Iwak #20 – Rivaux

Il y a quelques temps mon chérichou a acheté des anciennes cartes postales de notre coin de Bretagne, et notamment du bourg de Clohars-Carnoët, du Pouldu et de Doëlan. Et donc on s’est amusé cet été à prendre en photo la version « aujourd’hui ». Il y a une centaine d’années entre les deux périodes, et évidemment la Bretagne d’il y a cent ans était particulièrement peu développée par rapport à aujourd’hui. Malgré tout, on reconnaît bien les bâtiments qui sont encore là aujourd’hui, avec des tas d’aménagements urbains qui n’existaient pas.

Donc d’abord du côté de Doëlan et son petit port de pêche de carte postale. Est-ce que c’était mieux avant ? ^^

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C’était vraiment impossible d’avoir la même focale que la photo, mais on avait bien retrouvé le muret et le pilier carré où les petites filles se tenaient. ^^

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Un petit tour à la mairie de Clohars-Carnoët et au bourg…

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Et une petite dernière depuis la forêt de Carnoët avec l’auberge de Toulfoën qui est toujours là. ^^

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Iwak #19 – Arctique

Nan mais tu parles Arctique, à quoi tu veux que je pense d’autre hein, franchement ? Bah oui quoi, moi les narvals j’en parle depuis les commencements des Internets, et j’étais le premier à en parler, même s’ils ont depuis bien gagné en popularité et notoriété mes petits amis cétacés du pôle nord.

Eh bien, je les aime toujours autant voyez-vous. Ces petites baleines qui vivent en groupes très sociaux, et qui sont très vocales, et qui ont une dent (presque tous les mecs, et quelques meufs) qui pousse énormément, et qui forme une véritable défense qui perce leur lèvre supérieure. Et cette dent inversée, car l’émail est au centre et la pulpe à l’extérieur, est encore un mystère, même si les études convergent sur des usages liés à la détection de salinité ou de formation de glace sur l’océan (un truc pratique pour ces habitants de ch’nord).

Iwak #18 – Accord / Deal

J’en prendrai pour un dollar ! Réplique culte du non moins culte film de 1987 de Paul Verhoeven : Robocop. J’ai vu (et revu et revu) ce film adolescent avec mes parents, et le plus génial aujourd’hui reste ce témoignage rétrofuturiste des publicités imaginées par le cinéaste1. Je suis resté également marqué par la météo en mode il n’y a plus de couche d’ozone et la pub pour une crème solaire absolument opaque et dégueulasse2 dans le second opus de Robocop.

Mais ce J’en prendrai pour un dollar ! est absolument entêtant et revient tout le long du film comme un slogan subliminal, alors que ça n’a aucun impact narratif. C’est simplement une émission débile absolument au ras des pâquerettes dont on ne sait que peu de choses, sinon qu’on voit un pauvre type à lunettes next door qui dit à des bonnes meufs sa phrase culte. Et que tout le monde se marre grassement. On comprend que c’est une sorte d’émission de téléréalité et de divertissement, et qu’il y a en plus cette idée de thune.

On voyait bien évidemment la ligne droite depuis les années de télévision à la sauce 80 avec des roues de la fortunes où on fait miroiter des biens de consommation à des pauvres, un mélange de coke, de putes et de thunes, avec un masculinisme bien toxique autour et dedans, des émissions de confessions plus ou moins criardes et putassières… L’idiocratie en tant que telle n’est pas encore là, mais on peut tout de même affirmer qu’elle est en bonne voie.

Je crois que ce qui me choque, et m’attriste, le plus dans notre société et qui est aussi pour moi en filigrane de ce personnage emblématique de Robocop, c’est que la consommation et le fait d’acheter sont vraiment devenus l’alpha et l’oméga de la réalisation des gens. Je n’en suis d’ailleurs pas le moindre des représentants, à mon corps défendant. Je le reconnais aisément. Mais cette conscience me paraît totalement annihilée par une exposition de valeurs morales qui ne gravitent qu’autour de ce « pouvoir d’achat ». Mais merde, c’est le pouvoir le vivre pour lequel on devrait se battre, pour les premiers étages de la pyramide de Maslow.

