Cela fait quelques mois que je suis avec assiduité les émissions en libre accès de Médiapart « À l’air libre », et c’est vraiment pour moi en effet une bouffée d’air frais ! Mathieu Magnaudeix est un excellent journaliste, et il se débrouille vraiment très bien pour animer ces émissions. Vous pouvez voir ça sur Youtube ou bien les écouter en podcast un peu partout.
Mais surtout c’est une démonstration de journalisme. Je ne parle même pas du fond, mais simplement de la démarche, des vraies enquêtes qui sont menées par des spécialistes, des arguments fondés et globalement du fait qu’on se sent respecté en tant que citoyen quand on y est confronté. Cela donne autant à réfléchir, qu’à sentir qu’on est juste en possession de toutes les informations, des faits et des diverses thèses, pour pouvoir y mener sa propre analyse, et simplement se sentir éclairé. Or on se sent tellement abasourdi par le manque de professionnalisme du journalisme actuel (même France Info rejoint les autres chaîne d’info en continue, c’est à pleurer), avec cet entretien toxique de la polarisation des avis et des opinions.
J’en ai vraiment ma claque de ces éditorialistes politiques qui ne sont là que pour faire du bruits et nous opposer les uns aux autres. C’est vraiment l’équivalent des fucking influenceurs en ligne dont l’objectif est de satisfaire aux algorithmes des plateformes, et ces dernières doivent nous attirer le plus de temps possible pour nous monétiser. Et donc il faut faire de la polémique, il faut continuer les micro-décharges de dopamine, il faut concevoir un FOMO1 le plus efficace possible, et ça a gagné absolument tous nos médias, on et off.
Après je sais aussi que Mediapart joue dans ma league, et que je promeus en même temps les plateformes que je viens de décrier. C’est bien l’incohérence et le paradoxe de tout cela… Et de le lire sur un blog aussi…
Mais je vous assure que ces contenus sont des pansements pour l’âme, des délices pour l’intellect, et un peu d’espoir pour demain.
Bon bah résultat, je me suis abonné à Médiapart. ^^
Fear of missing out, la peur de manquer un truc, une info, un événement, une actualité si on n’est pas en ligne. ↩︎
Quoi, moi j’aurais la goutte à l’imaginative avec mes titres de posts ??? Nooooon. ^^
Mais bon voilà quoi, encore un coucher de soleil à Kerabas qui valait son pesant de cacahouètes.
Et j’en profite pour vous conseiller cet épisode d’Avec philosophie sur le thème des pouvoirs du silence : Après 1945 : les silences du trauma.
C’est une émission passionnante qui investigue en effet le silence qui a entouré et entoure les familles qui ont été de près ou de loin impliquées dans la collaboration en France ou bien dans le parti Nazi en Allemagne. Là l’échange qui m’a frappé, c’était avec une traductrice allemande dont le grand-père était nazi et une autrice française dont le père était un collabo. Cette dernière explique qu’après un long travail et beaucoup de souffrance, elle a publié un ouvrage qui lui a permis aussi de pardonner à son père, et de retrouver un peu de « souffle » (cette écrivaine est la sœur d’Anne Sylvestre). La traductrice allemande est clairement choquée car elle continue à vivre avec une immense culpabilité, et comme un devoir de mémoire et elle explique qu’on ne « peut pas pardonner une chose pareille », on doit vivre avec une infinie tristesse toute sa vie en somme.
J’ai adoré ce contraste très France/Allemagne selon moi, avec une française qui a besoin de « passer à autre chose » et de renouer avec « son papa », même si elle ne nie pas les horreurs de son passé. Et cette femme franco-allemande qui continue à se flageller comme Sisyphe pour un truc dont finalement elle n’est pas responsable, mais dont elle se sent comme dépositaire pour une essentielle mémoire à transmettre, quitte à en souffrir toute son existence. Evidemment les deux n’ont ni tort ni raison, et c’est très intéressant de les écouter ainsi.
