Arco (Ugo Bienvenu)

Ce film d’animation est sans doute une démonstration du meilleur de la créativité européenne, car c’est techniquement irréprochable, merveilleux sur le plan artistique et créatif, mais aussi carrément bien négocié et original sur le plan narratif ! Et tout cela en n’étant pas dans une fibre Disney ou Hollywood gnangnan, et pas non plus dans une œuvre inaccessible aux enfants. C’est vraiment un super film pour toute la famille, comme on dit, et qui enfin surprend, émerveille, fait rire et émeut, presque sans erreur de parcours. Sacrée prouesse !

C’est donc l’histoire d’Arco qui est un gamin qui vient d’un futur lointain, un futur dans lequel on vit sur des plateformes dans les nuages, qui reposent sur des piliers car la montée des eaux et les diverses catastrophes naturelles ont mis en péril la vie à la surface. Arco vit peinard avec sa sœur et ses parents, et ces derniers reviennent tout juste d’un voyage dans le temps (celui des dinosaures) pour aller récupérer des spécimens de plantes qui vont leur être utiles. Car avec leurs tenues arc-en-ciel, et un diamant qui diffracte la lumière sur leur capuche, ils peuvent non seulement planer dans les airs mais aussi se déplacer dans le temps en faisant de magnifiques trainées dans le ciel !! Arco est encore trop petit pour les voyages temporels, et il est dég car il veut absolument voir un vrai dinosaure. Alors dans la nuit, il pique la tenue de sa sœur, et il se lance dans le vide pour faire un petit voyage chez des dinos, ni vu ni connu.

Mais bien sûr, il n’y arrive pas. Et malgré un vol plané approximatif et quelques jolis arcs-en-ciel, il atterrit avec pertes et fracas sur la Terre en 2075. La Terre en 2075 montre encore une vie à la surface, mais avec des maisons qui sont protégées par des vraies cloches en verre pour se protéger des intempéries qui détruisent la nature, et même d’incendies dévastateurs.

Il perd son diamant dans la forêt, et il est trouvé inconscient par la petite Iris qui le récupère pour le soigner chez elle. Les deux enfants deviennent potes, et Iris aide Arco à trouver un moyen pour rentrer chez lui. Mais ça ne va pas être simple, les parents d’Iris sont loin pour leur boulot, mais un robot humanoïde, Miki, est là pour s’occuper d’elle et son petit frère. Et trois étranges bonhommes assortis étaient à l’affût des arcs-en-ciel, ils ont repéré le vol inaugural raté d’Arco, et ont réussi à récupérer le diamant !

Tous les ingrédients sont là avec un scénario SF très sympa et plutôt élaboré, avec pas mal de surprises et de révélations jusqu’à la toute fin du film. Mais on a aussi des scènes assez drôles avec le trio « chasseur de trainées multicolores », et l’émouvante relation entre Iris et Arco, mais également celle avec son petit camarade Clifford, ses parents ou le robot Miki, sont vraiment bien racontées, avec subtilité et de manière originale.

Après les inspirations sont assez clairement du côté de Miyazaki sur le merveilleux et le mélange des genres, également aussi sur la DA impeccable et des efforts notables sur la richesse des décors et des paysages. Et clairement sur le thème musical majeur de l’envol avec les rais multicolores, on est vraiment de manière très appuyée sur les mouvements très lyriques de « la légende d’Ashitaka » de Mononoke. Mais là où la patte française est reconnaissable, c’est qu’on y voit aussi du Mars Express et carrément du René Laloux.

Et c’est là aussi où on voit les limites de cette french touch, parce que c’est assez caricatural qu’on garde cette manière très peu naturelle de doubler les personnages. Et pourquoi tous les dessins animés français doivent-ils ressembler aux Mondes Engloutis !!! Après ce n’est pas une mauvaise référence, mais cela donne tout de même pas mal de trucs un chouïa bancals ou maladroits.

