques temps de lire, via la veille de Louis Derrac, un article qui justement affirme : We should all be Luddites.

The Luddites were not fighting technology but the enclosure of their future.

We are now facing a similar moment. As artificial intelligence reconfigures every dimension of our societies—from labor markets to classrooms to newsrooms—we should remember the Luddites. Not as caricatures, but in the original sense: People who refuse to accept that the deployment of new technology should be dictated unilaterally by corporations or in cahoots with the government, especially when it undermines workers’ ability to earn a living, social cohesion, public goods, and democratic institutions.

Journalists, academics, policymakers, and educators—people whose work shapes public understanding or steers policy responses—have a special responsibility in this moment: To avoid reproducing AI hype by uncritically acquiescing to corporate narratives about the benefits or inevitability of AI innovation. Rather, they should focus on human agency and what the choices made by corporations, governments, and civil society mean for the trajectory of AI development.

This isn’t just about AI’s capabilities; it’s about who decides what those capabilities are used for, who benefits, and who pays the price.

We should all be Luddites par Courtney C. Radsch

Et cela vient d’un think tank américain plutôt centriste, on n’est pas dans une stance bolchévique altermondialiste qui n’aura, malheureusement, pas grand espoir de percer.

Je me demande donc si on appuiera ou pas sur le bouton…

Mais avec tout ce qui précède ? A t-on le droit, l’impudence, est-ce même éthique au vu de nos actions passées, de notre hypocrisie à tous ? L’abîme est-il inexorable ?

Iwak #21 – Explosion

Je vous serine avec la polarisation des opinions, mais elle se fait si croissante ces derniers temps, et c’est aussi clairement en l’observant aux USA, qui sont toujours le facteur grossissant fascinant de nos propres sociétés, que cela fait d’autant plus flipper. Car on voit le point de rupture advenir, on voit les populations se dresser les unes contre les autres, et on se demande mais quand est-ce que tout ça va péter ?

J’ai souri malgré tout quand ce week-end j’ai vu cette vidéo de Jon Stewart, qui est un des chroniqueurs du Daily Show que j’adore, qui lui-même se dresse contre cette simplification des discours à charge qu’il observe de manière complètement symétrique, et qui donc perdent forcément de leur substance. Car il met en boîte là en l’occurrence l’ensemble des éditorialistes de gauche1 qui s’insurge contre toutes les actions de Trump en criant au fascisme. Et en même temps, est-ce qu’on peut se taire ? C’est vraiment terrible ce positionnement qui nous amène à être forcément pour ou contre, ami ou ennemi, stupide ou intelligent, obtus ou éveillé, et contre toute nuance. C’est à peu près la critique que je formulais en filigrane ici.

Et pourtant il est facile pour moi de vivre ce même exercice de raison irréconciliable, lorsque je me dis oh bah Lecornu au moins il a le mérite de reprendre les choses de manière calme et ordonnée, et de paraître vouloir un certain consensus et un jeu démocratique dépassionné. Et puis tout de suite je me dis mais nooooon, ce ne sont que des raclures de bidet qui ne cherchent qu’à nous niquer plus profondément, qu’ils aillent donc manger leurs morts. ^^

Bon bah voilà hein, tous victimes, tous bourreaux, tous responsables en tout cas.

Je suis obnubilé par les articles que je lis qui font un rapprochement auquel j’ai du mal à croire entre notre situation et celle d’avant 1939. Que ce soit en Allemagne ou en France, on avait des médias avant-guerre également extrêmement politisés et polarisés, avec des stances de plus en plus violentes et manipulant aussi leurs lectorats. Et donc sommes-nous condamnés à rejouer cette partie là de l’histoire ?

J’ai souri également quand j’ai écouté ce podcast d’Avec Philosophie, que je cite régulièrement, dont le titre m’avait bien sûr donné envie : Simplisme, polarisation et pensée binaire dans le débat public actuel. Eh bien, autant j’avais trouvé que Géraldine s’était améliorée la dernière fois, autant là c’était une catastrophe. Le sujet était pourtant bien posé, et les contributeurs de qualité, mais c’est une émission inaudible et qui ne mène nul part. Grosse déception pour moi.

Aujourd’hui en revanche, Thierry Crouzet remet le couvert avec un article sublime à lire absolument. Il se demande concrètement comment rompre avec cette polarisation et la machine qui nous pousse à encore plus de soumission à ces algorithmes infernaux. Il est dans cette incohérence que nous vivons tous à vouloir se débarrasser des GAFA et des algorithmes, mais à avoir besoin d’audience et de vouloir continuer à jouir des interactions inhérentes aux Internets. Son discours et ses réflexions sont vraiment passionnantes et d’une belle clairvoyance.

Pour autant, je suis déboussolé : durant une vingtaine d’années, j’ai fait comme tout le monde. Ma prise de conscience, mon retrait, me place dans une position inconfortable. Je ne sais plus comment exister artistiquement. Peut-être la radicalité revient désormais à se taire, à se soustraire au brouhaha, à ne plus y contribuer. Et pourtant je publie encore un article, j’ajoute une pierre à l’édifice, mais j’évite de la jeter avec force dans l’océan pour provoquer des ondes qui en annonceront la publication.

Se soustraire au monde de Thierry Crouzet

Et je pense qu’il a raison, il faut apprendre à se taire, et à aimer ça, de nouveau. Mais c’est vraiment très très dur lorsqu’on est accroc. ^^ Il cite également un article à l’étrange synchronicité de JA Westenberg qui évoque exactement cela. Elle déploie une approche merveilleuse qui part carrément de la création de l’univers et décrit toute l’Histoire en quelques paragraphes2. Mais surtout, elle explique comme on est des petites crottes de rien, et c’est sooooo refreshing.

