Le contrôle et la mystification de l’information est une stratégie claire et effective de l’administration Trump aux US, et je parlai il y a quelques mois du bruits des bottes à ce sujet, avec notamment cette invisibilisation terrible et inique des LGBT dans les sites officiels américains, y compris le Stonewall. Mais là, c’est encore au-delà de mon entendement… Le site web de la Maison Banche a en effet mis à jour une frise historique qui explique les évolutions du bâtiment depuis le début de sa construction en 1791.
Jusque là tout va bien hein, en cliquant sur la droite, on avance dans le temps, et on découvre les différentes additions architecturales ou d’aménagement décidées par tel ou tel gouvernement. Et on arrive aux années 70 avec Nixon, et…
Mein gott, sur le site officiel, ils ont très officiellement mis des éléments totalement hors sujet ou putassiers, ou carrément surréaliste et toxique sur leurs opposants. C’est carrément Le Gorafi ou des mèmes affichés sur le site web officiel du siège du gouvernement, c’est complètement dingue. Ce règne des idiots est vraiment officiel aussi du coup. Là c’est indéniable. Et attendez car ça continue bien sûr, l’islamophobie ne pouvait pas être le seul attentat à la bienséance de ce « redesign »…
Et voilà côté Biden, avec cette histoire de cocaïne, et bien sûr une dose de transphobie éhontée. Imaginez si Biden avait mis en boîte de la même manière Trump sur sa présidence… Et là c’est fait bien sûr avec un goût douteux, avec vulgarité et indécence. Je sais que l’on peut dire que ce n’est pas incroyable car on reçoit des news comme cela toutes les semaines depuis janvier, mais la somme de toutes ces exactions commence à représenter une rupture incroyable dans tout ce dans quoi on pouvait croire… Mais quelles valeurs ont ces gens ?
On entend depuis longtemps maintenant les expulsions et les détentions dans des conditions inhumaines des équipes ICE (Immigration and Customs Enforcement : service de l’immigration et des douanes des USA) qui font partie de Homeland Security (Département de la Sécurité intérieure des USA, soit l’équivalent du ministère de l’Intérieur en France, mais avec beaucoup plus de prérogatives). Sur Twitter, ils font la promotion de leurs services pour recruter des agents ICE pour continuer leurs méfaits. Récemment, ils ont utilisé l’imagerie Pokemon et le slogan bien connu « Attrapez les tous » pour promouvoir ce métier. Et là, ça va encore plus loin puisque c’est carrément le jeu vidéo HALO.
Donc là ce n’est plus question d’attraper, mais bien de tuer, détruire, annihiler des « aliens ». Et c’est officiel.
Cela me fait penser à cet épisode de Black Mirror, avec des soldats à qui on a mis un implant et cela leur fait voir les civils d’un pays ennemis comme des monstres informes. Comme cela, ils les éliminent en mode FPS1, et ils n’ont plus ce scrupule de tuer des êtres humains.
Il n’y a plus à avoir peur des dérives fascistes, le fascisme est déjà là, à l’œuvre.
First Person Shooter : ces jeux vidéos en vue subjective où le joueur est le tireur. ↩︎
Il y a des tas de réflexions que je trouve assez passionnantes sur la manière de s’exprimer sur les Internets. Comment le faire, sur quels espaces et avec quels outils ? L’accessibilité de tout cela, la portée aussi et les valeurs philosophiques par rapport à l’essence même des principes moraux qui ont porté le web des débuts, à ce qu’ils en sont aujourd’hui, et ce que la société (capitaliste) en a fait aussi de son côté.
Certains dinoblogueurs comme Ploum se sont mis à Gemini qui est un protocole assez récent (rien à voir avec l’IA de Gougueule hein), et qui est plutôt bien adapté à des échanges en ligne par texte, avec bien sûr ses particularités. Imaginez que c’est comme avoir un autre réseau que celui des Internets tel qu’on le connaît. Et donc on se retrouve avec Gemini (que j’ai testé aussi de mon côté évidemment) sur une toile absolument vierge ou presque. Il y a quelques points de repères et de départ où des sites sont référencés, mais il n’y a pas vraiment de moteur de recherche, c’est vraiment un retour au web de 1994. Soooo refreshing!!!
