NTO × Sofiane Pamart present : Forever Friends (Phantom)

J’allais écrire que j’étais un vieux de la vieille de l’électro, mais c’est ridicule, car on trouve toujours des générations précédentes et suivantes d’un courant artistique quelconque. L’électro c’est un peu plus délicat, car on a beau trouvé des antécédents, il y a une limite tout de même dans l’invention même de l’électronique qui n’est pas si ancienne. Huhuhu.

Donc si mon père était un féru de Vangelis (tiens cela me rappelle cette histoire d’ailleurs !) ou Jean-Michel Jarre, et que j’ai été abreuvé de ces nappes électros dès mon jeune âge, moi ce sont les années 90, lors de ma vingtaine, qui m’ont touché ! De Carl Cox à Manu le Malin en passant par Laurent Garnier, j’ai été complètement happé par la house et la techno des années 90 (et mon éclectisme légendaire m’a fait aimer beaucoup de courants différents). J’ai fréquenté les free parties des forêts d’Île de France, et il me fallait une sacrée jeunesse pour tenir le coup sans rien gober1. ^^

Le gros de cette période est passée pour moi, mais j’en garde une certaine assuétude pour la musique électronique. Et ces dernières années, j’ai vraiment accroché à NTO. Cet Anthony Favier (1985), qui a une page Wikipédia seulement en Allemand ( ^^ ), est un DJ et créateur/producteur de musique électronique en pleine ascension depuis son album Apnea en 2021. Et là il s’associe au pianiste Sofiane Pamart (qui lui a une page en français) pour un tout nouvel album : Forever Friends.

J’ai bien aimé ce mélange qui rappelle des trucs comme le célébrissime Children de Robert Miles (1995). Mais c’est assez casse-gueule comme assemblage, car ça peut aussi vite faire Rondò Veneziano. Mouahahahahahah. Et là c’est vraiment réussi avec une production particulièrement qualitative et des accords très harmonieux entre le piano et les nappes électroniques.

Loyalty – NTO + Sofiane Pamart

Mais il y a aussi des collaborations où le côté dansant reprend sur le côté tripant, et ça rend vraiment super bien. C’est un peu la raison pour laquelle, j’avais très très très envie d’écouter cela en live avec un public et une bonne acoustique.

Bagarre – NTO + Sofiane Pamart

En revanche, c’est très drôle car quand j’ai pris les places, je n’ai vraiment pas fait gaffe. J’ai cru que c’était un concert à Bercy standard, et je n’ai réalisé qu’il y a peu de temps que c’était une vraie soirée en mode « boîte de nuit » au club « Phantom » qui se trouve en-dessous du POPB de Bercy !! Et le concert des deux artistes c’était de 1h30 à 2h30. Donc obligé de faire mon d’jeuns et de me faire une soirée en boîte comme avant.

C’était une chouette découverte que le Phantom qui est un club immense, avec un son correct et de bonnes lumières.

Le système de miroirs monte et descend et cela produit des effets d’optique sympas où le public se reflète.

Evidemment, j’ai testé le selfie via ces miroirs. ^^

Il y a d’abord eu un set très sympa de Romain Garcia qui a très bien su mettre l’ambiance et chauffer la salle pour la suite.

Et vraiment avoir l’album réinterprété en live par les deux compères, NTO et Sofiane Pamart, était une très chouette expérience. En étant complètement englobé par le son, avec l’ambiance des gens qui guinchent autour, et surtout avec NTO aux manettes, cela donnait des morceaux hyper dansants, rythmés et avec pas mal de montées qui m’ont bien plu. La complicité entre les deux est manifeste, et cela transparaissait dans le concert. Entre les stances au piano qui sont très minimalistes, et dotées d’un certain lyrismes à la Max Richter ou Wim Mertens, on a ces montées électros qui viennent cueillir ensuite tout le public.

Mais purée parlons-en du public ! Je ne suis vraiment pas habitué des soirées hétéros, et là clairement c’en était une. Et j’ai vraiment pensé aux vidéo du Tréma (Est-ce que les hétéros vont bien ?) pendant la soirée. Hu huhu.

Cela contrastait aussi pour moi avec les soirées électros qui sont pour moi pleines de gens perchés qui sourient constamment et sont très agréables. Là c’était vraiment de la viande saoule, et beaucoup moins affable. On était vraiment avec des filles qui ne sourient pas, parce que j’imagine que sinon ça attire les mecs. Et des gars qui ne sourient pas non plus, car ça doit sinon sans doute faire pédé. Et les couples avec le mec derrière et la fille devant totalement protégée par son gardien (d’ailleurs la plupart du temps, il pose ses bras autour d’elle), c’est une image que je pensais tellement « siècle dernier », mais elle est fort vivace donc. Et donc de nos jours, on a encore droit à des meufs qui s’invectivent, et leurs mecs qui commencent à se prendre la tête…

Bon, clairement ce n’est plus pour moi ces soirées de jeunes. Je le savais déjà, mais en plus les jeunes hétéros, C’EST PAS POSSIBLE2 !!

