Iwak #15 – Guide de voyage (Guidebook)

Comment reconnaît-on des français en voyage à l’étranger ? D’abord avec des vêtements de la marque Quechua : chaussures, sacs à dos, polaire. C’est un vrai bon signe de ralliement gaulois ! Mais ces dernières années, Decathlon a bien essaimé en Europe, et ce n’est plus aussi fiable. En revanche, il reste vraiment un signe extérieur de francitude tout à fait manifeste depuis 1926 : un Guide Vert Michelin à la main !!

Je ne fais pas exception à la règle, car je reste très très attaché au fameux Guide Vert. J’ai beau en avoir essayé d’autres, j’y retourne toujours. Et à voir la surreprésentation de livres verts aux mains de nos compatriotes en vacances et en polaires Quechua, je ne suis pas le seul. ^^

Et moi qui suis le gars qui tire moins de cent euros par an de liquide (plutôt 50 d’ailleurs maintenant), qui paye surtout avec son mobile (maintenant la carte physique c’est une fois sur vingt ou trente) et qui n’a pas de badge d’impression au boulot, bah je ne me suis pas fait à des guides en ligne. C’est comme la bédé, et même encore plus, le guide se consomme en papier. Il a besoin d’être feuilleté, annoté, corné, on a besoin de passer de la carte au détail, de repérer les trois étoiles sur le parcours, de faire un crochet pour ce truc que souligné mais qui a l’air tout de même pas mal (hein bidoubouchou ??), de regarder la carte parce que Maps n’est pas à jour, de vérifier si le resto n’est pas trop un attrape-touriste, de chuchoter la description du retable rococo de la petite l’église trop cool hors des sentiers battus (sauf par d’autres porteurs de livres verts à la francité exacerbée et au pompes Quechua rutilantes), de lire dans la voiture à son chéri qui conduit le résumé de la région dans laquelle nous arrivons etc.

« Tu prends le guide ? »

« Tu as pris le guide ? »

« Purée, il est dans la voiture ! »

Ce fameux guide nous a d’ailleurs procuré une expression idiomatique très locale, à l’échelle de notre couple carrément : « faire une sarlate ». Je vous explique.

A l’été 2011, on avait décidé d’un chouette périple façon roadtrip mais dans le sud-ouest de la France, et en essayant de voir des « Grands sites de France« . On a vu plein de trucs géniaux malgré une météo pas très clémente. Je crois que c’est vers Rocamadour, qui nous avait déjà bien fait bifurquer de notre route, que je vois que la ville de Sarlat n’est pas très loin et que c’est trois étoiles dans le Guide Vert (!!!)1. Mais non c’est une heure de détour, ça fait planter tout l’itinéraire, c’était pas prévu, nanananananana.

Je dis « bon ok, tant pis ». Et oui, ok, peut-être que j’ai répété une petite centaine de fois par la suite que « C’était tout de même dommage de ne pas être passé à Sarlat parce que tout de même : y’avait trois étoiles !!! ». Depuis les occasions manquées de ce genre, et de tous les gens, sont des sarlates ! Quand il m’entend dire d’un air dépité « ok tant pis2« , il faut que j’assure que ce n’est pas une sarlate !! (Sinon on fait demi-tour sur l’autoroute en pleine nuit, et on ne prend plus l’avion qui était prévu !! ^^ )3

Dernière mise en application : pendant les dernières vacances, typiquement nos dialogues en voyage (je dis ce que je veux visiter, et c’est lui qui fait l’itinéraire, il est assez génial il arrive à caser 95% de mes desiderata4 ^^ ).

« Ah bon ? On ne peut pas passer voir la cathédrale de Worcester et celle de Gloucester en chemin vers celle d’Exeter ??? »

« Bah non, on n’a pas le temps, Exeter c’est tout ce qu’on peut faire avant le ferry !! »

« Ok, tant pis, mais elles ont l’air vraiment vraiment vraiment incroyables, c’est vraiment dommage. Tant pis. »

 » Tu vas pas me faire une sarlate hein ?? » (Parce qu’il sait mon assuétude des cathédrales gothiques…)

  1. Logiquement c’est le sésame imparable. Car il peut être difficile à convaincre, mais il cède à la vue des trois étoiles du Guide Vert. ↩︎
  2. Parce qu’il déteste ne pas me faire plaisir. ^^ ↩︎
  3. Je refuse habilement d’ailleurs d’aller à Sarlat aujourd’hui car j’ai peur que ce soit décevant et me faire coincer, et lui insiste pour qu’on y aille juste pour pouvoir me dire que c’est pourri justement. ^^ ↩︎
  4. Mes desideratata parfois oui. ^^ ↩︎

Iwak #8 – Marche (Hike)

Je ne sais pas si c’est un truc qui vient avec l’âge, parce que j’ai à peu près toujours aimé marcher (depuis l’adolescence en tout cas), mais clairement c’est devenu un truc essentiel aujourd’hui. Que ce soit en Bretagne sur les chemins douaniers, ou dans la ville dans laquelle j’habite, ou bien celle où je suis de passage, marcher seul avec de la musique dans les oreilles est un plaisir autant qu’une sorte de méditation qui me fait un bien fou.

Il m’arrivait à Paris de sortir même la nuit, en pleine nuit, juste pour marcher et pour laisser mes pensées errer comme bien leur semblait. C’était souvent un soir où je n’avais pas envie de dormir, et Paris a toujours été un endroit génial pour sortir marcher à 3h du matin en semaine. On y découvre un monde de la nuit fantastique et apaisant, tout en croisant des tas de gens dans la rue vaquant à leurs occupations nyctalopes.

Je rentre aussi régulièrement à pied du boulot, juste pour prendre ce temps là, et pas à pas, progresser dans la ville, reconnaître les lieux, les rues, les immeubles. Regarder vers mes pieds, ou vers le ciel, et refaire cent fois le même chemin, tout en en découvrant de nouveaux angles ou des secrets cachés. Parfois je change complètement d’itinéraire, je cherche à me perdre, et si j’ai le temps, je pousse dans de nouvelles rues, de nouvelles images…

C’est marrant car j »ai récemment évoqué la manière dont au collège on « refaisait le monde entre misfits« . Le principe c’était de marcher, il fallait être en mouvement pour éviter d’être une cible de harcèlement bien sûr, on se cachait dans la foule, mais c’était aussi, je m’en rends compte parfaitement aujourd’hui, une vraie démarche socratique1. On marchait et on parlait, on réfléchissait, on échangeait, on se questionnait et on se répondait.

Des vrais petits péripatéticiens, littéralement, en germination, en marche.

Bon après il y a aussi les marches qui permettent de voir des trucs cool en vacances, mais ça c’est trop facile.

  1. En toute humilité. ^^ ↩︎

Iwak #4 – Exotique (Exotic)

CHARME EXOTIQUE met-il dans sa petite annonce du magazine Gaipied de 1981 ce garçon, sans doute mauricien (c’est ce que donne le googlage ^^ ), de 29 ans qui doit avoir quelques piges supplémentaires aujourd’hui. C’est marrant d’ailleurs de constater que la plupart mettent comme cela sans problème leur adresse et leur vrai nom, mais évidemment c’était le seul moyen de l’époque pour entrer en contact : le contact épistolaire ! Comme cela paraît délicieusement suranné et une vraie bouteille à la mer, mais j’ai des témoignages, ça fonctionnait !!

Et on voit donc que le charme exotique cherche un charme européen. On peut tant lire dans cette petite annonce, et notamment de la recherche d’un mec un peu plus âge et « viril ». Ok, on te voit venir charme exotique !! Aujourd’hui, on pourrait conspuer ce genre de choses, en parlant d’exotisation internalisée pour ce pauvre garçon. Et je ne dis pas que c’est faux, je pense juste que c’est une notion complexe et subtile.

Elle est en effet parfaitement existante, visible, et bien dégueulasse dans notre environnement actuel. On peut voir à quel point les personnes racisées sont traitées sur les RSA1, et cela va justement d’une exotisation, parfois véritable fétichisme, à du rejet purement raciste. Et les deux réalités sont parfaitement dégueulasses. Mais parfois aussi, le truc est plutôt bien vécu. C’est ce qui rend la chose si ambivalente.

Je vois très bien des personnes de mon entourage par exemple qui sont blanches et ont un attrait parfaitement assumé pour les personnes noires ou magrébines. Pourtant ils sont justement militants et très versés par ce même attrait dans la lutte contre les discriminations, mais il n’en reste pas moins que la surreprésentation ne laisse pas mystère à leur goût. De même, j’ai rencontré beaucoup de personnes noires ou asiatiques qui ne sortent qu’avec des blancs, mais genre exclusivement. Avec un proche qui m’a un jour dit « Oh là là, j’aurais l’impression de sortir avec mon frère, pas possible ! ». Tout cela reste de l’exotisation, mais ça passe.

Bon tout cela ne justifie en rien les exactions de fétichisme néocolonial à la con bien évidemment. Et c’est super triste que certains tombent 3 fois sur 4 sur ce genre de rencontres, ce qu’on ne mesure pas quand on est un petit gaulois de base comme moi. D’ailleurs, comme vous le savez je suis loin d’être le petit gaulois auquel je ressemble.

Je me rappelle tout de même avoir eu un plan cul inattendu via Caramail, ça devait être entre 99 et 2001. Pour l’unique fois de ma vie, j’ai été fétichisé et exotisé à mort par un mec très beau et très con. C’est en discutant sur nos origines qu’il a commencé à tripé tout seul sur mon nom de famille, second prénom, origines banlieusardes et qu’il me posait plein de questions débiles. Genre si je portais des joggings, si je parlais comme une caillera, si je parlais arabe et plein d’autres remarques complètement ineptes (pour moi en tout cas). Je répondais à tout par la négative, et cela ne faisait que plus l’émoustiller. On a fini par se rencontrer un soir très tard (dans ces années là, il fallait habiter le 11ème, on était tous à moins de 10 minutes à pieds ^^ ), et malgré toutes mes dénégations, ce fut un plan cul comme il le voulait. Et même non circoncis, apparemment j’avais quand même « une bonne bite d’arabe ». Mouahahahaha. Il était vraiment dans sa tête le mec. Mais je suis faible, et comme il était canon, bah j’ai joué le jeu.

J’ai honte, un peu. ^^

Cela me rappelle aussi cet ami des Internets qui s’appellait « Oli(vier) ». Et un pote de pote bourré qui a une vrai fascination pour les « reubeus » avait entendu « Ali ». Eh bien, ça lui avait suffisamment chauffé les sens pour qu’il lui saute dessus. Mais comme l’autre était parfaitement consentant, pas mort d’homme.

  1. RSA = Réseaux Sociaux de l’Amour, donc les sites et apps de rencontres (de cul). ↩︎

Iwak #3 – Bottes (Boots)

Souvent les figures adultes sont un peu effrayantes pour les enfants. Il y a tout de suite un côté sérieux, austère, rigoureux, à la limite de la méchanceté induite. Et puis il y a des exceptions, à commencer par sa maman souvent, et pour moi ma grand-mère bien sûr dont j’ai tant parlé, mais d’une autre manière plus subtile il y a aussi ma tante L.

Ce n’est pas tant qu’elle était gentille ou avec une approche habile des enfants, c’est jusque qu’elle était elle-même une gamine, même si pleinement adulte. Ma tante jouait réellement avec nous à tous les jeux qu’on voulait, et elle ne simulait absolument pas. Et c’est bien ce qui résume ce qu’elle était (et demeure sans doute aujourd’hui) : une enfant. Alors évidemment en termes psychiatriques, il y aurait d’autres qualifications. Dans la vie courante, on la dirait « un peu fofolle », quand on la connaît bien on peut aller jusqu’à « complètement barrée », et ça n’a forcément pas été évident de la fréquenter en tant que sœur, maman, épouse ou employée, mais cahin-caha elle a réussi à mener sa vie jusqu’à aujourd’hui.

Pour moi, ce sont des souvenirs très émus et tendres de gamins, avec cette femme qui construisait des cabanes avec nous, ou qui nous invitait à squatter chez elle quand on était adolescent. Il n’y avait juste aucune barrière chez L. Elle n’était que positive et optimiste, totalement superficielle et éthérée avec une passion pour la danse et l’expression de ses émotions les plus à fleur de peau. Et surtout mais qu’est-ce qu’on a ri ensemble, qu’est-ce qu’on a déconné en pleine et parfaite inconscience.

Elle avait ce côté complètement déconnecté de la réalité qui la rendait certes sympathique, mais évidemment avait des conséquences beaucoup plus néfastes sur ses enfants (oubliés bébés sur une plage ou dans la neige en hiver…) ou les côtés pratiques de la vie. Elle devait donc être sans cesse accompagnée et recadrée, ce qui a posé de gros soucis par la suite. Mes autres tantes me disaient qu’elle avait toujours été comme ça, et que c’était un mécanisme qui lui avait permis de s’échapper de certaines périodes très tristes et violentes de leur enfance. Mais L. était restée comme ça. A jamais la jeune fille rêveuse qui attendait son prince charmant…

Tous les matins, on passait en voiture devant chez eux avec ma maman, lorsqu’elle nous accompagnait à l’école. On jetait toujours un coup d’œil sur leur maison, et leur jardin qui était un gigantesque capharnaüm avec des herbes hautes et des gerbes d’orties de deux mètres de haut.

Un matin, on se rappelle encore régulièrement ce souvenir en famille, on passe donc devant chez eux, et c’était une matinée d’été et l’air était doux, le soleil dardait de ses premiers rayons. Et voilà qu’on aperçoit pendant trois secondes L. en majesté dans son jardin. Elle avait un peignoir rose terriblement froufrouteux et était toute enrubannée. Au milieu des mauvaises herbes, qui avaient remporté la bataille depuis des années, elle avait le regard dans le vide et contemplait son domaine royal l’air satisfaite.

Pour compléter sa tenue, elle portait en sus une paire de moon boots blanche, de bons vieux après-skis pour marcher dans la poudreuse, et cela paraissait être au moins des pantoufles de vair. C’est une image qui nous est restée, et qui est encore indélébile dans ma mémoire.

