En pensant à Stefan

Hier soir, abreuvés de ces émissions H24 sur la dissolution, les élections à venir, et cette atmosphère de peur dégueulasse distillée par des journalistes dont l’objectif est de nous garder en haleine nous proposant une dose constante et cyclique de dopamine pour nous accrocher1, nous avons pensé à Stefan Zweig.

Oui bon d’accord, on peut nous accuser de faire un peu de « drama », mais c’est difficile pour nous de ne pas faire un parallèle avec l’auteur autrichien qui a fui le nazisme, et qui s’est suicidé en 1942 d’un certain désespoir de ce que l’Europe était devenue. Et Nithou, avec qui je partage beaucoup de valeurs (et d’affect pour les mèmes décrivant nos angoisses existentiels sur les Internets), semble aussi y avoir pensé.

Contre ma volonté, j’ai été le témoin de la plus effroyable défaite de la raison et du plus sauvage triomphe de la brutalité qu’atteste la chronique des temps ; jamais — ce n’est aucunement avec orgueil que je le consigne, mais avec honte — une génération n’est tombée comme la nôtre d’une telle élévation spirituelle dans une telle décadence morale.

Le monde d’hier (Stefan Zweig)
  1. Et ça fonctionne puisque je critique ce truc dont je suis complètement le jouet conscient depuis quelques jours, où j’écoute en boucle les mêmes infos, les mêmes interviews, les mêmes craintes et espoirs de certains ou repoussoirs d’autres. C’est « moins pire » sur France Info, mais eux-mêmes convergent vers cette médiocrité journaleuse triste à mourir. ↩︎

Coronavicissitudes

J’ai brièvement évoqué le déficit d’assiduité de ces quelques années dans mon post des 20 ans du blog. Et je me suis promis à moi-même de remettre cela d’équerre. Oui c’est tout à fait inutile, donc c’est obligatoire et essentiel. Mon blog, depuis 2003, a toujours été pour moi un web-log c’est à dire un carnet qui liste et compile littéralement mes activités. Et l’idée ça a toujours été d’avoir la trace des films vus au cinéma, des bouquins lus, des expositions visitées et des concerts vécus.

De 2013 à 2019, quand j’ai eu une énorme flemme d’écrire (comme tous mes congénères), j’ai malgré tout noté mes brouillons d’article dans un fichier (puis une note en ligne). Au minimum, j’ai conservé la mémoire de toutes ces activités culturelles. Parfois je rattrapais, et parfois pas ! J’ai aussi sans doute dû en manquer quelques-unes, mais grosso modo j’ai la grande majorité encore sous le clavier.

Avant de rattraper ce retard sous forme d’une compilation thématique par type d’activités (je vais essayer de faire appel à ma mémoire pour des évocations très brèves), je me suis posé la question de ma productivité au cours de ces 20 dernières années. J’ai d’abord regardé la production mensuelle (nombre d’articles en ordonnée), mais ce n’était pas très explicite.

Bon, on se rend bien compte que les premières années ont été fastes, et que ça merde entre 2009 et 2019, mais ça ne traduit pas si bien que cela les tendances générales. On voit aussi toutes mes tentatives de m’y remettre, qui souvent sont marquées sur un mois ou deux avec une production exceptionnelle, avant de retomber bien bas. Mais vraiment, la vision simplement annuelle me paraît plus intéressante (toujours le nombre d’articles en ordonnée).

2003 était beaucoup plus faible que ce que j’imaginais (même si le blog a démarré en avril), mais 2004 (449 posts) et surtout 2005 (619 posts) et 2006 (615 posts) marquent le pinacle de cette aventure. Après 20 ans, je vois bien que la bonne santé du blog correspond à peu près à un post par jour (pour la partie weblog et celle un peu plus libre où je m’exprime sur d’autres sujets dont MOÂ). Et en réalité un peu moins, donc autour de 300 articles par an c’est une marche que je vise.

C’est cette vitesse de croisière qui correspond aussi à l’habitude d’écrire, et à la gymnastique essentielle à entretenir pour remettre l’ouvrage sur le métier sans trop ahaner1.

Mais que s’est-il donc passé en 2007 (480 posts) ? Certes Facebook est arrivée cette année là, et ça a été aussi une première vague côté Twitter, mais les blogs avaient encore largement le vent en poupe, et la Grande Conversion n’était pas encore dans la ligne de mire. Je vais vous dire ce qui est arrivé : le chérichou. Le Péruvien est arrivé, et baaaaam ma productivité qui se barre en couilles. Hu hu hu.

C’est simplement que j’étais très amoureux (mais je l’étais aussi avant, car je suis amoureux en continu depuis très longtemps), et qu’il lisait le blog, et pour la première fois depuis quelques années, je ne pouvais plus me permettre de me raconter comme je le faisais. En tout cas, c’était beaucoup moins croustillant et j’avais moins de plans cul à raconter quoi. Mais ça reste une activité soutenue, et 2008 (361 posts) et 2009 (314 posts) sont bien dans cette moyenne que je trouve un bon compromis entre une activité qui reste un plaisir, mais pour laquelle je fournis des efforts substantiels, et qui malgré tout ne me bouffe pas tout mon temps libre.