Mais bon, ça m’a convaincu de retourner malgré tout faire quelques vraies soirées électros sur Nantes, je devrais me trouver cela facilement.

  1. C’est mon truc vous savez. Je n’ai jamais pris de drogue de ma vie, y compris alcool ou cigarette. J’en ai parlé il y a vingt ans, justement en évoquant ces free parties. ↩︎
  2. Tout cela à lire avec beaucoup de dérision et de second degré évidemment. ^^ ↩︎

Madonna : The Celebration Tour (Accor Arena Bercy)

Cela ne faisait pas si longtemps entre son dernier concert et cette tournée, et j’ai encore le souvenir prégnant de cet étrange, touchant et fascinant spectacle en pleine période COVID, et où elle a éclaté en sanglots cédant à la douleur. Mais je continuais à lui faire la gueule, et à ne pas vouloir lui donner un kopeck, parce que ses performances scéniques ne sont plus vraiment à la hauteur, et ne parlons pas de la performance vocale. Mais bon, le dernier concert était proprement génial, et (oui oui) je suis capable sans problème de me contredire d’une phrase à l’autre.

Et puis il y a eu la première de la tournée, et j’ai compris que c’était « The Celebration Tour » avec une vraie rétrospective de la Reine de la Pop. Madonna en mode 1983-2023 et avec des moyens incroyables, et dans une salle pas trop grande (pas un stade, par l’Arena de La Défense)… J’ai été très tenté !! Et j’ai eu l’opportunité inattendue et géniale d’un copain qui proposait de venir avec lui car il avait une place en plus, et la personne qui l’accompagnait ne pouvait pas venir. J’ai sauté sur l’occasion !

Moi qui suis un habitué des fosses bien placées ou des places où on laisse la peau des fesses, j’ai testé la catégorie 2 de Bercy, et je n’ai aucun regret. Même si j’aurais adoré la voir d’aussi près de certains potes, j’ai pu bénéficier d’un spectacle d’une qualité incroyable, et avec cette vue globale et panoramique qui permet aussi une manière différente d’appréhender le show.

Voilà à peu près ce que ça donnait du perchoir où je me tenais. (Et encore là je zoome, car c’était plus petit en réalité.) J’ai malencontreusement oublié mon appareil photo numérique à Nantes, donc vous aurez droit à des photos de smartphone, mais j’ai fait de mon mieux, et ce n’est pas si mal. En tout cas, l’ambiance globale est donc vraiment bien illustrée, il me semble.

Madonna étant Madonna, elle est arrivée avec 1h30 de retard sur l’horaire indiqué. Et ça au moins c’est un des avantages d’être en gradins, on n’a moins mal aux pattes et au dos que lorsqu’on doit piétiner pendant des insupportables heures d’attente.

Comme j’ai beaucoup beaucoup de compliments à faire sur le concert, je vais commencer par les défauts. Le vrai seul défaut hallucinant et vraiment inadmissible c’est clairement la qualité sonore. Mein gott, ce que ça m’a fait mal aux oreilles, c’était terrible. Trop fort, inaudible à certains moments tant cela saturait certaines bandes de fréquence, une sorte de couac d’ingénierie du son et de mix incompréhensible mais à certains moments c’était presque douloureux à mes tympans. J’ai l’impression que c’était la même chose la veille, et donc je ne sais pas si ça tient aux équipements de Bercy, mais j’avais rarement eu un son aussi pourri en concert, surtout pour une star comme cela. Et d’autant plus quand on a besoin d’avoir un soin tout particulier apporté à la « mise en valeur » de la voix de la chanteuse.

Car, non ça n’a pas changé, Madonna ne chante pas bien, et ça ne s’arrange pas avec les années. Mais là au moins, on voit clairement qu’elle chante sur sa propre bande-son « live », et c’est très bien comme cela. J’approuve totalement le stratagème. Et au final, les quelques moments où on l’entend bien ne sont pas trop mauvais, et c’est en tout cas parfaitement authentique et sincère.

Petite déception tout de même sur le fait que ce soit une bande-son et pas un groupe avec des musiciens, il m’a manqué le petit côté « direct » des instruments et d’une musique « jouée sur place ». Vraiment rien d’acoustique donc, mais on bénéficie du coup de remix assez géniaux, et d’une réinterprétation de ses standards vraiment d’un très bon niveau de production. Mais ça, on ne pouvait que s’y attendre, et sans surprise ça le fait carrément.

