L’amour ouf (Gilles Lellouche)

Je me suis fait niquer en beauté avec la bande annonce et les trois millions d’entrées, je me suis dit que ça devait valoir le coup d’œil au moins. Je n’ai pas pensé à lire les critiques, et j’ai au moins été rassuré de voir que je ne suis pas le seul à trouver ce film indigent. Pourtant j’y allais avec vachement d’entrain, et en me disant que j’allais au moins avoir deux comédiens que j’aime bien, Adèle Exarchopoulos et François Civil, dans une chouette histoire d’amour.

Bon… par quoi commencer ? Bah déjà c’est très très long, beaucoup trop long, le truc prend son temps, ce qui pourrait être une qualité, mais là c’est pour ne rien raconter de spécial. Le scénario tient sur un timbre poste, et le film paraît être un patchwork d’inspirations qui ne parvient jamais à se fixer sur un objectif ou un fil rouge. Donc déjà on a deux parties qui sont très distinctes, et la première partie qui ressemble à une introduction pour mieux comprendre la suite. Mais en fait non, la première partie dure mille ans, et elle raconte la genèse de cet « amour ouf » entre les deux héros, entre les années 80 et 90.

Alors le point positif c’est que les deux acteurs qui incarnent la petite Jackie et le petit Clotaire sont plutôt mignons et touchants, et pas trop mauvais (surtout lui). Mais tout le reste est terriblement raté et naze. Avec déjà un premier truc qui m’a énormément gêné. On montre le jeune Clotaire comme un voyou prolo qui va crescendo dans la violence et devient de plus en plus malfrat. Mais tout cela est illustré par un mélange de scènes de harcèlement où il insulte tout le monde, vole ou dégrade des trucs, et en même temps des images de grandes libertés et joie de vivre sous forme de s’accrocher à un train en marche ou conduire une mobylette sans casque.

On a vraiment toute cette mythologie des années 80, et le film développe un truc masculiniste et patriarcal complètement moisi. Et avec cela, le bullying est presque montré comme un truc cool, comme de conduire sans casque. En plus tout ça, les prolos n’ont vraiment pas le choix d’être des losers qui deviennent des loubards. Mais au moins ils sont cool, alors que les bourges sont ridicules et absolument pas enviables. Le sous-texte de tout le film est vraiment terriblement bancal et maladroit. Malgré tout, les décors et les costumes ou coiffures sont vraiment très bien « années 80 » et j’imagine que ce sera un truc un peu nostalgique pour certains, mais au-delà de ça, je ne vois aucun intérêt.

Et alors, ça dure, ça dure… Et ça ne fait que raconter deux petits ados qui tombent amoureux, et le gars qui devient de plus en plus racaille et violent. Bon ok, mais quoi d’autre ? Bah plein de trucs inutiles, avec grands renforts de musiques hyper pompiers, de zoom en avant, de zoom en arrière, et de scène de danse. Il y a presque un côté Danny Boyle mais sans le talent, juste une idée similaire mais mal fait et mal exécuté, avec des ficelles beaucoup trop grosses.

Clotaire déconne à fond, et finit par faire 10 ans de prison, et on se retrouve pour la seconde partie à sa sortie. Et là, on se dit que ça va peut-être partir sur un truc un peu violent et sur une thématique de revanche (il s’est fait avoir et a porté le chapeau pour un meurtre), mais même le côté Tarantino fait un four. Il y a un accident de voiture foutraque, et Jean-Pascal Zadi qui se retrouve le side-kick noir et faire valoir comique… En fait, c’est un film avec tous les codes des années 80, écrit comme à l’époque, et donc porteur de tous les stigmates de l’époque mais super bien assumés comme des regrets implicites ou une nostalgie chelou.