Mais la suite, 2010 (145), 2011 (104), 2012 (104), 2013 (147 posts2) c’est la dégringolade, et avec 2014 (17) et 2015 (5) c’est la fin des haricots. C’est le cœur de la période de fin des blogs avec un report absolument massif sur les réseaux sociaux, là où sont parties toutes les conversations, les commentaires, les échanges, et là où tout est facilité pour poster, échanger, se connecter en un clic, là où on constitue de merveilleux profils marketing de nos existences pour mieux nous faire cibler en termes publicitaires, et bien d’autres usages viciés et dévoyés. C’est aussi une convergence des usages, avec les blogueurs qui migrent sur les réseaux sociaux, et une grande et large adoption des réseaux sociaux par tout un chacun.

Cette grande faiblesse de 2014 (17 posts) et 2015 (5 posts) s’explique aussi par ces listes d’articles en brouillon qui me donnaient au moins bonne conscience, en me disant que j’avais bien le temps d’écluser ces articles pour plus tard. Finalement j’ai passé ces deux ans, à noter simplement ce que je voyais au ciné ou au théâtre, mais en n’écrivant presque rien, et en ayant de plus en plus la flemme, puis une sorte de blocage à de nouveau m’épancher en ligne. Pourtant 2014 c’était l’année de notre mariage, 2015 le voyage de noces, et évidemment les attentats qui m’ont pourtant énormément touchés.

En 2016 (116 posts), j’ai voulu me rattraper mais en réalité je n’ai blogué que sur 4 mois, à chaque fois par à-coup comme pour reprendre du poil de la bête, mais pour mieux renoncer ensuite. La suite y ressemble même si j’essaie quelques stratagèmes, notamment de poster mes photos Instagram histoire d’avoir des archives ici, et de les retrouver plus facilement. Mais la production n’est pas faramineuse. 2017 (81) et 2018 (76) sont des années de vache maigre, mais avec toujours une certaine motivation, et un espoir pour des jours meilleurs. En plus, les réseaux sociaux s’essoufflaient, tous les teubés les ont envahi, et les blogs étaient de nouveaux plébiscités sans pouvoir trouver un nouvel élan. 2019 avec seulement 26 articles aurait pu sonner le glas, mais 2020 est arrivé.

Et qu’est-ce qui est arrivé en 2020 ? Mais le confinement suite au COVID-19 dès le mois de mars bien sûr !!! On a eu pour la plupart beaucoup de temps enfermé chez nous, avec beaucoup moins de boulot, une période d’incertitude, d’angoisses existentielles et de sentiment de répétition générale de fin du monde. Et les blogs se sont remis à vivre !!! Et hop, en 2020 : 375 articles.

Bien sûr, certains sont depuis retombés en somme prolongé, et d’autres ont jeté l’éponge, mais moi ça m’a permis de reprendre une vraie hygiène de blog, à systématiser le fait de poster des photos, à m’astreindre à écrire sur ce que je vois, lis, visite, quitte à de la redite, à des trucs un peu bâclé parfois. Mais ce qui compte c’est que trois ou quatre fois par an, j’écris un truc que je trouve sympa au milieu de ce fatras.

389 articles en 2021, un peu moins en 2022 avec 168 posts, mais une bonne reprise en 2023 avec 345 posts. Je trouve que c’est un bon rythme de croisière, et j’espère bien le tenir. Après si ça foire, bah ça sera pas la première fois.

Mais j’ai toujours la foi. ^^

  1. Un peu comme le sport que je honnis de toute mon âme quoi. ^^ ↩︎
  2. Le rebond s’explique par pas mal de posts à propos de la Manif pour Tous et des manifestations en faveur du Mariage pour Tous. Quelle année singulière et mouvementée à ce sujet !! ↩︎

Complexité comparée des conjugaisons

Quand un mathématicien approche la complexité des systèmes de conjugaison de plein de langues, ça donne David Madore qui, comme à son habitude, triture le truc et en sort des tas de choses passionnantes que j’ignorais sur les langues. Enfin si, on savait déjà que le français est horriblement difficile parce qu’on peut savoir le parler sans du tout savoir l’écrire correctement. ^^

Le petit livre rouge

A l’été 2020, l’ami F. avait passé un peu de temps avec nous en Bretagne, et il promenait avec lui un curieux petit carnet rouge. Il nous l’a montré plus en détail, et il s’agissait d’un journal de bord et intime de son grand-père qui racontait jour après jour son expérience en Allemagne dans le cadre du STO. F. commençait déjà à décrypter la petite écriture manuscrite de son aïeul pour la retranscrire dans un document informatique. Et voilà qu’il a lancé un passionnant blog qui va publier tous les jours les textes qui correspondent au même jour à 80 ans près.