Elle est en maison de retraite aujourd’hui, et je n’ai pas eu de nouvelles directes depuis plus de 25 ans, mais je pense qu’elle est toujours aussi drôle et impériale. Elle en a eu de la chance, et des soutiens, pour survivre pendant toutes ces années dans cet univers parallèle. Mais heureusement que c’est possible !

48 ans de souvenirs

A partir de ce touite de @Daze_Daze, je vais moi aussi essayer d’écrire (et de retrouver ou prioriser) 3 souvenirs par an depuis mes 3 ans. (Oui j’ai démarré cet article il y a longtemps, j’ai même dû éditer le titre pour le mettre à jour !)

J’imagine que ce sera une bonne base si un jour je dois me mettre à des mémoires ou une autobiographie, car oui j’ai assez d’hubris pour penser que ça ait un intérêt pour l’édification du monde. ^^

1976/1977/1978

J’avoue que je sèche sur cette période de toute façon. ^^

1979

Cela tombe bien, mon tout premier souvenir date de cette année à priori. Ma mère me dit que j’avais 2 ans et demi, donc ça devait être l’hiver début 79. Mes parents étaient à la montage pour la première fois avec moi bébé donc et mon frangin de deux ans plus âgé. J’ai un souvenir très diffus, et qu’à priori je n’ai vu sur aucune photo. Je suis emmitouflé dans un truc chaud, entre mes deux parents, et je suis sur un traineau tiré par des chevaux. Je me souviens que c’était brumeux et blanc, et que j’étais super bien car au chaud et bien emmailloté. J’avais raconté cette vision et impression à ma mère il y a pas mal d’années, et elle s’était souvenue qu’en effet à la montagne on avait fait du traineau.

Avant de rentrer à l’école, je suis gardé par une nourrice que j’appelle « Tata ». Elle était voisine de ma grande-tante et mon arrière-grand-mère. J’aimais beaucoup cette femme dont je me rappelle la douceur et la gentillesse. Ses fils avaient quelques années de plus que moi, et on s’est suivi après toute notre enfance vu que c’était à deux pas de chez ma grand-mère également. On a un souvenir de famille que j’ai donc pu créer par ces anecdotes racontées. J’étais très très collant avec ma mère, j’étais tout le temps après elle et sur ses genoux. Et quand elle venait me chercher le soir, je l’attendais déjà avec les mains sur le grillage. C’était la plus belle chose au monde de la retrouver et je lui disais « Ooooh maaaan-maaaaannnn !! ». Les gens me trouvaient apparemment un peu étrange parce que seule ma maman comptait pour moi. Les autres étaient juste transparents (y compris mon père, qui n’appréciait pas trop, et ma mère qui était saoulée au bout d’un moment). ^^

En septembre, c’est ma première année de maternelle. Je me souviens de la sieste, je n’aimais pas trop, et puis je dormais et je n’aimais pas du tout être réveillé. Je me souviens bien des espèces de lits de camps avec une structure tubulaire rouillée qui laissait sur mes doigts un goût de métal (merci les empoisonnements infantiles laule) et du support en tissu blanc écru et râpeux sur lequel on se reposait.

1980

C’est la seconde année de maternelle, je suis en classe avec ma cousine Chrystelle, qui a 9 mois de moins que moi. Je suis content de ne pas être tout seul. On est très fusionnel tous les deux, et cela nous est resté pendant pas mal d’années.

Je me souviens des murs couverts de dessins, des jeux à courir après un cerceau, et des pneus de voitures usés qu’on faisait rouler en courant à côté.

Je me rappelle qu’on habitait dans un appartement dans un immeuble. Les couloirs étaient sombres et incrustés de cailloux qui faisaient mal quand on s’y frottait. La chambre que j’occupais avec mon frère avait un papier peint avec plein d’animaux. On avait un canapé en velours côtelé marron sur lequel on adorait sauter et se lover contre nos parents pour regarder la télévision en famille.

1981

Pendant la troisième année de maternelle, je rencontre Davy qui va être un ami important. Il est comme moi, très sensible. Eh oui, il est homo également aujourd’hui, hu hu hu. Il me présente Marie-Aude qui va devenir mon amie la plus proche et intime pendant toute la primaire et le collège.

Je creuche comme un malade sur Sylvain M. qui est un parangon de virilité et règne en maître sur le stock de pneus de voiture ainsi que les parties de foot dans la cour de récréation. Je ne crois pas me poser de question sur mon infatuation, mais elle est bien là.

Décès de mon arrière-grand-mère qu’on allait voir tous les dimanches à la maison de retraite. Je m’en rappelle très bien car je dessinais tranquilou dans mon coin, et les gens louaient mon calme olympien. On allait donner à manger aux cygnes, et je ne comprenais rien à ce que me disait « grand-mère ». Pas étonnant, elle avait complètement oublié le français après 70 ans ici et une attaque cérébrale, et elle ne parlait plus que le portugais. Mais je me souviens bien de ses sourires énigmatiques vers moi.

1982

Le 1er janvier 1982, on fête le jour de l’an chez mon oncle et ma tante. Je suis déguisé en clown, j’adorais me déguiser. Je me souviens super bien du costume que j’ai remis plusieurs fois, et du super maquillage de ma maman.

C’est le CEP et j’en ai plein de souvenirs. Déjà premier jour : je retrouve Marie-Aude. On devient voisins de table et dans la même classe toute notre scolarité. D’abord nos parents demandent cela pour nous rassurer, et puis les profs continuent de peur de nous séparer (et de devoir assumer un trauma). Beaucoup d’affection et de respect pour Mme Calais, mon institutrice phare. J’ai appris son décès récemment (par Copains d’avant1 en 2016, son époux a écrit à ses anciens élèves) et ça m’a sincèrement touché.

Enormes souvenirs des cubes et d’apprendre à compter en base N. J’appréhende déjà cette notion, et je me souviens d’une certaine fascination de découvrir certes le comptage décimal, mais aussi le binaire (je saurai ce que c’est beaucoup plus tard je vous rassure). L’apprentissage de l’écriture est aussi un truc énorme pour moi, écrire me donne l’impression d’avoir du pouvoir, c’être une sorte de démiurge qui crée quelque chose de tangible à partir de la pensée.

Bonus : On devait aller voir Brisby et le secret de Nimh au cinéma, et comme la séance était complète on a vu TRON !! On a adoré avec mon frère, au grand dam de ma grand-mère et grand-tante. ^^

Bonus : J’ai le meilleur cadeau de Noël de toute ma vie : un Walkman Sony avec des écouteurs oranges. J’écoute en boucle la cassette de l’album Mistaken Identity de Kim Carnes (1981), et je fixe la diode rouge power la nuit en me perdant dans Bette Davis Eyes.

1983

Affirmation du lien avec Marie-Aude, mais aussi plein de gens que je connaissais déjà à la maternelle et avec qui je vais être plus ou moins en relation jusqu’au collège (et assez souvent leurs parents étaient à l’école avec ma maman ou des amis d’enfance de mes parents). Sonia, Sylvain, Marie-Cécile, Arnaud, Angélique, Salima, Géraldine, Sandrine, Stéphane, Olivier… Mme Maurin si sévère qui nous faisait très peur !

Marie-Aude va au « caté » et pas moi, et je suis un peu jaloux, j’aimerais bien aussi dessiner et faire des activités comme ça. Mais surtout, elle m’enseigne un truc super : la prière (j’ai appris le bon vieux Notre Père). Car on avait très peur des cours de natation en primaire, avec des maîtres-nageurs très très méchants. Grâce à la prière, j’ai évité bien des désagréments. J’explique tout ça à mes parents le soir qui rigolent, et ne s’offusquent pas du prosélytisme pratique de ma copine.

Premier été en Corse avec mon oncle et ma tante, on est parti une bonne dizaine de fois avec eux en vacances et c’était vraiment des souvenirs géniaux. Le souvenir le plus prégnant c’est la traversée en bateau, énorme et qui tangue, et l’odeur du maquis qui cuit sous la chaleur du mois d’août (c’est vraiment le romarin qui m’a le plus marqué olfactivement ces années corses).

Bonus : C’est l’année du déménagement !! Le premier de ma vie. On quitte l’appartement d’Osny pour la maison de Berville. Le souvenir étrange d’être allé au jour de l’an 82 (le 31) chez mon oncle et ma tante, et on s’est couché très tôt le lendemain (dans la nuit/matin du 1er janvier) dans notre nouvelle maison et chambre !

1984

Le CE2 c’était Mme Senault et un gros contraste car sans doute une des profs les plus douces, pédagogues et adorables. Jean-François, Liêm, Bruno, Sonia et évidemment Morgane P. Cette dernière est mon premier crush sur une fille (j’en n’ai pas eu beaucoup.. J’ai été très amoureux pendant longtemps. Et il s’est passé un petit quelque chose mais je ne me souviens plus quoi. Elle a déménagé à la fin de l’année, donc ce fut très fugace.

C’est le début des emmerdes pour moi en revanche. Et voilà, à partir de 8 ans, on me demande dans la cour « t’es un garçon ou t’es une fille ? ». Et on me demande ça trèèèèès souvent parce qu’en effet j’étais très androgyne, mais surtout car assez efféminé et tout le temps avec des filles, en détestation du foot dans la cour.

Les mercredis après-midi chez mon grand-père où on jouait sous la vigne, avec les poules (c’était vraiment cra-cra) et avec les boulets de charbon (c’était la grande vie chez les prolos). Souvenirs d’un capharnaüm, des odeurs de gitanes maïs, des bouteilles de Grenache, de l’horloge dans cette cuisine où mon grand-père regardait par la fenêtre, assis à sa table, toute la sainte journée avec son chien à ses côtés.

1985

Le CM1 c’était avec M. Déjean qui était un super instit’ aussi, assez sévère mais plutôt marrant dans le fond. Avec lui on a fait de la voile sur les étangs de Cergy, on a fait du canoé sur la Viosne au château de Grouchy, et on est parti une semaine en classe de neige pour apprendre le ski. Il y avait les deux (power) couples de la classe : Olivier (le fils du prof) avec Sonia (ou Marie-Cécile ?), et Sandra avec Pierre-Yves (je creuche dessus comme toutes les minettes). C’est le début des relations sitcomesques de l’école.

Mon premier ordinateur : le ZX81. C’était mon rêve. C’est un cadeau pour mon frangin et moi, acheté via La Redoute quelques centaines de francs. Je découvre le Basic, et je confirme que je serai sans doute un informaticien. Totalement fan !!

Les mardis soirs à aller chez ma grand-mère qui nous gardait le mercredi. On regardait les westerns de la Dernière Séance en mangeant des frites dans des cornets en papier. Meilleures frites de l’univers. Meilleure grand-mère tout court.

1986

Mon petit agenda Mickey 1986, cadeau de ma maman pour mon anniversaire, que j’ai toujours et qui a été le palimpseste de mes premiers écrits. Je me souviens bien aussi de la chouette fête de famille pour mes dix ans.

C’est la fin de la primaire avec le CM2, on est plus fusionnel que jamais avec Marie-Aude. On écrit un roman génial ensemble. On avait relu ça quand on était à la fac, et ça nous avait énormément fait rire d’écrire avec une syntaxe aussi hésitante. Hu hu hu.

Découverte de la programmation en LOGO sur les MO5 et TO7 de la classe. J’adore, et mon assuétude pour l’informatique ne fait que commencer. Montrer tortue, cacher tortue et carrément repete 6 [av 100 td 144] pour une étoile !!!

1987

Le début du collège et la sixième. Le début de mes très bonnes notes, j’aurai les félicitations à tous les trimestres jusqu’à la fin du lycée. Mais le début aussi d’intimidations de plus en plus marquées, malgré l’amitié continue de Marie-Aude et d’autres filles, ou d’autres « misfits« . Les ados deviennent violents et je me souviens de la peur du collège.

J’aime bien le fait d’être chez les grands, d’avoir un emploi du temps, de changer de classe, de matières et de profs. J’aime bien certains cours qui sortent de l’ordinaire comme le dessin ou la musique (mais pas le sport, ni l’EMT ^^), mais surtout je suis heureux comme tout d’apprendre l’anglais. Je crois que cela me donne encore une sensation de démiurge aussi forte que quand j’ai appris à écrire ou à compter. Je sens que je vais apprendre cette langue et que ça va me doter d’un pouvoir assez surhumain.

On rencontre Danièle R. avec Marie-Aude, et c’est un coup de foudre à trois. On va devenir inséparable pendant tout notre collège. Il y aura peut-être une mini-brouille de jalousie (un coup moi, un coup Marie-Aude), mais vraiment une peccadille. On était un formidable trouple amical !!

Bonus : Je fais du judo, et clairement j’ai des pensées pas très pures pour mes camarades mecs, surtout pour des plus grands, plus forts et impressionnants. Je me souviens de m’être battu (en combat officiel hein) avec, et d’avoir ressenti plein de trucs physiques indéfinissables (et à la production onirique tout à fait efficiente).

1988

Je n’ai jamais eu de meilleures notes à l’école. 19 de moyenne, je caracole. J’adore juste bosser à l’école et apprendre des choses dans toutes les matières.

Je vais chez ma grand-mère tous les soirs. Je fais religieusement mes devoirs. Et j’entends « Mathieuuu, viens, c’est les Zodiaques qui commencent !! ». C’est le moment où on regarde ensemble les Chevaliers du Zodiaque, les Mystérieuses Cité d’Or et tous ces animés qui vont marquer toute une génération. On suit aussi Santa Barbara ensemble, et on aime beaucoup Kelly Capwell. Ma grand-mère me raconte ce que je rate, car ma maman passe me récupérer au milieu en général.

Je vais à l’aérobic avec ma mère2, c’est ma tante qui donne les cours. J’adore ça, et surtout ma tante fait des mix géniaux qui bougent. J’ai toujours cette cassette « mix 1988 » au stylo bille bleu et rouge en tête. On avait un radio-cassette avec un double magnéto ce qui permettait de faire des copies de cassettes.

