La cage au folles (théâtre du Châtelet)

J’ai pris des places en lisant de très bonnes critiques, et piqué par la curiosité d’une adaptation actuelle d’une telle œuvre : est-ce que la bouffonnerie moqueuse (et malgré tout extrêmement drôle) est devenu un « rions avec » plutôt qu’un « rions de », voire un truc un peu queer et modernisé ? Mais vraiment je n’avais rien lu de spécial, donc j’ai même découvert que le rôle titre était tenu par Laurent Lafitte en arrivant, ou que l’adaptation était d’Olivier Py. Donc vraiment, c’était la pure découverte !

A vrai dire, j’ignorais également que l’hymne LGBT I am what I am de Gloria Gaynor venait de cette comédie musicale (totalement béotien le gars ^^ ). Et c’est donc le thème qui revient pendant toute l’œuvre, ce qui fait qu’on a toujours un rappel mélodique très agréable et familier. C’est une production du théâtre du Châtelet, on peut donc aussi compter sur quelque chose de vraiment au poil et bien léché techniquement parlant, il y a des moyens et ça se voit ! D’ailleurs ce qui est le plus probant est sans doute ce décor gigantesque et tournant sur lui-même qui montre la devanture du cabaret, la Cage aux Folles, et qui pivote ensuite sur une belle scène de cabaret avec escalier monumental et lumières hollywoodiennes (un petit côté revue du Paradis Latin), mais aussi sur les loges sur 3 niveaux, ou l’appartement à la déco kitsch et gay du couple Albin/Georges. L’ensemble de la scène est occupé sur plusieurs étages, et l’occupation de l’espace est très bien fichue et assez impressionnante.

Il y a également du monde sur scène, avec les deux héros évidemment, mais aussi la troupe du cabaret qui forme un chœur de folles danseuses à plumes (plutôt que des travestis, on est sur des « girls »), et cela donne des numéros de groupe assez jolis et bien troussés.

Mais voilà le problème, ce que j’ai aimé, ça s’arrête là… Et c’est principalement parce que dès les premières minutes, j’ai été décontenancé par les choix artistiques ou d’adaptation, et que c’est reste en moi comme un « choc déceptif » pendant tout le spectacle. Et je suis ressorti hyper triste de cet état de fait, autant d’ailleurs parce que je voyais bien à quel point j’étais à contre-courant de la presse ou de la salle, à la fois hilare et applaudissant à tout rompre. Mais bon, je reste droit dans mes bottes. ^^

Evidemment l’histoire reste la même, et je ne pensais vraiment pas à une réécriture. D’ailleurs, autant c’était un problème dans la Cage aux Folles était la seule représentation « gay » pour mes parents quand j’étais gamin. Et donc le film a été un énorme problème sur la manière dont la caricature a été érigée en modèle unique, et a institutionnalisé la follophobie de la société avec le clown-folle en figure de proue. Mais aujourd’hui, il passe mieux parce qu’il est carrément « vintage » et qu’il est au milieu de tant d’autres choses. Donc je trouve qu’il se revoit très bien comme la comédie de la fin des années 70 avec d’anciennes valeurs et représentations, et on peut même voir avec un œil positif le couple représenté et la conclusion du film tout en tendresse pour eux.

En outre, Michel Serrault était un merveilleux Albin, et il fallait qu’il soit lui-même très très folle pour réussir à incarner comme cela Zaza ou avec la même trempe hilarante un assez peu viril Jules César1.

Mais nous sommes en 2025, et la comédie musicale avait déjà opté pour une approche un peu moins gauloise et misant plus sur l’acceptation de la diversité des relations amoureuses, donc soit on modernise, soit on date carrément le truc et on joue sur la reconstitution d’époque. Et là, je n’ai pas compris que l’on soit sur une représentation aussi datée et surtout avec un straight-gaze (et Olivier Py est aussi pédé que moi hein, et ce n’est pas un planqué) aussi manifeste (pour moi en tout cas).

Dès le début, et c’est un vrai choix artistique je trouve, on est sur un cabaret qui s’ouvre avec des travestis qui ont l’air de travestis en effet. C’est à dire l’idée que se font les hétéros des travestis, donc on doit voir que ce sont des mecs avec des perruques et du maquillage. Parce que les perruques ne sont pas très belles, et le maquillage très basique, et alors avec Laurent Lafitte en Albin c’est encore pire. On est vraiment sur le mec hétéro grimé. Et tout son jeu est comme cela selon moi, il singe, il mimique, il est clownesque. Il est exactement comme le mec hétéro beauf au bureau qui fait la folle en imitant le mec de la com un peu trop sensible.

Je pensais que ce serait plus sur une acception plus actuelle et moderne des cabarets comme Madame Arthur ou simplement même comme les shows drags qui sont légions aujourd’hui. Il y a tellement d’artistes drag qui auraient été géniales pour incarner les danseuses ou Albin. Et je m’attendais à vraiment cette nouvelle représentation, avec des maquillages incroyables et des apparences de créatures féminines qui dépassent l’entendement. Là non, on est toujours dans la moquerie du mec qui joue les divas, et c’est pour provoquer le même genre de rire, celui des hétéros. Alors ok, c’est un rire plus gentil et sympathique, il y a plus de commisérations sans doute, mais c’est à peu près identique aux rires gras des publics du théâtre de boulevard de 1978. Et ça, ça m’est resté au travers de la gorge.