Le dispositif scénique est faramineux et à la hauteur de la star, c’est à la fois riche et foisonnant, très moderne et à la pointe de la technique, mais ce n’est pas pour les paillettes ou cacher la misère, c’est simplement un outil imparable qui sublime l’œuvre et la carrière de Madonna. Elle est accompagnée et très visiblement du début à la fin, et c’est très beau. Que ce soit Bob The Drag Queen qui accompagne tout le show, l’introduit, le conclut et devient à un moment MC d’une ballroom scene plus vraie que nature, ou bien ses enfants qui interviennent, et les souvenirs des disparus qui hantent avec une absolue bienveillance chaque tableau du concert.

Bob est géniale, magistrale et impériale, la Drag Queen a gagné là toutes ses lettres de noblesse en haranguant une foule enragée qui veut voir sa Reine. Mais Bob c’est Bob, et ça fonctionne terriblement bien, entre hilarité et admiration sincère lorsqu’elle débarque en Marie-Antoinette toute MTVesque qui fleure bon les années 90.

Et puis, c’est Madonna qui débarque et qui est sublime et majestueuse. Nothing really matters démarre, et tout se met en place.

Ensuite, on comprend le principe c’est à chaque fois une période de sa vie et de sa carrière qui se déroule avec quelques illustrations. Mais au-delà des chansons des années 80 ou 90 qui sont une merveille à réécouter aujourd’hui, il y a bien plus que cela. Toute la scène et toute la salle se met au diapason, il y a une kyrielle de danseurs et tous sont habillés pour rappeler Madonna de l’époque, ses costumes, son style et ses coiffures iconiques sont partout. Les images, les vidéos et les effets produisent comme des flash-backs d’une redoutable efficacité et acuité, et pendant quelques minutes on est vraiment de retour en enfance (me concernant ^^ ).

Cet accompagnement permet aussi à la chanteuse de s’économiser et c’est aussi une bonne chose, car elle fait moins de cabrioles mais ce qu’elle fait elle y excelle, et elle a encore un peu de souffle pour pousser la chansonnette sans trop de dommages vocaux.

On est vraiment sur le principe assez actuel de ces shows où la scène est gigantesque et serpente dans une fosse divisée en plusieurs zones. Les gens ne verront pas tout, mais ils seront à un moment très très très proches de leur star, et ça a l’air de satisfaire tout le monde. Idem pour les gens plus éloignés qui continuent d’avoir les écrans en pis-aller, mais qui ont l’opportunité de se rapprocher de la star lorsqu’elle se perche sur une nacelle et fait le tour de la salle suspendue. Le spectacle est aussi travaillé dans sa globalité, avec des éclairages et des effets qui sont visuellement très impactant lorsqu’ils sont vus de loin et dans leur globalité.

On a aussi des rappels très marqués des anciens concerts, avec la mythique boule à facette du Confessions, et vraiment tout qui est fait pour replonger avec elle dans sa carrière, dans ce qui l’a construite comme une icone aussi importante dans nos vie culturelles et sensibles.

Les années 80 et début 90, ce sont aussi les années SIDA qui ont tué le plus le personnes, et qui l’ont laissé particulièrement meurtrie. Elle marque là un point incroyable en mettant en scène d’extraordinaires photos du AIDS Memorial dont j’ai beaucoup parlé ici. Elle défile ainsi suspendue dans ces photos ultra émouvantes de toutes ces personnes décédées, entre personnalités et quidams, et toute la salle était en choc. Une émotion à laquelle je ne m’attendais pas m’a étreint, et après avoir joué sur la nostalgie et la fête des années 80, elle fait mouche en suscitant un moment d’une beauté surprenante et d’une noirceur lacrymale peu commune.

Et ce n’est pas fini car vient Like a prayer et tout le monde chante comme un seul homme à tue-tête. Et il faut entendre tout Bercy chanter comme un seul homme ! Elle respecte presque une certaine chronologie, mais tout en donnant parfois quelques « easter eggs » ou en jetant un truc nouveau au milieu, certaines chansons en interlude sont un curieux mais très chouette amalgame de tubes qui contribuent encore à retracer la vie musicale de la chanteuse en même temps que notre propre parcours.

On la retrouve avec sa fille sur un piano, ou sur un lit dans une posture très érotique, elle n’arrête pas. Le concert propre un rythme tonitruant, il n’y a presque aucune pause, et les enchainements sont d’une rapidité impressionnante, avec même pour les interludes des raisons d’être debout, de continuer à danser, à chanter, et à… célébrer.