1989

Mes parents ont pris un crédit pour m’acheter un PC1512, parce qu’ils savent que c’est mon rêve, et que c’est sans doute utile pour la suite de mes études. Rolololo, c’est un de mes plus chouettes cadeaux c’est sûr. Je joue à Tetris que je découvre, et j’adore ce jeu. Un jour, pendant que je joue, ça me démange à l’entrejambe. Je finis par me gratter et toucher, et un grand spasme de plaisir me prend par surprise. Je mouille ma culotte super stressé en pensant que je saigne. Mais non c’est autre chose. Voilà première branlette sur TETRIS. Si c’est pas de l’informaticien en devenir ça hein !!!

Souvenirs du bicentenaire de la Révolution Française, c’était un gros gros truc ! Mais surtout la chute du mur de Berlin, je ne comprenais évidemment pas trop pourquoi mais la joie des gens à la télévision se communiquait, je sentais qu’on vivait un bouleversement incroyable. Et c’était un truc beau et positif, la fin de la guerre froide, et un monde meilleur… peut-être.

Le bullying continue plus ou moins violemment ou subtilement, mais c’est surtout associé à une compréhension très claire de mon homosexualité. Enorme honte, conscience d’être une engeance de la nature, et pacte avec moi-même pour refouler tout ça, et bosser à l’école pour donner le change. Pour que mes parents m’aiment alors que je suis une horreur, il faut que je sois le meilleur.

1990

Plein d’images prégnantes de ce premier voyage linguistique en Angleterre, avec un gros crush sur le fils de la famille, Jaimie. ^^ Je me souviens la moquette partout qui m’avait choqué, la moquette dans la salle de bains !!! Les rôtis cuits à l’eau tout gris, les délicieux cheesecakes surgelés de M&S et les paysages de The Wash.

C’est l’année vraiment de tous les changements de puberté pour moi, je grandis, j’ai des poils qui poussent, et pendant l’été ma voix change du tout au tout. Ma cousine me gueule dessus car on s’était vu trois semaines avant, et elle pense que je me moque d’elle en parlant comme ça avec une grosse voix.

J’ai vachement de mal avec la géométrie, et surtout les problèmes avec les vecteurs. Je me souviens très bien d’un contrôle où j’ai tout foiré. Huhuhu.

1991

La fin du collège, j’ai un souvenir très précis des examens du brevet des collèges, qui n’étaient pourtant qu’une formalité, mais bon c’est l’effet exams !

Je déteste cette période ado où on est affreusement déformés par la puberté, et en même temps tout est passionnel et passionné, même le bullying qui s’intensifie. Mais après des années d’introspection et d’une certaine réserve, j’aime parler, et je réalise cette année là le pouvoir des mots, le pouvoir du verbe et de la persuasion. Je passe les récréations à discuter avec d’autres misfits et on refait le monde.

Une colonie de vacances qui m’a marqué, j’y ai commencé à annoter mon petit agenda Mickey de 1986, et j’ai raconté ce qui s’y passait. J’ai été le scribe d’un petit groupe, et pour la première fois le fait d’être un chouïa cultivé, de savoir écrire et de m’exprimer m’ont donné une certaine aura.

1992

Le passage au lycée est majeur bien sûr. Et surtout le fait d’y devenir ami avec Hervé, mon premier pote mec. C’était un hasard, c’est un des seuls du collège à venir à ce lycée là (on était tous les deux dans le Vexin, mais dans le mauvais collège), et donc on s’est naturellement regroupé à la rentrée. Il est devenu un ami très cher, et étonnement car nous n’avions pas grand chose en commun. Il m’a fait beaucoup de bien. Marie-Aude et moi sommes séparés pour la première fois de notre scolarité. A vrai dire, on en avait un peu marre, donc on est content. Mais on se manque, et on se reverra régulièrement (on est encore en contact très très rare aujourd’hui).

Le lycée a été rassérénant car la plupart des personnes horribles n’avaient pas passé le barrière du collège. Malgré tout c’est le max de l’adolescence, et l’homophobie a été plus précise, insidieuse et douloureuse. Mais en contrepoint, il y a plein de belles rencontres, et notamment celle de Cécilia B qui était ma voisine à Berville. On prenait le bus ensemble, et on est devenu très très potes.

Deux points d’orgue à cette année, d’abord la naissance de mon petit cousin Alexis, inoubliable 17 juillet. C’était vraiment majeur pour la famille, et pour moi. Et c’était pendant des vacances en Corse avec ma maman, un oncle, une tante et ma cousine. Ces vacances ont été incroyables et émancipatrices, le vrai passage à l’âge adulte pour moi. J’ai commencé à me dire que je n’étais pas tant une merde que cela à ce moment. Après ces vacances, tout avait changé pour moi. Je savais même que j’étais pédé, et que c’était comme ça, même si ce n’était pas idéal.

1993

Le décès de mon grand-père, puis ma grand-mère. Horrible. Autant mon grand-père, je n’étais pas très proche, et il était très âgé, je n’ai pas été si touché que cela. Mais ma grand-mère, la perde d’un cancer si vite, et avec une fin difficile, ça m’a bouleversé et très attristé. Encore aujourd’hui, cette perte me touche beaucoup. J’aurais tellement adoré continuer à la connaître, et surtout qu’elle me connaisse mieux, qu’elle connaisse l’adulte en devenir, et celui que je suis aujourd’hui. (Elle aurait eu 100 ans, il y a quelques jours.)

En Première, je me suis rapproché de Virginie J, et elle est rapidement devenue une très proche amie. Elle habitait aussi un village voisin dans le Vexin, Menouville. Cette amitié s’est fortifiée avec les années, et on a passé une bonne partie de la vingtaine très copains et intimes. Je me rappelle de nos conciliabules qui pouvaient durer des heures, et de notre connivences sur tant de sujets. Et c’est elle qui me présentera plus tard, Caroline B, personne importante parmi les personnes importantes dans ma vie.

Le harcèlement ne s’amenuise pas vraiment, mais je vois bien que les choses s’améliorent avec les années, et avec la maturité des gens. C’est ainsi que je me rappelle bien mes premières relations amicales avec certains garçons notamment Nicolas R, Nicolas P, Julien Z ou Bastien D. Parfois ce ne fut qu’une conversation sérieuse et un échange qui montrait une considération, mais ce fut suffisant pour me toucher, et me faire du bien à l’âme.

1994

L’année du bac, c’est assez inoubliable non ? Pour moi donc comme pour tout le monde. Le bac en juillet, et mes parents évidemment fiers et fous de joie,. Je me rappelle un superbe VTT bordeaux en cadeau !!!

Mes premières vacances avec des amis, et pas avec mes parents ! Nous sommes partis à Préfailles (dans le 44) chez Séverine P (surnommée depuis Bob), Manuel M et Virginie J notamment. Je me rappelle mon inoubliable vélo orange à l’image de la marque Oncle Ben’s (une location), fidèle compagnon de ces vacances.

La rentrée se fait en IUT de Génie Electrique et Informatique Industrielle de Cergy. Gros changements évidemment avec la fac, et plein de nouveaux camarades. Evidemment les quelques filles deviennent rapidement mes copines. Hu hu hu. Je revois aussi avec bonheur Marie-Aude qui est à la fac à côté, et Virginie est toujours là avec ses études de pharmacie à Paris qui lui prenne beaucoup de temps.

1995

J’ai mon unique relation avec une fille, cela dure quelques mois. Je suis assez amoureux, et c’est réciproque, mais clairement je simule tout cela. J’arrive à me dépuceler (première fois avec une fille, mais pas première fois), mais vraiment je n’aime pas du tout ça. Mais j’aime le fait d’être en couple, de la présenter à mes parents, et j’essaie de me convaincre que ça pourrait être sympa. Je finis par lui briser le cœur, mais clairement je comprends et accepte mon indécrottable homosexualité.

Mes deux pilliers à l’IUT sont Stéphanie M et Olivier P. Stéphanie est une fille géniale et charismatique, à la conversation brillante et très cultivée. Elle me file des bouquins et des trucs à écouter, elle me forme à tout un pan de culture inconnu pour moi. Olivier P était à la base le frère d’une amie du collège, et qui était de l’âge de mon frère. C’est un garçon incroyable avec qui j’ai des échanges fabuleux. Il me fait découvrir Philip Glass, c’est dire s’il a été une rencontre majeure. Mais surtout, il me déniaise de la vie gay parisienne. Il se doute bien que je n’attends que cela. Et même s’il est hétéro, il est parfaitement interlope et métrosexuel avant l’heure, il me montre le Marais et le bouillonnant quartier de la rue de Ferronnerie. Dolce Vita, Banana Café, et le bar et l’under-bar (une backroom). Il a suffi d’un week-end pour tout comprendre.

Pendant la même période, Virginie à Paris me présente sa copine Caroline B. Cette dernière voit en moi un petit pédé à accompagner et à protéger. Cette lesbienne haute en couleur devient mon véritable mentor. Premier souvenir du Queen, impérissable. Premiers flyers de soirée…

1996

Pour terminer mon DUT, je passe un semestre à Newcastle, et j’y passerai aussi mon passage à la vingtaine. Des souvenirs de mon ami Brian et des séances de cinéma au Tyneside. Juste avant de partir, Caroline me présente sa nouvelle petite amie, le meilleur ami de la petite amie devient mon petit copain, David G. Il me largue pendant Newcastle par courrier. Ouch !! Ah tiens, j’ai aussi mon premier email à l’université de Northumbria. Je cherche en vain à écrire à des gens qui auraient un email, mais je suis le seul, alors on communique plutôt par fax. ^^

Je passe en année spéciale qui me permet de compléter mon premier DUT technique avec un DUT en techniques de commercialisation. Je rencontre Cécilia A qui devient une amie très chère. Elle a une voiture, on décide un jour d’aller aux Transmusicales de Rennes sur un coup de tête. Souvenirs fous du concert de Tricky. On conduit toute la nuit pour aller en cours le lendemain matin.

Nadine F est une bonne copine de l’IUT. Elle vient de Dakar et fait partie de l’importante communauté libanaise du Sénégal. Elle a une histoire d’amour folle et incroyable avec un garçon croate ou serbe, je ne sais plus. Leurs amours contrariées par la guerre, les papiers et les distances me marquent beaucoup. On la soutient avec Cécilia. Elle réussira à l’épouser, et le perdra, tragiquement, enceinte de leur enfant.

1997

Je poursuis mes études en alternance dans le marketing. Ce n’est pas encore du digital, mon premier taf consiste à concevoir des fax-mailing. Hu huhu. Je me souviens que c’était à Pantin, et que j’étais fasciné par cette station de métro : Aubervilliers – Pantin – Quatre chemins. Rencontre avec Sophie S qui devient une très bonne copine au boulot, on rit énormément. Elle vit par procuration ma découverte de la gayttitude parisienne.

C’est l’année Thomas et Tigrou, et aussi celle du coming-out aux parents.

Ma toute première Marche des Fiertés à Paris, l’Europride, qu’on appelait encore Gay Pride. 300 000 personnes, une expérience dingue !! Mon père qui me félicite de militer pour les droits civiques de tout un chacun (ma mère ne lui avait pas encore dit ^^ ).

1998

Année des changements par excellence ! Je rencontre Diego, et il y a toujours Ali, Caro, Yves et les autres. Beaucoup de sorties en boîtes : Queen, Entracte, Scorpion. Et en février : emménagement à Paris, rue St Sabin dans le 11ème. Pendant mon emménagement, Madonna sort Ray of light et on écoute Frozen en boucle. Je pense que c’est un bon présage pour ma vie parisienne en éclosion.

Les 3 rencontres à jamais marquantes : William, Ricardo, Sean.

Blondeur avec Sophie S du boulot, mais aussi histoire d’amour avec Nicolas R. Vous en connaissez des comme lui, c’est un hétéro dans le doute et curieux. On a tous ce genre d’histoires de jeunesse qui nous laissent sur le carreau, mais il faut la vivre.

1999

Histoire d’amour avec Sébastien dit Anorak : beaucoup d’allers-retours à Toulouse, et beaucoup de passion dans cette relation. Je me rappellerai toujours cette première fois où nous nous sommes rencontrés alors que j’avais pris le TGV pour le voir à Toulouse. Il avait son vélo, il a souri, et il a dit bonjour avec son accent à tomber par terre. On a craqué tout de suite, et on s’est aimé follement.

Autre histoire avec Franck S que j’avais rencontré aussi sur Caramail, et qui a insisté très très lourdement pour qu’on se voit. En réalité, il est rapidement tombé amoureux de Diego, et ça m’a rendu chafouin. Cela ne sera pas la première fois. Mais on s’était accordé sur une chose avec Diego, Franck avait le nombre d’Or de la bite. ^^

Le pote hétéro adorable qui te dit qu’il connait aussi un gay et qu’il faut qu’il vous présente. Gros « warning » !! Et voilà qu’il nous présente, et c’est Nicolas M. On se tombe dans les bras à la fin de la soirée, on est amoureux fou pour quelques mois. Il me largue et je suis déprimé comme jamais. Ma maman est inquiète, et elle est contente quand elle voit Diego débarquer dans le sud de la France (où nous sommes en vacances) pour me redonner un peu de baume au cœur.

Bonus : Rencontre de la première génération des gens d’internet (j’en connais encore certains) : le Capitan, Yaten, feu.des.enfers, Anorak, et tout ceux des chatrooms Caramail.

Bonus : Boulot à Boissy St Leger, fin du RER A : vrai premier boulot salarié. Souvenir des locaux pourris qui me dépriment.

Bonus : Christian et Diego à St Sabin. L’anecdote qui me restera toujours de cette année.

2000

Mon dernier Nicolas, et une magnifique histoire d’amour qui m’a rendu très heureux et épanoui. Mais ce n’était pas le bon, ça n’a pas duré malgré toutes ses qualités. Souvenirs de son appartement de la rue du Faubourg St Antoine.

Je change de boulot après un passage éclair chez Cap Gemini à Issy les Moulineaux, je rejoins un grand éditeur de logiciels de 3D français à Suresnes. Je reste scotché et intrigué par la tour !