Et là encore, on a des scènes avec des plans ridicules… Dans l’église notamment avec Poelvoorde qui voit François Civil comme le tueur de son fils, ou lorsque Clotaire et Jackie se retrouve avec un travelling désopilant sur elle, ou encore le moment Top Gun avec des baisers torrides sur un coucher de soleil. C’est juste du mauvais cinéma, avec beaucoup trop de moyens ! Et c’est quoi cette histoire d’amour ? Mais on n’y croit pas !! C’est beaucoup moins fort que lors de la première partie. Et accrochez-vous, François Civil a écrit 457 mots avec un dictionnaire en prison qui lui font penser à Adèle Exarchopoulos, et ils sont sur un papier et il va les lui lire. Nan mais sérieux ????

Après je vois bien que ce sont de bons comédiens, mais ils sont très mal dirigés, et malgré quelques scènes sympas avec Alain Chabat ou Elodie Bouchez, bah c’est très mal écrit et c’est naze. La morale est absolument putride, et le film démarre plein de trucs sans jamais sérieusement s’y mettre.

Vice-versa 2

Vice-versa1 a été un vrai événement à sa sortie, comme pas mal de Pixar d’ailleurs, mais le studio n’a vraiment plus autant le vent en poupe. Et pourtant parfois les suites de film fonctionnent super bien (voire très très bien et ils ont même réussi le 4ème ces filous). Là on est dans une suite réussie c’est indéniable, mais ce n’est pas aussi bon que ça aurait pu l’être.

Le premier opus était fou car il introduisait cette notion d’émotions personnalisées et nous montrait une belle allégorie bordélique de l’intérieur d’un esprit d’un enfant (dans lequel on pouvait tous s’identifier). Ce qui était brillant c’était le subtil glissement vers la dépression de la gamine et une histoire vraiment intéressante, émouvante et surprenante.

Là avec cette suite, on est dans un truc de bonne facture, mais plutôt « facile » et assez attendu. Pour la suite, on rajoute « plus » d’émotions et donc de nouveaux personnages qui débarquent (ce qui va produire un choc entre les anciens et les nouveaux), on parle d’adolescence car tout le monde peut s’identifier, il y a des trucs marrants à montrer, et on se remet dans une période charnière où une des émotions « Anxiété » va prendre le dessus.

Franchement sur le papier, ça fonctionne. Et au cinéma aussi, c’est pas mal du tout. Surtout qu’on a de supers doubleurs, y compris le personnage « Ennui » (en français dans la version originale), et qui est doublé par Adèle The Queen Exarchopoulos en mode totalement ado blasé et désabusé : so French (elle dit plein de trucs en français et c’est super marrant). La peinture du passage de la puberté est aussi plutôt bien fichue, et je pense que ça pourra même aider à expliquer le phénomène à des enfants et/ou des parents (qui l’aurait oublié ^^ ).

Mais on n’a plus la surprise du premier, et les apports sont juste un petit « plus » sans fournir une nouvelle expérience en réalité. Il y a bien quelques incursions drôles des émotions des parents face à leur fille qui change, mais ce ne sont que des clins d’œil, où pour moi il y avait une super matière à exploiter. Et l’adolescence, même si le thème de l’anxiété est majeur, ce n’est pas aussi dingue que de traiter la dépression chez un enfant.

Ma plus grande déception (mais je m’en remettrai ^^ ), c’est l’absence de Bing Bong, qui était un personnage qui m’avait beaucoup marqué dans le premier opus. Certes il disparaissait dans Vice-versa, mais j’aurais vraiment aimé le retrouver, et il y avait la place pour cela plutôt que d’autres inventions un peu moyenne à mon avis (Bloofy et Pouchy). De même, le coffre-fort et ses secrets, du plus « crush » de jeux-vidéos au « dark » dont on ne saura pas grand chose, auraient pu être un peu plus creusés pour essayer de donner un peu plus de substance à l’intrigue « intérieure ».

Je fais ma fine bouche, mais j’ai passé un bon moment. Ce n’est juste pas la réinvention, le rebond ou la suite transcendante que ça aurait pu être pour moi.