Au lieu de cela, on est en train de crever la gueule ouverte sous nos déchets, notre pollution, et l’usure à l’os de notre planète. Et cette implacable mécanique capitaliste (dont je suis parfaitement issu et reproducteur évidemment) est tellement consubstantielle de notre société, que toutes les strates doivent pouvoir consommer. Et donc les trucs de fast-fashion ou les magasins et sites sur lesquels tu peux acheter des babioles chinoises pour six sous sont les exutoires de toutes la société actuelle. Acheter, acheter, l’illusion d’une vie meilleure avec ce shoot de plus d’endorphines, équivalent à celui du scroll sur Instagram…

  1. Celles de Starship Troopers valent aussi leurs pesant de cacahouètes. ↩︎
  2. Et qui elle-même peut provoquer un cancer. ^^ ↩︎

Iwak #17 – Orné

Déjà adolescent lors de mon cours sur l’Islam au collège, j’avais été fasciné par ce terme : mudéjar. Cela traduisait le style du même nom qui consistait en un syncrétisme unique en son genre qui mêle des caractéristiques à la fois européenne (gothique et médiévale) et arabo-musulmane (du fait des royaumes qui composaient Al-Andalus entre 711 et 1492. Les ornements me tapaient dans l’œil parce que c’était terriblement moderne que ces jeux architecturaux et décoratifs qui n’étaient pas du tout figuratifs. On avait un langage visuel abstrait aussi universel que merveilleusement beau et lyrique.

Mudéjar correspond aussi à ces populations arabo-musulmanes résiduelles dans une péninsule ibérique reconquise (qui d’ailleurs écrivaient les langues romanes avec une graphie arabe : l’aljamiado). Mais elles furent assimilées ou expulsées avec plusieurs vagues soit de conversion (ce qui donne les Morisques) ou des édits qui les ont vraiment chassés de la région.

Mais il reste de merveilleux témoins de cette architecture en Andalousie. Je n’ai visité que Séville au printemps 2014, mais j’en garde un souvenir prégnant. C’était pendant la semaine Sainte et il a fallu s’habituer à ce genre d’accoutrements dans la rue…

Mais j’ai été grandement marqué par l’Alcazar de Séville et ses fameux jardins, et l’immense cathédrale qui est un véritable choc du Gothique tardif, tout étant résolument mudéjar avec son clocher qui est un ancien minaret superbe : la Giralda.

Mais les décors de l’Alcazar valent à eux seuls le détour, ces arabesques de pierre et bois sculptées, des azulejos aux couleurs flamaboyantes, ces espaces où l’eau, la nature et les décors intérieurs se croisent en toute harmonie, et les plafonds à caissons de toute beauté font de ce palais un espace qui défie absolument le temps. Ces styles décoratifs sont tellement universels qu’ils auraient encore largement leurs places dans des constructions contemporaines. C’est vraiment la magie du style mudéjar selon moi. Et c’est un bel exemple de fusion des talents et des goûts. ^^

Iwak #16 – Bourde

C’est un article facile, mais je voulais rappeler au monde à quel point je suis un gros naze du bricolage. Je dédicace cet article à Orphéus qui m’a toujours dit à quel point ça l’avait fait rigoler, et un peu halluciner aussi. Et donc voilà ce que j’ai accompli il y a 18 ans. ^^

Ce week-end, il a commencé à grave cailler sa mère, sa race. Et la porte de mon appartement étant un vrai gruyère, je sens un courant d’air sibérien quand je suis dans le salon. En plus des divers caoutchoucs pour isoler les huisseries, je me suis dit qu’une solution pragmatique et facile serait d’ajouter un rideau devant ma porte.

J’ai d’abord bien étudié la situation. Il ne fallait pas une tringle trop longue si je veux me caler en haut de la porte, car il y a un rebord. Je suis allé à mon magasin de bricolage le plus proche, et j’ai trouvé mon bonheur. Seulement en rentrant je constate que la tringle est trop longue (c’était la plus courte, mais elle mesure tout de même un mètre), et qu’elle tape contre le rebord. Zut ! Et d’un seul coup, je me demande bien pourquoi je voulais absolument poser cette tringle au-dessus de la porte. Quelle idée, il me suffit de la poser un peu plus bas, juste en dessous ce satané rebord. Et hop !!