Il y a aussi cette volonté de se réinventer en partant de zéro pour également y tester de nouveaux paradigmes. Et dans cette idée, il y a de plus en plus de blogueurs qui se sont débarrassés de WordPress pour repartir avec des sites statiques plus malléables, légers et surtout minimaliste. Des textes, des idées et de quoi s’exprimer à l’écrit, tout en se liant aux autres. Evidemment je ne compte pas quitter WordPress de mon côté, pas avec 5 929 articles et 45 878 commentaires en banque depuis 2003. ^^
Alors tout cela implique une sacrée aisance et connaissance en informatique, ce que je n’ai vraiment pas, mais je regarde tout cela avec beaucoup d’attention et de curiosité intellectuelle. Mais là ce qui m’a interpelé chez Ploum, ce sont les remarques suivantes :
[…] Mais je n’ai pas rejoint Gemini parce que je me sentais un minimaliste numérique dans l’âme. Je n’ai pas quitté WordPress par amour de la low-tech. Je n’ai pas créé Offpunk parce que je suis un guru de la ligne de commande.
C’est exactement le contraire ! Gemini m’a illuminé sur une manière de voir et de vivre un minimalisme numérique. Programmer ce blog m’a fait comprendre l’intérêt de la low-tech. Créer Offpunk et l’utiliser ont fait de moi un adepte de la ligne de commande.
La pensée fait le penseur ! L’outil fait le créateur ! Le logiciel libre fait le hacker ! La plateforme fait l’idéologie ! Le vélo fait la condition physique !
Peut-être que nous devrions arrêter de nous poser la question « Qu’est-ce que cet outil peut faire pour moi ? » et la remplacer par « Qu’est-ce que cet outil va faire de moi ? ».
Car si la pensée fait le penseur, le réseau social propriétaire fait le fasciste, le robot conversationnel fait l’abruti naïf, le slide PowerPoint fait le décideur crétin.
C’est intéressant non ? On cherche d’abord un outil pour faire quelque chose, mais l’outil va aussi nous conformer à sa propre nature et son propre schéma directeur. Cette prise de conscience permet aussi sans doute d’avoir un peu plus de prise sur son destin et ses valeurs. ^^
C’était le marathon de Rennes hier et aujourd’hui, avec des tas de courses intermédiaires pour les milliards de fans de course que notre pays semble compter aujourd’hui (le phénomène est vraiment dingue, il faut l’avouer). En tout cas, Rennes était bien achalandée pendant ces deux jours, et comme les parcours passaient en dessous de nos fenêtres, on était au moins aux premières loges !
C’était une course nocturne de 10km donc plutôt une manifestation sympathique de runners convaincus, et il y avait tout un rassemblement de coureurs qui faisaient la fête plus loin. Ce matin, c’était plein de familles et de badauds qui encourageaient les marathoniens. Le truc vraiment qui m’épate, je vous assure, mais donc j’ai observé tout cela (depuis le 16ème étage) avec attention et circonspection. ^^
Mon Kiki c’était évidemment le plus beau Kiki de tous les Kikis. J’ai vraiment beaucoup beaucoup aimé et longtemps gardé mon Kiki. Je vois d’ailleurs qu’il est arrivé en France en 1978, donc j’imagine que je suis vraiment complètement dans la cible générationnelle, rien de surprenant. C’était une sacrée mode à l’époque, et je me souviens qu’ils étaient vraiment légion dans les mains de beaucoup de filles et garçons de mon âge. Et comme ce n’était pas un jouet genré, c’est vrai qu’il était étonnamment très unisexe, chose rare pour l’époque.