Toutes les blagues de Lafitte lorsqu’il est dans le public m’ont fait juste roulé les yeux jusqu’au ciel. Cela sonne tellement faux, tellement Michou des années 70, et pourtant il y a des références qui se veulent plus modernes. Par exemple, c’était une bonne idée de mettre les futurs beaux-parents du fils en chantres de la manif pour tous, plutôt que de simple conservateurs. Mais alors, je ne comprends vraiment plus l’intrigue avec le fils qui cherche à faire se rencontrer ces personnes avec ses parents qu’il aime et qui sont clairement un couple de pédés. Et ne parlons pas de la dissonance du figurant avec son t-shirt Act-Up qui apparaît comme un cheveu dans la soupe. Le truc invisible pour tout un chacun, et qui interpelle quelques initiés, mais pour dire quoi ? On est dans les années combien en fait ?

L’adaptation était l’occasion de rendre ça vraiment moderne et queer, et d’avoir des représentations de folles d’aujourd’hui, car elles sont toujours là les folles, et elles peuvent toujours faire rire, mais on ne rit plus d’elles ! Elles peuvent être les plus belles et gracieuses des girls à plumes. Au lieu de cela, c’est un spectacle pataud qui joue vraiment encore sur les représentations d’antan, ou au mieux sur une vision aznavourienne du « comme ils disent ».

Et puis Laurent Lafitte chante très mal, et ça nuit carrément à la comédie musicale. Vocalement, même si Georges (Damien Bigourdan) essaie tant bien que mal de rattraper le coup, l’ensemble est assez faiblard selon moi, et en tout cas bien en dessous de productions anglosaxonnes vu au Châtelet. Même du côté des numéros de danse, et malgré l’énergie et les jolis costumes, ce n’est pas au niveau d’un show de cabaret, et surtout pas d’un show de Broadway.

Alors je ne sais pas si c’est ma frustration initiale qui m’a rendu l’ensemble aussi peu rutilant (c’est possible, je le reconnais), mais pour moi c’est un truc pour les CE et les clubs du troisième âge qui adoreront rire du monsieur qui fait la folle.

J’ai conscience d’avoir lu des critiques diamétralement opposées et de plein de pédés sur les réseaux sociaux ou même dans Têtu. Donc c’est peut-être moi qui suis devenu un terrible wokiste qui ne pense que non binaire et queer. Les messages de la comédie musicale qui se veulent justement très militants sont peut-être justement très utiles pour l’édification des masses, mais servis comme cela, ils ont pour moi un arrière-goût plutôt amère. Un peu comme un type avec une black face qui ferait un discours antiraciste…

  1. Dans le film de Jean Yanne : Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ (1982). ↩︎

Drag Race France Live All Stars « Royal Tour 2025 » au Zénith de Nantes

Bon, ça commence à devenir un rendez-vous habituel et incontournable, et il faut avouer que c’est non seulement à chaque fois un plaisir, mais qu’en plus les shows sont de plus en plus beaux et professionnels. La première saison était clairement un truc pas vraiment pensé, la seconde avait déjà corrigé les défauts grossiers et donnait à voir un vrai show, la troisième c’était déjà un truc aux petits oignons avec une qualité qu’on ne pensait pas vraiment voir en France pour un Drag Show.

Donc là c’est épatant à constater mais c’est encore un « glow up », et donc on s’en prend plein les mirettes pour les costumes, maquillages, danseurs, habillages vidéo etc. Mais si j’avais un petit bémol, ce serait que le prix des places s’est également envolé, et je ne pense pas qu’un drag show aussi bien troussé soit-il valent une centaine d’euros. En tout cas, là en l’occurrence, même si c’était très bien, je trouve que c’est un peu trop cher, et que ça en limite tout autant l’audience bien sûr. Malgré tout la salle était archi pleine et nous étions donc 5300 personnes !

Les défauts les plus criants ont été corrigés, et notamment cette année : le son est tout à fait correct !! Youhouuuu !

Là où cela diffère aussi des autres années, c’est que l’on n’est pas exactement sur une saison de Drag Race, et donc on n’est moins dans la connivence et le rappel de l’émission. Je ne sais pas si c’est bien ou pas… Au moins on est dans un show hyper pro et cadré, mais le petit défaut c’est que ça perd un peu en retrouvailles sympathiques, en petite discussion sur chacun et chacune, c’est un peu plus froid quoi. J’ai été également un peu déçu qu’on ne soit pas plus sur une célébration plus marquée de la grande gagnante. On a l’impression d’un show qui était prévu avant même la fin de la production de la saison en réalité.

Mais sinon là où les points continuent d’être marqués c’est dans l’animation de Nicky Doll, et l’état d’esprit général de la soirée. Et cela vaut autant pour le spectacle que pour le public. Et le public nantais, qui était largement aussi au vu des plaques d’immatriculations, angevin, rennais, brestois, tourangeau et même rochelais, est aussi vraiment beaucoup pour la réussite d’hier soir. L’ambiance était absolument géniale et haute en couleur, avec des tas de gens maquillés, draguifiés, lookés, et tout le monde qui se lève, et danse et crie et fait la fête avec des rires, des sourires, des gestes d’affection et une atmosphère globale très apaisante, bienveillante et festive.

Le thème du show est cette fois de reprendre un peu l’histoire du drag en partant des ballrooms des années 90, vers l’émergence pendant le clubbing, puis les combats pour l’émancipation (notamment contre le VIH) et enfin la Pride et ses aspects à la fois vindicatifs et festifs. Il y a quelques bons moments, je repense à Elips et son évocation des actions ACT-UP ou encore Soa de Muse qui met toute sa rage sur scène, mais ce sont tout de même plus des prétextes pour les numéros.

