Les bords de l’Oued à Doucen

J’ai vraiment de la chance dans ma quête des cartes postales du village de naissance de mon grand-père, car j’avais trouvé la dernière fois encore un complément à ma série d’Alexandre Bougault. J’avais donc les cartes N° 160, 161 et 162, et là je viens de dégoter la 163 !!

La dernière fois, je m’étonnais de la mention d’un lac, dans cette zone désertique1, et je penchais pour une erreur avec l’Oued Tamda (qui déborde de temps à autre). Mais là c’est bien précisé : les bords de l’Oued. Alors il y avait peut-être vraiment un lac à l’époque… J’ai trouvé cette carte (issue d’une étude hydrographique et de climat locale d’il y a une dizaine d’années) ci-dessous qui liste les différents Oueds du coin, avec en pointillés là où ils sont à sec une bonne partie de l’année, sans doute hors chutes d’eau exceptionnelles et inondations.

Comme toujours, voilà la version réparée par IA.

Et la version colorisée, qui est toujours aussi chouette à découvrir, et qui permet de beaucoup plus s’imaginer l’endroit.

Je n’ai aucune idée de combien de cartes composent cette série, mais j’espère qu’il y en a d’autres2 !!! ^^

  1. Mais en une centaine d’années, j’imagine que c’est beaucoup plus aride aujourd’hui. ↩︎
  2. Je fais des recherches très occasionnellement sur des sites de ventes de vieux papelards, affiches ou cartes comme ça. ↩︎

L’Académie française qui diconne

Même la ligue des droits de l’homme demande que l’Académie revoit d’urgence ses définitions. Elle vient en effet de sortir la fin de la neuvième édition de son dictionnaire. Et ce n’est pas un coup d’essai puisque ça a tout de même commencé en 1694. Et alors apparemment, c’est une catastrophe de définitions totalement réactionnaires et à la morale antédiluvienne.

« Le traitement du racisme, lourd d’enjeux dans le monde où nous vivons », est « sidérant », poursuit la LDH à propos de l’ouvrage dont la neuvième édition a été remise au président Emmanuel Macron le 14 novembre.

La « race » est ainsi définie dans le dictionnaire comme « chacun des grands groupes entre lesquels on répartit superficiellement l’espèce humaine d’après les caractères physiques distinctifs qui se sont maintenus ou sont apparus chez les uns et les autres, du fait de leur isolement géographique pendant des périodes prolongées ».

Au mot « Jaune » on peut aussi lire qu’il s’agit d’« une personne ou une population caractérisée notamment par la pigmentation jaune ou cuivrée de la peau, par opposition à Blanc et à Noir », s’indigne la LDH.

L’association pointe également la présence du mot « négrillon » qui dans le dictionnaire consultable en ligne renvoie à « petit enfant noir » ou celle encore de « négroïde » comme personne présentant « certaines des caractéristiques morphologiques des populations noires ». « Aucune distance n’est marquée avec ces entrées, aucune d’entre elles n’est signalée comme discriminante ou péjorative », souligne la LDH qui demande à « rectifier d’urgence » cette édition.

Dans un autre registre, la femme est qualifiée comme « un être humain défini par ses caractères sexuels qui lui permettent de concevoir et de mettre au monde des enfants », pointe la LDH. « Faut-il en conclure qu’une femme stérile ou ménopausée n’en est pas une ? », s’interroge-t-elle. Elle épingle par ailleurs la définition de l’hétérosexualité qui est décrite comme une relation « naturelle » entre les sexes « ce qui implique que l’homosexualité ne l’est pas », en déduit la LDH.

Article de France Info : La Ligue des droits de l’homme exhorte l’Académie française à « rectifier d’urgence » son dictionnaire

Il se trouve qu’un compte Instagram que j’aime beaucoup Etymocurieux a aussi publié une très bonne vidéo qui reprend ces éléments. Le garçon est aussi joli qu’il est passionnant à propos de linguistique, d’étymologie et d’histoire de l’évolution du français.

Convergence des luttes et convergence des haines

Il y a quelques temps mes pérégrinations virtuelles mastodonesques1 m’ont amené vers le profil d’Elia J. Ayoub, puis son podcast « The Fire These Times« , et par sérendipité juste sur un épisode intitulé « This Arab is Queer ». Eh bien, vous me croirez si vous voulez, mais ça a aiguillonné ma curiosité. Hu hu hu.

J’ai ainsi pu écouter des coreligionnaires arabes et queer qui discutent notamment de l’ouvrage présenté par Elias Jahshan : This Arab is Queer.