You are insignificant.
So am I.
So is everyone.
And that’s a good thing, because it means we can stop trying so hard to be significant and just focus on being alive, right now, in this improbable moment we’ve been given.
The universe doesn’t care about us, and that’s okay.
We can care about each other instead.

You Are Insignificant. That’s a Good Thing. par JA Westenberg
  1. Je simplifie à mort, car c’est une notion tellement singulière aux USA. ↩︎
  2. On dirait un peu le générique de Big Bang Theory mais à l’écrit. ↩︎

Iwak #13 – Boire

C’est un vrai truc chez moi ce « je ne bois pas d’alcool », mais il est de plus en plus commun et donc de moins en moins ostracisant. Mais il l’a sacrément été par le passé, et reste encore aujourd’hui un marqueur social qui peut tendre à l’opprobre, ou au minimum à une certaine gêne, selon les contextes.

Au début ce n’est pas compliqué, je n’ai juste pas aimé le goût quand mes parents me faisaient boire une gorgée dans leur verre pour tester. Et donc je m’étais dit « mais ce n’est pas bon ! » et on me rétorquait « tu verras, ça changera avec le temps ». En réalité, je suis persuadé de deux autres facteurs pour ma sobriété que j’appelle souvent névrotique. D’abord il y a sans doute des exemples d’alcoolisme qui pour certains sont au contraire une filiation évidente et des travers héréditaires, et qui pour moi ont été autant de repoussoirs et d’épouvantails. Il y avait les exemples visibles et ceux racontés, celui des grands-parents que je n’ai pas connu par exemple. L’alcool n’a jamais eu une très bonne image, j’entendais plus les gens en parler comme une sorte de mal nécessaire pour faire société.

L’autre chose c’est vraiment mon caractère à la con ayant voulu à l’adolescence joué sur une singularité exacerbée. C’était un des nombreux maladroits déflecteurs à mon homosexualité évidemment, et cela consistait à être droit comme la justice quitte à frôler l’ascétisme, en mettant bien en exergue mon intégrité vis à vis d’autrui. Donc je devais être absolument irréprochable, pas de chapardage, pas de mensonge, pas de triche, pas de drogue ou d’alcool étaient donc des évidences. Et je sais que dire « Non, je ne prends pas de champagne », alors qu’adolescent on commençait à nous en proposer en famille, notamment dans les mariages, était à la fois un refus de boire, mais aussi de dire que j’étais plus vertueux qu’eux, les adultes.

Et je voyais bien les réactions contrastées entre le faux compliment « Oh mais tu as raison, c’est très mauvais de boire », les commentaires relativistes avec un peu d’espoir que je rejoigne le troupeau : « Et puis tu as bien le temps de t’y mettre, ah ah. Tu verras les pintes avec les potes bientôt », ou carrément déjà des reproches déguisés : « Ah bon c’est bizarre, tu ne veux pas essayer ? Tu ne veux pas trinquer avec nous, et faire comme tout le monde ? C’est sympa, tu verras, picoler en faisant la fête ! ».

C’était à peu près les mêmes qu’avec le fait que je poursuive des études. « Quoi à 20 ans, tu continues encore à être étudiant ? Mais pour quoi faire ? » En gros, à partir d’un certain âge, on a considéré que je faisais mon intéressant. Et ce n’était pas faux, je le reconnais. Mais c’était encore une fois principalement pour mieux cacher mon homosexualité avec « autre chose ». Et donc avec toutes ces névroses et ces stratagèmes, j’ai fait des études, et je n’ai jamais bu d’alcool ou consommer de drogues. Ce qu’on appelle couramment des « qualités » (qui n’en sont vraiment pas hein) ne sont pour moi que des effets de bord d’une dissimulation névrotique. ^^ (Hu hu hu.)

Et comme j’étais parti comme ça, bah j’ai continué. Et plus je continuais, plus je me disais que je ne pouvais tout de même pas me mettre à me bourrer la gueule à cet âge là, que j’avais raté le coche et que tant pis, je continuerai sans. Dans le fond, en revanche, je le sens bien, il y avait tout de même toujours cette ombre transgénérationnelle d’alcooliques et de junkies en tout genre qui planait. J’en avais peur, et j’en ai toujours peur, ou en tout cas j’ai toujours ces mêmes images qui sont en filigranes des fêtes où je vais, des apéros un peu trop arrosés ou des retours de soirées à marcher ou conduire pas droit (je préfère conduire du coup hein ^^ ).

Après j’ai des exemples parfaitement équilibrés et tempérés de gens qui profitent des joies de l’alcool, sans trop grosse dépendance, et avec un bilan vraiment positif. Et là je sais, que je rate un truc. Mais tant pis, ça reste ma singularité !