On avait absolument tous les mêmes, et c’était aussi l’aspect industriel et uniforme de cette époque (du capitalisme), il s’agissait d’un modèle unique. Je me rappelle que des années plus tard, on a eu le choix avec plusieurs tailles de Kikis. Il y avait des très grands et des minis, mais c’était toujours un chimpanzé en peluche avec sa drôle de tête de taupe humanoïde aux yeux de poulbot.
Je ne sais absolument pas si Kiki a continué à être largement vendu en France, ou si ça s’est épuisé à un moment. Je me rappelle en tout cas en avoir vu aussi dans les jouets de mes petits cousins et cousines, mais je suppose que comme pour beaucoup d’objets de ce type, il y a une lassitude et un besoin de nouveautés. En tout cas, la marque et l’objet ont été repris en 2013 par Bandai sous le nom d’origine Monchhichi. Et j’avais bien remarqué ces dernières années, qu’on revoyait ces petites peluches avec un aspect beaucoup plus kawaii, et une manière de les markéter qui était dans la veine des autres jouets. Donc avec des déclinaisons à l’infini, des usages sur des tas de produits dérivés et des personnalisations beaucoup plus poussées que le petit singe basique et cloné que j’avais eu.
Il y a quelques semaines, alors qu’on cherchait un cadeau pour la filleule du mari, on écume les rayons, et je tombe sur ça :
OH
MY
GOD !
Mais qu’est-ce qu’ils ont fait à mon Kiki !!!!! CHUIS CHOQUÉ !!
Et j’adore l’animé Naruto, dont j’ai parlé pas mal de fois sur le blog, qui est pour moi une révélation plutôt tardive au vu de mon âge, mais c’est comme ça : je suis dingue de Naruto. Donc là pour ceux qui n’auraient pas fait le rapprochement, oui c’est un Kiki qui a été habillé et grimé en Naruto. Ils ont teint mon Kiki en blond et l’ont affublé avec un costume de ninja et un bandeau de Konoha. Mon Kiki !!!
Ce qui m’a proprement dérouté c’est vraiment le côté péroxydé et le déguisement approximatif qui font vraiment penser à Kiki qui va au carnaval ou qui fait la Drag Queen. Et c’est une rencontre très très improbable pour moi entre deux univers tout de même parfaitement distinct.
Après ça reste un Kiki, il a la même tête, le même corps, et son biberon caractéristique à la main droite.
Mais il y a un truc qui cloche, un truc qui ne fonctionne pas, même si ça fait forcément sourire, et que le rapprochement incongru a au moins le mérite d’attirer l’attention dans un rayonnage. Et comme vous pouvez le constater, mon mari n’a pas résisté et a tenu à me l’offrir, tant il a vu mon décontenancement. ^^
Donc ça pour moi, ce n’est pas un Kiki, ce n’est pas non plus Naruto. Et je suis pourtant parfois très preneur et enthousiaste de rencontres improbables, exemple :
Donc bon, ok, là c’est juste Kiki qui se travelote en Naruto pour un carnaval. Ou c’est l’équivalent du caniche d’Elvira. ^^
L’Enfer des bibliothèques, cet endroit où l’on entreposait les livres interdits, j’ai toujours pensé que c’était un truc médiéval qui correspondait littéralement à la mise à l’index des hérésies écrites. En réalité, c’est plutôt une conception du 19ème siècle, et c’est clairement à ce moment que c’est devenu un truc institutionnel.
Bon, ça n’empêche que les bouquins étaient frappés d’interdit pendant l’Inquisition, mais je me suis toujours demandé ce qui faisait qu’on les conserve plutôt qu’on les détruise comme des barbares. Comme si la postérité était la plus forte, ou qu’on puisse considérer que les temps peuvent changer… Et puis ça n’empêche bien sûr pas les autodafés. Je sais aussi que c’était plus des questions de morale publique et de cacher certains ouvrages pour mieux les réserver à quelques élites en capacité de les consulter. Y compris, et surtout, pour les bouquins qui parlaient, ou montraient, de machins sexuels !! Hu hu hu.