L’été est là, et c’est la fin de la publication régulière de mes podcasts. J’aime bien cette période où ma FOMO1 se calme un peu, et au contraire je me mets à écumer les archives pour essayer de voir ce qui pourrait me plaire dans des épisodes manqués. Et donc j’ai repris notamment les chemins de la Philosophie de France Culture, et j’avais raté cet épisode absolument génial à propos du rôle des femmes dans la science. J’ai eu un peu de mal avec l’arrivée de Géraldine Muhlmann à la tête de l’émission, mais je m’y suis fait, et elle aussi je pense, et je trouve qu’elle a bien trouvé ses marques, et imposé aussi son style.
Je ne vais pas faire genre car j’ai simplement appris pour la première fois tous les concepts et les personnalités dont on parle dans l’épisode. Hu hu hu. Mot-dièse béotien. Mais donc l’épisode disserte largement sur l’effet Matilda qui évoque la minimisation systématique et systémique des femmes dans l’univers de la recherche scientifique. Cet effet Matilda est en miroir (déformant) d’un effet Matthieu qui lui-même traite des méthodes et « systèmes » qui font qu’on ne prête qu’aux riches. J’ai bien aimé que ce soit une origine biblique, et donc de St Matthieu, avec le célèbre « car on donnera à celui qui a, et il sera dans l’abondance, mais à celui qui n’a pas on ôtera même ce qu’il a« .
Mais vraiment, je suis surtout content d’avoir découvert une des invitées qui était Élisabeth Bouchaud. Cette dernière a une palette de talents assez folle puisqu’elle est à la fois physicienne, actrice et dramaturge. Et elle a de quoi bien s’exprimer au sujet de l’effet Matilda, mais on apprend aussi sa contribution à sortir de l’oubli d’incroyables chercheuses et trouveuses qui ont été souvent dépecées par leurs collègues, confrères ou supérieurs hiérarchiques masculins. Pendant l’émission, elle m’a totalement bluffé et conquis avec le jeu en live d’une scène d’une pièce qu’elle a écrite, et dans laquelle elle joue le rôle de Lise Meitner.
Cette dernière a une histoire incroyable puisqu’elle est carrément à l’origine de la découverte de la fission nucléaire ! Alors qu’on balançait des neutrons en se disant que ça alourdirait des éléments (d’uranium), ils étaient plus légers !! Elle a conjecturé, avec l’aide de son neveu, Otto Frisch, qu’on avait de nouveaux noyaux qui avaient été créés par « division » de l’uranium et que cela libérait aussi une quantité dingue d’énergie au passage. Elle a collaboré surtout pendant trente ans avec Otto Hanh, mais elle a subi l’antisémitisme nazi et a dû fuir l’Allemagne. A cause de tout cela, et malgré ses contributions majeures dans ces découvertes, les scientifiques allemands (pas forcément nazis bien sûr) ont publié dans jamais la mentionner. C’est très intéressant aussi évidemment de prendre en considération toutes les autres nuances : misogynes, sexistes ou simple jalousie.
L’épisode parle aussi de Rosalind Franklin dont c’est encore plus fou puisqu’elle est maintenant bien identifiée comme la personne qui a véritablement découvert la forme en double hélice de l’ADN, ses recherches ayant été tout bonnement spoliées par Watson et Crick. La troisième personne souvent citée pour ce genre d’injustice de l’histoire des sciences est Marietta Blau. Elle a été clef dans l’étude des particules, et surtout leurs manifestations empiriques sous forme de traces photographiques.
Bon bah hop, rattrapez donc moi ça mes chéris et chéries ! ^^
Fear Of Missing Out ou littéralement la peur de rater un truc. ↩︎
Si seulement on avait des petites vidéos comme cela faites par le gouvernement pour expliquer le principe de « deep fake » et les stratégies d’arnaques en ligne qui deviennent redoutables grâce à l’usage de l’IA générative.
L’auteur explique : I made this video to warn my parents about AI scams (And to test out Veo 3 to see first hand how these programs are evolving).
J’ai fait cette vidéo pour sensibiliser mes parents à propos des arnaques à base d’IA (et pour tester Veo3 pour tester l’évolution de ces logiciels par moi-même).