Le truc c’est que j’ai beaucoup fait la fête dans ma vie, j’ai passé entre 20 et 30 ans notamment, un temps fou au Queen et au Scorp’, à la Scream ou aux Follivores. Bref j’étais un pédé parisien narmol de la fin des années 90 aux années 2000 qui aimait remuer son popotin avec ses copaines sur les dancefloors. J’ai aussi pas mal fréquenté entre 95 et 99, les free parties techno dans les forêts de banlieue parisienne. Et tout cela dans ma parfaite sobriété, et j’ai donc eu le bonheur extraordinaire de vivre tous ces moments sans distorsion de temps, d’émotions ou des sens. J’ai beaucoup expliqué à mes amis ce qu’ils avaient fait comme frasques, je les ai aussi beaucoup conduit au petit matin en toute sécurité. ^^ Bon j’ai aussi beaucoup nettoyé de vomis et pris soin de dizaines de copains et copines qui étaient malades et qui vraiment faisaient mal au cœur à voir de souffrances, néanmoins renouvelées tous les week-ends. ^^

Mon seul regret, c’est de n’avoir jamais pu utiliser le fait d’être bourré pour draguer sans vergogne qui me plaisait, soit par désinhibition réelle ou parfaitement simulée. Cela vraiment, c’était mon vrai regret quand je voyais tous ces gens qui s’emballaient en fin de soirée, ou qui finissaient par se choper entre deux voitures dans la rue, ou même comme mon mari qui a ainsi niqué un mec entre eux colonnes du Palais Royal (on n’était pas ensemble hein, c’était le temps de sa folle jeunesse, tumultueuse et arrosée, au Club 18).

Iwak #9 – Lourd

Le 1er mars 2025, nous avons perdu l’immense Tim Kruger, et c’est une énorme perte pour le monde du porno gay, et globalement c’est la perte irrémédiable et inexorable d’une des plus belles bites de ce bas monde. Eh bien, oui je vous en parle sans ambages, car sur les sujets importants moi je n’hésite pas, je brise les tabous et j’assène les vérités qui transcendent les goûts et les couleurs !!!

Il est décédé à 44 ans, bien trop tôt donc, et j’ai beau plaisanter sur l’esthétique de son appendice érectile, il était très aimé parce qu’il était (également) très très joli garçon bien sûr, et un excellent professionnel du sexe filmé, mais aussi pour son grand sourire naturel et authentique, et une incroyable bienveillance qui se dégageait de lui. Malgré son côté dom-top allemand fort assumé, tout à fait bourrin teuton à tendance cuir, fisteur à ses heures perdues, uro du dimanche et fesseur patenté, il avait toujours un geste tendre envers sa victime consentante, un p’tit bisou, une p’tite caresse, et il finissait toujours en rigolant ou en souriant après l’apothéose.

Ce membre d’exception et ses deux compagnes de fortune formaient un ensemble d’une grande harmonie. C’était un truc lourd et pesant, la gravité lui donnant toute sa beauté naturelle aussi au repos, et pas non plus le braquemard ingérable qui nécessite de s’y prendre à plusieurs ou d’échafauder des stratagèmes complexes, mais tout de même avoir quelques connaissances en mécanique des fluides devait être utile. Non c’était le Nombre d’Or de la bite, oui oui le φ de la teube !!! Vitruve ne l’aurait pas renié, et Léonard l’aurait sans doute illustré en son temps le bougre.

Ce célèbre vit, dont la turgescence légendaire avait conquis le monde entier, était assez épais, mais point trop, mais quand même… Il était bien droit, mais une légère cambrure vers le haut lui conférait une énergie créatrice que sa vigueur naturelle venait encore souligner dans ses va-et-vient1 dynamiques au sein des orifices de ses généreux collaborateurs.

Tim a marqué plusieurs générations, et je pense qu’on gardera longtemps le souvenir ému de sa contribution aux Idées et aux performances exceptionnelles dont est capable le genre humain.

Voilà ça ressemble vraiment à ça (Arches National Park – Utah).
  1. J’apprends au passage que ce mot composé est invariable dis-donc !! ↩︎

Retrouver le mystère de mes secrets cachés

Vendredi c’était mon dernier jour de boulot avant les vacances d’été, mais à mon retour il ne me restera que 5 semaines avant de changer de crèmerie, et aller travailler au pays des Rillettes. Cette fin de séquence laborieuse s’est vraiment faite sur les chapeaux de roues, avec des tas de trucs compliqués à faire. On me demande évidemment de finir ceci et cela avant mon départ, mais aussi de former les nouveaux, et de pourquoi pas prendre deux trois projets en plus au passage. Business as usual…

Donc grosse fatigue physique mais aussi morale, et un stress croissant à mesure que le déménagement se profile. Ce sont ces moments de terribles précipitations, mais qui ont aussi des facettes très chouettes. Comme le fait d’avoir trouvé un appartement à Rennes, même si je suis un chouïa déçu de ne pas finalement atterrir dans mon premier choix, mais qui n’était en effet pas le plus raisonnable. Donc petit compromis tout à fait satisfaisant sur le papier, et qui n’est vraiment pas un renoncement. Mais je suis tellement à fleur de peau que ça suffit à me rendre hyper neurasthénique et triste même.

Et après nous voilà dans la spirale du déménagement, l’organisation que cela représente même si ce n’est pas la première fois, et que l’on sait bien que tout va se passer plus ou moins bien… fatalement ! Mais bon, il faut imaginer comment ça se passe quand on va habiter au 16ème étage d’un immeuble. ^^

Les vacances devraient être salutaires pour s’organiser dans la sérénité, mais sauf quand on doit recevoir des amis en Bretagne, comme on s’y est engagé il y a plusieurs semaines de cela. Hu hu hu. Donc c’est la course là, pour faire le plus gros, avoir deux semaines de répit, et s’engager dans une dernière ligne droite tonitruante avant de nous déclarer officiellement bretons à la scène comme à la ville.

Depuis dimanche donc, c’est le défilé des cartons, scotch, papier bulle et emballage frénétique de toute sa vie à deux. Mais comme j’aime me simplifier la vie, j’avais aussi prévu de rendre visite à un ami de passage à Lille pour les vacances. Donc pour cela, j’ai pris le train juste après le boulot vendredi, et après une courte soirée parisienne, j’ai passé le samedi à Lille.