En l’espace de quelques jours, je deviens pour des parents paumés un potentiel gourou de ce pauvre Pascal à Angoulême. Beaux souvenirs de ce garçon adorable et attachant, et de cet aller-retour illico à Angoulême. Souvenir du quai de gare bitumé.

Bonus : Jour de l’An à NYC avec Diego et sa famille. Je prends l’avion pour la première fois, et je découvre New York. Je suis très impressionné par la skyline et par les Twin Towers que je prends en photo (argentique). Souvenir du concert de Maceo Parker.

2001

Rencontre fugace du Péruvien, amitiés avec des collègues : Greg, Naïri, Phil, Olivier, Vaness. Mais le souvenir associé à cette année et qui me rappelle le boulot, c’est le 11/09/2001. Les premières infos sur Internet, les sites qui saturent, et la peur de la troisième guerre mondiale.

Je continue à me rapprocher de Diego, et on s’éloigne des autres, tout en continuant à énormément sortir en boîtes, bars et soirées.

Je suis présent sur tous les sites web gay, je n’ai pas changé. Hu hu hu. GayAttitude, Yarps, Gayvox, Citegay… Je rencontre JP sur Yarps, il me plaît beaucoup beaucoup. Il me largue et ça me fait mal.

2002

C’est le début d’une relation très importante, et qui va durer longtemps, à l’échelle des amourettes qui durent deux mois quoi. Avec Mériadec, ça commence sur les chapeaux de roue, et c’est aussi beau qu’incandescent. J’ai conscience que ça ne durera pas. Mais je suis incapable de m’imaginer sans lui. En parallèle, je rencontre officiellement Alex au boulot, et mon amitié avec le Péruvien s’affermit rapidement.

Je suis marqué par la beauté de St Briac et ses environs que je découvre avec Mériadec (moi et les bretons…), et surtout par cette curieuse histoire de Victoria Melita.

J’adore mon studio de la rue St Sabin. J’ai déménagé une fois dans le même immeuble pour un appartement un peu plus grand. La vue de mon immeuble et des clochers de St Ambroise deviennent un élément de clef de ma mythologie.

2003

Je découvre les blogs, et je deviens accroc. A force de squatter les commentaires des uns et des autres, j’ouvre le mien. Oh là là, c’est parti !!

J’emménage avec Mériadec rue des boulets. Il organise plein de fêtes chez lui, et c’est orgiaque !! Je maîtrise comme je peux la concierge qu’on rend dingue. Je me souviens du sol de la cuisine à petits carreaux et morceaux de céramique, mais aussi de Six feet under dans le canapé à se faire des papouilles.

Je suis chez mes parents, et M explique une histoire folle où il est tombé dans mes escaliers en rentrant chez moi. Il me dira la vérité ensuite, mais alcool et drogue et dégringolade (dans les escaliers du métro) en rentrant d’une chouille un peu trop remuante, et en réalité il s’est pété un truc et devra aller aux urgences une fois que la douleur lui aura fait comprendre la sévérité de la chute (une fois que l’effet anesthésiant de la drogue ne fait plus effet).

2004

Je me fais largué par M avec pertes et fracas, c’est vraiment très très difficile à vivre. En plus, je suis sollicité l’été par le boulot qui me fait avoir mes congés en octobre. Je finis par partir une semaine à Mykonos mi-octobre, et c’est une expérience hors du temps solitaire, mais salutaire, pour moi. J’en garde des moments forts de solitude sur ce caillou aride à écouter Glass toute la journée face à la mer. ^^

J’emménage rue Deguerry dans un appartement « cocon » qui est un endroit que j’adore, alors qu’objectivement ce n’est pas tip-top. Mais ça me permet de bien rebondir, et me ressourcer. J’ai filmé de bout en bout mon voyage pour aller au boulot depuis chez moi, ça fait presque 20 ans !!

Quelques jours à Stockholm avec Diego, on a évidemment passé un super moment, mais 400€ de facture de mobile à cause de l’usage modem pour bloguer. Je m’en rappelle, ça m’avait bien foutu dans la panade. Hu hu hu.

2005

Je rencontre Xavier sur GayAttitude, et c’est une super belle histoire qui se noue. Je l’aime beaucoup, mais rapidement je me rends compte que nous avons des caractères trop différents, et certains aspects du sien me minent carrément. Malgré tout je garde une grande affection et considération pour lui.

Je rencontre des dizaines de blogueurs, surtout pédés parisiens, et je me lie d’amitié avec Seb Amok, une relation qui est encore un pilier aujourd’hui. Avec Julien S, c’est une histoire d’amour qui me fait beaucoup de bien. On passe des moments géniaux, mais comme avec Xavier, il y a des trucs qui m’insupportent et je sais que je ne pourrais pas transiger. Je romps comme un connard à distance. Il m’en a énormément voulu avec beaucoup de rancune. Encore aujourd’hui, on est en contact, mais je vois bien qu’il a gardé une rancune tenace. Hu hu hu. Eh oui, sa bite est aussi monumentale que sa réputation sur les Internets. ^^

Mes parents divorcent, mais c’est très amical et serein. Mon père reste habiter pendant pas mal de mois chez ma maman après la prononciation du divorce. Et lors de mon mariage en 2014, plein de gens me disent : non mais tes parents ne sont pas divorcés !! Cette année là, je passe aussi de l’autre côté du miroir lors d’une soirée. Obligé de m’en souvenir.

Bonus : J’ai aussi eu une courte mais marquante relation avec un autre Julien (via GayAttitude aussi). Encore un breton mais cette fois de Brest, et qui m’a fait découvrir la région et Guissény. Encore une bite incroyable, j’ai eu de la chance à ce sujet !!! (Bah oui c’est mon souvenir, je suis sincère !) Je l’ai croisé à Quimper l’année dernière par le plus grand des hasards.

2006

Pour rendre service à une blogueuse, je m’occupe de sa chatte pendant quelques mois. Mais la meuf ne reviendra jamais, alors j’adopte définitivement ma petite Voyelle d’amour. Elle finira ses jours très heureuse chez ma maman. Elle adorait se promener dans le jardin sur les épaules de mon papa. ^^

L’année de mes 30 ans, Cécilia A me prépare une incroyable fête surprise déguisée, et elle invite tout le monde. Un mélange incroyable d’amis de l’IUT et plein de pédés parisiens en goguette dans le 78, dans les bois de Feucherolles, dans un ancien relai de chasse qui nous a servi de lieu de célébration. Soirée magique et surréaliste. Je réalise je crois seulement là que je suis entouré de gens qui m’aiment. C’est un sentiment très agréable.

C’est un été à Belle-Île chez Seb, et avec les amis. Quels merveilleux souvenirs de ces fêtes, ces dîners arrosés, et la magnifique plage du Dotchot.

Bonus : Je passe un week-end mémorable avec Virginie qui habite maintenant à Montpellier, et avec Donato qui sera un ami proche pendant quelques années. Je suis heureux de continuer à cultiver notre amitié, malgré la distance.

Bonus : En décembre, je pars en Israël avec Diego, c’est un voyage magnifique ! Je suis dingue de Tel Aviv, Jérusalem (surtout) et de la mer morte, et ce malgré les pensées paradoxales (et là encore plus datées, nous sommes 20 ans plus tard) qui ne cessent de nous saisir.

Bonus : Avec Flo, on fête cette année nos anniversaires ensemble dans un bar gay : l’O’kubi. On invite des blogueurs, et c’est une soirée blindée et « courue ». Je me rends compte pour la première fois de ma vie d’une certaine popularité, c’est arrivé avec le blog. Jamais je n’aurais pu anticiper cela. Mais c’était déjà le moment paroxystique, cela ne pourra que diminuer. ^^

2007

Seb crée le blog collaboratif Coquecigrue, on va finit une quinzaine à déblatérer là-dessus. C’est surtout une bande de potes, et on va rester liés des années.

Je suis dans une histoire d’amour avec Marc L, mais notre différence d’âge me mine. Il a 20 ans et moi 30, je le vis mal. Hu hu hu. Je l’aimais beaucoup en tout cas.

En mai, je passe un week-end avec tous les potes chez Alex en Bretagne, à Clohars. Et voilà qu’on finit à faire des bisous dans un lit !!! J’ai trois semaines d’incertitude chelou où je n’arrive pas à finir avec Marc, et je m’interroge sur la possibilité d’une histoire avec Alex (spoiler : on est encore ensemble en 2024). En même temps, je change de boulot, et me voilà dans l’immobilier neuf.

Bonus : Cette année, le photographe Benjamin Boccas me tire le portrait pour un bouquin autoédité avec des trombines de blogueurs. Je suis trop content ! ^^

Bonus : On passe un week-end à Lille chez Henri, et j’ai un souvenir fort de cette exposition Dan Flavin, et des danseurs de Tecktonik !!

2008

Berlin avec les potes, oh là là, c’est un super souvenir ça !!!

Je découvre Locmariaquer avec Alex, bien sûr. Et je reste scotché par la table des marchands et le grand menhir brisé !!!

On part une semaine en voyage aux USA, c’est le premier d’une assez longue série. Ma première fois au Grand Canyon qui est sans doute mon endroit préféré sur Terre, et le Getty Center qui me marque profondément.

Bonus : C’est la dernière saison du podcast le 6e Sens avec Mathieu Simonet. J’aimais tellement passer dans cette petite impasse, et regarder les sculptures dans cette vitrine.

Bonus : NYC avec Alex, je suis tellement content d’y retourner avec lui. Je teste un site web assez récent qui permet de louer des endroits à des particuliers, ça s’appelle airbnb. On passe notre temps dans notre super chambre, et on va à un mariage dont le souvenir est important. On découvre aussi Sleepy Hollow avec un certain émerveillement.

2009

Début 2009, c’est un grand moment : on emménage ensemble à Ménilmontant dans un super appartement !!

Enorme fête d’anniversaire, toujours en duo avec Flo (je suis du 31 mai, il est du 1er juin), au resto corse à Temple qu’on aime tant. On est tous déguisé encore, et qu’est-ce qu’on rigole et qu’on fait une belle fête ce soir là !

Encore le Grand Canyon, et cette fois dans un vrai roadtrip avec en figures de proue Antelope canyon et Bodega Bay où on refait Birds d’Hitchcock.

Bonus : Toute fin 2009, je trompe Alex avec un autre Alex. Je me fais griller, s’en suit une énorme crise qui me met dans une angoisse telle que je n’ai jamais ressenti. L’autre Alex est resté une personne assez proche, malgré les circonstances, parce que c’était vraiment un être singulier et très attachant. Il a disparu dans d’étranges conditions, tout aussi singulières que lui.

2010

Changement de boulot, maintenant je bosse dans un grand groupe hôtelier, et je découvre avec un plaisir non dissimulé le Martinez, le Crillon ou le Lutetia. pour le boulot. Bonheur ! Cela plaît aussi beaucoup à Alex pour nos week-ends.

On passe l’été à Mirleft au Maroc avec quelques proches. Je garde de belles images de ce séjour, accablé de chaleur, avec une étrange brume maritime, et des portes bleues !

En septembre, le couperet tombe : diabète insulinodépendant. Urgences, une semaine d’hospitalisation… C’est clairement lié à mes quinze jours d’angoisse de la fin de l’année d’avant. Ce qu’on se fait par culpabilité…

Un des très beaux souvenirs de ces années : on fait un long week-end à Rome en famille. On part avec mon frangin, mes parents et le père d’Alex. On passe toujours un séjour inoubliable et qui nous ravit.

2011

Je rechange de boulot, cette fois c’est l’industrie du verre, et je découvre par là-même Mers-les-Bains, en passant par Abbeville et Amiens en TER. J’ai adoré ces paysages, et surtout les grandes falaises de calcaire, l’eau opaline et les galets.

En pleine visite du parc des Everglades, en Floride, on passe sur un chemin entre deux étendues d’eau blindée d’alligators. Sur ma droite, perpendiculairement au chemin, il y a un alligator de 5 mètres de long qui me regarde. Je refuse de continuer, on fait demi-tour. ^^

La Pride de Gourin, un village de 5000 habitants perdu en Bretagne profonde, c’est forcément un souvenir marquant ! Quel dommage que cela n’ait pas perduré.

Bonus : Découverte de la cathédrale Ste Cécile d’Albi lors d’un roadtrip dans le sud de la France. C’est un vrai choc !!

Bonus : New York avec le père et la sœur d’Alex, encore un bon souvenir de cette ville dans laquelle je me plais tant.

2012

Je pars une semaine à St Martin (dans les antilles) pour voir Charles et David qui y sont installés pour quelques années. Les vaches qui paissent et se dorent la pilule sur la plage, ça m’a marqué !

On passe deux semaines géniales à Santorin, et on en profite pour faire absolument 100% de ce qu’il y a à faire. Des vacances mémorables !!

Le chérichou monte Le « Projet Laramie » avec sa troupe Green Paradise, et c’est une réussite hallucinante. A ce jour, je regrette amèrement que plus de gens n’aient pas pu la voir. Matthew Shepard méritait bien ça.

Bonus : La joie de l’élection de Hollande, on sort dans la rue, on va à Bastille !

Bonus : PH organise une Murder Party pour ses 30 ans. On est une bonne vingtaine de participants à passer un week-end dans une masure normande, et tout le monde est habillé comme dans les années 20. Super moment totalement nawak et hors du temps !!

2013

Les homophobes se liguent, et en réponse une magnifique manif contre l’homophobie avec les copains et copines. Cela me fait chaud au cœur de voir tous nos amis et amies alliés se joindre à nous. Ce n’est pas anodin !

Diego habite à NYC pour quelques années, je vais le voir pour passer quelques jours avec mon pote en solo. On découvre avec émerveillement Sleep no more au McKittrick Hotel.

Bon, maintenant je bosse dans les trains !

Bonus : Je fais une petite semaine San Francisco pour le boulot. Je ne peux pas faire grand chose évidemment, mais rien que de voir le Golden Gate me fait trop trop de bien. ^^

Bonus : Je sors le jour où la loi est adopté, et c’est la fête pour le mariage pour tous dans les rues de Paris !!! Merveilleux moment, on se retrouve entre amis sous la pluie, très heureux et soulagés, les méchants ont perdu.