J’ai été surpris de lire ça dans l’article Wikipédia sur le sujet :
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les Enfers n’avaient pas pour seule vocation de cacher leurs collections à la vue de tous, mais aussi de les conserver comme héritage culturel. En effet, l’abbé Grégoire, membre de la Convention Nationale et commissaire délégué à l’Instruction publique écrivait en 1794 « ces ouvrages, si condamnables d’ailleurs, ont une autre sorte de mérite qui les rend précieux ; ils servent à l’histoire de l’humanité, des mœurs, des coutumes et des arts ». Au XXe siècle, et principalement dans les bibliothèques classées, la mise aux Enfers a aussi pour vocation de protéger les livres de belle facture puisque l’il a été établi que découper des représentations dans des livres érotiques était un usage des lecteurs.
Au début de 1882, le Board Examining Committee de la Boston Public Library recommanda dans son rapport de retirer la majorité des auteurs cités par Hubbard dans son pamphlet de 1881, et de les mettre dans l’endroit qui sera connu maintenant comme l’Enfer (Inferno). Au début du siècle suivant, l’Enfer de la Boston Public Library contenait 200 ouvrages identifiés avec 1 étoile (ceux qui ne peuvent sortir de la bibliothèque sauf sur permission spéciale) ou 2 étoiles (pour consultation sur place seulement). Parmi ces livres, on a recensé ceux de Zola, Ouida, Balzac, Boccaccio et plusieurs ouvrages médicaux.
Mein gott, Zola ou Balzac mis à l’index dans des époques tout à fait contemporaines, ça paraît fou. Mais comme nous sommes rentrés dans notre propre époque obscurantiste, finalement c’est sans doute assez prémonitoire. ^^
C’était il y a 18 ans, alors qu’on était en week-end à Lille avec des amis. J’en ai déjà parlé ici, mais j’en remets une couche pour l’occasion car c’est un souvenir important. On avait vu ce rassemblement alors qu’on se promenait dans le centre de Lille, notamment en sortant de la station de métro lillois République – Beaux Arts. Et comme vous pouvez le constater, ce n’était pas un petit rassemblement, et ça nous avait intrigué car la moyenne d’âge était vraiment basse. On était vraiment sur des minots de 15-17 ans, et voyez le look de l’époque.
Et l’époque c’était la fin du mouvement Tecktonik, en tout cas dans son âge d’or. Ce curieux mouvement qui a cru, a explosé et s’est clos en tout juste deux années, mais qui a brillé très fort et très vite en 2006 et 2007 d’une grande passion juvénile et dévorante. La Tecktonik qui est née au Métropolis, mythique club de banlieue parisienne (que j’ai fréquenté bien avant cette période ^^ ), et qui était autant une manière de danser que de s’habiller, et un « style » quoi. Des gestes syncopés inquiétants qui rappellent le voguing mais en mode je me démonte les articulations à 120 BPM, des coiffures très nippones rappelant Son Goku et des fringues un peu dark-emo, je dirais : Nicolas Sirkis époque Indochine des années 80 (mais bon il a peu changé ^^ ). Et des joutes de danses féroces et tapageuses sur une techno d’une qualité douteuse : c’était tout ça la Tecktonik.
Et voilà le combat tel que je l’ai capturé à l’époque ci-après. On reconnait bien la chorégraphie mimétique d’une transe convulsive : je m’arrache les bras et les jambes en rythme. L’originalité de ce combat, dont je ne mesure pas si c’était commun à l’époque, c’est qu’il s’agissait d’une opposition entre deux cultures. On avait une opposition en plus très sociale et sociétale très intéressante. Car la Tecktonik était plutôt un mouvement « blanc », banlieusard et prolo. Et là deux jeunes Tecktoniqueurs à l’allure caucasienne étaient opposés à deux jeunes hip-hopeurs racisés (bon le terme est très anachronique, mais je le trouve utile).