C’est une toute petite remarque contrastée sur une œuvre globalement très réussie, et qui, je l’espère, trouvera son public en salle. Et c’est aussi un film qui mérite d’être vu en salle pour profiter du grand écran et de la musique, car c’est vraiment très très beau. Et quel talent donc pour de l’animation françaiiiiiise môssieur !!! ^^

Flow

Après le Dreamworks bien classique mais chouette malgré un côté trop sage et neuneu pour moi, on a là un film qui sort vraiment de l’ordinaire !! Imaginez donc un film d’animation de 1h35 sans un seul humain, et qu’avec des animaux qui ne pipent (donc) pas un mot. 1h35 de miaulements, d’aboiements et autres caquetages, grognements et cris de bestioles diverses et variées, et une nature un brin hostile qui s’exprime principalement par une mystérieuse montée des eaux.

On suit donc un chat dans une nature totalement déshumanisée, où les animaux évoluent et survivent contre des terres de plus en plus submergées. Le chat en question va finir par croiser d’autres bestioles et ils vont même squatter et piloter un bateau vers des habitats devenus plus ou moins lacustres. Un groupe hétéroclite mais super attachant se forme avec notre minou (adorable et insupportable comme un bon chatounet), accompagné d’un capybara facétieux et généreux, un labrador évidemment trop cool et un peu pataud, un lémurien très humain et un serpentaire (j’ai l’habitude d’utiliser leur nom vernaculaire, mais en réalité c’est un messager sagittaire) impressionnant et très charismatique.

Il ne faut pas s’attendre à une histoire très prosaïque, et on est parfois carrément dans un récit plus fantasmagorique ou onirique, avec quelques passages qui laisseraient même songeurs ou pantois. Mais c’est follement « européen » et vraiment cool. Pour moi, ça a en tout cas super bien fonctionné. On ne s’emmerde pas une seconde, car l’action est plutôt soutenue, le monde est immense et superbe, et les animaux très bien animés. Et il y a tellement de surprises et de péripéties, qu’on est plutôt accroché à cette curieuse narration. On aura en plus aucune explication sur cet univers, ces animaux ou l’absence des humains, et les étranges restes de civilisation qui se noient progressivement.

Techniquement c’est marrant car ce n’est absolument pas le nec plus ultra de l’animation, mais que c’est justement complètement assumé et embrassé, et même utilisé pour faire fonctionner une direction artistique singulière qui marche du feu de dieu. Donc les textures sont très belles, même si y’a pas un nombre de polygones dingos, et un rendu parfois faiblard, mais on est dans un rendu très esthétique et arty, proche d’Arcane, qui augure vraiment d’une vraie convergence entre l’approche animation « images de synthèse » et celle du jeu vidéo. Mais surtout ce qui est très notable et hyper efficace, c’est la réalisation.

Tout a été produit dans Blender (un outil de modélisation 3D open source), ce qui est un peu fou-fou, et le réalisateur, Gints Zilbalodis (qui est letton), a juste fait créer un immense espace 3D dans lequel il a placé ses caméras. Vraiment cela fait penser à un jeu vidéo, et j’y retrouve des vibes de Flower pour le côté contemplatif zen et virevoltant, ou Stray pour l’œil à hauteur de chat. Et surtout on a beaucoup de plans séquences avec une vision subjective très fluide et dynamique. La mise en scène est vraiment originale tout en ayant permis au réalisateur de bosser sans storyboard.

Les animaux sont formidablement bien modélisés et animés, mais aussi bruités, et on glousse beaucoup avec les gimmicks du chat, des chiens ou du capybara. Le choix d’avoir ces animaux domestiques qu’on connaît si bien, et un exotique comme le lémurien, une curiosité qui ne doit pas être connu de tant de monde comme le capybara (même si ce sont parmi les plus chouettes animaux du monde qui fleurissent dans les mèmes des Internets), et l’extraordinaire serpentaire dont je suis persuadé que la plupart des gens ignorent l’existence d’une telle bestiole.