Ce vendredi soir était vraiment sous le signe d’une gigantesque fatigue, mais avec aussi ce début de vacances schizophrènes où le relâchement de la fin du taf contraste avec l’anxiété d’un déménagement. Mais j’étais seul, face à moi-même, et j’avais besoin de ça. Besoin de marcher seul dans la ville, en écoutant France Gall comme le titre du post l’indique, car pourquoi pas. ^^

J’ai donc arpenté les rues du treizième pendant une bonne heure et demie et c’était fort plaisant avec une vraie douceur estivale, des tas de gens en goguette, et des quais de Seine somptueusement aménagés à cet endroit.

Marcher en solo comme cela avec ses écouteurs, seul au monde dans une ville surpeuplée, c’est idéal pour bien se sentir transpercé de tristesse, et en même temps dans une énergie qui, transcendant son repli sur soi, permet d’accéder à autre chose. La déception de quitter Nantes, de partir de cet appartement qui nous avait si bien accueilli, le constat aussi d’un échec professionnel qui permet à la fois de se remettre en question, mais aussi de se satisfaire au moins d’un mouvement qui permet d’aller de l’avant. Et une direction rennaise qui n’est vraiment pas un funeste chemin, mais qui nous attire franchement. Mais voilà, ce n’est donc pas un faisceau complètement positif, c’est bien un ensemble de pour de contre, de bonnes et de mauvaises choses, d’optimisme et de pessimisme, de regrets et d’espoirs bien vivaces.

J’ai rarement besoin qu’on me dise que « ça va bien se passer », je n’aime d’ailleurs pas trop ce genre de mantras, sachant qu’en bon stoïcien ça se passera comme ça doit se passer, en bon comme en mal. ^^

Mais depuis ce moment totalement dépressif et salutaire (apprécions mon état d’esprit en oxymore en ce moment), bah ça ne peut qu’aller mieux. Et dans cette gamme, malgré des voyages en train au pire moment, les chassés-croisés des grandes vacances, c’était cool cette petite transhumance septentrionale. Cela m’a d’ailleurs confirmé comme Lille est jolie et agréable, et que je m’y sens toujours chez moi (après tout Adolphe Dumoulin est né là).

Mais l’immense plaisir c’était de voir Henri et son bout de chou qui grandit si vite !! Quelques heures très agréables et douces, et hop on est reparti sur les chapeaux de roues !

Nous voilà de nouveau au milieu de nos deux vies mises en cartons, et aussi une part non négligeable en déchèterie, avec les deux chatounettes qui se demandent ce qui va leur arriver « encore ». Mais là, nous sommes tout de même arrivés en Bretagne pour accueillir un premier ami, et prendre un peu de repos par la même occasion.

Alors on a embarqué mille trucs qui ont blindé la voiture (évidemment), les deux chatounettes (à qui on va faire faire un stage prolongé à Clohars pendant cette période tendue), mais on a oublié un sac assez important. Bah oui, le sac avec la bouffe de Nantes (pas trop grave), et mes capteurs de glycémie et matos de diabétique professionnel (plus grave).

Aujourd’hui, j’avais prévu de faire un aller-retour à Rennes pour rencontrer notre future concierge et lui demander toutes les informations utiles pour le déménagement. Donc départ de Quimperlé à 9h30, arrivée à Rennes à 12h40 après un suicide sur la voie (1h10 de retard)… La concierge a été très cool et m’a tout de même reçu et expliqué les trucs. Mais c’était tendu, car j’avais un train pour Nantes à 13h30… Voilà la petite vue du château des Ducs de Bretagne (sans doute une des dernières…) et la cathédrale en arrivant vers la gare en TER.

Et je suis allé récupéré mon précieux sac, j’en ai profité pour passer l’aspirateur et ranger quelques bricoles, et je suis de retour dans le TER Nantes – Quimperlé d’où je couche patiemment ces lignes.

Voilà voilà. Bientôt des couchers de soleil, à n’en pas douter, et quelques plages j’espère bien ! Période peu évidente pour moi, mais je fais bonne figure, et ce n’est pas la mort, juste un peu de stress en réalité. Purée ce que je n’aime pas déménager !!!

Oublier

J’ai écrit depuis adolescent pour laisser une trace, pour ne pas oublier, mais surtout pour m’incarner. Je me trouvais tellement transparent, insipide et insignifiant, que l’écriture devait aussi donner de l’importance à ma vie, et sans doute me sauver au passage.

J’ai été drôlement inquiet du coup quand j’ai constaté que le papier dégueulasse de mes agendas de lycée absorbait de manière inquiétante l’encre dégueulasse de mes stylos à plume de supermarché. Mais ça s’est stabilisé, et comme on peut le voir, même si l’encre s’est estompée, le texte reste lisible après 33 années. Cela me permet de voir à quel point j’écrivais des trucs terribles, dignes du meilleur du pire des Skyblogs des années 2000. Ahah, moi qui voulait que l’écrit m’incarne dans le monde, je n’écrivais que des billevesées adolescentes. Mouahahaha. Cela prouve à postériori, que j’étais déjà une belle Drama Queen, ce qui est rassurant dans le fond.

Le papier est donc là pour me rappeler des tas de choses. Et chaque plongée dans ces documents est un petit bonheur. Car la quantité de trucs qu’on oublie c’est dingue !! Et dès 2003 le blog a pris la suite, même si le fait d’être lu a rapidement fait obliquer la teneur des articles, s’obligeant à un peu plus de retenu et de tempérance.