Je chope mon marteau et mes clous, et j’applique ma classique technique du calage approximatif et précaire de tringle à rideaux. Une heure après, j’ai un beau rideau qui isole parfaitement ma porte (à l’aide de 54 clous), et dont la tringle court merveilleusement à dix centimètres en dessous du haut de la porte (et ne tombe presque pas). Fier comme Artaban, je range mes outils, et je vaque à mes occupations.

J’ai eu une révélation, plusieurs heures plus tard, quand le livreur de pizza a frappé. J’ai vu ça. (La photo au-dessus.)

Et j’ai compris. Ah oui j’ai un petit problème du coup. Forcément, c’était pour ça que je tenais tellement à poser la tringle au-dessus de la porte… Là, je ne peux plus ouvrir la porte, ou bien je défonce tout.

J’ai poussé un grand soupir de honte, de désolation et de désespoir pour l’humanité, et puis j’ai arraché mon bel ouvrage clouté. J’ai jeté mon rideau et mes attaches, et j’ai accueilli avec sourire et circonspection ma calzone.

Iwak #15 – En lambeaux

Ma tante m’avait prêté son vieil album de famille il y a quelques années pour que je puisse scanner tout un tas d’anciennes photos, car c’est elle qui avait récupéré les albums de mes grands-parents. C’est vraiment le genre de trucs qui se perdent dans les familles, et je suis très heureux d’avoir au moins pu numériser pas mal de contenus qui ont bien nourri mon imagination et ma généalogie.

J’ai pu comme cela me faire un grand album en ligne des photos des années 40 à 60 de mes grands-parents avec des clichés de mon père enfant qui sont vraiment cool pour moi (surtout avec notre ressemblance). Il y avait aussi des très anciennes photos assez abîmées, et plus singulier : une pochette mangée par les mites avec de vieux négatifs rayés (rangée entre deux pages vierges de l’album). Ce n’était pas des négatifs comme on a(vait) l’habitude, des bandelettes marronnasses trouillotées de manière régulière, mais des rectangles de celluloïde noir et blanc de 5 ou 6 centimètres de long, à l’image exacte des photos représentées. Par le plus grand des hasards, mon scanner qui date de Mathusalem (des années 2000 en tout cas) a cette antique fonction (en voie de disparition) permettant de scanner les négatifs.

C’est ainsi que j’ai pu découvrir des photos que personne ne connaissait dans ma famille. Certaines étaient dans l’album mais en piètre état, alors que là, malgré les rayures, ça a permis d’avoir des clichés de qualité numérique plutôt correcte.

La photo du haut fait exception car le négatif était vraiment abîmé, mais on se rend compte de la situation. C’est une photo juste avant guerre que mon grand-père a pris dans son village natal de Doucen en Algérie. Et ce sont des enfants de sa famille, ma famille donc. J’avais été assez choqué globalement par toutes les photos d’enfants qui sont dans l’ensemble loqueteux, dépenaillés, en guenilles en guise d’accoutrement, et qui paraissent au mieux vaguement enveloppés de bouts de tissus crasseux et informes, tous pieds nus. Et ces va-nu-pieds, littéralement donc, sont bien les miséreux qui sont mes ascendants, et la raison pour laquelle mon grand-père est venu à Paris en 1928.

Il disait juste qu’il avait faim, et que c’était pour cela qu’il avait quitté son village.

Iwak #14 – Tronc

J’ai réalisé avec étonnement que je n’avais jamais évoqué le film Freaks de Tod Browning dans le blog, alors que c’est un de mes films cultes. Ce film de 1932 qui est plutôt un moyen-métrage avec ses 64 minutes est un chef d’œuvre selon moi. Il a fait à a fois scandale et a été un bide pour le réalisateur (qui avait eu beaucoup de succès en 1931 pour son Dracula avec Bela Lugosi), et on a longtemps cru ce film perdu jusqu’à ce qu’on en retrouve les bobines dans les années 60, et qu’il soit redécouvert.