C’est un regroupement de plusieurs textes qui avait aussi été présenté à l’IMA l’année dernière, et qui permet de découvrir des auteurs et autrices LGBT qui s’expriment véritablement sur leurs ressentis et leurs expériences « de première main ». Le podcast permet d’avoir un petit aperçu de cela, mais aussi d’avoir un discours très nuancé et plutôt sain, à mon avis. C’est à dire qu’on n’est pas du tout dans le fait de prôner l’occident comme seul havre pour les LGBT, ni à dire que c’est le rêve d’être pédé au Moyen-Orient, mais qu’il y a des nuances dans tout cela. L’homophobie est terrible à vivre dans les pays arabes, mais on y trouve aussi des évolutions et de l’optimisme, et il faut s’y battre pour que ça continue, et même en assumant des paradoxes moraux et religieux. Le racisme existe dans les pays occidentaux, mais c’est encore là qu’on y trouve un vrai espace de liberté, et qu’on améliore aussi la société dans bien des domaines. Oh que ça m’a fait du bien d’entendre cela.

Bref, j’ai trouvé ça assez salutaire par rapport à toutes les mises en boîte instantanées que je lis tous les jours. Les discours totalement symétriques et diamétralement opposés consistant à être : pour l’arrêt du massacre des gazaouis et donc propalestinien et donc antisémite, ou pour la défense d’Israël suite au 7 octobre et donc islamophobe et d’extrême droite.

Et de la même manière, j’ai vu fleurir des tas de mèmes et de blagues de droitards sur le fait que des associations queer revendiquent un soutien à la Palestine en mode « chickens for KFC » comme ci-dessous ou pire. Le pire étant sans doute quand Marianne reprend cela pour le traduire « Les dindes votent pour Noël » avec en plus une jolie métaphore homophobe bien sentie. ^^

Mais pourtant, on peut soutenir le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, avant même de parler de droits LGBT, parce que là c’est juste ça quoi. Et pour autant, ça ne réfute absolument pas l’homophobie comme valeur cardinale de ces gens, mais juste on voudrait qu’on arrête de les massacrer sous un faux prétexte, juste parce qu’on aimerait bien s’en débarrasser une bonne fois pour toute pour annexer leur territoire. Et en face, l’acceptation de façade des LGBT ne tient pas une seconde, quand on voit la réalité des valeurs d’un gouvernement israélien d’extrême droite. Si en revanche Israël est bel et bien un pays assez tolérant des LGBT, c’est bien un ensemble de valeurs portées et défendues par des gens de gauche, les mêmes qui sont aussi contre la politique d’extermination et de colonisation de leur gouvernement.

Orphéus en a parlé récemment, et c’est ce qui m’a décidé à reprendre cet article. ^^ Je repensais à un article que j’avais écrit en 2006 en revenant de vacances en Israël (que j’ai adoré !), qui m’avait valu une sacrée volée de bois vert. Et le pire c’est que je ne démens pas ma maladresse ou même mes torts. Oh mais que j’en ai des torts et des défauts ! Mais on est presque vingt ans plus tard, et en réalité c’est juste exactement la même chose…

Et pourtant ça me titille, car oui l’antisionisme2 est aussi le repaire des antisémites, tout comme l’anti-mariage gay est celui des homophobes alors que la manif pour tous nous a seriné être très très acceptante et gay-friendly. Je sais donc que les discours un peu trop sophistes peuvent vraiment faire prendre des vessies pour des lanternes.

Et moi-même, je critique certains gays de droite qui ferment les yeux sur l’homophobie de leurs gouvernants, et ils pourraient me répondre que l’on peut séparer les choses comme je le fais pour la Palestine. ^^ Comparaison n’est pas raison, je sais. Et là c’est un peu gonflé comme raisonnement, et un vrai syllogisme au final. Mais j’essaie aussi de tester les limites de mon propre raisonnement, et de mon propre système de valeurs.

La convergence des luttes nous incite à essayer de dépasser certains clivages, et a essayé aussi de penser au-delà, ou bien c’est juste une intersection de velléités protéiformes jusqu’à un mouvement si singulier qu’il ne représente plus rien ni personne ? Mais la convergence des haines, on l’a vu parfaitement incarnée lorsque lors de la manif pour tous, en 2012, des représentants officiels des religions chrétiennes, juives et musulmanes s’étaient ligués au-delà de leurs propres inimitiés. Ils avaient défilé dans leur haine commune des LGBT, et on a même pu y voir un certain terreau optimiste de valeurs communes… Mein gott.