Le web-log m’a tout de suite conquis dans cette même logique d’incarnation par le verbe qui me motive depuis minot, mais donc aussi cet aspect systématique et routinier que j’aime beaucoup. On peut tout dire sur un blog, du plus banal au plus insipide, mais son existence même en ligne lui confère une marque indélébile (pas tant que cela quand on constate la réelle pulvérulence de nos supports numériques).

Mais donc régulièrement, je parcours mes propres articles, et j’aime bien justement aller regarder ce que j’ai publié il y a tout juste vingt ans. Ce n’est pas compliqué, je prends le dernier article, je retire le titre et je change juste l’année en gardant le mois, et hop : https://matoo.net/2005/02/ une archive !!!

C’est grisant de relire les participations à une émission de radio, ou le scandale des pédéblogues du moment à propos du bareback (Dustan allait mourir un peu plus tard cette année), ou simplement se souvenir que Clara Sheller est sortie à ce moment et que ça a été un truc très important pour les gays à l’époque (et 101 commentaires !!) ou encore cette vidéo incroyable et totalement NSFW qui mêle chanson de Madonna et extraits de films pornos. ^^

Tout ça pour dire que mon blog est une boîte à souvenirs, comme ma vraie boîte que j’ai chez moi, ma petite mallette en osier avec plein de trucs dedans. On oublie plein de trucs, mais ce qui est là pour le moment permet de s’en rappeler un petit peu. ^^

Le bruit des bottes

Je ne sais pas si vous avez suivi ce truc incroyable qui se passe aux USA avec l’arrivée de Trump, de nouveau, au pouvoir. Mais c’est tout à fait similaire (et je mesure mon point Godwin après 37 mots seulement) aux autodafés (juste à l’arrivée au pouvoir des nazis en 1933) et autres réécritures de l’histoire ou exposition de l’art dégénéré (Entartete Kunst en 1937) par exemple. Et puis c’est pas comme s’ils ne se mettaient pas à nous faire des saluts romains nazis à tout bout de champ. Nous avons tout bonnement un nouveau gouvernement qui fait supprimer les mentions de transidentité de tous les services publics en ligne ou encore les recommandations sur la PrEP qui a disparu du site web de la CDC1.

Ces obligations d’invisibilisation ont aussi été propagées sur les sites internet des National Park Services où dorénavant les trans sont gommés (via un skeet de Xavier) de notre réalité et notre histoire, et y compris concernant un Monument National newyorkais depuis 20162 : Le Stonewall Inn (la photo ci-dessus est celle de mon dernier passage là-bas en 2013, c’est une sorte de pèlerinage majeur pour moi).

Et donc voilà ce que ça donne : ce n’est plus LGBT mais LGB !

C’est d’autant plus choquant alors que le Stonewall en 1969 était largement fréquenté par des personnes travesties et transgenres, et ce sont ces personnes qui étaient déjà les plus discriminées, et qui ont été les fers de lance de notre propre émancipation actuelle.

C’est le pouvoir aussi fascinant que terrifiant que notre monde numérique, celui de pouvoir changer l’histoire d’un simple « chercher / remplacer » sur des centaines de bases de données. Et c’est évidemment à Elon Musk que l’on doit une telle stratégie numérique de mainmise sur ces dispositifs digitaux officiels qui sont des sources de confiance et des repères immuables pour tout un chacun.

Cet exemple n’est qu’un tout petit minuscule effet de cette politique offensive de renormalisation de la société, et elle voit se relever les mœurs les plus rétrogrades érigées en commandements sacrés pour tous et toutes.

Christina Pagel a justement publié un texte très intéressant qui résume tous ces changement en mode Blitzkrieg, et leurs impacts délétères majeurs sur la société américaine, mais au-delà aussi sur cette affreuse galvanisation de nos propres fascismes made in Europe en germination.

Je vous mets un fil de pouets Mastodon qui reprend en synthèse ses propos (je vous le mets en français, puis la VO) :

« Voilà donc comment meurt la liberté… »

Les 3 premières semaines de Trump ont été un déluge incessant d’actions. Il est incroyablement difficile de suivre le rythme.

J’ai passé en revue 69 actions et cartographié le schéma – montrant comment elles s’inscrivent dans 5 grands domaines cohérents avec les États autoritaires.


Les décrets de Trump, les prises de pouvoir de Musk, le démantèlement des institutions plus rapidement que quiconque ne peut le suivre, l’attaque contre la science, le savoir et les organismes coopératifs internationaux et les alliés font tous partie du manuel de l’autoritarisme.

J’ai également regroupé les actions dans un tableau pour illustrer cela.


2 livres (How Democracies die, The Road to Unfreedom) mettent en évidence les étapes clés pour éroder la démocratie :
Saper les institutions indépendantes
Affaiblir l’opposition
Démanteler les protections sociales
Se retirer des alliances internationales
Instrumentaliser le nationalisme
Saper la science
Saper les élections libres (y compris la désinformation)


** Presque toutes les actions que Trump a entreprises au cours des trois dernières semaines correspondent directement à ces étapes. **

Applebaum dans son livre de 2020 « Twilight of Democracy » avertit que les démocraties deviennent incroyablement fragiles une fois que leurs élites abandonnent les normes démocratiques…

Trump n’a jamais aimé les normes démocratiques mais les respectait (parfois) en paroles lors de son 1er mandat. Dans son 2ème mandat, il se délecte de les détruire.

Tous les Républicains qui résistaient ont depuis longtemps disparu. Les autres ont soit embrassé le chaos, soit choisi la complicité.

De nombreux Démocrates semblent paralysés.