Donc il s’agit de la même technologie dont j’ai parlé il y a quelques jours. Et il faut avouer que cet exemple est encore une fois super convaincant. Il est particulièrement croquignolet de l’avoir utilisé pour démonter des « scams » et c’est très drôle qu’il en fasse lui-même la remarque à la fin en disant que l’on ne peut pas faire confiance à l’IA, mais il fait une vidéo avec de l’IA pour dire que ne pas croire les vidéos faites par IA. ^^
J’ai écouté pas mal d’épisodes du podcast de France Inter « Le code a changé » par Xavier de La Porte, et je vous le recommande, c’est souvent très fouillé, intelligent et remarquablement vulgarisé. Là c’est en lisant les recommandations d’Alex, que j’ai écouté les deux épisodes d’une série consacrée à l’IA qui sont diablement bien troussés.
Vraiment je vous encourage à les écouter, car Xavier de La Porte pose des problématiques passionnantes, et il consulte des experts qui expliquent relativement simplement les concepts scientifiques en œuvre. Le sujet du langage est fascinant, mais aussi celui de la limite de la connaissance des ingénieurs et chercheurs quant à la mise au point de ces grands modèles. Car il est notable qu’aujourd’hui, c’est tellement complexe que personne ne peut exactement savoir comment ça marche !! Et les mecs expliquent que oui c’est un truc qui fonctionne de manière empirique, on modifie des paramètres à l’instinct et on regarde ce qui fonctionne mieux, et on essaie d’éviter les régressions.
L’un des invités, le génial Alexei Grinbaum, explique aussi que les premiers modèles n’étaient pas satisfaisants, et que ça s’est mis à fonctionner vraiment quand on a eu quelques milliards de paramètres. D’un seul coup, bam le modèle s’est mis à être bon. Il rapproche cela du nombre de neurones que l’on a nous-mêmes dans nos cerveaux, comme si nous avions approché cette complexité, et que ça donnait un modèle capable de dialoguer avec les humains. Cela met aussi en exergue qu’une complexité grandissante permet aisément de nous dépasser, et que cette méthode permet aussi de dialoguer avec des chiens ou des baleines, il suffit d’un corpus de base suffisant. ^^
*Ajout du 02/06/2025 :*
En complément de tout cela, vous avez aussi Khrys qui a proposé les diapositives et le discours d’une conférence autour de l’IA, et c’est très bien fichu. C’est un joli recadrage épistémologique et les concepts sont à la fois très justement expliqués et illustrés de manière accessible et simple.
Cela fait une dizaine d’années que j’écoute le podcast de France Culture les pieds sur terre, et ils ont publié aujourd’hui une émission bien singulière !! Je vois à quel point l’IA progresse à pas de géants, semaine après semaine. Et on a beau essayer de décrier le truc, c’est un raz de marée. La progression est si exponentielle, elle dépasse vraiment l’entendement, et tout ce qu’on a pu connaître en croissance d’un quelconque phénomène.
Nous avons ainsi droit à une émission singée par l’IA, depuis la voix si reconnaissable de Sonia Kronlund, mais aussi ses tics de langage, et exactement ce qu’elle pourrait dire. Il s’agit d’un clone vocal, et des contenus qui ont été entraînés sur un millier d’émissions.
Pour le moment évidemment, c’est une démonstration flippante, un peu comme le podcast que je vous avais généré avec le blog. Et là on est dans l’imitation pure, sans créativité et assez limitée par une simple caricature de propos moyens et moyennés, une simple approche médiocre des choses. Mais on n’y voit entend QUE DU FEU !!! Sa mère, sa race !
Je testai récemment au boulot une IA en « speech to speech », et il y a encore quelques intonations un brin artificielles qui la trahissent, mais ce n’est vraiment rien du tout, et je suis persuadé que je pourrais me faire avoir déjà par 50% des IA conversationnelles actuelles, alors que cette technologie n’a que quelques mois. Dans quelques semaines, ce sera juste parfait.
Alors après tout est dans l’implémentation et l’usage, et même si ce truc imite à la perfection encore faut-il lui donner des bonnes données en entrée, car « shit in shit out » comme on dit dans mon patelin. ^^
Mais c’est vraiment la fin des haricots ma bonne dame, je vous le dis !!!