Vidéo prise avec mon appareil photo numérique le 27/10/2007 vers 17h à Lille
Je n’ai pas pu tout documenter malheureusement, mais l’ambiance était électrique. On était arrivé alors que la foule commençait à s’agglutiner, mais il y avait encore des pourparlers entre les jeunes des deux mouvements. Cela ressemblait vraiment à une rencontre entre les Jets et les Sharks, et on les voyait se tancer, se jauger et s’invectiver. J’avais d’abord d’ailleurs cru à une simple baston, avec des badauds qui étaient au spectacle comme dans une affreuse cour de récréation.
Mais rapidement, on a vu les blasters émerger, des beats s’échapper, et les bougres se sont mis en représentation les uns après les autres. Tecktonic, Hip-hop et vice-versa. Chacun se donnant à fond, en chambrant les autres pour les déconcentrer, mais avec aussi des rires et des sourires. Le Hip-hop se foutait clairement de la gueule des petits blancs et leur Tecktonic de merde, et les autres cherchaient à choper leurs galons.
Bah ça s’est finit comme ça. Sous les cris des quidams qui s’étaient regroupés autour d’eux, en réalité pour les encourager, et les opposants se sont quittés en se respectant, sans que personne ne gagne quoi que ce soit. C’était juste ça, une joute sans mort à la fin, Montgommery n’a pas tué Henri, et tous ces gens bien défoulés ont pu continuer leurs errances du samedi après-midi dans le centre de Lille.
C’était un truc la Tecktonik, tout le monde l’a déjà oublié, alors à mon humble niveau, je rappelle que ça a été.
Parmi mes souvenirs d’enfance, il y en a qui sont particulièrement saillants et sont liés aux vacances en Corse1. Ce qui est drôle c’est qu’ils sont aussi particulièrement « sensoriels ». J’ai en tête l’odeur du maquis cramé par le mois d’août, qui écrase de chaleur la nature. Et dès la tombée du jour, les buissons de romarin sauvages qui exhalent une odeur en oxymoron : à la fois douce et piquante. Je ressens aussi la chappe de plomb qui nous tombait dessus en promenade dans les montagnes, et l’accueil salutaire de l’ombrage des châtaigniers de Vizzavone (tout en faisant très attention aux cochons sauvages).
Cela m’avait fait un drôle d’effet et de belles réminiscences lors de mon retour aux sources en 2022. Mais le truc unique de l’enfance, c’est la première fois que j’ai vu des vers luisant une de ces chaudes nuits d’été corses. Dans une nuit noire, seulement éclairée par des millions de têtes d’épingle et la Voie Lactée, d’autres dizaines de petites étoiles pulsaient d’une lueur verdâtre dans les buissons. En s’approchant, on avait pu observer ces incroyables insectes qui produisent de la lumière par réaction chimique de leur propre corps ! Cette bioluminescence résulte de la transformation d’une molécule nommée luciférine par une enzyme, la luciférase, en présence d’oxygène, d’ATP2 (source d’énergie) et d’ions magnésium. Cette réaction produit une forme excitée de la molécule, appelée oxyluciférine, qui revient ensuite à un état stable en libérant un photon. Et émission d’un photo = une loupiote ! En toute simplicité !
Et d’une même extraordinaire manifestation, je me souviens bien de la première fois que ces petites lumières se sont mises à virevolter dans les hauts ajoncs derrière la lagune un de ces soirs. Le spectacle était merveilleux, et cette fois il s’agissait donc de lucioles. Ces mêmes lueurs phosphorescentes vacillantes, ces pulsars insectiformes, tout papillonnants qu’ils étaient dans les ramages et feuillages nocturnes, étaient comme un rêve éveillé pour moi. Je n’en avais vu que dans les dessins animés je crois (et pas encore le Tombeau des lucioles aka le film d’animation le plus triste de l’histoire de l’humanité ^^ ), et cette vision était purement surréaliste et onirique pour le petit gars que j’étais.
Je m’en souviens encore comme si c’était hier. Et je ne crois n’avoir plus revu de luciole depuis.
Petit Matoo « paragon de virilité » en pleine lecture en Corse, circa 1987.