Et en réalité, comme les spectacles dépendent aussi un peu des talents en présence, on remarque surtout les performances de Misty, Mami ou Piche, ou encore la superbe d’Elips, et donc je suis un peu déçu que Punani n’ait pas trop trouvé sa place avec un peu plus de moments où son humour aurait pu poindre dans un show assez tonitruant et « busy ». De même Moon est clairement toujours dans le cœur du public, et je la trouve un peu trop en arrière-plan. Mais bon, c’est compliqué à organiser ces choses là, et je comprends que ce soit une équation assez insoluble.

Alors que je célébrais récemment un petit show indépendant dans la pure militance, et que je fustigeais un show un brin désincarné qui manquait d’âme, je me dois de reconnaître les nombreuses qualités de celui-ci. Déjà d’être un grand spectacle professionnel tout en étant vraiment d’une certaine sincérité dans les discours et les messages militants (les choses sont souvent dites et très clairement). Et je suis persuadé que c’est la bonne alchimie pour à la fois toucher un public large et agir sur la société, tout en ne reniant pas ses valeurs et sa raison d’être.

J’étais tellement content que la fin soit sur cette reprise des chansons à la française qui étaient tellement drôle pendant cette saison. On a donc eu droit à Liberté té té té té et Oui oui j’adore, et c’était sans doute un des moments les plus barrés et sympas du show (sinon encore une fois un chouïa froid dans son exécution).

Je recommande à tout le monde d’aller voir ces spectacles qui sont une belle représentation de la chose drag actuelle. Et c’est un des rares trucs qui allient vraiment dans un magnifique élan pédés, goudous, trans, nb et alliés, avec une atmosphère joyeuse et sensée, une fête où on danse, on chante et on crie, et un beau manifeste sur notre capacité à lutter avec nos armes pour un monde meilleur : à coups de talons, de strass et de paillettes.

Glitter by Mama au Mama Shelter de Rennes

Dans la continuité de la découverte de Rennes et ses joyeusetés, on reste dans le volet « Drag show » mais alors on passe de l’autre côté du spectre. Un 180° dans la facette indépendante, militante et performance. Mais bon, il faut de tout pour faire un monde. ^^

Mais là, c’était un peu trop diamétralement opposé à mon goût à ce drag show très chouette au Marquis de Sade, avec un événement organisé par le Mama Shelter local et avec une boîte de prod « Drag ». On est tombé dans le truc complètement main stream, mais à un point que je ne soupçonnais pas. Pourtant j’ai bossé dans l’hôtellerie de luxe, et je connais les ressorts de ces soirées qui voulant surfer sur une mode se font les succédanés d’une mouvance de société pour le présenter de manière très polie et policée à des gens qui n’ont rien à avoir avec la choucroute. Mais tout le monde fait semblant, et c’est sans doute le plus ridicule de la situation.

Dieu sait que j’étais sans doute plus à ma place dans la cour intérieure pavée charmante d’un hôtel de luxe, mais je me sentais tellement mieux et à l’aise dans mes baskets dans un rade libertaire à la scène décrépite.

Mais ça aurait pu le faire si ça avait été un super show drag. Et pas vraiment, même si c’était tout à fait sympathique avec Quetzal (déjà vue à Paris l’année dernière d’ailleurs) et une bande de drags latinas dont des pointures dans le domaine, avec le sacro-saint tampon « Drag Race » et le name-dropping des saisons ou All-Stars dans lesquels les artistes ont figuré.

Mais ça a commencé par une maladroite session de bingo-drag pas très bien animée et assez pénible. Et pour le show, bah c’est une succession de pageant queens qui lip-sync. Et donc même si les trois invités sont en effet très bonnes et savent jouer les « entertainers », cela ne suffit pas à mettre une ambiance alors qu’il n’y a même pas un projecteur, une sonorisation à la hauteur, et un public totalement réceptif (pourtant c’était très LGBT). Donc c’était « meh », un peu mou, même si le show de Alyssa Hunter était vraiment de très bon niveau, qu’on retrouvait Jessica Wilde qui est une antédiluvienne participante de RuPaul dont je me souvenais bien et qui en a sous le pied.

Mais tout ça était poussif, sans message autre que « nous sommes des drags queens », et clairement sous forme d’une attraction d’hôtel… Et comme il n’y avait pas un show à s’en décrocher la mâchoire, bah on est forcément plus difficile. Après je sais que c’est bien aussi le mainstream, les productions sont sollicitées et travaillent, les artistes touchent des sous, et un petit bout de l’esprit du drag parvient tout de même à filtrer…

J’imagine que les choses peuvent aussi s’améliorer si la sauce prend, mais il faudra un peu plus d’exigence. Ce qu’on pouvait pardonner avec un show un peu plus artisanal dans l’arrière-cour d’un rade l’est beaucoup moins dans un endroit pareil.

Show drag au Marquis de Sade (Rennes)

On vient de débarquer à Rennes, alors forcément moi je cherche les activités LGBTQ+ de mes coreligionnaires bretons. En fouillant un peu sur Instagram, j’ai trouvé cet événement, et j’ai bien compris que ce serait un truc peu à la marge, mais exactement ce qui me plaît dans la créativité et l’inventivité queer du moment. Les shows drag avec Drag Queen en mode « pageant1 » c’est très bien, mais ce n’est pas tout.

Maintenant que des Drag Queens sont à la télévision dans une émission récurrente ou aux JO, et ont gagné une sorte de respectabilité (même si largement à géométrie variable au sein de la société). Et d’ailleurs je ne conspue pas du tout une forme plus « acceptable » et consensuelle qui permet de diffuser des messages au plus nombreux. Mais on peut aussi s’intéresser à tout le spectre de cette queeritude, et s’intéresser à des formes moins lisses, mais tout aussi stimulantes, hautes en couleur, réjouissantes et militantes. Et surtout, on gagne à jeter un coup d’œil du côté de nos copines lesbiennes et tout simplement nos frangines et adelphes.