Pendant si longtemps, les États-Unis ont été le principal allié du Royaume-Uni et de l’Europe, la voix la plus forte pour proclamer sa démocratie.

Mais les États-Unis sont maintenant une menace pour l’économie mondiale, la santé mondiale et la stabilité mondiale. Plus tôt cela sera reconnu, mieux ce sera.

Nos dirigeants semblent paralysés, incapables de parler des États-Unis dans le même langage qu’ils utilisent pour les pays traditionnellement hostiles, espérant que l’œil du tyran les épargnera.

Avant de pouvoir agir face à une crise, il faut reconnaître qu’on y est – il est temps pour nos dirigeants, et nos médias, de se réveiller

La version originale pour les anglophones. ^^

« So this is how liberty dies… »

Trump’s first 3 weeks have been a relentless flood of actions. It’s incredibly hard to keep up.

I’ve gone through 69 actions & mapped out the pattern – showing how they fall within 5 broad domains consistent with authoritarian states.


Trump’s executive orders, Musk’s power grabs, dismantling institutions faster than anyone can track, attacking science, knowledge and international *cooperative* bodies and allies are all part of the authoritarian playbook.
I’ve also grouped the actions in a table to illustrate this.


2 books (How Democracies die, The Road to Unfreedom) highlight key steps to erode democracy:
Undermine independent institutions
Weaken the opposition
Dismantle social protections
Retreat from international alliances
Weaponise nationalism
Undermine science
Undermine free elections (inc misinfo)


** Almost all of the actions Trump has taken over the last three weeks map directly onto those steps. **

Applebaum in her 2020 book « Twilight of Democracy » warns that democracies become incredibly fragile once their elites abandon democratic norms…

Trump never liked democratic norms but did (sometimes) pay lip service to them in his 1st term. In his 2nd term, he is revelling in burning them down. Any Republicans who resisted are long gone. The rest have either embraced the chaos or chosen complicity.

Many Democrats seem frozen.

For so long the US has been the core UK & European ally, the loudest voice in proclaiming its democracy.

*But the US is now a threat to the global economy, to global health and to global stability. The sooner this is acknowledged the better.*

Our leaders seem paralysed, unable to talk about the US in the same language they use for traditionally inimical countries, hoping that the bully’s eye passes them over.

Before you can act on a crisis you have to recognise you are in one – it is time for our leaders, and our media, to wake up.

  1. Un juge fédéral a ordonné un retour en ligne de ces informations hier. ↩︎
  2. Le bar est inscrit au Registre national des lieux historiques en 1999 et désigné site historique national en 2000, puis monument national en 2016 par Barack Obama ↩︎

Coincidentia oppositorum

Voilà quinze jours que j’ai modifié ma manière de contribuer sur les réseaux sociaux. Bien sûr c’est lié à l’arrivée (de nouveau) de Trump à la Maison Blanche et l’implication d’à peu près toutes les plateformes dans son élection et la célébration de celle-ci. Et cela brosse large : d’Apple à Google, en passant par Meta (Facebook, Instagram, Whatsapp), Amazon, Spotify et Twitter. Donc c’est au-delà même des réseaux sociaux, et c’est globalement l’ensemble des outils numériques utiles à la vie (sur les Internets) de tout un chacun, et gratuits en apparence (mais on le sait « si c’est gratuit, c’est que c’est toi le produit »).

Ce n’est pas évident de quitter tout cela, et c’est à la fois pour des raisons pratiques, mais surtout parce que j’ai des habitudes très ancrées et que personne n’aime changer. Les réseaux sociaux sont des rites de fréquentation du quotidien, et me concernant une véritable assuétude pas toujours positive et rarement féconde, mais c’est aussi une source d’information, d’échanges conviviaux et de divertissements (et de bites) non négligeable.

J’ai peu à peu beaucoup limité mes interactions à des publications de photos, d’abord sur Instagram, puis dupliquées partout où je suis inscrit, et des liens vers des articles du blog, en plus de maigres échanges avec des pairs. La polarisation extrême des expressions et des opinions m’a fait me fermer peu à peu à tout débat en ligne, et je ne le vis pas plus mal depuis. Comme tout le monde, je me replie derrière les lignes de mon camp, et je vois les mêmes travers des deux côtés, mais je trouve ceux d’ici un peu plus acceptables évidemment. ^^

Donc depuis deux semaines, je ne publie plus sur Twitter, Facebook ou Instagram, mais je suis toujours inscrit, et je m’y connecte assez peu car j’ai simplement supprimé les applications mobiles pour Twitter et Facebook (j’ai conservé Instagram). Donc je garde des accès par navigateur old school ce qui limite naturellement et pratiquement mes occasions de me rendre dessus.

Facebook est tellement impraticable et inutile que cela ne me peine vraiment pas. Mais c’est un lieu où des membres de ma famille prenaient des nouvelles, il y a aussi le groupe de Clohars-Carnoët qui était assez pratique pour avoir des news de la maison, mais bon on peut imaginer à quoi ressemble ce genre de forum (full boomer imprécheune)… ^^ Et les liens vers mes articles de blog étaient de moins en moins montrés à mes contacts. Je garde le compte, mais je vais vraiment le faire mourir d’inanition.