Quand je ne parle pas de fin du monde explosive, je parle d’IA qui, à sa manière, alimente parfaitement le premier événement, et le rend plus tangible et palpable. Mais je trouve que c’est globalement intéressant de s’interroger sur le progrès technologique, de ses qualités intrinsèques à son aliénation de la société, et il semble que l’un n’aille pas sans l’autre. Dans quel cas, faut-il y renoncer ?
Parce que si l’on devait recouvrer un peu de bon sens on prendrait la bonne décision globale de… Tiens par exemple : supprimer les téléphones portables. C’est une source dingue de pollution, les communications sans fil sont beaucoup plus consommatrices et moins efficaces que les communications filaires, et on se débrouillait bien avec le téléphone et des bêtes ordinateurs. On fonctionnait aussi sans Internet, et ça marchait non ? Mais là, c’est un retour en arrière basé sur moi, mon expérience et mes repères. Un gamin d’aujourd’hui dirait qu’on n’a pas besoin d’IA générative, et ma grand-mère me disait qu’elle vivait bien sans électricité et sans téléphone jusque dans les années 60.
Mais abandonner aujourd’hui nos Internets qui sont si pratiques pour tant de choses, et sur lesquels repose une grande partie de notre économie, nos portables qui sauvent aussi couramment des vies et nous permettent d’être tout le temps en contact les uns avec les autres… Dur dur. Ne parlons pas d’un retour en arrière sur le front de la santé , ou même de la pénibilité de certains emplois. Là aussi d’ailleurs, on glose toujours sur des emplois non qualifiés et déshumanisés, apportés par le taylorisme et le travail à la chaîne, qui sont de plus en plus automatisés, et ce qui serait un bien pour l’humanité ?
Tout ça passe crème jusqu’à ce que l’IA générative vienne taper dans les rangs des professions plus intellectuelles ou créatives. Là ça secoue un peu plus des gens qui ont des voix qui portent un peu plus… Mein gott, que c’est terrible cette hypocrisie absolument généralisée.
Le capitalisme fait croire que le progrès n’est qu’un prétexte à créer plus de valeurs, et que par cette nouvelle valeur, même si cela donne lieu à des difficiles et cruelles transitions économiques et industrielles, on crée plus de jobs, et que c’est un cercle vertueux. Mais lorsque nous sommes dans la pure extraction de valeurs comme on le voit ces derniers temps, et que ça va très très vite, à une échelle globale, eh bien ça pue du cul. ^^
Et quand en plus, nous sommes sur des technologies qui ne sont pas rentables, aspirent littéralement l’ensemble des investissements de tous les domaines technos, sont des béhémots consommateurs de ressources rares et ont un impact terriblement nuisible sur l’environnement : bah on ne fait rien, on y va bille en tête.
Mais même avec ça, on peut se dire que l’on trouvera des moyens pour que ça coûte moins cher, pour que ça pollue moins, et on se focalise aussi sur les bienfaits de ces technologies. Et ils existent bien sûr. Et je me dis mais pourquoi refuser ce truc là, alors qu’on a accepté tous les autres. Y compris les calculatrices qui font que je suis incapable de faire la moindre opération d’arithmétique sans utiliser un navigateur (car c’est comme ça que tout le monde fait non ? ^^ ). Alors pourquoi refuser les IA génératives aux gamins qui comme moi avec l’arithmétique auront cette nouvelle béquille tout le temps avec eux ? (IA Générative que j’utilise moi-même couramment pour le boulot ou même un usage personnel depuis que c’est disponible parce que c’est très utile.)
Bon et après évidemment, on remonte à Socrate, dans le Phèdre de Platon, selon qui l’écriture rend les hommes oublieux en ne mémorisant plus, et en leur donnant une illusion de savoir alors qu’ils ne possèdent qu’une connaissance superficielle.