J’ai découvert ce podcast il y a un peu plus d’un an, et il est vraiment sympa. Ce sont deux américains dans leurs « late fifties » qui évoquent ce que ça fait d’être des vieux pédés. Cela parle de relations amicales, amoureuses, sexuelles ou simplement de la société, et j’avais été particulièrement attentif à un très intéressant épisode où ils évoquaient un véritable PTSD (Syndrome de Stress Post Traumatique) pour les gens de leur génération quant aux (pire des) années SIDA.
C’est cette période bien sûr des années 1980 à 95, où les gays tombaient comme des mouches alors que les traitements n’existaient pas, puis peu jusqu’à ce qu’enfin les trithérapies se répandent, et redonnent une vie à des gens qui se pensaient irrémédiablement condamnés. Les deux compères évoquent leurs expériences en la matière, et ce que ces années de détresse ont pu laisser comme marque et séquelles chez certains older gays qui seraient à présent un peu fâchés avec la vie et naturellement empreints d’une certaine animosité envers le monde et leurs prochains.
J’ai naturellement pensé à mon oncle Raymond, le frère ainé de ma maman, qui malgré son homosexualité n’a jamais été quelqu’un de très proche, même si nous avons toujours eu une certaine connivence, mais avant tout celle d’être deux geeks devant l’Éternel. Il m’a donné mes premiers ordinateurs et plein de trucs de PC époque 486 DX2-66 (ceux qui savent…) qui faisaient totalement mon bonheur, et on partageait vraiment clairement cet amour de l’informatique (et de la bite donc). Hu hu hu. J’ai déjà parlé de lui quelques fois dans le blog, que ce soit pour évoquer notre homosexualité, le fait qu’il parte rejoindre son mec en Australie rencontré sur Internet à 64 ans, ou bien mes péripéties lorsque je lui piquais ses cassettes de cul. ^^
Il m’avait avoué dans une carte postale qu’il avait découvert et qu’il lisait mon blog de manière très sympathique d’ailleurs.
Lui est né en 1941, c’est donc encore une génération avant, mais il a toujours été très mutique avec moi sur sa vie intime. En revanche, lorsque nous sommes passés à Perpignan lors de nos vacances à l’été 2021, nous avons été invités par un ex petit copain de mon oncle, Claude, un type que j’ai connu des années en couple avec mon oncle (avant même ma naissance), et qui m’a donc connu tout minot. C’est chez lui et son mari que j’ai reluqué son génial miroir de Belle !!
Mon oncle est autant mutique que Claude est bavard, et il était absolument disert sur tous les sujets les plus indiscrets pour notre plus grand plaisir. Ainsi lors de ce court séjour, j’avais appris énormément de choses sur eux, et notamment qu’ils sont sortis ensemble à partir de 1963, que Claude draguait dans les parcs, au bout des ponts, dans les pissotières et partout où cela se faisait. Et surtout qu’ils ont passé leur temps à se piquer des mecs, à se tromper et plein d’autres joyeusetés. C’était assez fun de découvrir tout cela, en plus de photos à poil de mon oncle des années 60 et 70 bien conservées par son ex et qu’il s’est empressé de me montrer. Ah ah ah. Après, il y avait aussi une homophobie criante et omniprésente dans toute la société, des descentes de flics et une peur globale et insidieuse qu’il a aussi exprimé. Chaque époque a ses marqueurs…
Malgré tout cela, Claude nous a aussi bien expliqué qu’il a eu son lot de mecs morts pendant l’hécatombe SIDA des années 80, et que c’est aussi quelque chose qui l’a beaucoup marqué. Ce qui a été génial pendant ce moment c’est qu’on a aussi découvert qu’ils formaient avec tous leurs potes une vraie communauté (mon oncle habite à Carcassone) d’entraide et de soutien. En tant que vieux pédés, souvent en rupture avec leurs familles, et la plupart du temps sans parents, assez régulièrement aussi avec des enfants d’un premier lit « cishet », ils ont véritablement construit et investit cette notion de famille qu’on se choisit. Et il faut les voir, tous dans leurs 70 voire 80 ans, à se draguer, et se targuer de leurs présences sur les apps, et leur prérogatives de polar bears assumés.