Et donc c’est étrange à certains égards, mais toujours très beau et poétique, et super palpitant car le monde part en couille dans la flotte. Et puis il y a ce lien singulier entre ces animaux si différents, et ça touche de manière aussi universelle que le film, qui ne possède pas une seule parole humaine, donc vous pouvez le voir en VO sans sous-titre. ^^

Le bouche à oreille est excellent, et je suis persuadé que plein de mômes vont adorer ce truc !!

Le Robot Sauvage

J’avais lu que c’était « mieux que WALL-E », mais non il ne faut pas exagérer. Mon petit WALL-E n’est pas encore détrôné ! On est plutôt dans un mélange de ce dernier, de Baymax, du Géant de Fer et des robots de Laputa pour le design. Donc plutôt de bonnes références, et au final un film d’animation de bonne qualité. Mais ça reste très très enfantin, malgré de curieuses, et bienvenues, incursions d’un humour un peu morbide et décalé.

Un robot de service aux humains est échoué à cause d’un typhon sur une île sauvage. Le·a robot·e (quel est son genre ? ^^ ) se lie avec les animaux, et devient accidentellement la maman d’un oison qui vient d’éclore. Son rôle est alors d’élever l’oie pour qu’elle réussisse à se nourrir, nager et voler pour rejoindre la prochaine migration. Evidemment la conquête des animaux de l’île n’est pas évidente et se frotte à d’abord de l’incompréhension et une certaine animosité. ^^ Et l’oison doit subir l’opprobre de ses semblables alors qu’il se comporte en imitant sa maman robote. Hu hu hu.

Bref, le truc est relativement cousu de fil blanc, et un chouïa trop dégoulinant pour moi, mais c’est le film familial parfait. Et il a pour lui d’être d’une beauté époustouflante (sauf pour la partie citadine qui manque un peu de relief et de détails) avec un style très particulier et flamboyant pour les espaces naturels. C’est plein de jolis et bons sentiments, mais l’action est plutôt soutenue, et il y a comme je disais ces quelques accents humoristiques qui rendent l’œuvre assez attachante.

Je m’attendais à un truc un peu plus adulte, mais ça se regarde très bien !

Scavengers Reign (HBO Max)

L’avantage de toutes ces nouvelles boites de streaming ou ces anciennes boites qui se mettent au streaming, c’est qu’elles produisent des kyrielles de nouveaux trucs, et que pour se différencier elles vont jusqu’à produire des trucs niches, des trucs dingues, des trucs pour avoir un succès critique et émerger, et pas forcément coller aux normes classiques. HBO a été à l’origine des meilleures séries de l’Univers Connu, mais alors HBO Max a vraiment produit des pépites géniales ces dernières années. Et là, c’est tout à fait le genre de production d’une originalité folle et à 180° de tout ce qu’on voit couramment.

Il s’agit d’une série d’animation de Science-Fiction, et c’est un petit bonheur aussi bien dans l’histoire, les personnages ou la direction artistique. On y reconnaît clairement des inspirations du côté de René Laloux et des Maîtres du temps. Et d’ailleurs comme c’était aussi une inspiration pour Mars Express, on y trouve aussi clairement des échos. Mais au-delà de cela, et des décors qui font diablement penser à l’imagination d’un Jean Giraud (Moebius), c’est l’étrangeté de la planète Vesta qui tape dans le mille. Vous n’avez jamais jamais jamais vu des trucs comme cela. Cela dépasse l’entendement et l’imagination la plus dingue par certains moments.

Le Cargo Demeter 227 subit un accident dû à certains choix maladroits et quelques personnes arrivent à se propulser dans des navettes de secours sur une une planète voisine : Vesta.

On suit les pérégrinations d’un poignée de ces survivants qui tentent de subsister, et qui essaient de retrouver la trace du Demeter qui s’est crashé sur la planète à son tour. La planète est plus qu’inhospitalière avec des plantes, des animaux, des champignons, des minéraux et un mélange de tout cela qui sont juste mortels, et pas qu’un peu. Etonnamment dans ce terrible bestiaire, on trouve aussi quelques bestioles sentientes, mais alors parfois plus terribles que des créatures monstrueuses, qui feraient d’Alien un petit chat mignon.