Je l’ai vu adolescent avec mes parents, surtout mon père qui voulait absolument nous le montrer. Et nous avions été fascinés par cette histoire, et en réalité très touchés par les comédiens et comédiennes qui étaient de vrais artistes de cirques mais aussi malheureusement ce qu’on peut appeler des bêtes de foire, puisqu’il faut bien se rappeler de l’exploitation qui était faite de ces personnes à l’époque dans les cirques. Le titre en français est bien explicite c’est la monstrueuse parade. Mais c’est fou de constater que tous ces artistes ont des pages wikipédia et sont de vraies personnalités « connues » de leur époque.

Parmi ceux-là, l’homme tronc m’avait hyper impressionné. Il s’agit de Prince Randian (1871-1934) qui venait de l’ancienne Guyane britannique, et était atteint d’une maladie génétique très rare faisant qu’il était né sans bras ni jambe. Et l’impression très forte vient de cette scène fameuse où cet homme se roule et s’allume une cigarette en toute autonomie.

Ce que j’aime dans le film, c’est que les Freaks sont les héros, un peu comme King Kong est à la fois le monstre et le héros (et je parle bien du film de 1933 qui est également culte pour moi). Le parti pris est très clair dans ce film, dans le fait de montrer un monstre qui est aussi une victime, et dont on voyait bien qu’il n’était pas un monstre (notamment avec Ann Darrow, l’héroïne), mais que l’ostracisme des humains poussait à bout. Comparaison n’est pas raison évidemment, et je ne fais qu’un lien très subliminal entre les deux films. Mais l’exposition des Freaks de Browning avec une communauté soudée et fière, avec la protection maternelle et touchante de Rose Dionne au début du film qui nous montre un bel accent français (le film se passe lors d’une tournée d’un cirque en France, et elle est une actrice américaine mais née à Dardilly près de Lyon) est à la fois frappante par la mise en exergue du handicap ou de la « curiosité » de ces personnes, mais finalement plutôt bienveillante.

Tandis que les méchants sont vraiment et très clairement méchants. Et donc c’est une logique et une philosophie à la Tarantino selon moi. Je te montre des méchants très méchants, et donc mes victimes tu vas les aimer, et tu vas supporter une vengeance impitoyable parce que c’est un prêté pour un rendu. Et même lorsque la monstrueuse parade se met en marche dans une scène parfaitement horrifique, encore aujourd’hui, on jubile en réalité pour ces héros. Et ce qu’il advient de la belle Cléopâtre est le cruel pied de nez qui frappe l’imagination (et qui fait comprendre pourquoi le film a été vraiment trop choquant pour l’époque).

Alors je sais que c’est casse-gueule au vu des considérations actuelles sur les handicaps et leurs visibilités et inclusion dans la société. Mais je trouve que le film, avec toute la relativité d’une œuvre de plus de 90 ans, reste très juste. Il est à la fois caricatural dans la représentation et les clichés véhiculés, mais en réalité il les démonte aussi dans un temps très proche. Il avait en tout cas produit sur l’adolescent que j’étais à la fois une gêne (qu’il ne faut pas nier), mais surtout une immense considération et affection pour ces personnages, et la conscience de l’importance de la communauté pour des minorités, quelles qu’elles soient.

Iwak #13 – Boire

C’est un vrai truc chez moi ce « je ne bois pas d’alcool », mais il est de plus en plus commun et donc de moins en moins ostracisant. Mais il l’a sacrément été par le passé, et reste encore aujourd’hui un marqueur social qui peut tendre à l’opprobre, ou au minimum à une certaine gêne, selon les contextes.

Au début ce n’est pas compliqué, je n’ai juste pas aimé le goût quand mes parents me faisaient boire une gorgée dans leur verre pour tester. Et donc je m’étais dit « mais ce n’est pas bon ! » et on me rétorquait « tu verras, ça changera avec le temps ». En réalité, je suis persuadé de deux autres facteurs pour ma sobriété que j’appelle souvent névrotique. D’abord il y a sans doute des exemples d’alcoolisme qui pour certains sont au contraire une filiation évidente et des travers héréditaires, et qui pour moi ont été autant de repoussoirs et d’épouvantails. Il y avait les exemples visibles et ceux racontés, celui des grands-parents que je n’ai pas connu par exemple. L’alcool n’a jamais eu une très bonne image, j’entendais plus les gens en parler comme une sorte de mal nécessaire pour faire société.