2014

Nous nous marions à Clohars-Carnoët le 28 juin 2014. Et c’est cool !! Une journée tellement mémorable et parfaite en tout point !

Juste après le mariage, on part quelques jours Portugal, en Algarve, et on visite le village natal de mes arrière-grands-parents portugais, Alte. C’était très émouvant pour moi d’aller dans cet endroit, et m’imaginer mes aïeux.

En septembre, c’est le mariage de Joanna et Victor, ils sont trop beaux, et nous aussi. ^^

Bonus : En décembre, on commence notre voyage de noces au Chili avec le nord, Atacama et les hauts plateaux andins désertiques, puis le sud au détroit de Magellan avec les glaciers de Patagonie. Ce sont des images incroyables, qui me resteront sans doute toute ma vie.

2015

Le voyage de noces se termine en janvier l’île de Pâques qui était un de mes rêves. Cette semaine passée au milieu des moaïs m’a rendu tellement heureux et abasourdi.

Mais 2015, c’est évidemment Charlie Hebdo et le Bataclan… Comme pour le 11 septembre, on se souvient tous de ce qu’on faisait à ce moment là.

On déménage dans le 2ème arrondissement à Sentier dans un appartement de ouf !!

Bonus : On adopte notre Sookie. Encore une connexion bloguesque pour cette petite chatte Tuxedo qui deviendra vite notre compagnon d’amour.

2016

Pour mes 40 ans, ma maman avait organisé une chouette fête de famille, c’est un bon souvenir !! On avait fait des bulles. ^^

Alex m’offre un week-end à Split, pensant que ça va me plaire. Non mais c’est TELLEMENT ma came, j’adoooooore !!! Cette ville, qui tient dans le palais de Dioclétien, que l’ancien empereur romain avait fait construire près de sa ville natale, et où il voulait prendre sa retraire et se faire enterrer, est un incroyable bijou d’architectures mélangées : antiquité, Renaissance et jusqu’à de curieuses traces napoléoniennes.

On fait un de ces roadtrips qu’on aime tant avec Faïza aux USA. On se refait plein de parc nationaux du grand Ouest, mais surtout Yellowstone qui reste un souvenir fabuleux.

Bonus : Pour nos deux ans de mariage, soit les noces de cuir, on organise une soirée cuir/queer décadente. Disons que les gens s’en souviennent. ^^

2017

On passe noël en famille en Sologne dans une grande maison très confortable en plein milieu des bois. Je m’y sens super bien, et j’aime bien ce « terrain neutre ».

Je me fais tatouer Totoro. C’est douloureux mais ça valait le coup. ^^

On adopte Arya pour que Sookie se sente moins seule. Cette dernière nous en veut encore. Hu hu hu. Mais nous on est trop content d’avoir une autre chatounette, et bon an mal an, Sookie s’y est faite aussi.

Bonus : On est à Rome pour l’anniversaire de Sophie, c’est un moment génial où on rit énormément. Une bonne grosse teuf qui fait du bien et qui marque, les amitiés continuent à se fortifier comme cela.

Bonus : Berlin avec les potes pour rendre visite à Vincent et Jipé qui se sont installés là depuis quelques temps. C’est cool d’être à l’étranger avec des amis dans ce genre de contexte, ça fait toujours de bons souvenirs, et on est tous en dehors de nos repères classiques.

2018

Merveilleux voyage à la Réunion qui est particulièrement marquant pour mon mari qui y a ses racines. Je tombe amoureux de ses paysages fous !

Je vais au Japon pour le boulot, j’en profite pour passer quelques jours pour moi-même à Kyoto que j’avais tant aimé en 2003.

On passe des moments très cool et mémorables dans un bar LGBT du 11ème : Le m’sieurs dames. Les bingos avec Marie jo Dassin nous font mourir de rire, et mon chérichou y contribue une fois en une sémillante Isabellu Percule.

Bonus : D’ailleurs, on pousse le bouchon un peu plus loin en passant la Pride en Sailor guerrières !!

Bonus : On passe un moment à Aachen avec Diego, je tripe à mort sur la chapelle palatine de Charlemagne. L’endroit est juste incroyable, et ça me fascine que ça ait pu ainsi traverser les époques.

2019

On passe Noël à Clohars avec mes parents, j’aime bien qu’on se fasse des souvenirs comme cela, et c’est cool aussi de tenir ce rôle un peu « inversé » où les enfants accueillent les parents.

De nouveau une extraordinaire opportunité d’aller au Japon pour le boulot, et de nouveau je choisis de passer quelques jours à Kyoto, car c’est pour moi sans doute un des plus beaux et magiques endroits du monde. ^^

La première Pride de Banlieue est organisée, et évidemment j’y participe. C’est très très important pour moi, et clairement un des marqueurs majeur de cette année là.

Bonus : On célèbre le mariage d’une amie à Uppsala (en Suède), et avant d’y aller on passe quelques jours en week-end à Stockholm. Cela part d’une conversation un peu conne, mais on finit par se brouiller avec Alex, et on se fâche (très calmement mais sûrement) à un point qu’il s’agit même d’une rupture pour moi (je suis assez entier en la matière). Grosse crise, qui s’assagit en quelques heures, mais on est vraiment passé au bord du précipice, et si on avait eu cette conversation en France, on ne serait peut-être plus ensemble. Bah tant mieux que ce soit arrivé là-bas. Hu hu hu.

2020

L’année du COVID et des confinements évidemment, mais aussi celle du Cinéfolles organisé par PH. On se fait un apéro en ligne avec des potes, et après on visionne un film queer qu’on a tous téléchargé à l’avance. On a tellement aimé ça, qu’on a continué après 2020, et en réalité on a arrêté il y a juste quelques mois.

Je bosse beaucoup à la gare de Rennes et à la gare de Nantes. Je finis par bien connaître ces villes et ces gares, et c’est aussi ce qui va me donner confiance dans le fait de bouger par là.

Une opportunité de tatouage chez mon tatoueur, et je parfais ma collection avec des branches de cerisier et des adorables susuwatari.

2021

C’est le retour à St Briac cet été chez Mériadec, et ça me fait un plaisir fou.

On part à Sitgès avec Diego et son petit ami milanais adorable, Nicolo. On passe un super séjour. Sur le retour, on passe chez Claude, cet ex petit copain de mon oncle Raymond.

Florian, un cousin d’Alex, nous rend visite avec sa petite fille Anna. On joue dans le jardin, et j’adore cette petite fille et son sourire trop mimi.

Bonus : On part avec mes parents voir l’Arc de Triomphe emballé par Christo. Mon père avait vu le Pont Neuf, et voulait absolument voir aussi ça ! C’était cool de partager cela avec eux.

Bonus : On fait une soirée d’adieux à nos pénates parisiennes, et donc on invite plein d’amis pour une soirée queer et kinky. Cela fonctionne encore très bien ! ^^

2022

Une toute première année nantaise sous le signe de deux rencontres qui font chaud au cœur : Jacotte et Axel.

On part en Corse en mai, c’est important pour moi car je retrouve mes repères trente ans plus tard

Alex se pète le tendon d’Achille, mais on visite tout de même le Château de Chenonceau avec Ingrid et Christophe. On passe un week-end génial avec eux.

Bonus : On va voir le spectacle Totoro à Londres par la Royal Shakespeare Company au Barbican Center, et c’est de la balle !!

Bonus : On est de retour à Londres en même temps que la mort de La Reine. Le deuil londonien est visible et marquant.

2023

Lors d’une de mes promenades à vélo en Bretagne, je rencontre une branche mal placée et hop, je fais un soleil.

Deux tapisseries incroyables et sans aucun lien, mais deux trucs qu’il faut absolument voir dans sa vie, et que j’ai donc revu cette année : les tapisseries de l’Apocalypse d’Angers, et celle de Bayeux. Ouf, ouf, ouf.

Ce concert de Madonna, j’ai eu l’occasion de le voir en profitant de la place vacante d’un copain, et que j’en suis heureux ! C’est clairement un des moments intenses de cette année là.

Bonus : On fête l’anniversaire de Marie au café de l’industrie, c’est aussi émouvant d’être dans cet endroit, que de revoir toutes ces connaissances !!

Bonus : On fait la Pride de Nantes avec les copains qui viennent donc nous voir, et c’est bien cool. Et en plus, on a le concert de Mylène Farmer le soir.

Bonus : Les 40 ans de Flo à Paris sont une super occasion de revoir tous nos potes, ou une bonne partie. On passe une excellente et douce soirée en la meilleure des compagnies.

Bonus : Je rencontre Dr. CaSo qui est une super blogueuse que je suis sur les Internets. Cela me fait super plaisir de la voir comme cela en Bretagne en plus, et on a une connexion « IRL » qui est chouette et précieuse.

2024

Ce jour de l’an qui a été un karaoké sans fin est un très bon souvenir qui a permis de bien commencer cette année !!

Malgré les péripéties, ce roadtrip écossais restera dans les annales !!! ^^

Pas mal d’occasions formelles de souvenirs avec des événements comme le mariage de mon cousin Eric et Laurence, le baptême d’Anna (Alex est parrain) et le mariage de Charles et Jean.

Bonus : Le concert de Zaho à Nantes, c’était vraiment quelque chose !!

  1. Il n’y a que moi pour être encore connecté sur ce truc aujourd’hui !!! ^^ ↩︎
  2. Oui oui, GAYYYY dirait Karine Le Marchand. ↩︎

Premier Sinistre

Ce n’est pas de moi bien sûr ce jeu de mots, mais de Coluche, et j’ai toujours souri à ce calembour des années 80 (enfin pas enfant, mais en m’en souvenant depuis…). Et passé la rigolade à propos des gens qui réellement seraient victimes d’une confusion entre Michèle Bernier et le nouveau Premier Ministre, ou encore ce truc qui vraiment m’a fait explosé de rire.

Source : compte twitter de Melenchantons

Mais ce soir comme beaucoup de gens je suis mécontent de ce nouveau PM.

Et pourtant, je ne crie pas au déni de démocratie depuis des semaines… Je ne loue pas non plus Macron, mais je trouve que personne n’assume l’ubuesque situation dans laquelle nous sommes. Et donc je ne critique pas non plus complètement l’attitude du président.

En rassemblant toutes les forces de gauche dans le NFP, on se retrouve avec une majorité minable d’une courte courte avance, mais en gros on a un tiers avec ce « front de gauche », un tiers de macronistes (et donc c’est loin d’être un échec) et un tiers de fascistes. Et tout ça en faisant un barrage absolu à l’extrême droite, donc il est juste évident que nous vivons dans un pays à majorité fasciste, et que seul un stratagème électoral a réussi à contenir temporairement.

On a tellement fait les fonds de tiroirs à gauche, que c’est impossible de faire une vraie majorité, et ça me brise réellement le cœur. Tout le monde déteste Macron, et malgré tout l’odeur fétide de l’extrême droite continue de les isoler. Cette polarisation, et notre culture d’opposition farouche, nous empêche, pour le moment en tout cas, de penser des coalitions ou des « gouvernements de projets » (et je n’envie pas du tous ces modèles qui sont pourtant légion chez nos voisins). Et donc personne n’a vraiment gagné, puisqu’un gouvernement d’une quelconque obédience est garanti de se faire renverser illico.

Alors je sais bien qu’une des solutions, c’est basiquement de se dire que la gauche a officiellement remporté les élections, et donc il aurait fallu choisir Lucie Castets. Je lisais qu’ensuite on aurait pu tenter de jouer sur des fameux projets de consensus et tester la nouvelle assemblée… Mais quand on connaît la nature même de cette assemblée et de nos députés, je n’y crois pas du tout. Et clairement un gouvernement pareil était voué au néant.

Mais tout le reste pue du cul…

Je suis assez persuadé comme Cécile Duflot l’a super bien touité, que Macron en réalité ne cherche avec cette confusion qu’à tirer les marrons du feu en choisissant un bon petit pantin. Mais je ne peux pas lui reprocher de ne pas avoir agi autrement, juste pour des raisons bien dégueulasses ce qui ne m’étonne guère, car je trouve la situation juste impossible.

En réalité, et c’est vraiment ce qui m’attriste et me trouble le plus, tout le pays est fasciste ou de droite en grande majorité, dans l’immense majorité…

Et donc allons-y avec un PM cacochyme et aux idées nauséabondes, nous en sommes revenus à un type qui cite ses accointances au Général, alors que je pensais que cette génération de policitiens était enfin, et définitivement, à la retraite. J’ai hâte de voir le gouvernement que ça va donner, et quelles coalitions vont lui permettre de fonctionner…

Ça pue sérieusement du cul.

Autres temps, autres mœurs, autres traumas

J’ai découvert ce podcast il y a un peu plus d’un an, et il est vraiment sympa. Ce sont deux américains dans leurs « late fifties » qui évoquent ce que ça fait d’être des vieux pédés. Cela parle de relations amicales, amoureuses, sexuelles ou simplement de la société, et j’avais été particulièrement attentif à un très intéressant épisode où ils évoquaient un véritable PTSD (Syndrome de Stress Post Traumatique) pour les gens de leur génération quant aux (pire des) années SIDA.

C’est cette période bien sûr des années 1980 à 95, où les gays tombaient comme des mouches alors que les traitements n’existaient pas, puis peu jusqu’à ce qu’enfin les trithérapies se répandent, et redonnent une vie à des gens qui se pensaient irrémédiablement condamnés. Les deux compères évoquent leurs expériences en la matière, et ce que ces années de détresse ont pu laisser comme marque et séquelles chez certains older gays qui seraient à présent un peu fâchés avec la vie et naturellement empreints d’une certaine animosité envers le monde et leurs prochains.