  1. Vu en 2015, mais il fait partie de ces articles de ma liste « rattrapage » en cours de rédaction. ^^ ↩︎

Le Règne animal

Je savais bien que j’allais voir un film fantastique français, mais j’imaginais que l’aspect fantastique sera un peu caché pour économiser sur les effets spéciaux, et que le côté français proposerait une métaphore bien intello et capillotractée pour expliquer la fibre fantastique. C’était cool de se tromper, et d’avoir un vrai film fantastique de très bonne facture, et avec des effets spéciaux et des maquillages de grande qualité, et donc très présents, visibles et assumés dans la narration. Et finalement une histoire qui est certes « à la française » mais qui embrasse parfaitement ce contexte singulier et « fantastique ».

Mais surtout quel bonheur d’avoir Romain Duris et Paul Kircher qui sont vraiment sublimes du début à la fin. Et Romain Duris vraiment m’a épaté, avec son jeu si authentique et attachant, et son personnage qui interroge aussi son rapport à sa famille, et à la société toute entière.

Il s’agit plus d’un film d’anticipation, donc plutôt à notre époque, et dans lequel les gens sont de plus en plus atteints de mutations qui les font évoluer peu à peu vers des « animaux ». Ainsi certains se transforment en ours, en chiens, en oiseaux ou autres bestioles. Mais le processus est lent et irréversible et super douloureux avec des corps qui évoluent en se transformant physiquement avec tout ce que sa implique sur l’ossature, la pilosité ou autres changements encore plus spectaculaires. Il y a aussi un changement moral et intellectuel, avec une transformation animale, et une sorte d’abandon progressif de l’esprit humain. Tout cela est considéré comme une maladie, et les malades sont isolés dans des centres hospitaliers.

La femme de Romain Duris est malade, et hospitalisée. Elle est déplacée dans un centre dans les Landes, et Romain Duris et son fils y déménagent pour la suivre et être proche d’elle dans le cadre de sa thérapie. Sur la route, le transport médical subit un accident, et tous les patients en cours de mutation se retrouvent en pleine forêt landaise. La police et l’armée tentent de les récupérer, et Romain Duris et Paul Kircher se lancent à leur tour pour essayer de retrouver leur femme/mère.

Paul Kircher a du mal à se faire à sa nouvelle vie et école, mais il fait quelques rencontres. Rapidement il réalise surtout qu’il est lui-même en train d’initier sa propre mutation vers un animal, et il se transforme peu à peu.

L’histoire est finalement assez simple, et l’écriture même est assez classique, mais si le film est si bien c’est parce que c’est remarquablement filmé, et tenus par des acteurs hors pair. Et là on retrouve la qualité du film français, il y a un charme incroyable dans ces plans, et dans la manière dont les relations humaines sont montrées. La relation père-fils est très belle et émouvante, et on ne peut être insensible à cet homme qui perd coup sur coup sa femme et son fils dans leurs transformations immuables, et un retour à la nature en conséquence.

J’ai aussi beaucoup aimé l’exemple de l’homme-oiseau et son apprentissage, tout cela aurait pu être ridicule mais ça ne l’est absolument jamais. Au contraire, les aspects fantastiques de ces bestioles, dignes de l’île du Docteur Moreau, sont toujours touchants et un peu effrayants. Et finalement, je m’attendais à une histoire métaphorique un peu comme dans « The Lobster » (film que j’affectionne beaucoup) et ce n’est pas tout à fait cela, c’est à la fois une histoire fantastique beaucoup plus littérale, et en même temps on ne peut s’empêcher de chercher des liens avec l’émancipation, le rapport à l’animal ou la vie en société.

Donc c’est un film qui se tient super bien, qui surfe sans problème sur sa thématique fantastique de base, mais qui propose avant tout une magnifique intrigue familiale et intime. L’évolution de Paul Kircher est remarquablement interprétée par ce jeune homme qui apparaît drôlement doué. Scène après scène, on voit dans son physique, sa manière de parler ou ses expressions que des choses sont en train de changer, de le changer. Et le film n’est pas chiant du tout, il est au contraire passionnant, bien rythmé, et donne ses lettres de noblesse au cinéma bien de chez nous. Pourvu qu’on en ait plein d’autres comme ça !!!