Pour Twitter, je pensais que ça serait plus difficile, mais non. Il y a tout de même en face deux réseaux de choix qui sont une très bonne substitution : Bluesky et Mastodon. Le premier est un succédané de Twitter (fondé par Jack Dorsey, le co-fondateur de Twitter) et a l’air d’avoir remporté une première bataille du micro-blogging post-X. Et c’est vrai qu’on y retrouve nos marques, avec quelques éléments encourageants en termes de modération des échanges, mais aussi de maîtrise de ses contenus. En revanche, c’est une plateforme qui devra monétiser des choses pour s’en sortir un de ces quatre, mais pour le moment ils continuent leur stratégie « don’t be evil« . Ils remportent aussi la mise car ils réduisent les barrières à l’entrée, et ont une stratégie de conquête de nouveaux utilisateurs, donc rien de très nouveau dans le monde du marketing digital… J’y retrouve en tout cas absolument l’ensemble de ma communauté Twitter (et anciennement diariste), même si quelques irréductibles ne changent pas de bauge, ce qui est drôlement triste (pour moi).

Concernant Mastodon, c’est vraiment à l’image de ce blog sous WordPress. Mastodon est un système de micro-blogging ouvert et mutualisé. Donc il faut que quelqu’un ouvre un serveur Mastodon et le maintienne, exactement comme je maintiens mon propre blog ici. Mais ensuite, on est complètement libre et sans aucune contrainte marketing. Néanmoins inutile de dire que la barrière à l’entrée est assez importante car ce n’est pas une seule plateforme mais des milliers dans le monde entier, et que c’est encore un truc de geek un peu fou furieux. Moi je trouve ça plutôt simple et intuitif, mais bon je suis tellement dans la cible. Hu hu hu.

J’ai trouvé par hasard un serveur tenu par un chouette pédé de Seattle et c’est l’url qui m’a tapé dans l’œil : super-gay.co1 !! Eh bien aujourd’hui sur cette instance, il y a 68 personnes inscrites. C’est un peu comme si on était 68 auteurs sur un même blog, avec la même url en début d’adresse de blog. Mais à partir de notre instance, on peut suivre n’importe qui sur n’importe quelle instance. Il suffit de connaître son identifiant et son serveur, donc pour moi par exemple : « @matoo@super-gay.co« , un peu comme une adresse email en réalité. Je donne deux euros par mois à l’admin pour filer un coup de main sur les coûts d’hébergement, mais la plupart d’entre eux assument seuls ces charges.

Donc c’est plus compliqué qu’une seule plateforme uniforme, sur laquelle on peut chercher des gens. En revanche, si on pratique comme d’habitude de proche en proche, en allant piocher dans les conversations et les listes de « suivis/suiveurs » de ses potes, ça marche très bien. Et là, j’ai nourri une communauté qui se recoupe avec les autres, mais qui est également assez différente. On est sur beaucoup plus de nerds des Internets libres et open-source, mais aussi des altermondialistes, des queers à la pointe de la queeritude, des pirates de toutes les obédiences, et de militants de tout poil (et aux cheveux bleu et rose). Inutile de préciser que je m’y sens comme un poisson dans l’eau. Je retrouve un peu l’ambiance des débuts du net, avec énormément de contacts dans le monde entier. Je trouve ça très cool de convoler avec des pédés anglais, américains ou globalement anglophones, et de se lier comme cela numériquement comme j’avais pu le faire avec Yahoo! à la fin des années 902. ^^

Mais bon je comprends ceux qui trouvent ça trop relou et compliqué. Et j’aime cette barrière à l’entrée aussi élitiste soit-elle. En revanche, ça ne donne pas spécialement à ces plateformes le vent en poupe, alors que c’est un outil fantastique et complètement détaché de toute monétisation. ¯\_(ツ)_/¯

Donc depuis quinze jours, c’est photos et liens vers le blog depuis ces deux plateformes de micro-blogging. Bah ça va. J’ai survécu. Hu huhu. Et je dois constater que les statistiques du blog sont absolument exactement les mêmes, ce qui m’épate, mais c’est vraiment ça.

Whatsapp ne sera pas trop compliqué à remplacer par Signal sans doute. Je dois encore faire ma mue pour me détacher de Google, et comme ce sont des outils je peux là encore en geekant trouver des solutions acceptables3. Je crois que le plus difficile ce sera de ne plus consommer Instagram, car c’est une source de contenus qui me plaît et divertit beaucoup (Youtube aussi mais c’est un usage très très ponctuel pour moi).

En revanche, j’aime beaucoup voir les fameux « créateurs de contenus » justifier leur présence ici ou là avec la notion de « résistance de l’intérieur ». D’ailleurs ce n’est pas une notion complètement viciée, mais c’est juste que ce n’est pas du tout le sujet. Le truc c’est que les plateformes ont rendu captifs les créateurs de contenus qui en dépendent pour se faire voir et connaître du plus grand nombre, et réussir à gagner sa vie directement (pub) ou indirectement (vente de trucs). Et d’ailleurs moi aussi je suis, à ma manière, un de ces créateurs de contenus, puisque je vous dis que je poste des liens vers ici. ^^ En revanche, je n’en dépends pas financièrement, et je pense même qu’offrir ces contenus médiocres doit me coûter de l’argent à moi (les coûts permettant de maintenir ce blog en vie), c’est ce qui me permet d’avoir l’impudence de vous écrire ainsi en conservant une certaine intégrité et probité devant les Dieux des Internets. Et mon seul moteur reste donc mon orgueil démesuré. Ah ça mon hubris, il est toujours là, et bien en forme le bougre. Hu hu hu.

Et donc je ne jette pas la pierre à ces créateurs de contenus qui dépendent de telle ou telle plateforme. Mais quand elles rejoignent explicitement l’extrême droite et les LGTBphobies, cela pose sans doute quelque dilemme à l’ensemble des militant·e·s que je suis depuis tant d’années. En réalité, aucun « gros » compte n’a quitté de plateforme majeure, en se tirant certes une balle dans le pied, mais en étant conforme à son Credo.