Platon, quoiqu’auteur, met dans la bouche de son maître Socrate une critique incisive de l’écriture. Dans le Phèdre, Socrate critique l’écriture, qui ne favorise pas la mémoire mais au contraire la décharge, et fige la pensée dans des formules. L’apprentissage par l’écriture serait vain en ce qu’il ne fournirait qu’une apparence de savoir, et dispenserait l’apprenant de compréhension propre. L’écriture ne devrait ainsi jamais être qu’un aide-mémoire pour s’aider à retrouver un mouvement de pensée à oraliser.
L’exemple le plus connu de révolte contre la technologie est celui des luddites au 19ème siècle en Angleterre. Cela a donné le courant du luddisme, et celui du néo-luddisme qui correspond à des mouvements très actuels de rejet des technologies (même s’il est peut-être dans ce domaine plus intéressant de lire Jacques Ellul). Ces luddites sont des briseurs de machines de 1811-1812 alors qu’en plein essor d’industrialisation en Grande-Bretagne, des premières machines à tisser viennent révolutionner des corporations bien organisées et des métiers qui se voient directement touchés : les tondeurs de draps, les tisserands sur coton et les tricoteurs sur métier. Et là c’est un bon exemple de réactions à une nouveauté technologique qui vient bouleverser un équilibre, un rapport de force, et vient entamer directement le moyen de subsistance de toute une communauté.
Mais comment ça s’est terminé :
En fait, les trois métiers mentionnés vont quasiment disparaître à l’aube des années 1820.
Mais d’un autre côté, on a arrêté le Concorde et le transport supersonique parce que c’était risqué pour l’environnement, un gouffre financier non rentable, mais ça permettait de faire Paris-NYC en 4 heures pour des privilégiés qui payaient une blinde. Cela paraît fou aujourd’hui, alors que Musk déploie des milliers de satellites en orbite basse dont on redoute la fin de vie, et qui paraissent une hérésie au moins similaire. Aujourd’hui, on garderait le Concorde, on baisserait même artificiellement les prix en misant sur la croissance et le volume, et on spéculerait pour cacher tout ça. Et on dirait que l’avenir nous donnerait sans aucun doute des technologies supersoniques propres et bon marché.
The Luddites were not fighting technology but the enclosure of their future.
We are now facing a similar moment. As artificial intelligence reconfigures every dimension of our societies—from labor markets to classrooms to newsrooms—we should remember the Luddites. Not as caricatures, but in the original sense: People who refuse to accept that the deployment of new technology should be dictated unilaterally by corporations or in cahoots with the government, especially when it undermines workers’ ability to earn a living, social cohesion, public goods, and democratic institutions.
Journalists, academics, policymakers, and educators—people whose work shapes public understanding or steers policy responses—have a special responsibility in this moment: To avoid reproducing AI hype by uncritically acquiescing to corporate narratives about the benefits or inevitability of AI innovation. Rather, they should focus on human agency and what the choices made by corporations, governments, and civil society mean for the trajectory of AI development.
This isn’t just about AI’s capabilities; it’s about who decides what those capabilities are used for, who benefits, and who pays the price.
Et cela vient d’un think tank américain plutôt centriste, on n’est pas dans une stance bolchévique altermondialiste qui n’aura, malheureusement, pas grand espoir de percer.
Je me demande donc si on appuiera ou pas sur le bouton…
Mais avec tout ce qui précède ? A t-on le droit, l’impudence, est-ce même éthique au vu de nos actions passées, de notre hypocrisie à tous ? L’abîme est-il inexorable ?
Merveilleuse illustration de l’optimisme légendaire de l’artiste Joan Cornellà.
Je vous serine avec la polarisation des opinions, mais elle se fait si croissante ces derniers temps, et c’est aussi clairement en l’observant aux USA, qui sont toujours le facteur grossissant fascinant de nos propres sociétés, que cela fait d’autant plus flipper. Car on voit le point de rupture advenir, on voit les populations se dresser les unes contre les autres, et on se demande mais quand est-ce que tout ça va péter ?