J’avais bien suivi que mon oncle était parfaitement actif sur les RSA1, où il avait rencontré son ex australien (il est revenu en France, après sa rupture donc), et où il badinait selon son bon plaisir. En revanche, ce n’était vraiment pas ce qu’on peut appeler un type très affable ou sympathique. Au contraire, souvent à faire la tronche, à faire des remarques pas très agréables, et très très égocentré, on se disait tout le temps dans la famille que ce n’était pas un cadeau et que ça ne s’arrangeait pas avec le temps.
Je pense aussi à Guillaume et ses podcasts sur la sexualité que j’ai déjà évoqué, car il a souvent parlé de son propre oncle, dont il a appris l’homosexualité. Et il nourrit un imaginaire riche sur ce que/qui pouvait être cet oncle, ses histoires d’amour, de famille, et le lien quasi transgénérationnel entre eux. Cela me fait sourire avec mon oncle ronchon et renfrogné, mais comme souvent chez ces personnages avec un truc attachant, dont j’ai appris finalement plus de choses par son ex.
Evidemment et inexorablement, la santé de mon oncle s’est mis à décliner peu à peu, et dans l’année de ses 83 ans, il y a quelques mois, il est décédé. Il était encore parfaitement indépendant et vivait dans sa maison à Carcassone, mais il a eu des malaises, et il a dû être hospitalisé. Il a appelé son ami B., qui est immédiatement venu de Paris pour le voir, et prendre soin de lui, et en réalité l’accompagner dans ses derniers jours.
B. c’est encore une autre histoire. Lorsque ma mère m’a expliqué que mon oncle lui avait dit qu’il était en relation avec un algérien de 25 ans qui faisait ses études en France. Alors oui bien sûr, on a été un peu interloqué et on a eu des doutes. Et un bon petit racisme ordinaire s’est répandu dans la fratrie et au-delà. Mais les années passant, force était de constater que la relation était toujours là. Et même après la rupture, l’amitié ou en tout cas le lien absolument indéfectible. Raymond pouvait toujours compter sur lui, d’abord dans le sud, puis depuis quelques années à Paris. Je ne l’avais jamais rencontré, mais ma môman me disait que ça avait plutôt l’air d’un mec sympa (elle l’avait notamment vu au mariage de Claude, où mes parents étaient invités), même si elle ne comprenait vraiment pas la nature de leur relation.
Mais voilà, B. a été là, et a tenu informé ma maman de l’hospitalisation, et du décès trois jours plus tard. Il a fallu ensuite organiser les funérailles et nous rendre à Carcassonne pour vider sa maison. Personne d’autre que nous sommes descendus pour cela (compliqué pour toute la famille en Île de France, et une fratrie vieillissante peu mobile), ma mère, mon père, mon frère et moi. Ma mère était à l’ouest, et ça a été compliqué de tout faire en très peu de temps, et moi je télétravaillais faute de pouvoir prendre des congés. Tout le monde était sur le fil de se foutre sur la gueule, mais on a tenu bon. On a réussi à tout faire, et on a assisté à la cérémonie précédant sa crémation.
Mon oncle en avait rien à foutre de son héritage au propre comme au figuré, et il avait prévenu ma mère qu’ils devraient se démerder (les frères et sœurs) car il n’avait pas un rond, et n’en avait rien à foutre de son devenir une fois passé l’arme à gauche. Au moins les choses étaient claires, et c’était tout à fait cohérent avec son caractère.
Mais nous avons réussi à être encore surpris par mon oncle, et ces moments de rigolade nous ont fait du bien. Car à peine avions-nous commencé à débarrasser la maison que des voisines sont arrivées pour nous exprimer, les larmes aux yeux, comme Raymond était un type adorable, serviable, gentil et sympathique, qui était très connu et aimé de la communauté du lotissement, et qui serait énormément regretté. Une voisine est même venue pour la crémation en représentation du voisinage pour exprimer leurs condoléances. C’était surréaliste, et ça nous a bien fait sourire.
Claude était là, ainsi qu’un autre ex que j’aime beaucoup et qui était là avec Raymond à notre propre mariage, et c’était touchant de voir ces personnes âgées tenir à être là pour Raymond en souvenir de leur temps passé ensemble.