Pour finir, cette situation actuelle me paraît juste parfaitement illustrée par ce mème que j’ai posé en tête d’article. J’en parlais déjà en 2006, le truc est tellement imbriqué, avec de la haine des deux côtés, des exactions des deux côtés, des gens qui ont tort et raison des deux côtés, et depuis tant de temps, que revenir aux raisons pragmatiques et légales d’origine paraît illusoires. On s’en sortira donc autrement que par un simple exercice de raison, de droits ou de morale, et pas à l’aune du respect des droits LGBT même si c’est tentant pour certains (adeptes du pinkwashing). Mais je n’ai pas idée de comment… En tout cas je suis incapable de dire qui a le droit ou qui devrait. Il faut juste que les massacres s’arrêtent !

  1. Vous voyez que ce réseau social sert à quelque chose !! ^^ ↩︎
  2. J’en parle très directement et sans ambages dans mon post de 2006 et je réutiliserais pas la même phrase aujourd’hui car ce serait trop maladroit (ça l’était déjà) malgré la grande complexité et subtilité de cette notion qui est parfaitement bien documentée dans sa page Wikipédia. ↩︎

L’extrême-centre

Evidemment c’est un chouïa caricatural (seulement un chouïa je pense) de la part de ces gauchistes de Radio Nova ( ^^ ), mais c’est cool d’avoir une telle explication très référencée et documentée de Johann Chapoutot sur ce sujet. Et je trouve le propos et les anecdotes rapportées assez passionnantes et croquignolettes.

En tout cas cette notion d’extrême-centre est fascinante, et en effet elle traduit très bien les discours ambiants et notamment macronistes.

P’tit tour à Strasbourg

Vous aurez donc compris que nous sommes passés à Strasbourg surtout pour le concert de Zaho de Sagazan, mais ça nous a permis de profiter un chouïa de cette belle ville. J’ai vraiment un faible pour Strasbourg, déjà parce que j’ai des origines alsaciennes et que ça me fait plaisir d’être dans le coin de mes ancêtres, mais aussi parce que j’y ai passé quelques bons moments avec un certain J. il y a… bah ça fera vingt ans en 2026 (nan mais j’allais au cybercafé pour écrire des articles à cette époque…) hein. ^^

Et la ville est magnifique, à taille humaine, avec un centre-ville très beau, plein d’histoire et d’une jolie architecture, tout en étant piéton et avec de bons restaurants. Comme on connaît bien la ville, on n’a pas non plus spécialement joué les stakhanovistes, mais comme de bons touristes on est déjà allé manger une choucroute à la Petite France.

On s’est rapidement fait la réflexion qu’avec le même nombre d’habitants, des transports en commun omniprésents, ainsi que le vélo, peu de voitures dans le centre-ville, des ponts et un mélange d’ancien et de moderne, on avait vraiment pas mal de points communs entre cet Extrême-Orient français et notre bonne ville de Nantes (modulo les grues et le passé industriel intramuros, et la ville détruite pendant la guerre).

Mais bon, sur le plan des cathédrales gothiques, Strasbourg gagne haut la main (sur la gastronomie aussi, il faut le reconnaître ^^ ). La cathédrale Notre-Dame de Strasbourg est en bonne place dans mon classement, et cette escapade vient confirmer mon sentiment.

J’avais envie de revoir le Musée de l’Œuvre Notre-Dame dont j’avais un très bon souvenir. Je trouve que c’est vraiment un must de la ville selon moi, et ma visite d’hier l’a encore confirmé. Alors évidemment, il faut aimer les arts médiévaux, gothiques et pré-Renaissance, mais dans le genre c’est donc un régal. Et il y a vraiment une très chouette collection de peintures à l’huile sur bois du 15ème, et c’est vraiment ma came. ^^

Et sinon, on est dans les bâtiments de l’Œuvre de la cathédrale, c’est-à-dire l’endroit qui, depuis le projet même de construction, a abrité toute l’administration du chantier. C’est une architecture complexe de plusieurs immeubles depuis le 11ème siècle avec des salles qui reflète différents usages. Il y avait autant de réunions de chantier que des récoltes d’argent ou des architectes qui dessinaient des plans. Il y a d’ailleurs une salle géniale où on apprend que pour cette cathédrale, des plans très précis, qui préfigurent le dessin technique, permettaient de réaliser les élévations avec un certain professionnalisme d’ingénieur. On y voit aussi les méthodes, outils et supports utilisés, c’est passionnant !