J’ai naturellement pensé à mon oncle Raymond, le frère ainé de ma maman, qui malgré son homosexualité n’a jamais été quelqu’un de très proche, même si nous avons toujours eu une certaine connivence, mais avant tout celle d’être deux geeks devant l’Éternel. Il m’a donné mes premiers ordinateurs et plein de trucs de PC époque 486 DX2-66 (ceux qui savent…) qui faisaient totalement mon bonheur, et on partageait vraiment clairement cet amour de l’informatique (et de la bite donc). Hu hu hu. J’ai déjà parlé de lui quelques fois dans le blog, que ce soit pour évoquer notre homosexualité, le fait qu’il parte rejoindre son mec en Australie rencontré sur Internet à 64 ans, ou bien mes péripéties lorsque je lui piquais ses cassettes de cul. ^^

Il m’avait avoué dans une carte postale qu’il avait découvert et qu’il lisait mon blog de manière très sympathique d’ailleurs.

Lui est né en 1941, c’est donc encore une génération avant, mais il a toujours été très mutique avec moi sur sa vie intime. En revanche, lorsque nous sommes passés à Perpignan lors de nos vacances à l’été 2021, nous avons été invités par un ex petit copain de mon oncle, Claude, un type que j’ai connu des années en couple avec mon oncle (avant même ma naissance), et qui m’a donc connu tout minot. C’est chez lui et son mari que j’ai reluqué son génial miroir de Belle !!

Mon oncle est autant mutique que Claude est bavard, et il était absolument disert sur tous les sujets les plus indiscrets pour notre plus grand plaisir. Ainsi lors de ce court séjour, j’avais appris énormément de choses sur eux, et notamment qu’ils sont sortis ensemble à partir de 1963, que Claude draguait dans les parcs, au bout des ponts, dans les pissotières et partout où cela se faisait. Et surtout qu’ils ont passé leur temps à se piquer des mecs, à se tromper et plein d’autres joyeusetés. C’était assez fun de découvrir tout cela, en plus de photos à poil de mon oncle des années 60 et 70 bien conservées par son ex et qu’il s’est empressé de me montrer. Ah ah ah. Après, il y avait aussi une homophobie criante et omniprésente dans toute la société, des descentes de flics et une peur globale et insidieuse qu’il a aussi exprimé. Chaque époque a ses marqueurs…

Malgré tout cela, Claude nous a aussi bien expliqué qu’il a eu son lot de mecs morts pendant l’hécatombe SIDA des années 80, et que c’est aussi quelque chose qui l’a beaucoup marqué. Ce qui a été génial pendant ce moment c’est qu’on a aussi découvert qu’ils formaient avec tous leurs potes une vraie communauté (mon oncle habite à Carcassone) d’entraide et de soutien. En tant que vieux pédés, souvent en rupture avec leurs familles, et la plupart du temps sans parents, assez régulièrement aussi avec des enfants d’un premier lit « cishet », ils ont véritablement construit et investit cette notion de famille qu’on se choisit. Et il faut les voir, tous dans leurs 70 voire 80 ans, à se draguer, et se targuer de leurs présences sur les apps, et leur prérogatives de polar bears assumés.

J’avais bien suivi que mon oncle était parfaitement actif sur les RSA1, où il avait rencontré son ex australien (il est revenu en France, après sa rupture donc), et où il badinait selon son bon plaisir. En revanche, ce n’était vraiment pas ce qu’on peut appeler un type très affable ou sympathique. Au contraire, souvent à faire la tronche, à faire des remarques pas très agréables, et très très égocentré, on se disait tout le temps dans la famille que ce n’était pas un cadeau et que ça ne s’arrangeait pas avec le temps.

Je pense aussi à Guillaume et ses podcasts sur la sexualité que j’ai déjà évoqué, car il a souvent parlé de son propre oncle, dont il a appris l’homosexualité. Et il nourrit un imaginaire riche sur ce que/qui pouvait être cet oncle, ses histoires d’amour, de famille, et le lien quasi transgénérationnel entre eux. Cela me fait sourire avec mon oncle ronchon et renfrogné, mais comme souvent chez ces personnages avec un truc attachant, dont j’ai appris finalement plus de choses par son ex.

Evidemment et inexorablement, la santé de mon oncle s’est mis à décliner peu à peu, et dans l’année de ses 83 ans, il y a quelques mois, il est décédé. Il était encore parfaitement indépendant et vivait dans sa maison à Carcassone, mais il a eu des malaises, et il a dû être hospitalisé. Il a appelé son ami B., qui est immédiatement venu de Paris pour le voir, et prendre soin de lui, et en réalité l’accompagner dans ses derniers jours.

B. c’est encore une autre histoire. Lorsque ma mère m’a expliqué que mon oncle lui avait dit qu’il était en relation avec un algérien de 25 ans qui faisait ses études en France. Alors oui bien sûr, on a été un peu interloqué et on a eu des doutes. Et un bon petit racisme ordinaire s’est répandu dans la fratrie et au-delà. Mais les années passant, force était de constater que la relation était toujours là. Et même après la rupture, l’amitié ou en tout cas le lien absolument indéfectible. Raymond pouvait toujours compter sur lui, d’abord dans le sud, puis depuis quelques années à Paris. Je ne l’avais jamais rencontré, mais ma môman me disait que ça avait plutôt l’air d’un mec sympa (elle l’avait notamment vu au mariage de Claude, où mes parents étaient invités), même si elle ne comprenait vraiment pas la nature de leur relation.

Mais voilà, B. a été là, et a tenu informé ma maman de l’hospitalisation, et du décès trois jours plus tard. Il a fallu ensuite organiser les funérailles et nous rendre à Carcassonne pour vider sa maison. Personne d’autre que nous sommes descendus pour cela (compliqué pour toute la famille en Île de France, et une fratrie vieillissante peu mobile), ma mère, mon père, mon frère et moi. Ma mère était à l’ouest, et ça a été compliqué de tout faire en très peu de temps, et moi je télétravaillais faute de pouvoir prendre des congés. Tout le monde était sur le fil de se foutre sur la gueule, mais on a tenu bon. On a réussi à tout faire, et on a assisté à la cérémonie précédant sa crémation.

Mon oncle en avait rien à foutre de son héritage au propre comme au figuré, et il avait prévenu ma mère qu’ils devraient se démerder (les frères et sœurs) car il n’avait pas un rond, et n’en avait rien à foutre de son devenir une fois passé l’arme à gauche. Au moins les choses étaient claires, et c’était tout à fait cohérent avec son caractère.

Mais nous avons réussi à être encore surpris par mon oncle, et ces moments de rigolade nous ont fait du bien. Car à peine avions-nous commencé à débarrasser la maison que des voisines sont arrivées pour nous exprimer, les larmes aux yeux, comme Raymond était un type adorable, serviable, gentil et sympathique, qui était très connu et aimé de la communauté du lotissement, et qui serait énormément regretté. Une voisine est même venue pour la crémation en représentation du voisinage pour exprimer leurs condoléances. C’était surréaliste, et ça nous a bien fait sourire.

Claude était là, ainsi qu’un autre ex que j’aime beaucoup et qui était là avec Raymond à notre propre mariage, et c’était touchant de voir ces personnes âgées tenir à être là pour Raymond en souvenir de leur temps passé ensemble.

B. est resté jusqu’au bout, et je suis content d’avoir eu l’opportunité de rencontrer ce mec adorable (de 37 ans maintenant) et sympathique, vrai compagnon de route et d’une certaine destinée de mon oncle. Il a toujours été là, ami et confident, sans doute amant bien sûr, à la loyauté certaine et indéniable, et en pleurs ne pouvant cacher son profond et sincère chagrin. Et cette situation tragicomique où le pauvre devait réagir positivement à tous les vieux qui lui parlaient de l’Algérie Française qu’ils avaient connu pendant la guerre, avec des gens vraiment très gentils. Mein gott, comme j’avais envie de le secourir de ce racisme ordinaire qui se voulait bien sûr tout le contraire, mais qui était à cent lieues j’imagine de ce qu’il avait envie d’avoir comme conversation.

Je garde cette image, avec son chat, car on avait aussi cela en commun après tout. ^^

Autre élément qui m’a beaucoup fait sourire, et tellement typique de lui. Il avait contracté moins d’une année avant un crédit avec une de ces banques à logos verts d’une somme non négligeable pour s’acheter une voiture, mise au nom de son ami B. Nan mais qui accepte de faire crédit à un mec de bientôt 83 ans. Eh bien, en voilà un pour les pertes et profits, joli dernier pied de nez au capitalisme.

Nous sommes repartis avec l’urne contenant ses cendres, et ma môman voulait organiser une petite cérémonie pour ses frères et sœurs qui n’avaient pu être là. Fin juin, nous nous sommes donc rassemblés à Osny, j’étais là aussi donc, et ma maman a eu la meilleure des idées en faisant placer l’urne dans la tombe de ma grand-mère. Je pense que ça lui aurait fait plaisir, vraiment j’en suis convaincu, d’être de retour à Osny, et avec ma grand-mère. C’était un beau moment au cimetière, et j’étais content d’être venu pour cela.

J’ai toujours été curieux de ce Jean-François Michel, dont ma grand-mère m’avait expliqué qu’il était mort bébé d’une méningite foudroyante. Ma tante m’a alors expliqué que c’était une histoire assez sordide en réalité, nous étions donc en pleine seconde guerre mondiale, en pleine occupation, et lors du décès de cet oncle, des corbeaux ont dénoncé à la police des maltraitances sur l’enfant. Ma grand-mère a donc été inquiétée en plein deuil et en pleine détresse. Il a fallu une autopsie qui a conclu à cette méningite, et a innocenté mon aïeule. La perte de l’enfant, ce soudain opprobre et en passer par une autopsie pour son bébé ont été de sacrés coups du destin pour ma grand-mère à ce moment-là.

  1. RSA = Réseaux Sociaux de l’Amour, soit les apps de rencontre. ↩︎

Hétéro par défaut (titre polysémique)

Un titre délicieusement polysémique mais apparemment polémique si l’on en croit tous les articles à propos du coming-out très public de Lucie Castets il y a une dizaine de jours. C’est dans Paris-Match je crois qu’elle a officiellement révélé (ça fait truc grave) son orientation sexuelle, mais aussi sa situation familiale en réalité. C’est à dire à peu près comme n’importe quel autre homme ou femme politique hétérosexuels auraient fait avant elle, sauf que la mention de l’orientation sexuelle n’étaient pas nécessaire puisqu’elle tombe sous le sens, puisque c’est le standard actuel.

J’ai tout lu et entendu sur le sujet, et si je me permets d’y apporter mon grain de sel, c’est parce que j’ai l’impression que personne ne dit ce qui me semble être un truc parfaitement évident. Comme je l’ai mis dans mon titre, eh oui nous sommes aujourd’hui « hétéro par défaut ». Car on n’imagine jamais les gens comme neutres en orientation sexuelle, à la rigueur aujourd’hui certaines personnes osent penser « tiens il fait bien pédé lui », mais au travail par exemple ça ira par une question innocente sur une compagne ou des enfants, jamais sur une question qui pourrait faire croire qu’on a pris quelqu’un pour un homo. Parce que ce serait une insulte. Et je crois que ça marche dans les deux cas, si on se trompe et qu’on prend un hétéro pour un homo, ça reste sans doute une des opprobres que personne ne souhaite à son prochain, mais si on vient vous voir et qu’on tombe juste, alors on vient juste de dire à la personne « qu’est-ce que tu fais pédé ma chérie ! » (ce que moi je prends très bien ^^ ).

Evidemment j’honnis parfaitement toutes ces situations, mais elles sont notre triste réalité. Et donc tous ces articles et ces gens qui disaient que l’orientation sexuelle est privée, et qu’on n’a pas à le savoir dans un cadre professionnel, et que Lucie Castets aurait pu laisser sa vie privée au placard, eh bien c’est faux. Si on considérait tout un chacun comme pouvant être homo ou hétéro, pourquoi pas. Mais tant que la norme actuelle sera l’hétérosexualité (et ça ne me dérange vraiment pas, c’est la majorité à 90%, et statistiquement on ne se trompe que peu donc en considérant que tout le monde est hétéro), eh bien par défaut tout le monde l’est.

Et donc tous ceux qui taisent leurs orientations sexuelles ne se comportent pas, selon moi, comme des personnes privées et voulant séparer pro et perso, mais comme des personnes qui acceptent, et souvent sans rechigner, qu’on les prenne pour des hétéros, et qui vivent bien ce mensonge. Alors on n’est pas obligé de toujours être dans l’annonce tonitruante de sa sexualité, j’entends bien cela. Et ce n’est pas non plus la première chose que je dis (mais la seconde sans doute ^^ ), mais je considère que c’est très hypocrite de croire que personne ne s’intéresse à l’orientation sexuelle des gens. C’est tout le contraire !

Evidemment c’est plus gênant quand on est homo, car on doit utiliser des termes qui évoquent la sexualité, et clairement sexe et boulot ça ne rime pas. Dès le moment où on fait son coming-out, c’est aussi tout un univers imaginaire qui s’ouvre chez votre interlocuteur : fascination, interrogation, dégoût, transfert de culpabilité bigote ou même attraction. Alors que ça se fait depuis toujours chez les hétéros, et avec la métonymie la plus évidente et innocente : « t’es marié, t’as des enfants ? ». Et ce n’est pas grave comme question, ce n’est pas un crime de la poser (même si pour des hétéros justement non mariés ou sans enfants, c’est parfois une souffrance supplémentaire d’avoir à répondre à ces questions qui ne sont PAS professionnelles), et c’est le b-a BA de la connivence entre hétéros. On commence toujours une conversation sur les époux (ce qu’ils font dans la vie gnagna), les enfants (combien, garçon ou fille, scolarité gnagnagnagna) etc.

D’ailleurs, cela se démontre d’autant plus depuis le mariage pour tous. Mon alliance, premier indice tout de même très explicite, fait qu’on me demande naturellement si je suis marié, et que tout de suite on me parle de mon épouse (même pour une pédale hurlante telle que je suis) car le mariage ça veut forcément dire un homme et une femme. Mais cette sacro-sainte institution du mariage a tout de même tout changé, et quand je précise à chaque fois  » je suis marié à un homme », l’accueil est sans commune mesure avec « avant ». J’ai clairement intégré la communauté de l’Anneau (aka des gens mariés). Et dorénavant, pas de problème pour demander si j’ai des enfants ou si j’en veux etc. (Je crois que préférais presque « avant » à ce niveau. ^^ ).