J’ai souri malgré tout quand ce week-end j’ai vu cette vidéo de Jon Stewart, qui est un des chroniqueurs du Daily Show que j’adore, qui lui-même se dresse contre cette simplification des discours à charge qu’il observe de manière complètement symétrique, et qui donc perdent forcément de leur substance. Car il met en boîte là en l’occurrence l’ensemble des éditorialistes de gauche1 qui s’insurge contre toutes les actions de Trump en criant au fascisme. Et en même temps, est-ce qu’on peut se taire ? C’est vraiment terrible ce positionnement qui nous amène à être forcément pour ou contre, ami ou ennemi, stupide ou intelligent, obtus ou éveillé, et contre toute nuance. C’est à peu près la critique que je formulais en filigrane ici.
Et pourtant il est facile pour moi de vivre ce même exercice de raison irréconciliable, lorsque je me dis oh bah Lecornu au moins il a le mérite de reprendre les choses de manière calme et ordonnée, et de paraître vouloir un certain consensus et un jeu démocratique dépassionné. Et puis tout de suite je me dis mais nooooon, ce ne sont que des raclures de bidet qui ne cherchent qu’à nous niquer plus profondément, qu’ils aillent donc manger leurs morts. ^^
Bon bah voilà hein, tous victimes, tous bourreaux, tous responsables en tout cas.
Je suis obnubilé par les articles que je lis qui font un rapprochement auquel j’ai du mal à croire entre notre situation et celle d’avant 1939. Que ce soit en Allemagne ou en France, on avait des médias avant-guerre également extrêmement politisés et polarisés, avec des stances de plus en plus violentes et manipulant aussi leurs lectorats. Et donc sommes-nous condamnés à rejouer cette partie là de l’histoire ?
J’ai souri également quand j’ai écouté ce podcast d’Avec Philosophie, que je cite régulièrement, dont le titre m’avait bien sûr donné envie : Simplisme, polarisation et pensée binaire dans le débat public actuel. Eh bien, autant j’avais trouvé que Géraldine s’était améliorée la dernière fois, autant là c’était une catastrophe. Le sujet était pourtant bien posé, et les contributeurs de qualité, mais c’est une émission inaudible et qui ne mène nul part. Grosse déception pour moi.
Aujourd’hui en revanche, Thierry Crouzet remet le couvert avec un article sublime à lire absolument. Il se demande concrètement comment rompre avec cette polarisation et la machine qui nous pousse à encore plus de soumission à ces algorithmes infernaux. Il est dans cette incohérence que nous vivons tous à vouloir se débarrasser des GAFA et des algorithmes, mais à avoir besoin d’audience et de vouloir continuer à jouir des interactions inhérentes aux Internets. Son discours et ses réflexions sont vraiment passionnantes et d’une belle clairvoyance.
Pour autant, je suis déboussolé : durant une vingtaine d’années, j’ai fait comme tout le monde. Ma prise de conscience, mon retrait, me place dans une position inconfortable. Je ne sais plus comment exister artistiquement. Peut-être la radicalité revient désormais à se taire, à se soustraire au brouhaha, à ne plus y contribuer. Et pourtant je publie encore un article, j’ajoute une pierre à l’édifice, mais j’évite de la jeter avec force dans l’océan pour provoquer des ondes qui en annonceront la publication.
Et je pense qu’il a raison, il faut apprendre à se taire, et à aimer ça, de nouveau. Mais c’est vraiment très très dur lorsqu’on est accroc. ^^ Il cite également un article à l’étrange synchronicité de JA Westenberg qui évoque exactement cela. Elle déploie une approche merveilleuse qui part carrément de la création de l’univers et décrit toute l’Histoire en quelques paragraphes2. Mais surtout, elle explique comme on est des petites crottes de rien, et c’est sooooo refreshing.
You are insignificant. So am I. So is everyone. And that’s a good thing, because it means we can stop trying so hard to be significant and just focus on being alive, right now, in this improbable moment we’ve been given. The universe doesn’t care about us, and that’s okay. We can care about each other instead.