Parmi les personnes arrivées sur Vesta, il y a Kamen qui se sent immensément coupable pour tout ce qui s’est passé, et qui est un scientifique de l’expédition. Il est désespérément seul sur la planète, et fait la rencontre de bestioles très curieuses qui semblent douées de télékinésie mais aussi de certains pouvoirs télépathiques, voire plus que cela.

Il y a Azi qui est seule mais pas vraiment seule puisqu’elle est avec un androïde, Levi, qui l’accompagne et la sort aussi de pas mal de mauvais pas. Ce dernier subit aussi de drôles de choses, assez inattendues pour un robot, avec des espèces de colonisations de champignons qui lui font subir des mutations électroniques assez dingues.

Enfin, deux rescapés sont en duo, même s’ils ne se connaissaient pas avant. Il s’agit de Sam et Ursula. Les deux vont subir de sacrées aventures, et faire le plein de rencontres flippantes !!

Les épisodes sont assez lents et mutiques au début, et il faut un peu s’accrocher, mais j’ai rapidement été complètement happé par cet univers génial. Les décors sont fabuleux et très détaillés, un peu comme dans Nausicaä, et il y a ce contraste drôle et terrible avec des scènes carrément gore et impressionnantes. On a en plus des flash-backs qui ajoutent une dimension plus romanesque et une narration plus classique à la série.

Bref, il faut voir ce truc là, car c’est tellement chelou que je ne suis pas certain qu’on puisse avoir une saison de plus. Hu hu hu. Mais ça valait le coup et ça restera pour moi dans les annales de la SF.

Mars Express

Cela faisait longtemps que je n’avais pas vu un aussi bon petit film de SF, et que ce soit de l’animation française est la cerise sur le gâteau ! Cela m’a tout de suite rappelé la série Lastman que j’avais dévorée il y a quelques années, et évidemment il s’agit en réalité du même créateur. Donc la filiation est assez évidente et c’est pour le mieux, car on n’est pas dans la qualité de rendu, de fluidité ou de finesse la plus dingue, mais le style est là et il est irréprochable. L’animation reste très propre, et la direction artistique est vraiment d’une qualité supérieure. Le dessin est super créatif, et le film fourmille d’idées géniales très « françaises » (selon moi ^^ ).

Le scénario est assez classique, mais fonctionne super bien. Et c’est peut-être un peu la fin qui est curieuse, mais qui après coup, est d’une grande originalité puisque les méchants, littéralement le grand Capital, gagnent haut la main. Hu hu hu.

Nous sommes en 2200, et la vie humaine est bien développée sur Mars où l’on vit même dans de meilleures conditions que sur Terre. Le monde est techniquement très développé, et les humains cohabitent avec plusieurs formes de robots : IA, cyborgs, androïdes, humains augmentés etc. Il y a même une nouvelle forme de robots à base de créatures biologiques génétiquement élaborées (« Gilbert » et « Jeanine »1 dans le film, mouahahahahaha). Aline Ruby, une détective privée et son acolyte, Carlos Rivera, qui est un androïde « sauvegardé »2, enquêtent sur des morts suspectes qui gravitent autour d’une importante entreprise de robotique. On va découvrir un complot beaucoup plus massif qui remet en question la nature même de la cohabitation entre les humains et tous les êtres synthétiques.

L’animation est excellente, mais surtout la fibre SF est de très bonne facture, avec des inventions d’anticipation qui sont crédibles et bien foutues, des scènes d’action très convaincantes et rythmées, et qui tiennent en haleine du début à la fin. C’est cool de voir un film français de SF aussi bien fait et tout à fait au niveau d’une production hollywoodienne, avec ce petit supplément d’âme qui en fait un film qui sort de l’ordinaire.

  1. Jeanine ressemble vraiment à un navigateur de 3ème échelon de la Guilde Spatiale. ↩︎
  2. C’est à dire qu’il est un humain décédé qui avait enregistré sa personnalité, et qui a été répliqué dans un robot. ↩︎