L’autre chose c’est vraiment mon caractère à la con ayant voulu à l’adolescence joué sur une singularité exacerbée. C’était un des nombreux maladroits déflecteurs à mon homosexualité évidemment, et cela consistait à être droit comme la justice quitte à frôler l’ascétisme, en mettant bien en exergue mon intégrité vis à vis d’autrui. Donc je devais être absolument irréprochable, pas de chapardage, pas de mensonge, pas de triche, pas de drogue ou d’alcool étaient donc des évidences. Et je sais que dire « Non, je ne prends pas de champagne », alors qu’adolescent on commençait à nous en proposer en famille, notamment dans les mariages, était à la fois un refus de boire, mais aussi de dire que j’étais plus vertueux qu’eux, les adultes.

Et je voyais bien les réactions contrastées entre le faux compliment « Oh mais tu as raison, c’est très mauvais de boire », les commentaires relativistes avec un peu d’espoir que je rejoigne le troupeau : « Et puis tu as bien le temps de t’y mettre, ah ah. Tu verras les pintes avec les potes bientôt », ou carrément déjà des reproches déguisés : « Ah bon c’est bizarre, tu ne veux pas essayer ? Tu ne veux pas trinquer avec nous, et faire comme tout le monde ? C’est sympa, tu verras, picoler en faisant la fête ! ».

C’était à peu près les mêmes qu’avec le fait que je poursuive des études. « Quoi à 20 ans, tu continues encore à être étudiant ? Mais pour quoi faire ? » En gros, à partir d’un certain âge, on a considéré que je faisais mon intéressant. Et ce n’était pas faux, je le reconnais. Mais c’était encore une fois principalement pour mieux cacher mon homosexualité avec « autre chose ». Et donc avec toutes ces névroses et ces stratagèmes, j’ai fait des études, et je n’ai jamais bu d’alcool ou consommer de drogues. Ce qu’on appelle couramment des « qualités » (qui n’en sont vraiment pas hein) ne sont pour moi que des effets de bord d’une dissimulation névrotique. ^^ (Hu hu hu.)

Et comme j’étais parti comme ça, bah j’ai continué. Et plus je continuais, plus je me disais que je ne pouvais tout de même pas me mettre à me bourrer la gueule à cet âge là, que j’avais raté le coche et que tant pis, je continuerai sans. Dans le fond, en revanche, je le sens bien, il y avait tout de même toujours cette ombre transgénérationnelle d’alcooliques et de junkies en tout genre qui planait. J’en avais peur, et j’en ai toujours peur, ou en tout cas j’ai toujours ces mêmes images qui sont en filigranes des fêtes où je vais, des apéros un peu trop arrosés ou des retours de soirées à marcher ou conduire pas droit (je préfère conduire du coup hein ^^ ).

Après j’ai des exemples parfaitement équilibrés et tempérés de gens qui profitent des joies de l’alcool, sans trop grosse dépendance, et avec un bilan vraiment positif. Et là je sais, que je rate un truc. Mais tant pis, ça reste ma singularité !

Le truc c’est que j’ai beaucoup fait la fête dans ma vie, j’ai passé entre 20 et 30 ans notamment, un temps fou au Queen et au Scorp’, à la Scream ou aux Follivores. Bref j’étais un pédé parisien narmol de la fin des années 90 aux années 2000 qui aimait remuer son popotin avec ses copaines sur les dancefloors. J’ai aussi pas mal fréquenté entre 95 et 99, les free parties techno dans les forêts de banlieue parisienne. Et tout cela dans ma parfaite sobriété, et j’ai donc eu le bonheur extraordinaire de vivre tous ces moments sans distorsion de temps, d’émotions ou des sens. J’ai beaucoup expliqué à mes amis ce qu’ils avaient fait comme frasques, je les ai aussi beaucoup conduit au petit matin en toute sécurité. ^^ Bon j’ai aussi beaucoup nettoyé de vomis et pris soin de dizaines de copains et copines qui étaient malades et qui vraiment faisaient mal au cœur à voir de souffrances, néanmoins renouvelées tous les week-ends. ^^