Samedi 1er janvier 1944, mon grand-père commence son STO dans le 3ème Reich. Il durera jusqu’à la fin de la guerre.
À son départ en 2009, il me laisse un petit livre rouge où chaque jour, il a gravé ses souvenirs d’une écriture minuscule.

Le petit livre rouge

Une forme de certitude

Je crois que c’est là, encore, que tu parles du manque des 25 et 26 novembre, un manque qui, dis-tu, n’est pas une forme d’amour, mais le simple signe d’une habitude.

J’ai beau attendre une forme de certitude, de celles qui font avancer, de celles qui font regarder demain comme si demain était déjà là, j’ai beau attendre ça, je me satisfais de nous, puisque nous sommes là, bien là. Là et donc dans une autre forme de certitude : je n’attends rien du peu – du pas assez – que tu me donnes.

Je ne sais pas en quoi ce que nous sommes va se transformer, on peut simplement deviner quand, sans savoir exactement quand : ton départ, puisqu’il adviendra, un jour, pour un autre peut-être ou pour un ailleurs sûrement. Je me résous donc à ce que tu sois là sans y être vraiment, cela donne une chance à d’autres possibles pour moi, pas forcément plus réalistes, pas forcément mieux que nous. Nullement je les cherche ; je les laisse advenir. Et toi, les cherches-tu encore ?

Journal d’Arnaud Rodriguez du Mercredi 6 décembre 2023.

Moukmouk de Pohénégamouk

C’est via un post Instagram de Sacripanne que j’apprends la disparition du blogueur Moukmouk de Pohénégamouk. Il écrivait des articles complètement dingues et poétiques, et avec une fixette sur le grand nord canadien et ses paysages de glace ou sa faune des calottes arctiques, ses grands fleuves, ses baleines, ses phoques ou ses ours. Il évoquait aussi des tas de patronymes inuites ou du moins c’est l’impression euphonique que cela me procurait.

Je l’avais cité il y a quelques années à propos d’un texte qui m’avait particulièrement plu. Je ne connais presque rien de lui, mais vraiment rien, juste ses textes, et ce nom tellement étrange que vous le retenez dès la première lecture. A part l’île Moukmouk ou la ville de Pohénégamook (obtenu à grand renfort de gouglages bien évidemment), je n’avais pas beaucoup d’indices. Je me suis souvent demandé si c’était quelqu’un qui était vraiment dans des contrées nordiques, ou si c’était des souvenirs, ou complètement inventés comme le Douanier Rousseau qui peignait selon des cartes postales des paysages exotiques faisant penser qu’il avait vraiment voyagé aux confins exotiques et tropicaux du monde.

J’ai aussi pensé à un moment que c’était une invention d’une copine des blogs, je ne sais pas pourquoi, je pense que c’est parce que je percevais ses accointances avec certaines dans les colonnes de commentaires. J’ai d’abord justement pensé que c’était Sacripanne qui s’amusait à écrire des contes imaginaires derrière cette façade givrée et aquatique. Après j’ai été persuadé que c’était Samantdi pour à peu près les mêmes raisons et facéties d’autrice. ^^

J’ai lâché l’affaire bien sûr, parce que ce n’était pas si important d’avoir ce fin mot. Et je réalise aujourd’hui que même si le post d’Anne a levé le voile au moins sur le fait que c’était une personne à part entière, le mystère reste complet. Il reste ces lignes merveilleuses qui perdureront au moins quelques temps, et puis s’en iront sans doute dans les limbes des Internets, et resteront quelques temps en plus archivés par une des petites merveilles des débuts de la toile, parmi les modestes 867 milliards de pages ouvertes à la libre consultation. ^^

[Edit du 23/11/2023] Anne a publié un bel article pour évoquer le blogueur en question sur le blog de ce dernier, et son carnet est en réalité hébergé par elle, donc il restera en ligne à priori très longtemps. C’est une bonne chose, ça me fait plaisir.

Folie textuelle

Oh mais que j’aime cet article de Sacrip’Anne !! Je suis intrigué par un post si beau et mystérieux, mais j’attends la suite. ^^

A cet instant précis et très étrange de ma vie où je m’interroge sur l’immense place qu’ont eu les mots pour moi, mais aussi sur une forme de désir inabouti, je trace des lignes entre les points et je me dis que finalement, ces mots, ces histoires, lues, ou à l’écriture plus ou moins ébauchées, intimes ou publics, racontant la vie réelle ou des vies imaginées, c’était l’un des plus forts actes d’amour que je connaisse.

L’acte d’amour ultime de Sacrip’Anne

Mythes et bons conseils pour cuisiner œufs, riz et pâtes

Funambuline a fait un super article qui reprend toutes les légendes urbaines, et donnent les conseils ultimes, qu’on ose pas demander, pour savoir préparer des trucs cons et basiques comme les œufs, les pâtes et le riz ! Indispensable. J’ai appris bien trop de choses. Hu hu hu. ^^