Sinon, le musée permet aussi de voir de plus près la statuaire de la cathédrale et d’anciens monuments de Strasbourg avec des exemples magnifiques d’œuvres gothiques locales de premier plan. On a aussi une vue magnifique sur un des profils de la cathédrale pendant toute la visite. ^^

Et pour finir, ça me fait sourire que le chemin principal qui mène à la gare est un joli chemin rainbow LGBT qui termine devant la gare avec les symboles trans et intersexe. Il faut toujours suivre l’arc-en-ciel, vous savez bien. ^^

Petit déménagement de blog

Bon, ce n’est pas grand chose mais c’est un truc assez important pour moi. J’aime vraiment la permanence des choses, et quand j’ai démarré le blog c’était majeur pour moi de rester sur la même adresse internet, et d’avoir le plus de stabilité possible. Je m’enorgueillis donc d’avoir pendant plus de vingt ans conservé mes articles à la même adresse, et donc il n’y a aujourd’hui aucun lien mort de l’extérieur qui pointent vers ici.

Quand j’ai commencé à bloguer, le truc chic c’était d’avoir un sous-domaine dédié, c’est à dire un truc en blog.blablabla.net (le .net se faisait beaucoup pour faire genre altermondialiste ^^ ). Cela mettait en avant le « blog » en l’associant au nom de domaine, et c’était cool pour le référencement, en plus d’avoir une « tête d’adresse » originale à communiquer. Bon, inutile de dire que tout cela est parfaitement obsolète. Et je n’ai jamais trouvé quoi faire d’autre avec le matoo.net, sinon d’y mettre un message un peu énigmatique et nerd comme j’aime en mimant le fameux perdu.com des années 90.

Cela faisait quelques temps que je me disais que je devrais simplifier l’url du site en étant simplement matoo.net ! Voilà qui est fait. Cela supprime même la notion de blog de l’adresse, mais bon c’est toujours écrit en gros tout en haut. Hu hu hu. Et puis on s’en fout quoi. ^^

Normalement toutes les redirections sont faites, donc toutes les anciennes adresses fonctionnent et fonctionneront. Le seul truc qui m’ennuie c’est le changement d’adresse pour les flux de syndication qui permettent de me suivre sur des lecteurs de flux, mais bon j’ai aussi mis une redirection en ce sens. On verra si ça fonctionne.

Donc si vous me suivez par lecteur de flux, la nouvelle adresse est https://matoo.net/feed !

Comme c’est un post parfaitement inutile et visant surtout à tester la finalisation de la migration (et voir si le post apparaît partout ^^ ), je vous livre les deux photos de week-end des chatounettes. C’était hier samedi alors qu’on avait un brin de soleil, et les deux en ont profité pour ronfler en se dorant un peu la pilule. Rien de nouveau sous le soleil.

Iwak #31 – Repère

Où qu’on soit dans le monde, on a besoin de repère. On tout cas on les recherche pour se rassurer, pour se établir ses marques ou simplement en clin d’œil de ralliement qui nous fait sourire. Et pour moi, il y a plusieurs typologies de repères, dont d’abord je pense le côté français. Que ce soit par les guides verts, l’usage de l’Euro dans nos pays de l’UE (qui est malheureusement le seul élément « patrimoine commun » de l’Europe, mais c’est une monnaie : un des piliers qui font une nation), ou la bouteille de Bordeaux au supermarché local, la baguette d’une boulangerie, ou le drapeau bleu blanc rouge sur une ambassade ou un consulat, tout cela me fait un petit chaud au cœur. Et c’est bien un mélange de sentiment doucement chauvin, mais aussi de « oh c’est chez moi ça », et parfois un truc rassurant.

Quand j’ai passé une année à Newcastle au millénaire précédent, donc sans moyen de communication très évolué ni bon marché, j’allais de temps en temps dans une fromagerie m’acheter un bout de camembert, et c’était juste une garantie de vingt minutes de bonheur le soir même. ^^

Entendre parler français est aussi un truc qui me fait du bien lorsque je suis à l’étranger pendant un moment. Et là c’est juste une question de pratique linguistique, donc quand j’ai bossé en 2003 à Aïchi, au Japon, pour l’Expo Universelle, j’ai adoré papoter avec des francophones de pays d’Afrique de l’Ouest (béninois, ivoiriens, gabonais et sénégalais), et nous retrouver à nous sourire juste sur cette connivence.