Bref il n’y a pas de panacée dans le fait de rejoindre ces pratiques que je n’aime pas, ou de continuer à s’en exclure hypocritement. Mais ce que je voulais dire (ouf j’arrive à la fin de mon galimatias), c’est bien que j’approuve tout à fait ce que Lucie Castets a fait. Sinon de toute façon ce serait rumeur, sous-entendu et cela pourrait dire qu’elle a honte de son homosexualité, et elle aurait rejoint tous ces hétéros par défaut. Eh bien, c’est tout le contraire, et ça me fait plaisir.

Je ne jette pas particulièrement l’opprobre sur ceux qui préfère cette étiquette par défaut pour plus de facilité, et parce qu’on n’a pas toujours envie ou la possibilité de le faire comme on le voudrait. En revanche, il faut assumer cette omission et cette fausse neutralité, et arrêter, selon moi, de revendiquer un droit à la vie privée qui est totalement illusoire et tartuffe.

Rassemblement contre la transphobie à Quimper avec le CTEFS

J’ai évoqué récemment la grosse tempête de merde qui est en train de passer sur le pays suite à la publication d’un livre transphobe (et endossé par l’extrême-droite, CQFD). Ce dimanche, une grande série de manifestations et rassemblements étaient organisés pour exprimer notre soutien aux trans, à leurs droits, et aussi pour dire clairement non à la transphobie. J’ai été un peu étonné, et agréablement surpris, de la densité des événements qui indique que les trans et leurs allié·e·s sont partout en France. On était vraiment sur une démonstration globale plus que sur un coup de force centralisé, et qui réduit forcément les LGBT+ à la (trop) bien connue frange c’est un truc de parisiens.

La liste des villes dans l’ordre alphabétique :

Alès, Ajaccio, Amiens, Angers, Arles, Aubenas, Angoulême, Bayonne, Besançon, Bordeaux, Bourges, Brest, Bruxelles, Caen, Chambéry, Clermont-Ferrand, Dieppe, Dijon, Grenoble, Le Havre, La Rochelle, Le Mans, Lens, Lille, Lorient, Lyon, Marseille, Metz, Montpellier, Nancy, Nantes, Nice, Nîmes, Niort, Orleans, Paris, Pau, Poitiers, Quimper, Rennes, Saint-Etienne, Saint-Denis de la Réunion, Saint-Quentin dans l’Aisne, Saint Omer, Strasbourg, Toulouse, Tours.

Source : Riposte Trans

Des manifestations, ce dimanche, dans des grandes communes urbaines, mais aussi des moyennes et très carrément pas très grandes villes ont émaillé l’ensemble du pays, c’est chouette de constater cela. Même si ce n’est qu’un petit mouvement, à l’échelle sans doute d’une minorité aux alentours de 0,08% de la population (si prend la fourchette haute des 60 000 personnes trans1 en France que ce rapport évoque), c’est une visibilité salutaire pour lutter contre l’injuste opprobre actuelle2. Les 8 000 personnes à République à Paris c’est une visibilité dont on a besoin pour apparaître dans les médias et pour marquer les esprits. Mais ce dimanche à Quimper, j’ai ressenti à quel point c’était aussi important de marquer son territoire localement.

C’était un peu la croix et la bannière pour être au courant de ces manifestations, et j’étais vraiment motivé pour savoir ce qu’il se passait et où. Malgré tout je regrette que toute la famille LGBTQI+ et leurs alliés ne soit pas rassemblés pour un événement pareil. Alors que la Pride quimpéroise nous a clairement montré qu’on pouvait regrouper une vraie foule pour faire la fête, il le faudra aussi pour des occasions moins festives et plus revendicatives. Car ce sont bien nos frères, sœurs et adelphes qu’on vilipende en ce moment, et nous à travers eux, il ne faut pas l’oublier (les transphobes sont rarement gay-friendly).

A Quimper, c’était l’appel du CTEFS (Collectif Trans en Finistère Sud) que nous nous sommes rassemblés, en plein centre ville, devant la sublime cathédrale St Corentin à 18h. Les gens sont arrivés petit à petit, mais ça faisait un joli groupe d’un peu plus d’une centaine de personnes selon moi (300 selon les organisateurs, mais ils ont fumé ^^ ).

Les organisateurs et membres du collectif ont installé plusieurs bannières et banderoles, et après quelques minutes nous avons eu quelques discours militants, et très ouverts à tout ceux qui avaient leur mot à dire.

Les discours de militants comme cela sont parfois un peu lénifiants, mais là vraiment pas. J’ai adoré le ton et la teneur des messages qui étaient d’une logique implacable et structurés et circonstanciés, mais aussi du fond du cœur et porteurs de joie et de bonheur à venir malgré l’adversité, mais aussi politique et revendicatif, avec en filigrane une implacable raison de continuer à lutter pour plus de droits et de justice.

Les personnes qui ont témoigné ensuite étaient incroyables, et tellement différentes et riches d’expériences, de créativité, de volonté d’avancer ensemble et d’apporter autant leurs histoires, que leurs opinions et leurs émotions dans ce mouvement vers l’avant. Sans aucune concertation et spontanément, il y a eu des personnes d’âges différents (et une personne visiblement âgée à la fin pour rappeler contre l’âgisme et le validisme), de styles, d’expressions de genre et de personnalités très diverses, pour parler de soi, citer un passage marquant d’un bouquin ou d’un discours, pour enjoindre à la lutte pour les droits, pour exprimer sa peur de sortir dans la rue, ou pour partager son soutien à toustes.

Il s’est aussi passé le truc le plus inattendu qui soit pour moi. Je dois vraiment être un grand candide, mais vraiment je ne pouvais pas me douter qu’il se passerait quelque chose comme ça en 2024 dans le centre ville de Quimper.

Quand on est arrivé sur la place devant la cathédrale, j’ai remarqué que quelques personnes étaient dispersées mais avec un style un peu analogue, l’air renfrogné, tout en noir, et avec des masques ou des cache-nez autour du cou. Et quand le rassemblement s’est formé et que les discours allaient commencer, les gars en question se sont regroupés, et il étaient tous masqués en noir, comme le jeune homme ci-dessous.

J’ai été surpris que des antifas soient présents comme cela pour un rassemblement de si peu de personnes. Je ne voyais clairement pas pourquoi, pour casser des trucs ? Non c’est pas le genre sur une manifestation de ce type, et je voyais bien que les personnes du collectif interagissaient avec ces gens. Mais alors avec nous, contre nous ? C’était dans un coin de mon œil, mais ça me turlupinait.

Et j’ai compris… Et j’ai frémis. Ils sont arrivés en file par une rue qui descend sur la place. Je vois d’abord un type qui passe sur le côté des deux militants qui discouraient. Son look m’interpelle. Le mec est habillé en costard mais bizarre, on dirait qu’il sort d’une murder-party des années 40 !! Costume trois-pièces bleu pétrole, moustache à la Hercule Poirot, yeux bleus perçant, brun de geai, et un rictus tendu très flippant, les lèvres pincés dans un sourire narquois, la morgue aux lèvres.

Ils étaient en file et toute la troupe était analogue !! Un blondinet avec des bretelles qui sortait des 400 coups, une fille en robe blanche du dimanche extraite directement d’Alice au Pays des Merveilles, deux ou trois types en costumes tirés à quatre épingles, les cheveux gominés, et tous avec ce même air hautain, haineux et en même temps moqueur et goguenard.

D’un coup, les fachos obliquent vers les personnes en train de parler au micro, mais sans même que je m’en sois aperçu, les antifas s’étaient réorganisés, et avaient formé une ligne de trois ou quatre gars en noir pour les protéger. Les mecs c’était des shinobis de Konoha je vous jure ! ^^ Et il n’y a pas eu d’échauffourées, juste ces personnes du siècle dernier qui sont passées distiller leurs menaces et leur haine, avec une intimidation de gestapistes de fin de race qu’ils sont. Et figurez-vous qu’une seconde salve a enchaîné, avec encore des personnages dingues tels cette jeune femme tout en rouge avec un chapeau immense à la Lady Di, et un gars à la moustache cirée et pardessus qui appartenait clairement à un daguerréotype. Et c’est le même spectacle, et la même réponse de nos protecteurs spécialistes de la guérilla urbaine.

J’ai senti la situation s’envenimer pendant quelques secondes seulement, mais je pense que c’était seulement de l’intimidation de la part de ces olibrius adorateurs des temps anciens. En regardant les photos, de plus près on les voit bien installés en un groupe dense (on voit à droite le galurin rouge vif de Lady Di) avec ce type qui est le seul tourné vers nous et qui observe attentivement le déroulé du rassemblement.

Mais qui sont ces gens ? Franchement, quand on nous accuse de vivre sur une autre planète ou d’avoir des mœurs étranges, je m’interroge sérieusement sur ce qui peut pousser des jeunes gens à s’attifer comme cela. Comme si le bonheur c’était la France des années 40, même si le port de la chemise brune ne les dérangerait certainement pas ? Mein gott. Et ce qui était troublant, c’est que c’était des personnes super belles, vraiment des beaux gars et des jolies filles bien propres sur eux, avec des petites joues roses comme Heidi à qui on donnerait le bon dieu sans confession. Les mêmes suppôts qui viennent à un rassemblent contre la transphobie pour semer le trouble, pour agresser des innocents et pour se repaître de minorités sans défense (alléluia pour les Shinobis de Konoha).

C’est aussi important de comprendre que même dans une ville comme Quimper on peut prendre des risques à manifester pour défendre les droits des personnes transgenres. On se pense tellement en dehors de ces comportements régressifs et totalitaire, alors qu’ils sont tapis dans l’ombre et n’hésitent pas à sortir quand ils sentent l’odeur du sang.

Donc plus que jamais, luttons pour nos droits, assumons et affirmons nos opinions et nos crédos. Cela commence toujours par les minorités, et nous en sommes tous et toutes à certains égards.

  1. Cela paraît encore plus dingue qu’on casse les bonbons à des personnes qui sont si peu nombreuses et dont la seule espérance et motivation est de vivre en accord avec soi, et dotées des droits qui devraient naturellement leur permettre de vivre heureuses et épanouies. ↩︎
  2. Il y a ce bouquin, mais aussi des tas d’accusations allant de la médicalisation des jeunes au prosélytisme et à une « mode contagieuse ». ↩︎

Adelphité trans

Cela fait quelques années (mais pas plus de quatre, il me semble) que je vois le terme « adelphité » fleurir dans la communauté queer au sens large, mais surtout trans. C’est un terme épicène qui combine donc les notions de fraternité et de sororité (qu’on emploie aussi plus souvent depuis relativement peu de temps). J’ai tout de suite trouvé que c’était drôlement euphonique adelphité, et j’adore lire des personnes parler ainsi de leurs adelphes… Récemment, je m’interrogeai sur mon usage de certains termes et c’était curieux de constater que par exemple :

Ce qui m’épate, en passant, c’est qu’en 2005 je te mettais des “transsexuels” en veux-tu en voilà, c’est marrant comme je n’écrirais plus cela aujourd’hui. Et en réalité, si je regarde l’occurrence des mots-clefs de mon blog, j’ai utilisé ce terme jusqu’en 2008, après je parlais de “trans” tout court, et à partir de 2011 c’est le terme “transgenre” qui est uniquement usité (et c’est le terme correct encore aujourd’hui). 

Article Hedwig and the Angry Inch de ce propre blog ^^

Donc je tenais à commencer à faire fleurir ici aussi pour ce printemps 2024 un si joli mot.

Cela pourrait paraître curieux de prime abord de se dire qu’on a juxtaposé et mélangé ces lettres : LGBTQIA+ (j’ai l’impression que c’est l’acronyme qui résiste ces dernières années) pour décrire les minorités sexuelles1. J’utilise moi-même souvent le terme queer comme un terme général pour englober tout ce qui sort de la norme qu’elle soit sexuelle ou même culturelle (j’aimais du fond de mon cœur l’appellation TorduEs, et la marche qui allait avec, c’était une belle traduction à la fois littérale et singulière, mais malheureusement elle n’a pas percé ^^ ). Mais en réalité, on mélange des orientations sexuelles et des identités de genre ou des cheminements dans ces deux « univers », certes connexes mais après tout disjoints.

Car on est plus aujourd’hui à se considérer sur le spectre de l’orientation sexuelle comme sur celui du genre, et même ces notions là me semblent en réalité de plus en plus illusoires, ou simplement un besoin assez trivial de mettre les gens dans des boîtes et de leur mettre des étiquettes. Et ce n’est pas que pour des trucs mauvais hein, les étiquettes ça permet aussi de savoir à qui on a affaire et comment mieux communiquer, faire le moins d’impairs et se montrer poli. Les pansexuels et les agenres dans la salle peuvent sourire narquoisement, d’accord, d’accord.

Ces spectres ont tout de même un intérêt pédagogique, et de redonner à chacun la liberté de sortir des limites perçues par son éducation et son environnement, et ça c’est tout de même très très cool (Kinsey avait bien commencé en 1948, avec selon moi le même pouvoir émancipateur sa fameuse échelle). Dès lors qu’on comprend les carcans dans lesquels on se trouve, on n’aspire très rapidement qu’à en sortir ou au moins à ressentir le grisement de ressentir ce nouveau souffle de liberté possible.

Là où ça se corse et je trouve cela merveilleux, c’est dans cette nouvelle norme qui consiste à ne pas savoir justement à qui on a affaire (et le quasi-boomer que je suis en souffre grave, mais j’y survivrai car je suis pas trop fragile dans le genre ^^ ). Mais comme la règle d’Or dans ce domaine, comme dans tous les autres, c’est la suivante. On devrait normalement vivre dans un monde bien meilleur.