J’avais adoré découvrir quelques drag kings et queers locales nantaises, ou plus dernièrement à Paris des créatures un peu plus protéiformes et difficiles à cerner. Bien sûr je pense aussi à feu les Paillettes avec leurs shows militants et fabuleux. Et j’ai l’impression que c’est du côté queer de la Force, que la nouveauté se trouve, mais également aussi un ferment intelligent, sensible et savoureux qui ne mérite que d’être découvert et apprécié à sa juste valeur.

Et puis clairement, on sait bien que le combat le plus aigu est celui qui consiste à protéger et aider les personnes trans, et lutter pour leurs droits. Quand je repense à ce moment à Quimper, je tremble encore d’effroi.

Donc là, on est à Rennes avec ce collectif « king » qui s’appelle Kingkea2, alors évidemment ça va être très artisanal et militant. Mais on peut avoir de très bonnes surprises avec ces shows (et j’en ai vus une palanquée), et assurément c’en était une pour nous. Et d’autant plus, qu’on a, je pense, un peu fait se retourner quelques têtes avec nos statures de pédés quadras (avancés) bobo white cis. D’ailleurs on a bien ri quand le monsieur Loyal, Soleil, a plaisanté sur le fait d’être né en 1997 et d’être donc le plus vieux de l’assistance… Hu hu hu.

Mais je m’en balance, et tant qu’on ne fout pas en l’air l’ambiance ou la concorde de l’endroit en faisant peur aux gens (ce qui pourraît arriver, je mesure parfaitement cela, et on est venu car ça paraissait ouvert à toutes et tous). J’insiste un chouïa là-dessus, car je me rappelle très très bien ma propre appréhension lorsque j’avais 19 ans et que je voyais débarquer des hétéros en boîte gay. J’avais besoin d’être avec des gens comme moi, c’était absolument essentiel pour moi, et pour être moi-même une condition sine qua non. La simple présence, toujours trop emphatique, de personnes hétéros me rendait complètement parano et craintif, forcément renfermé…

Or on était clairement dans une (petite) population queer au sens large : trans, non-binaire et jeunes fluides de toutes parts. ^^

L’endroit déjà, c’est un bar qui s’appelle donc le « Marquis de Sade », il faut avouer que ça en jette comme nom ? Hu hu hu. J’adore ce genre de bar libertaire, qui me rappelle exactement les rades parisiens alternatifs qui sont dans la même veine, avec une arrière-salle qui permet d’accueillir des groupes, et donc là quelques personnes assises pour un show. Et le show en question était en réalité précédé par la finale de l’émission de téléréalité : King of Drag. C’est la toute première saison d’une émission comme celle-ci dédiée à des Drag Kings, et présentée par Murray Hill, que je connaissais pour la série Somebody Somewhere.

Mais le plus intéressant c’était la suite et les performances des quelques drags qui étaient invités ce soir. Soleil était le présentateur mais aussi un artiste drag qui a présenté deux performances très engagées avec un drag parfois presque possédé par son show. J’ai beaucoup aimé son visage très mobile, et les détails du maquillage qui masculinisent son visage. Et puis il y a une énergie fascinante qui se dégage de lui, entre BDSM et puissance contrariée, sans doute un peu inabouti mais intéressant !

En réalité, c’est Sylvestre qui a démarré les hostilités, avec une fabuleuse interprétation planante de Si j’étais un oiseau de Bertrand Belin. Excellent lip sync et avec une présence d’une intensité peu commune, c’était vraiment cool.

Après c’était GORKI qui joue sur le registre Drag Queer en démarrant par un classique du drag king dans le rôle du cowboy viril et couillu. Hu hu hu.

Je l’ai préféré pour son second passage avec un personnage encore un peu plus mascu toxique, et jouant merveilleusement avec les codes et tous les brouillages de signaux qui vont bien.

Soleil est également revenu avec une performance, mais quand le lip sync ne suit pas, j’avoue que je décroche… Mais il reste doté d’un sens esthétique et d’une maîtrise de l’espace qui est cool.

Sylvestre est revenu dans une forme plus chimérique avec cette belle créature, et encore une fois un lip sync impeccable, et remarquablement interprété.

Et enfin le clou du spectacle c’était avec PEES dont la performance m’a fait penser à La Gouvernante qu’on avait vu au Warehouse pour une Pride nantaise. On est dans un genre de drag très singulier mais vraiment impliqué, dans l’extrême don de soi et la performance artistique. Il se peint le corps avec une substance noirâtre, et il s’agrafe à même la peau des morceaux de textiles, sur la poitrine puis sur le visage, tout en effectuant un excellent lip sync, et tout en se transformant en une inquiétante créature mi-kafkaïenne mi-frankenstein. ^^

Ah oui, c’est pas votre petit show propret avec des robes à volant et des paillettes, mais c’était cool, c’était drôle, c’était engagé et déroutant ou dérangeant parfois. J’étais content d’y assister, dans mon propre cheminement de découverte de cet art du drag si complet, et de cet air du temps qu’on ne peut mieux saisir qu’en ayant le bonheur de voir comme cela du spectacle vivant à fleur de peau et servi par des doux-durs à queer.