Clément Viktorovitch, dont j’adore les live Twitch en podcast avec son Café Rhétorique qui propose des heures et des heures de déblatérations passionnantes sur des sujets politiques, en a parlé récemment lors d’un épisode explicite Faut-il quitter Twitter ? Et il explique clairement que ce n’est pas un crève cœur pour lui car ce n’est pas du tout un réseau avec une forte traction le concernant et donc ça ne le dessert pas trop de s’en séparer, mais il garde tous les autres qui sont tout autant complices de Trump (mais c’est vrai que Twitter est particulièrement vénéneux). Il explique aussi qu’un Mélenchon qui a 3 millions de followers ne peut absolument pas s’en passer, même s’il tente de trouver une justification.

Ce qui m’épate quand j’écoute tous les commentaires à ce sujet, y compris de la part de Clément Viktorovitch, c’est encore autre chose. Aucun d’eux n’a de recul sur leur propre succès sur ces réseaux, et la manière dont ils nourrissent et entretiennent la croissance de ces béhémots à la morale douteuse. Or ces plateformes cherchent plus d’utilisateurs, et le plus de temps passé possible pour collecter un maximum de données et de recettes publicitaires. Ainsi les algorithmes ont été conçus pour organiser et favoriser cette polarisation des opinions et les « clashs » car c’est très efficient pour atteindre leurs objectifs. Si en chemin, on détruit la démocratie, ce n’est qu’un effet de bord.

Après je n’essaie pas non plus de grossir le trait, et c’est également le talent de certains de ces hâbleurs des Internets qui est aussi à leur crédit4. Mais je suis persuadé que c’est également ce qui nourrit la polarisation la plus diamétrale qui est promue aux premiers rangs de ces réseaux. Et je regrette qu’on ne trouve pas plus d’autocritique de cet acabit, même si c’est compliqué de se dire que sa réussite sur les réseaux populaires actuels est la preuve ipso facto de son échec (au moins moral).

Récemment, j’ai été étonné d’une critique acerbe et un rien jusqu’au-boutiste de Mathieu Burgalassi, dont j’ai déjà parlé ici, et dont j’aime énormément les contenus, toujours finement réfléchis, structurés, argumentés et d’une grande probité intellectuelle. Il a créé une vidéo vraiment très importante pour critiquer un très gros compte Instagram avec une grande popularité : L’Esprit Critique.

Ces derniers publient des contenus qui ont eu beaucoup de succès sur les réseaux, et sont promus comme des outils pour mieux comprendre les méthodes de manipulation des politiques. Mais en réalité, Mathieu Burgalassi démontre assez rapidement et implacablement qu’il s’agit d’une campagne marketing pour vendre des formations. Et c’est vrai que ça n’a jamais été dit aussi clairement, même s’il n’y a pas non plus vraiment tromperie sur la marchandise. Mais c’est indéniablement un stratagème de vente, et c’était bien de le mettre en exergue. En revanche, alors qu’on comprend tout ça dans les trente premières minutes de la vidéo, le vidéaste continue à taper sur l’émission, et encore et encore pendant trente minutes de plus.

Et le reproche principal qui est fait c’est que ce sont des gens non engagés, non militants et qui se permettent de critiquer à droite, comme à gauche, et quand c’est à gauche c’est clairement vicié. Alors ce n’est pas faux, et c’est important de noter ce côté « centriste » et se voulant impartial, peut-être dans une simple volonté commerciale. Mais ce n’est pas un crime non plus, et je ne crois pas qu’ils ne se soient jamais fait passer pour des militants justement. Donc je trouve juste que c’est un peu fort de café, un peu agressif et très très énervé de sa part d’être aussi remonté5.

Mais dans le même temps, le (très gros) compte Instagram wikihowmuseum (dont j’ai posté déjà des mèmes ici) qui a toujours été tellement génial et drôle tire à boulets rouges sur le même Esprit Critique. Et je comprends le truc, mais je trouve qu’ils tapent trop fort… Est-ce que je suis trop veule alors ? Bah peut-être bien, en tout cas cela m’interroge.

Et donc cela m’a aussi fait réaliser que je suis évidemment plus à l’aise avec ces contenus, aussi polarisés soient-ils, parce qu’ils sont de ma paroisse. Et malgré tout, je lis encore beaucoup d’injonctions très radicales de militants, mais qui ne sont pas créateurs de contenus per se.

Et donc dans la même paroisse, j’ai ces gens qui disent que rester sur Twitter c’est être collabo, mais je continue à suivre sur des plateformes tout aussi méphitiques des créateurs de contenus de la même obédience, qui sont obligés de rester pour continuer à exister.

Piouuuuu, c’est compliqué la vie. Je continue à suivre le conseil de Joan Cornellà que j’ai posté en tête de l’article. ^^

  1. Quelle meilleure définition de votre serviteur ? ^^ ↩︎
  2. J’utilisais les « Yahoo! Profiles » qui étaient des sortes de pages de profil permettant de se connecter par affinités. ↩︎
  3. Même si les grandes plateformes se sont retrouvées à financer aussi considérablement l’open-source, et en cela rendant essentiel leur implication et leurs usages déguisés. ↩︎
  4. Et cela fonctionne à tous les niveaux et pour tout le monde. Les prolos et les cons ont leurs influenceurs et leurs médias aussi critiquables soit ils. Les gens plus intelligents, fins ou bobos ont aussi les leurs… ↩︎
  5. Même si moi aussi les mecs de ScPo qui vendent des formations pour accéder à ScPo, ça me fait un peu vomir dans ma bouche. ↩︎