B. est resté jusqu’au bout, et je suis content d’avoir eu l’opportunité de rencontrer ce mec adorable (de 37 ans maintenant) et sympathique, vrai compagnon de route et d’une certaine destinée de mon oncle. Il a toujours été là, ami et confident, sans doute amant bien sûr, à la loyauté certaine et indéniable, et en pleurs ne pouvant cacher son profond et sincère chagrin. Et cette situation tragicomique où le pauvre devait réagir positivement à tous les vieux qui lui parlaient de l’Algérie Française qu’ils avaient connu pendant la guerre, avec des gens vraiment très gentils. Mein gott, comme j’avais envie de le secourir de ce racisme ordinaire qui se voulait bien sûr tout le contraire, mais qui était à cent lieues j’imagine de ce qu’il avait envie d’avoir comme conversation.
Je garde cette image, avec son chat, car on avait aussi cela en commun après tout. ^^
Autre élément qui m’a beaucoup fait sourire, et tellement typique de lui. Il avait contracté moins d’une année avant un crédit avec une de ces banques à logos verts d’une somme non négligeable pour s’acheter une voiture, mise au nom de son ami B. Nan mais qui accepte de faire crédit à un mec de bientôt 83 ans. Eh bien, en voilà un pour les pertes et profits, joli dernier pied de nez au capitalisme.
Nous sommes repartis avec l’urne contenant ses cendres, et ma môman voulait organiser une petite cérémonie pour ses frères et sœurs qui n’avaient pu être là. Fin juin, nous nous sommes donc rassemblés à Osny, j’étais là aussi donc, et ma maman a eu la meilleure des idées en faisant placer l’urne dans la tombe de ma grand-mère. Je pense que ça lui aurait fait plaisir, vraiment j’en suis convaincu, d’être de retour à Osny, et avec ma grand-mère. C’était un beau moment au cimetière, et j’étais content d’être venu pour cela.
J’ai toujours été curieux de ce Jean-François Michel, dont ma grand-mère m’avait expliqué qu’il était mort bébé d’une méningite foudroyante. Ma tante m’a alors expliqué que c’était une histoire assez sordide en réalité, nous étions donc en pleine seconde guerre mondiale, en pleine occupation, et lors du décès de cet oncle, des corbeaux ont dénoncé à la police des maltraitances sur l’enfant. Ma grand-mère a donc été inquiétée en plein deuil et en pleine détresse. Il a fallu une autopsie qui a conclu à cette méningite, et a innocenté mon aïeule. La perte de l’enfant, ce soudain opprobre et en passer par une autopsie pour son bébé ont été de sacrés coups du destin pour ma grand-mère à ce moment-là.
RSA = Réseaux Sociaux de l’Amour, soit les apps de rencontre. ↩︎
Je vous ai déjà parlé de Guillaume qui fait des podcasts passionnants à propos des cheminements de sexualité queer, mais là c’est un épisode un peu spécial et c’est une anecdote dans celui-ci qui m’a énormément intéressé. Son invité lui a expliqué avoir trouvé dans une chambre de bonne parisienne, dont il est devenu propriétaire, un fascicule tapé à la machine, et qui se refilait sous le manteau, qui doit dater des années 60.
Il s’agit d’un impressionnant document de 36 pages qui détaille par le menu l’ensemble des droits et des risques légaux attachés à des comportements homosexuels à l’époque. Et on parle d’une époque de grande répression puisque nous sommes quelques années après l’amendement Mirguet qui a officiellement inscrit l’homosexualité comme « fléau social » en 1960, ce qui a aggravé les outrages à la pudeur, par exemple, quand ils sont commis par des homos.
Ces pages ne parlent pas d’homosexuels mais d’homophile et on souligne assez directement la « dignité » qui est recommandé comme l’attitude à suivre pour les homophiles qui se respectent. L’élément juridique le plus vieux date de 1963 et c’est un jugement de cassation, donc j’imagine que ça donne une bonne idée de la période où ce document a été conçu et tapé à la machine. Donc tout cela fleure bon l’époque Arcadie et la plume des affidés d’André Baudry. Inutile de dire que ce n’est pas trop ma came, mais o tempora, o mores. On retrouve bien trop encore aujourd’hui ces homos follophobes et qui ne cherchent qu’à se conformer et lutter contre leurs propres droits, tout en profitant allègrement de ceux gagnés par leurs coreligionnaires hauts en couleur et en militantisme.