  1. Pageant = beauty pageant = concours de beauté du type Miss France, donc des shows consistant à montrer de beaux travestissements exclusivement « en femme » avec de belles personnes bien maquillées dans de beaux vêtements. ↩︎
  2. Jeu de mot sur « kinky » soit une excentricité sexuelle au sens le plus littéral (classiquement les pratiques sexuelles BDSM, mais en gros tout ce qui sort de la norme, quelle que soit votre acception de la chose… ^^ ) ↩︎

Hope Hunt and the Ascension into Lazarus (Oona Doherty) au LU à Nantes

C’est toujours un petit bonheur de découvrir du spectacle vivant, et la danse en particulier est un univers que j’adore. Il n’y a pas plus figuratif que de s’exprimer physiquement avec « ses membres », mais c’est également un domaine à l’exploration artistique qui peut aller tellement loin dans l’abstraction, à l’image même d’une pièce musicale. Aleck nous a convié à un petit show de la chorégraphe et danseuse Oona Doherty qui était invitée du Lieu Unique à Nantes pendant trois jours.

Aleck l’avait d’ailleurs découverte il y a quelques temps, et par une heureuse sérendipité il a pu la voir en spectacle en chair et en os au LU. Comme il a trouvé ça cool, il nous a embarqué (chérichou, moi-même et deux autres comparses) pour découvrir l’artiste dans une courte et dynamique pièce.

Oona Doherty faisait d’abord une sorte de performance à l’extérieur du LU autour d’une voiture, et on voit bien l’inspiration de la danseuse qui mimique la caillera de banlieue dans une expression assez universelle de masculinisme exacerbé et tout en caricatures vestimentaires ou autres gimmicks comportementaux (l’œillade provocatrice, la moue et lippe tordues, la démarche de cowboys, le reniflage emphatique, etc.).

On retrouve ce « personnage » emblématique de son exploration artistique dans Hope Hunt and the Ascension into Lazarus, où la danseuse déploie son talent dans d’impressionnantes contorsions et quelques jolis moments de bravoure. Je reconnais vraiment de vraies qualités de danse. Néanmoins j’ai été déçu ou en tout cas « non réceptif » sur le fond. Et ça m’a déçu d’avoir été déçu, mais je n’ai pas été touché, ou emporté par ce truc alors ça en avait pourtant la saveur formelle et la puissance évocatrice.

Il m’a manqué soit une vraie accroche narrative, soit quelque chose d’encore plus abstrait visant une pure performance. J’ai bien saisi l’intention d’origine, mais ça a juste fait « pfuitt ». Mais je ne regrette pas la découverte, et je pense qu’il faudra que je vois d’autres pièces ou je comprenne mieux ses intentions ou démarches.

La falaise des lendemains (Tornaod an antronoz)

Moi qui suis plutôt un habitué des opéras « bel canto » du 19ème , j’aime bien goûter les productions actuelles et voir la manière dont elles peuvent s’emparer de ce genre sans le trahir, mais en le renouvelant bien sûr. Et j’ai souvent été déçu avec des trucs un peu trop comédie musicale (que j’aime aussi), ou carrément abscons ou trop abstraits à mon goût, allant trop loin dans la déstructuration de la narration, ou encore rendu ridicule par l’emphase que l’opéra apporte naturellement et qu’il faut savoir savamment doser.

Eh bien là, je n’ai pas été déçu, tout au contraire. Même si ce n’est pas le spectacle de l’année, ce « Jazz Diskan Opéra », tel qu’il est sous-titré sur les affiches et programmes, est une réussite à bien des égards. Non seulement on a une vraie histoire d’opéra, une dimension théâtrale à la hauteur de son sujet, mais aussi une composante musicale et vocale à la fois intéressante, cohérente et innovante. Les trois mots sont singuliers ainsi rapprochés car l’opéra rencontre bel et bien le jazz, ce qui en soit est inattendu, mais le « diskan » ajoute encore à ce trio en oxymore. On peut mieux comprendre ce dernier mot breton signifiant « contre-chant » en lisant la page du Kan ha diskan. Et bien sûr le titre même de l’opéra étant bilingue français et breton, on est dans une œuvre manifestement syncrétique ! Elle est même d’ailleurs, et très naturellement de par sa narration, présentée avec trois langues : breton, français et anglais (donc surtitrage obligatoire pour suivre !).

La composition et orchestration de Jean-Marie Machado, avec une direction musicale de Jean-Charles Richard, est vraiment très chouette, avec une tonalité jazz très efficace et envoutante, et des accents bretonnants qui ne dissonent étonnamment pas. On a aussi très concrètement une grande porosité entre l’action, le chant et la musique, puisque les musiciens sont littéralement sur la scène, comme on peut le voir ci-dessous.

Les décors ne changeront donc pas, à part quelques accessoires qui sont déplacés pour situer certaines scènes. On est à Roscoff avant la première guerre mondiale (1914), puis pendant, et enfin après. Quelques filets de pêche marquent le territoire, et un bastingage surélevé en demi-cercle représentera les quais du port, où l’action se déroule en majorité, avec en haut à gauche sur des échafaudages en hauteur la fameuse « falaise des lendemains ».

Nous sommes à Roscoff donc, et un (jeune et beau) marionnettiste de Guernesey présente un spectacle au port. Une (jeune et belle) infirmière, Lisbeth (Yete Quieroz), qui échappe aux griffes du mafieux et maquereau local, Dragon (Florian graou Bisbrouck), qui est amouraché d’elle. Lisbeth va en revanche immédiatement succomber, et réciproquement, aux charmes du marionnettiste anglais. Ils décident de se donner rendez-vous plus tard, la nuit, en haut de la falaise. Mais cela vient aux oreilles de Dragon qui s’y rend en avance. Il défigure, brise les mains, et laisse pour mort le pauvre marionnettiste qui attend sa belle. Ensuite, il attend Lisbeth et tente de la violer, avant de la pousser dans le vide.