Mon seul regret, c’est de n’avoir jamais pu utiliser le fait d’être bourré pour draguer sans vergogne qui me plaisait, soit par désinhibition réelle ou parfaitement simulée. Cela vraiment, c’était mon vrai regret quand je voyais tous ces gens qui s’emballaient en fin de soirée, ou qui finissaient par se choper entre deux voitures dans la rue, ou même comme mon mari qui a ainsi niqué un mec entre eux colonnes du Palais Royal (on n’était pas ensemble hein, c’était le temps de sa folle jeunesse, tumultueuse et arrosée, au Club 18).

Iwak #12 – Déchiré

Dans la nuit du 6 au 7 octobre 1998, Matthew Shepard a été battu puis laissé pour mort attaché à une barrière. J’en parle depuis que je blogue, donc ça commence à faire quelques articles à ce sujet, et je crois que j’en parlerais toute ma vie, comme j’y penserai toute ma vie. Nous sommes de la même année, 1976, et dès l’annonce de son attaque, et l’immense répercussion mondiale que cela a provoqué, je ne peux que m’identifier avec lui (en plus du prénom bien sûr ^^ ). Il était à peine vivant lorsqu’il a été retrouvé puis hospitalisé, et le 12 octobre 1998, il est décédé. C’était il y a 27 ans aujourd’hui.

OOups.net était ma référence à l’époque, et ça été un site web de news LGBT francophone essentiel à l’époque. Rapidement, on a aussi eu des infos dans les journaux TV, mais c’était évidemment toujours un entrefilet qui n’avait que peu touché les grandes masses. Je me rappelle tout de même qu’à Paris, je venais d’y emménager six mois avant, il y avait une certaine effervescence autour de la mort de Matthew, et que cela avait tout de même au moins permis d’avancer la lutte contre l’homophobie.

Le film « Le projet Laramie » en 2002, qui est issu d’une pièce de théâtre absolument incroyable du même nom (de Moisés Kaufman), est un génial témoignage de toute cette histoire. C’est selon moi essentiel à voir pour tous les pédés de la Terre. ^^ Moisés Kaufman et sa troupe de théâtre sont allés à Laramie juste après le meurtre de Matthew, et ils ont interviewé tous les protagonistes de l’époque, famille, amis, proches, police, serveur du bar, et simples habitants de Laramie. Les comédiens (re)jouent ces interviews, et c’est une forme théâtrale étonnamment efficace et émouvante.

Nous sommes aujourd’hui dans une époque bien différente de connectivité et d’accès à l’information. Je me souviens de mes nuits de 1998 dans mon appartement de la rue Saint Sabin à surfer avec mon modem 56k (biiiiiip zooooouuuu frfrfrfrfrfrfrfrfrf biiiiiiiiiiippppp) avec une facture téléphonique dangereuse pour mon petit budget d’étudiant en alternance. Sans télévision, j’écoutais la radio tout le temps, et notamment France Culture avec ses « nuits magnétiques« , et je surfais évidemment, sur Citégay, sur Caramail pour tchater avec d’autres gays, et je lisais OOups et ses pages toutes simples, en HTML en noir sur fond blanc. Personne n’était encore sur les Internets, et ma mère disait d’un air suspicieux et inquiet à mes tantes : « Mathieu parle à des gens qu’il ne connaît même pas sur Internet, c’est bizarre. »

Je me souviens le déchirement après avoir eu vent de cette information là, et je me souviens avoir lu et relu, tout ce que je pouvais trouver sur le sujet. Je savais les homos qui se faisaient aussi tabasser dans les lieux de drague à Paris ou ailleurs, et là à 22 ans, cette vie qui était déjà consumée, c’était aussi la mienne, éventuellement.

Il est resté des heures attachés à cette barrière du Wyoming, le visage en sang, en souffrance. Et je garde en moi cette citation de la policière qui l’a retrouvé au petit matin :

Le seul endroit où il n’y avait pas de sang sur son visage, c’était là où ses larmes avaient coulé.