Là ce qui est drôle c’est qu’en prologue et épilogue, on rappelle que ces conseils ne sont utiles qu’à ceux qui justement manquent de cette dignité des homophiles qui ne sont pas censés draguer aux Tuileries, mater dans les vespasiennes, baiser dans les bains de vapeur etc. Mais tout de même, ça vaut le coup de connaître ses droits, et de savoir comment se comporter si on se fait arrêter. Et en cela, cela ressemble aussi aux conseils qui sont donnés à tous les militants lors des manifestations ou des actions de guérilla urbaine.
Evidemment la liste des délits donne là un vertige étourdissant. C’est tout de même une trentaine de pages pour évoquer tous les risques à envisager, et pour avoir le maximum d’armes pour se défendre et survivre dans une société répressive autant légalement que moralement. Et tout cela n’a que 60 ans…
Si vous ne connaissez pas grand chose sur une de mes héroïnes personnelles, je vous conseille ce court et chouette épisode de podcast à propos d’Ada Lovelace. Elle n’est rien de moins que l’inventrice du tout premier programme informatique ou plus exactement « algorithme » de l’histoire. (Et en plus c’est la fille du poète Byron, rien que ça. ^^ )
Je ne connaissais vraiment que très peu de choses sur Simone de Beauvoir. Vraiment à part la facette féministe d’avant-garde, le deuxième sexe et l’accointance avec Sartre, ça n’allait pas beaucoup plus loin. Cette série de podcasts m’avait été déjà conseillée sur les Internets, et je m’y suis mis récemment en y repensant par un curieux enchainement de pensées.
Je suis vraiment content d’avoir écouté ces 8 épisodes qui sont absolument passionnants. C’est un reportage hyper complet et documenté sur toute la vie de Simone de Beauvoir, mais c’est aussi une approche assez thématique sur les grandes périodes de son existence, et les transformations successives à la fois de la société et du développement de cette femme d’exception. Évidemment cette vie est indissociable de celle de Sartre, mais elle va bien au-delà et on se rend compte de son importance singulière, et autant d’ailleurs par les échos actuelles de ses travaux et œuvres en regard d’un Sartre dont elle n’est plus le simple « side-kick » mais bien un alter ego. La situation s’inverse même à certains égards, où l’on peut aujourd’hui parler plutôt d’elle, et de regarder comment il a pu être là « à côté » de cette femme qui a littéralement révolutionné notre société.
Il y a cette dimension bourgeoise qui est très présente, et sur laquelle j’ai adoré la posture de Simone de Beauvoir. Il y a notamment ce bout d’interview à chaque début d’épisode où un journaliste lui fait remarquer qu’elle a eu une éducation très bourgeoise, pour mieux sans doute mettre en question ses positions politiques de gauche, et qu’elle mouche en quelques mots de bon sens.
– Mais pourtant, vous avez eu une éducation très bourgeoise… – Ce n’est pas une raison pour aimer la bourgeoisie !
Un journaliste de Radio Canada à Simone de Beauvoir
Ce qui est tellement cool avec un podcast comme cela, c’est qu’il n’y a pas vraiment de format contraint, donc on se retrouve avec 8 heures de documentaires, et on a le temps d’avoir de l’histoire, de la philosophie, des digressions, on peut avoir l’approche hagiographique d’un côté, et creuser le côté sombre de l’autre. Cela donne une enquête complète et circonstanciée, qui évoque à la fois la vie de la femme, son travail philosophique ou d’autrice, ses postures politiques et leurs évolutions, l’attitude pas terrible pendant la seconde guerre mondial, et l’espèce de rattrapage extraordinaire de la guerre d’Algérie.
C’est vraiment une série que je conseille ardemment. Cela s’écoute très facilement, et vraiment on en sort beaucoup moins con (en apparence). ^^
J’ai bien aimé cet épisode de Radiolab qui parle du « dilemme » du web et d’un dispositif légal américain qui s’appelle la « Section 230« . Comme d’habitude, l’épisode part sur quelque chose d’assez anecdotique, mais particulièrement frappant. Et ça va vous parler, car c’est une histoire autour de GrindR. Il s’agit d’un garçon qui commence à voir devant son immeuble des mecs qui viennent le voir pour baiser.