Yeaaaah !! Ça c’est de l’opéra bébé !!! Et attendez ce n’est pas tout. Le marionnettiste est ramené à Guernesey où il est inconscient puis amnésique, en plus d’une véritable « gueule cassée », on lui raconte alors qu’il a été écrasé par un cheval fou. Lisbeth survit miraculeusement, mais est paraplégique. Survient la guerre et ses difficultés supplémentaires, après la guerre Lisbeth, en fauteuil roulant, s’occupe des gueules cassées. Bien sûr les amoureux se retrouveront à Roscoff, et évidemment le marionnettiste mourra dans ses bras. Bon ça se finira mal aussi pour le nazillon local.

Avouez que c’est du bon drama d’opéra ça, j’étais absolument ravi et comblé. Un truc bien pompier à la fois dans l’infatuation immédiate des personnages, mais aussi dans les conclusions un brin surréalistes et allégoriques. Mais c’est vraiment ce que j’attends, donc j’étais hyper content de cette histoire, et qui sincèrement est très bien narrée. En plus, les deux interprètes Yete Quieroz et Florian Bisbrouck sont très talentueux et déploient un joli charisme dans ce drame breton absolu.

Les langues donc arrivent assez naturellement avec un mélange breton et français pour les gens de Roscoff (les expressions idiomatiques bretonnes, et le tout venant en français donc assez naturel) et l’anglais avec le marionnettiste ou sur Guernesey. Et vraiment cette musique met bien en valeur le livret, même si je dois avouer que ça manque de lyrisme pour moi, surtout avec une histoire pareille. Donc ces opéras modernes ne retrouvent pas cette vibration que j’aime tant avec le bel canto d’un Verdi. Mais il faut comparer ce qui est comparable, et en tant que tel c’était déjà un très beau spectacle.

J’ai regretté que certains éléments majestueux et tape à l’œil de la scénographie n’aient pas été plus mis en valeur. Comme cette marionnette géante (en photo de tête de l’article), ou les spectacles de marionnettes qui sont cachés du public alors que c’était une super opportunité de mise en scène selon moi.

Mais globalement c’est super digeste (1h45 de spectacle), très original et avec une forme à la fois belle et efficace. On peut vraiment appeler cela un opéra et s’enorgueillir d’une telle inventivité avec cette touche bretonne qui ravira plus d’un chapeau rond.

Intra Muros (Alexis Michalik) au Théâtre 100 noms de Nantes

Alexis Michalik, un peu comme Florian Zeller dans un genre différent, c’est vraiment un auteur de théâtre majeur dont les succès sont à chaque fois tonitruants, et aussi bien de la critique, que du public. Ses pièces se jouent depuis des années partout en France, et il y a quelques années c’est Edmond qui a été adapté pour le cinéma. Je ne déteste pas ce qu’il fait, mais je ne suis pas non plus le plus grand fan.

Ce qui m’ennuie à chaque fois c’est le côté sentiments un brin mièvres, des intrigues imbriquées qui perdent rapidement en crédibilité, et l’insistance sur des twists et révélations qui deviennent un peu abracadabrantesques à mon goût. Mais je reconnais toujours une très belle écriture, de chouettes mises en scène, et une plume énergique, imaginative et très alerte qui font des spectacles où on ne s’ennuie pas.

Dans Intra Muros, l’intrigue tourne autour d’un atelier théâtre montée dans une prison par un prof d’art dramatique sur le retour et une toute jeune assistante sociale. Seuls deux hommes se présentent à cet atelier, un jeune gars un peu espiègle et bavard, Kevin Garcia, et son acolyte de maison d’arrêt : un grand échalas, au visage fermé, plus âgé et mutique qui s’appelle Ange Bernardini. Avec l’aide d’une comédienne, qui est l’ex du prof, l’atelier va se tenir, et cela commence par des exercices de base de théâtre. Peu à peu, les exercices mènent à des explications sur la présence de chacun à cet atelier, et des liens inattendus entre eux.

La pièce est pour moi du Michalik pur jus, et donc avec les maladresses, selon moi, que j’ai indiquées. J’ai été encore dérangé par des intrigues et sous-intrigues trop nombreuses et alambiquées, et des personnages finalement peu crédibles. Mais il y a aussi les qualités que j’ai citées, avec une mise en scène (et en abîme) vraiment brillante et inventive, et un musicien sur scène (qui joue de la musique mais aussi des bruitages) qui ajoute une énergie géniale. J’ai adoré la manière de figurer les flash-backs des personnages, il suffit de quelques notes de musique, de bouger deux chaises et changer la lumière, et on est vraiment projeté en quelques secondes dans la scène. C’est vraiment la magie du théâtre dans son extraordinaire capacité à faire imaginer des choses très ambitieuses avec deux bouts de ficelle (bon, là il y avait un peu plus de moyens).

Mais vraiment l’immense qualité de ce spectacle nantais et de cette distribution locale, ce sont les trois comédiens et deux comédiennes (et le musicien tout aussi important et doué). Ils sont tous parfaits, mais comme j’ai rarement vu sur scène avec une excellence aussi homogène. J’ai été épaté, car ils sont justes, complètement possédés par leurs personnages, et ils passent d’un personnage à l’autre (chacun incarne un série de personnages dans les intrigues secondaires) en quelques secondes tout en changeant de vêtement et en se mouvant très rapidement d’un bout à l’autre de la scène. Cela donne aussi l’image d’une sacrée performance physique pour eux ! Je me suis rapidement beaucoup attaché aux personnages, grâce à ces comédiens et comédiennes fabuleux.