Aujourd’hui, on est moins seul et moins perdu, notamment grâce au smartphone et aux télécoms, et l’un des effets positifs de la globalisation c’est aussi de trouver ses « marques » à peu près partout dans le monde. « Où est le Starbucks local ??? » C’est triste mais très très vrai. Cette uniformisation du monde réduit le sentiment « dépaysant » mais est un vrai facteur de rapprochement des gens, je pense.

Mais vous me voyez venir je suis sûr, moi le pédé militant wokistan islamogauchiste en chef, ce qui m’a fait d’abord un bien inimaginable lorsque je suis allé sur Paris les premières fois dans les années 90, c’est de voir le drapeau Rainbow, ce fameux drapeau LGBTQ+ de Gilbert Baker de 1978. Depuis lors, c’est sans doute le repère le plus porteur de sourire, de chaleur, de bien-être et de sécurité que je peux trouver dans le monde entier. Et comme nous partageons à la fois le sentiment d’homophobie (et ses effets bien pragmatiques) et ce repère coloré de notre communauté, voir ce drapeau, où que ce soit dans le monde, veut dire que c’est un endroit sûr et accueillant : un repère pour un repaire.

Iwak #30 – Violon

Le violoncelle serait plus précisément mon instrument de prédilection, mais en réalité je suis totalement charmé et envoûté par les quatuors à cordes. Deux violons, un alto et un violoncelle : ces instruments forment un accord d’une perfection, d’une harmonie et d’une puissance qui m’affole. Et le violon en particulier est pour moi associé à un truc qui remplit autant les grandes salles de concert prestigieuses, les conservatoires de musique, les zéniths de province, les couloirs de métro, les loges de concierge, les compilations à deux francs cinquante de mon enfance, les musiques d’attente de standard téléphonique, les ascenseurs de France et de Navarre, la moitié des publicités de la téloche : les Quatre Saisons de Vivaldi.

C’est fou de se dire que ces morceaux qui ont été composés il y a tout juste 300 ans par Antonio Vivaldi (été 1724 !!), n’ont pas pris une ride, et sont aimés et connus d’à peu près tout le monde, même lorsqu’ils n’en connaissent pas l’auteur ou le titre. Moi ce qui me plait tant là-dedans c’est clairement leur tension dramatique, et le fait que ce soit super rythmé, super tendu, et que ça pulse littéralement d’énergie, de secousses et de revirements. On a des images, qui pousseraient à la synesthésie, et des illustrations que l’on associe couramment aux saisons, et je pense qu’on a intégré ce vocabulaire musical pour ses usages précédents, mais en effet on y « voit » bien le souffle doux du vent dans les blés jusqu’à la tempête et la pluie battante qui mettent la nature en péril.

Et comme moi j’ai l’âme d’une concierge1 (portugaise en tout cas, au vu de mes origines2), j’adore ces morceaux bien pompiers qui remuent plein de choses en moi. Ce qui m’épate avec le violon, et en particulier donc dans les Quatre Saisons, c’est à la fois la virtuosité mais la capacité physique pour sortir aussi vite et bien cette multitude de notes. Cela paraît juste surhumain, et c’est aussi en cela que c’est si bouleversant et submergeant à l’écoute, comme un stroboscope auditif, un Pollock à l’archet ou la visite olfactive d’un souk marocain.

Vivaldi a certes eu du succès à son époque (1678-1741), mais apparemment a été ensuite complètement oublié, avant d’être redécouvert au milieu du 19ème siècle. Je me rappelle avoir été épaté quand adolescent j’avais vu un film, d’une production tout à fait moyenne, qui figurait le grand auteur de théâtre Goldoni dans une intrigue policière sur fond historique : Rouge Venise (un giallo de 1989). Goldoni enquête dans Venise avec son ami et side-kick très haut en couleur : Antonio Vivaldi. Et même si l’histoire était tout à fait fictive, Vivaldi a vraiment été pote avec Goldoni, et ce dernier lui a écrit deux livrets (sujet de blagues récurrentes dans le film). Dans le film, Vivaldi est un peu hystérique et hyperactif, il parle très vite, et saute partout un peu comme un dingue toujours sur la brèche. Son côté ecclésiastique a l’air d’être assez secondaire à sa musique, et c’est un personnage d’abord humoristique.