Et c’est vraiment cela, on fête un anniversaire, on est vraiment là pour elle. Et elle est là pour nous. Cette vieille bitch de Madonna se montre d’une générosité qu’elle n’a jamais montré avant, et elle se permet enfin d’exprimer sa vulnérabilité, sa créativité, ses facéties et aussi son amour immense d’autrui, au-delà de sa misanthropie de diva de façade.

L’autre moment qu’on attend et qui arrive avec une magnificence absolue, c’est « Vogue » et là c’est incroyable. Bob The Drag Queen est devenue MC d’un ball des années 90 à NYC, et la voilà qu’elle annonce les catégories et que les Queens de tout poil s’avancent et WERK WERK WERK. Ce moment est fabuleux car il dure longtemps, et il est savamment orchestré et chorégraphié, il est encore un de ces symboles d’une époque, c’est aussi encore un clin d’œil à la communauté LGBT et à des communautés racisées qui ont inventé le voguing qui l’a rendue, elle, si célèbre.

Les danseurs et danseuses sont d’un niveau assez fou pendant tout le show, et sont à fond dans leur rôle et dans leur « époque ». Et on retrouve vraiment tout son univers, du gothique, sombre latex et vinyle, et jusqu’aux fringants cowboys de l’Ouest. Et pour couronner encore le tout, et ne vraiment rien laisser de crypto à l’importance des queers pour elle, Madonna débarque drapée d’un drapeau LGBT+. Je ne vous dis pas les clameurs dans le public, et le soutien renouvelé de toutes les folles (littéralement) hurlantes dont je faisais fièrement partie.

On arrive un peu plus vers notre époque contemporaine, et Ray of light s’incarne littéralement dans un jeu scénique de folie à grands renforts de lasers colorés et d’un effet (très con mais) très efficace consistant à filmer et retransmettre une vidéo du dessus dans un autre « plan ». On a déjà ça à un moment au début du concert où Madonna et les danseurs sont filmés du dessus et retransmis en direct. Leur chorégraphie est assez classique de face, mais du dessus cela donne un dessin géométrique bluffant qui figure un œil qui s’ouvre et se ferme.

Là avec ce cube géant, la chanteuse est « sur le sol » mais reproduite sur toutes les faces du dé futuriste. Et ensuite, elle prend encore sa nacelle pour un dernier petit tour en tenue glitter lamée argent et lunettes de trekkie.

Et tout cela dure vraiment un temps très long, on en a clairement pour son argent, avec en plus le déluge de tubes, de show et d’énergie communicative. Et alors qu’on avait eu droit à tous les hommages et images d’Épinal de la diva de la Pop, voilà qu’arrive un inattendu duo virtuel irrésistible entre Madonna et Mickaël Jackson, avec un mash-up géant entre Billy Jean et Like a Virgin. Cela fonctionne du feu de dieu, et j’étais vraiment ému de les voir ainsi tous les deux.

Alors dans tout cela, je peux comprendre en revanche la frustration de certains (plus) jeunes qui ne sont peut-être pas spécialement férus de la Madonna des débuts. Car le show est vraiment focalisé sur l’âge d’Or des débuts, et moins sur les succès (pourtant majeurs) très dancefloor de ces dernières décennies. Et donc les références qu’elles soient dans les styles, les époques, les chansons, ou bien le ballroom ou encore le SIDA, peuvent paraître obscures ou absconses à certains. Moi-même qui suis très amateur de la Madonna des années 2000, j’ai été un peu frustré de ne pas avoir aussi droit à des trucs plus récents. En revanche, pour tous les 35-50 ans je pense que c’était un vrai bonheur de concert « madeleine de Proust ».

Le final est à l’image de celui d’un feu d’artifice, c’est la totale et ça explose dans tous les sens. Tous les danseurs et danseuses se présentent comme autant de Madonna de toutes les époques, des seins (i)coniques à Maryline, en passant par le punk ou le SM. Et Madonna est là avec son look d’aujourd’hui, tout autant avant-gardiste et hallucinant, avec Bob qui revient en Marie-Antoinette pour clore le show. La célébration s’achève dans un délire musical et chorégraphique qui n’est vraiment pas sans émotion, et ça c’est assez inédit pour un concert de Madonna.

C’est vraiment formellement et dans le fond le meilleur concert auquel j’ai pu assister, avec un un niveau de recherche et de conception très abouti, un live généreux et inventif, des effets spéciaux et des danseurs qui subliment les chansons et la carrière de l’artiste. Et puis, elle est vraiment « bien » là, à faire ce qu’elle sait faire de mieux, vieillissante mais victorieuse et glorieuse, mémérisée mais toujours moderne et actuelle, agaçante dans ses discours lénifiant mais militante et galvanisante au possible.

C’était vachement bien, purée que c’était bien !!!