Il y avait bien des passages casse-gueule, où le texte est un peu sur le fil pour moi, mais ils s’en sortent tous très bien, que ce soit pour décrire un cheminement familial et social qui mène en prison, ou un parcours amoureux et passionnel ou bien une enfance en l’absence d’un père. Donc le petit problème pour moi reste cette complexité narrative un peu artificielle et la tendance terrible de l’auteur à ripoliner tout son théâtre de bons sentiments amélipoulinesques (on se sent vraiment contraint à l’émotion à certains moments, au risque d’être considéré comme un psychopathe le cas échéant).

La pièce m’a beaucoup intéressé également pour l’incursion même du théâtre dans le sujet. Il y a bien la mise en abîme des histoires racontées, et on ne sait plus trop à un moment si ce sont des flash-backs ou bien des exercices de théâtre où on exorcise ainsi son passé. Dès le début de la pièce d’ailleurs, qui est introduite par le prof de théâtre, il y a un petit jeu consistant à interpeler les spectateurs, et faire comprendre que la pièce, en réalité, a déjà commencé ! Et donc ensuite, on est consciemment au théâtre. Le jeu se poursuit très explicitement par la suite, et j’ai bien aimé qu’on puisse sérieusement questionner ce qui est montré là. Est-ce que c’était vraiment un récit factuel, ou bien une fiction de théâtre sublimée par des souvenirs ? Et donc mes reproches sont peut-être un peu gommés par ce petit tour de passe-passe. ^^

En tout cas, juste pour ce tour de force de jeu et d’implication des comédiens et comédiennes, pour cette mise en scène fascinante de virtuosité, et pour ce mystère résiduel autour de la notion de « théâtre » c’était une très très bonne pièce. ^^

BAMBI à la Rotonde (Moissy-Cramayel) par le Théâtre de l’Estrade

Je voulais la voir cette pièce hein, je suis allé jusqu’à Moissy-Cramayel, dans le 77, pour cela !! Parce qu’une adaptation de la vie de Bambi sur les planches, je ne vois pas ce qui serait plus dans mes cordes. ^^ Bambi c’est Marie-Pierre Pruvot, qui est née en Algérie en 1935, et qui fut une des premières femmes trans de notre pays. Elle fut connue comme une meneuse de revue et danseuse de cabaret, mais elle a surtout été enseignante et autrice une bonne partie de sa vie.

La compagnie du théâtre de l’Estrade crée des œuvres qui sont autant de supports de médiation culturelle avec des lycéens, et donc c’est une démarche de fond assez différente des processus de création plus conventionnels. En revanche l’intérêt manifeste là est de proposer des opportunités de travaux avec des lycées de la région sur le sujet de la tolérance et plus globalement de la diversité sexuelle et de genre. Donc l’œuvre présentée est à la fois une proposition de la compagnie, mais aussi un outil de travail pédagogique, et la résultante des échanges avec les élèves, et aussi des interactions avec Marie-Pierre Pruvot.

L’idée c’était de reprendre le roman autobiographique de Bambi qui s’intitule « Marie parce que c’est joli », et qui rend compte chronologiquement des étapes importantes de la vie de l’artiste. Ainsi, on suit différentes saynètes qui nous montrent les moments charnières de sa vie, depuis son enfance, puis adolescence et vie adulte jusqu’à la transition de genre et au-delà avec notamment le passage au cabaret, chapitre après chapitre du livre. La mise en scène est très dynamique et enlevée, et j’ai aimé que ce soit si vivant et syncopé.

Le recours à des vidéos et des écrans secondaires sont aussi de chouettes ajouts qui aident à la compréhension, et donnent aussi beaucoup de peps à la mise en scène. Après je regrette un peu que l’écran déporté (qui était une bonne idée) ne soit que peu utilisé (très bien vu en revanche pour la scène du confessionnal), et devienne un peu un gadget. Mais on a aussi une musique très présente et tout cela rend le spectacle vraiment agréable et fluide.

La volonté est clairement de se concentrer sur la vie de Bambi, mais en la rendant la plus universelle possible. J’ai regretté justement que ça ne soit pas plus « daté » et « référencé », mais j’ai compris que c’était manifestement conçu de cette manière à dessein (on a pu discuter en fin de spectacle lors d’un « bord de scène »), un peu comme pour 120 BPM. De même on est sur une pièce un peu trop courte à mon goût, mais je crois que c’est une forme qui devait seoir à des adolescents, donc un peu taillée aussi pour cela.

Il y a 3 comédiens et 1 comédienne sur scène, cette dernière incarnant Bambi à tous les âges, et globalement j’ai bien aimé leurs performances. Les acteurs jouent plusieurs rôles à chaque époque de l’artiste, et il y a un mélange des genres qui est très bien senti, l’un des comédiens jouant notamment la maman de Bambi, et chacun pouvant porter des talons hauts ou du maquillage. On sent bien la volonté d’ouvrir les possibles et les chakras des spectateurs.

J’ai passé un bon moment, mais j’ai trouvé que c’était une œuvre un peu limitée par son format à destination des lycéens. C’est bête car cette qualité profonde et sincère de travailler le spectacle dans un cadre pédagogique a finalement, selon moi, oblitéré sa portée potentielle. Bien sûr l’initiative est géniale, et il faut absolument la soutenir. Mais je regrette que ce travail de base très riche et intéressant n’ait pas pu servir aussi à nourrir une œuvre avec un peu plus d’ampleur et d’ambitions.