Flash débat : la transidentité – Groland Le Zapoï du 09/12/2018 – CANAL+

En réalité, la raison pour laquelle on a accolé le T aux LGB, et pour laquelle ces spectres sont si intimes, est surtout très pratique et empirique. Beaucoup de trans dans leur cheminement de vie passent par la case homosexualité, ce qui doit être une première tentative de réponse à leur quête d’épanouissement. Ce sont donc totalement nos frères et sœurs (nos adelphes ^^ ) de lutte et nous partageons un destin commun, et bien sûr ils représentent une frange de la communauté encore plus discriminée. Parce que nous avons une histoire commune, et qu’on a souvent été potes au début, bah on ne va pas se lâcher comme ça. Et je suis heureux de constater que cette intersectionnalité là fonctionne un peu. (Même si la transphobie est présente chez les gays et lesbiennes, j’en pense la prévalence plus faible que dans la population générale.)

J’ai eu moi-même beaucoup de préjugés, et mon propre cheminement. Je me rappelle m’être demandé par exemple pourquoi les trans allaient vers tant de difficultés et de douleurs dans la société, plutôt que de se contenter d’être pédés ou lesbiennes. Et puis j’ai fait le (facile) rapprochement avec certains hétéros qui m’avaient dit exactement la même chose sur le fait d’être pédé2 dans les années 90. Hu hu hu. Et puis il m’a suffi de constater d’un peu plus près l’épanouissement de quelques trans (dans mon cercle à moi uniquement des femmes trans), notamment d’anciens pédéblogueurs, pour avoir une véritable épiphanie à ce sujet. Je me suis retrouvé quelque part avant et après mon propre coming-out. Ces personnes sont simplement devenues elles-mêmes, pas autrement que ce qu’elles avaient toujours été au plus profond d’elles.

Pour les deux auxquelles je pense, je dois réfléchir assez intensément pour retrouver leurs morinoms. Les mégenrages3 qui sont forcément des erreurs communes au début de transition (appeler elle en il, ou utiliser le prénom de naissance), et qui le reste un peu plus longtemps chez les proches (pour la famille notamment), est un truc qui m’échappe tant je trouve que l’on oublie purement l’ancienne personne (et sans aucun effort vraiment).

Il faut savoir qu’il y a une immense4 polémique en ce moment dans la communauté des contributeurs Wikipédia. En effet, s’oppose la volonté de ne pas indiquer les morinoms ou dead-names des personnes trans ou même d’évoquer leur transition puisque ce n’est pas forcément pertinent ou même en accord avec le désir de la personne, et celle de loguer ces événements qui sont autant détails biographiques d’une personne.

Les réseaux sociaux ont cette qualité (parmi beaucoup de défauts) de faire émerger des tas de gens très bien qui militent et informent via des contenus écrits, audios ou vidéos sur la transidentité. Et surtout, c’est pour moi une vraie petite fenêtre sur des coreligionnaires queers que je n’aurais jamais été amené à rencontrer ou connaître (notamment par des générations qui nous séparent aujourd’hui au vu de mon statut de vieillard cacochyme approchant dangereusement la cinquantaine). J’ai été fasciné comme beaucoup de gens par la non-binarité, qu’elle s’exprime sur le domaine sexuel ou du genre, ou même lorsqu’on considère les différents spectres autistiques sur lesquels on se trouve en tant que neuroatypique par exemple. Donc c’est clairement une tendance de fond assez importante, mais qui ne nie pas non plus la binarité, elle étend juste le champ des possibles, et reconnaît les nuances, la fluidité, le changement ou parfois simplement l’indécision5.

J’avais évoqué Brieuc dans le blog qui était un de ces non-binaires qui a publié des dizaines de vidéos géniales à ce sujet, et globalement sur la transidentité. J’ai appris mille choses grâce à cette précieuse personne. Il se trouve qu’elle a (de nouveau) transitionné depuis, et elle a malheureusement supprimé tout ce contenu (pour mettre de côté justement le morinom, l’apparence et tout ce qui se rapporte à un passé qui devient difficile dès lors qu’on est passé à autre chose j’imagine). Comme je la cite en tant que Brieuc, je ne vais pas moi-même faire le lien avec sa transition actuelle. Mais elle fait partie de ces merveilleuses personnalités qui depuis la transition irradie de bonheur et de bien-être. Et ça me rend juste tellement heureux de la voir ainsi !! ^^

Comme pas mal de personnes trans d’ailleurs, il est très drôle de constater, et elle en plaisante elle-même beaucoup, qu’elle est aujourd’hui assez binaire et revendique un schéma très classique où elle est « très meuf » et dans des relations tout à fait « hétéronormée ». Et c’est ce que j’aime dans ce qui peut paraître comme des choses nouvelles et qui pourraient faire peur ou être prises pour des positions politicardes visant à faire changer tout le monde. Ce n’est pas du tout le cas, il ne s’agit que d’ouvrir le champ des possibles, tout en respectant les comportements d’avant, c’est juste qu’ils ne sont plus la norme ou l’obligation.

Il y a en revanche une chose qui a tout changé, et qui est à la fois géniale et qui m’agace au plus haut point : le passing. Evidemment que c’est majeur et important d’être reconnu, pour des personnes binaires, dans son genre. Et les innovations extraordinaire en médecine, tant pour les hommes que pour les femmes, ont grandement amélioré la vie des personnes trans et leur intégration à la société, puisque « ça ne se voit plus ». Et dès lors qu’on ouvre cette boîte (de Pandore), on se frotte forcément à ce putain de privilège de la Beauté6 (qui m’insupporte). Et alors, on en vient à faire des différences et des jugements de valeurs dégueulasses. Il y a alors les bons trans et les mauvais etc. De la même manière que l’acceptation grandissante des gays dans la société est valable et validée pour ceux qui sont beaux, musclés et doués en décoration.

Mais d’un autre côté, ces ambassadeurs et ambassadrices ont un pouvoir extraordinaire et font bouger les lignes. Donc ça m’interpelle et me trouble… Et j’en suis moi-même une énorme victime influençable, alors que je m’émerveille de transitions qui aboutissent à des personnes belles en dedans comme en dehors (j’avoue que le passing a cet effet).

J’avais bien aimé en cela les deux séries TV avec un thème trans très poussé qu’étaient « Pose » et « Transparent ». Et étonnamment, là où la première se passe dans les années 80 et 90 à l’époque NYC, VIH et Ballroom, on avait des comédiennes trans qui étaient « trop » belles par rapport à une représentation historique qui se voudrait fidèle. Mais après tout, quel intérêt ? Et leurs physiques sublimes ont parfaitement servi l’intrigue… Pour la seconde, avec « Transparent », c’est le contraire puisque la série est contemporaine mais montre justement des trans « qui se voient » avec un côté plus naturaliste certes (surtout avec des trans plutôt âgées), mais qui fait justement l’impasse sur les personnes au passing plus abouti. Et encore une fois, ce qui est plutôt cool au final, c’est l’ensemble de ces représentations, et la diversité qui est présentée. Ce qui est cool aussi c’est enfin d’avoir ces représentations dans des séries, et qui arrivent à transcender ce sujet même de la transidentité.

Sur un sujet connexe, je me suis fait la même réflexion sur la mini-série gay du moment « Fellow travellers » où on a deux mecs homos qui vivent une histoire singulière entre les années 50 et 80. Les deux mecs sont Matt Bomer et Jonathan Bailey, et ils ne sont absolument pas crédibles en mecs pédés dans le placard des années 50, dans le sens où à cette époque les mecs n’avaient absolument pas des corps aussi secs, dessinés et musclés avec des abdos taillés à la serpe. Or, la série est aussi là pour montrer des magnifiques pédés aux corps parfaits comme on les célèbre aujourd’hui. Je trouve ça naze, et un manque criant de fidélité à une reconstitution historique. ^^

Bref, j’arrête avec ce privilège de la Beauté, mais il faudra que j’en fasse une tartine un de ces quatre.

Je voudrais à présent vous conseiller quelques comptes de référence qui vraiment sont des trésors actuels à propos de transidentité. Il y a d’abord Lexie7 qui est une fabuleuse pédagogue et passeuse de messages, mais qui est aussi truculente, bretteuse et en colère, et qui est aussi capable de nous chier à la gueule au passage. Je suis très très admiratif et fan, et je trouve qu’elle ne fait que s’améliorer avec le temps. Je vois aussi tout ce qu’elle subit sur les réseaux (comme pas mal de militants que je suis), et je n’en suis que plus adoratif de son travail et son opiniâtreté.

Après pas mal d’années d’invisibilisation, les hommes trans sont maintenant beaucoup plus sur le devant de la scène, et ça a changé pas mal de choses en positif (évidemment). J’ai été épaté aussi de constater que beaucoup de garçons trans sont gays, ce qui n’est que le résultat de ma facette de boomer. ^^ (Bah oui, je me dis t’es lesbienne, après tu deviens un mec, forcément t’es hétéro non ? Bah non. ^^ )

Et cette résurgence a aussi provoqué un autre truc drôle et troublant pour moi. C’est que l’on trouve donc à la fois femmes trans et des hommes trans dans le porno actuel. Eh bien je suis plutôt très sensible à des hommes trans pédés (sans organes génitaux masculins, je le précise car c’est dans ce cas et contexte précis important), et pas du tout à des femmes trans qui peuvent même avoir une bite (élément assez essentiel pourtant de ma sexualité). Cela m’a vraiment conforté dans mon identité d’indécrottable pédé, et pas tant que cela accroc à la bite. Bon passons !

En miroir de Lexie, et absolument indispensable, il faut suivre Morgan Noam. Il est passionnant et tout aussi pertinent et convaincant que sa collègue (ils font aussi des vidéos ensemble). C’est tellement génial de suivre ces personnes intelligentes et fines, et qui sincèrement me donnent un peu d’espoir en l’avenir de nos sociétés (ouai je suis déjà mort ^^ ).

Avec Lou Trotignon c’est moins sérieux, c’est même très drôle, mais en même temps les messages passent aussi, c’est juste que le médium est aussi singulier que génial. Ce mec trans non-binaire (c’est déjà un programme) est adorable, à mourir de rire et un comédien de stand-up qui présente des sketchs très drôles et absolument irrésistible sur la transidentité. Tout en finesse et en dérision, il arrive à bien faire passer ses messages, et je trouve que l’humour est un vecteur complémentaire parfait à un militantisme pur jus.

Enfin mon chouchou c’est clairement Léon Chappuis (ou Léon Salin) qui est déjà une publicité vivante pour la transition (il est vraiment canon ce con !!!8). Hu hu hu. Mais surtout il est absolument bisounours et adorable, et il a une tactique très nature et candide. C’est peut-être son côté suisse (romand) qui fait cela, mais lui son terrain c’est l’évidence des parcours trans, les témoignages positifs et vraiment la candeur des échanges. Cela donne des vidéos touchantes à mort qui m’ont fait chialé (ça fait du bien), et des échanges prosaïques qui sont des questions qu’on se pose. Le mec raconte par exemple dans une vidéo avec d’autres mecs trans qu’il lui est arrivé de draguer une meuf qu’il a un bon passing et que c’est cool mais qu’il faut bien qu’il explique à un moment « qu’il n’a pas de bite !!! » et ça le fait chier. Mais en même temps, la confrontations des témoignages est très intéressante, troublante parfois, toujours bienveillante, et démine justement tous les préjugés ou les sujets scabreux et délicats.

On y comprend aussi pourquoi de toute évidence certaines personnes trans préfèrent sortir avec des trans, ou l’impact de l’exotisation de leur transidentité pour certains ou certaines. J’ai adoré aussi les passages figurant Léon et sa petite amie, qui est elle bisexuelle convaincue et militante. On en finit par se dire que c’est peut-être cette bisexualité qui permet d’obtenir un tel équilibre harmonieux avec un mec trans ? Pourtant il est clairement pour moi un mec comme un autre, même selon moi beaucoup trop hétéronormé à mon goût (mouahahahaha). ^^

Bref, c’est super intéressant et je n’ai pas fini de découvrir des trucs, ce qui est toujours agréable et stimulant.

Mais là, où j’ai versé ma petite larme c’est que Léon a interviewé des parents de mecs trans. C’est très drôle car la vidéo des mamans et celle des papas sont différentes les unes des autres, et donc très binaires au final (hu hu), mais elles ont pour point commun de toucher droit au cœur, de revenir à des valeurs belles et simples d’amour (surtout), de respect, d’écoute et d’une ouverture qui finit par aussi donner en retour beaucoup de richesses à ces parents d’exception. Encore une fois, on y trouve une belle candeur, une profonde humanité, beaucoup d’humour et de décomplexion, et cela fait un bien fou.

C’est aussi un autre bon moyen de faire passer des messages, en revenant à des considérations assez essentielles et basiques. Et encore une fois très complémentaires des approches théoriques ou militantes, qui peuvent aussi un peu trop nous courir sur le haricot.

J’en ai fait une sacrée tartine de cet article, mais j’y tenais car ça compte pour moi.

  1. Je déteste cette terminologie, mais c’est toujours celle qui paraît couramment usitée. ↩︎
  2. Ils me conseillaient sérieusement de ne pas me prendre la tête, de simplement me conformer en mettant avec une femme pour faire plaisir à la société tout en évitant les risques, et de vivre une gentille vie sexuelle hypocrite et débridée en parallèle. ↩︎
  3. Le fait de ne pas utiliser les bons pronoms pour interpeller une personne. ↩︎
  4. Tout est relatif évidemment, c’est à l’aune d’une polémique sur les Internets par les gens des Internets. ↩︎
  5. Il est parfois bon de rappeler que l’indécision est aussi une excellente option devant ce maelström de choix. ↩︎
  6. Personne n’en parle de celui-ci alors qu’il est un des plus injuste et universel de notre monde : la beauté ouvre bien des portes, et c’est un privilège qui en intersection avec des ségrégations donnent des équations bien curieuses et alchimiques. ↩︎
  7. Je l’ai connu incidemment à la téloche alors qu’elle participait à un débat sur France Info, et elle m’avait marqué par sa sagacité et sa rhétorique efficace. ↩︎
  8. Oui je sais c’est un privilège et tout, mais laissez-moi faire ma midinette merde !!! ↩︎