Les Quatre Saisons ont été également réinterprétées par beaucoup de compositeurs qui en ont fait leur propre version, ou s’en sont servi d’inspiration. Cela a donné de très chouettes œuvres de Max Richter ou Philip Glass par exemple. Pour ce dernier d’ailleurs, c’est aussi ses thèmes « passionnels » à cordes qui me plaisent tant. Il y a notamment ce solo de violon d’Einstein on the Beach qui est un truc incroyable dans la veine répétitive de Glass, mais porté à son paroxysme et dont on voit aussi l’effet sur le physique des musiciens lorsqu’on l’expérimente en live.

Solo de violon d’Einstein on the Beach par Thomas Halpin

Pour finir, un truc fou dont j’ai déjà parlé il y a presque vingt ans, mais qui continue de me remuer les tripes. C’est encore du Glass et c’est encore merveilleusement enlevé et enlevant.

Extrait du Quartet N°5 (1991) par l’ensemble Kronos Quartet
  1. Avec les keupines des « folles d’opéra » dont Kozlika, Chondre, Zvezdo ou Gilda, on parlait de notre amour des opéras de concierges qui sont en gros le répertoire ultra-classique du Bel Canto bien « colorée », mais c’est évidemment avec beaucoup de considération pour les loges (non maçonniques, quoi que le Portugal tout ça ^^ ) de France et de Navarre. ↩︎
  2. Mon second prénom n’est pas Manuel pour rien. ↩︎

Iwak #29 – Navigateur

J’ai déjà parlé de Dune lors d’un IWAK, pour expliquer l’importance du film de Lynch dans mon histoire familiale, mais on me parle de Navigateur alors moi je pense Guilde Spatiale. La bestiole est en effet un navigateur de troisième échelon, c’est à dire que c’était jadis un humain qui, à force de respirer le gaz orange de l’épice, a muté au fur et à mesure qu’il a acquis ses pouvoirs de prescience et ses capacités à naviguer. Dans cet état, les navigateurs ne peuvent survivre que dans des dispositifs en vases clos (comme ci-dessous où le navigateur est reçu par le Padishah) où ils reçoivent sans arrêt de l’épice, et cela leur permet de vivre potentiellement des milliers d’années.

Le transport spatial c’est évidemment le nerf de la guerre dans une économie galactique. Il faut que les gens et les produits puissent circuler le plus facilement possible de planètes en planètes. On a trouvé techniquement le moyen, dans l’univers de Dune, pour naviguer presque en un clin d’œil en repliant l’espace grâce à l’effet Holtzmann (qui reste un truc un peu flou inventé par le scientifique du même nom). Cela consiste en gros à se déplacer via des trous de ver dans l’espace-temps. Le problème c’est que c’est super dangereux et presque impossible de calculer une trajectoire qui prenne en compte tous les paramètres possibles. Et c’est là où l’épice a apporté une réponse originale.

Comme ses junkies de compétition deviennent des prescients, ils sont en capacité d’utiliser l’effet Holtzmann, et de guider en toute sécurité en « devinant » le parcours idéal d’immenses containers (qui contiennent eux-mêmes des vaisseaux spatiaux qui peuvent naviguer à l’intérieur et se « parquer » pour le voyage) dans ces trous de ver, ce qui permet de se déplacer sans bouger. Dans le film de Lynch de 1984, on voit un de ces navigateurs, sorte de limace baveuse rosée avec des petits bras de T-Rex, qui « projette » la planète d’origine, puis celle de destination, et enfin replie l’espace avec ses petits bras musclés. Et hop, l’immense container est déplacé en un instant !

Le voyage « efficient » dans l’espace (sinon il y a aussi des moyens plus conventionnels mais super lents) est donc contraint à l’usage de ces navigateurs, et donc de l’épice. D’où une importance majeure sur sa production, et c’est possible dans une seule planète dans l’Univers Connu : Arrakis. L’épice est déjà une drogue très très onéreuse, mais en plus comme la Guilde spatiale a le monopole sur le transport, ils ont un pouvoir assez incommensurable. Et ce type de transport « instantané » est également très très très cher.

L’épice en tant que telle est liée au cycle de vie des vers des sables d’Arrakis. Ces derniers ne peuvent supporter l’eau, ce qui est un poison pour eux. Mais à la base de leur existence, il y a les truites des sables qui sont des être mi-plante mi-animal et qui capturent l’eau du désert. C’est en créant des sortes de poches d’eau et de truites mortes, que l’épice est générée. Elle remonte en masse à la surface avec le CO2 et l’effet des vers qui remuent le sable en profondeur. Les truites survivantes finissent par se transformer elles-mêmes en vers des sables.

C’est un savoir tout à fait inutile, et donc forcément j’adore ça. ^^