La Velu.e, cabaret queer au Cirque Électrique

Quand B. m’a proposé de me faire découvrir un show queer que je ne connaissais pas, j’ai sauté sur l’occasion. Je n’ai plus trop la possibilité d’aller voir les Paillettes sur scène ou des shows à Paris, et on essaie autant que faire ce peut d’en profiter sur Nantes. Et donc j’ai expérimenté avec une grande joie cette Velu.e pour sa 23ème édition (si j’ai bien compris, cela existe depuis 2022) au Cirque Électrique (un chapiteau polyvalent à deux pas de la porte des Lilas).

On est dans un événement assez classique et qui mixe shows de drag, performances et burlesque, avec une pincée de tombola drôle et stupide et une présentation plein d’humour et de sass par Üghett. Les copines Loki et Fabisounours sont aussi de la partie et de l’organisation, ce qui était très cool de les revoir dans ce contexte (la dernière fois, c’était à notre soirée de départ de Paris il y a trois ans).

Le premier numéro était assez spectaculaire avec l’apparition d’une vraie créature qui a plus ou moins l’apparence d’une drag mais qui va au-delà du genre traditionnel. C’était très très cool avec un Pingo Speed qui se donne à fond et qui met un petit grain de folie très salutaire dans une performance corporelle assez saisissante. Il est revenu une seconde fois avec un autre accoutrement impressionnant et très architectural, tout en montrant son corps à chaque fois avec quelques codes du burlesque.

Il y avait aussi Charly Broutille qui est une artiste burlesque mais qui là a plutôt proposé un tour de chant très humoristique, tout en gardant ce truc de sassiness (que je traduirais par insolence, impertinence, espièglerie ce champs lexical là mais sans bien trouver le bon mot) que je trouve toujours irrésistible chez les effeuilleuses burlesque (et la mise en valeur de son corps était incroyable et géniale).

Ensuite, j’ai tout de suite pensé à nos performers drag King et Queer de Nantes avec Monsieur Confiture. C’est un personnage très attachant et énigmatique, et qui a une voix assez incroyable. Il a chanté avec beaucoup de talent, d’émotion et dans une mise en scène qui a véritablement uni toute l’audience dans une même vibration.

Et enfin, Veida Shimmy avec deux numéros de drag assez classique mais très bien exécutés.

Cela fait un bien fou de voir du spectacle vivant et aussi vivifiant, avec un public qui est très réactif, et soutient avec bienveillance et une sincère mansuétude ses coreligionnaires queer. J’aime bien que l’ensemble soit un peu bancal et parfois hésitant, ça ne rend l’ensemble que plus attachant et chouette. Bon bah maintenant je vais vouloir venir sur Paris pour voir les autres dates !! ^^

Paloma au pluriElles à la Cité des Congrès de Nantes

Je ne savais pas trop ce que j’allais voir avec ce show de Paloma, mais j’aimais beaucoup cette gagnante de la première saison de Drag Race France. Je m’attendais à un mélange de numéros d’humour et un peu de « drag », mais pas du tout. Il s’agit vraiment d’un spectacle d’une humoriste, une humoriste qui est également une Drag Queen, et ce n’est pas non plus du stand-up à la Mado, mais plutôt un enchainement de saynètes où Paloma incarne des personnages (elle l’a fait brièvement à la télévision apparemment, mais je n’ai pas vu ça ^^ ).

Cela m’a un peu fait penser aux incarnations de Foresti chez Ruquier à la télé, il y a quelques années (oui bon, presque vingt quoi, hu hu). Donc tout ce que je dis là pourrait un peu faire « bof ». Surtout que je reconnais une petite frustration de ne pas avoir de robes, de maquillage ou de paillettes pour faire un peu plus « drag ». Néanmoins, j’ai ressenti tout sauf de la déception, parce que le show est remarquablement écrit, et surtout interprété à la perfection, et avec une artiste terriblement impliquée dans son exécution.

Paloma aka Hugo Bardin débarque dans le public, et elle instillera un peu de stand-up et de drag dans cette manière subtile d’inclure le public, et aussi de lancer un peu de « shade » et de « roast » ou de « reading« . Mais tout cela est simplement saupoudré dans une série de scènes où elle incarne des femmes qui nous racontent des histoires, des histoires qui nous font beaucoup rire. La drag n’est encore une fois pas oubliée avec des tenus très sculpturales et des silhouettes de magazine Vogue des années 30.

Mais tout cela est secondaire, car ce qui est bien là ce sont les énormes blagues qui font mouche toutes les trente secondes. Et justement comme on n’est pas dans une forme très singulière ou originale, c’est le fait que les textes sont vraiment très bons, et qu’elle les sort avec un talent fou qui a spontanément provoqué l’hilarité de toute la salle pendant deux bonnes heures. Le personnage de la directrice de casting m’a vraiment beaucoup fait rire, mais les autres également, et j’ai vraiment ri de bon cœur pendant une bonne partie du show.

On voit surtout à quel point, on a une artiste hyper pro devant nous, et qui se donne complètement sur la scène.

La fin du spectacle où elle se démaquille en quelques secondes, et se montre presque à nu, en tout cas de perruque et maquillage, est très intense. On la sent au plus timide et peu confiante que jamais, et lorsque les applaudissements explosent et que les gens se lèvent, elle montre une surprise et une émotion qui seraient difficilement feintes.

C’était vraiment une très belle surprise donc, au-delà de mes attentes implicites donc. Et je retournerai la voir avec plaisir, car il y a de quoi encore développer ses personnages et ces histoires !