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Le blog a 22 ans, hop hop. Et donc je vous montre une photo de moi au même âge. Hu hu hu. C’est un de mes grands souvenirs de 1998. J’étais parisien depuis quelques mois seulement, et je vivais de grandes aventures, amoureuses surtout je dois l’avouer. Cette photo, c’est une copine qui l’avait prise en soirée (c’était de l’argentique évidemment, donc je l’ai découverte plusieurs semaines plus tard) alors que je venais de me faire larguer par téléphone (un 5110 de Nokia évidemment) depuis le balcon. J’étais rerentré chez ma cops, la musique battait son plein, la salle était pleine de rires et d’une alacrité toute vingtenaire.

Je me suis donné deux secondes de répit, juste deux secondes pour m’apitoyer sur mon sort et revendiquer d’être très malheureux. Et puis je savais dès la fin du coup de fil, que je ne pouvais pas donner plus de tribut à ce qui venait de se passer, car les conseils de Marc-Aurèle étaient déjà bien ancrés en moi. Elle a pris son cliché à l’autre bout de la pièce, puis j’ai respiré un bon coup et j’ai relevé la tête. J’ai souri, j’ai fait la fête.

Et c’est ce même soir que j’ai rencontré mon ami Diego, comme quoi chaque soirée est importante et on ne peut jamais savoir qui on va rencontrer, et qui va changer notre vie. ^^

En ce moment, comme je l’ai dit j’ai du mal à bloguer, je suis turlupiné par l’actualité (chez nous comme outre-Atlantique) comme tout un chacun, et je préfère laisser passer du temps plutôt que de réagir trop allergiquement aux choses. Bon, il me reste toujours les couchers de soleil, me direz-vous ? Mais oui, je ne renie pas mes assuétudes, d’ailleurs tiens celui de ce soir du balcon nantais est bien joli après une journée complète de grisailles et de pluie.

Dans le cadre du boulot notamment, mais pas que, je vois l’IA qui arrive partout, de tous les côtés. Et cela me fascine autant que ça me fait peur. Je vois très concrètement le vrai remplacement, comme on l’a sans doute vu dans la robotisation des usines il y a des années de cela. Et c’est indéniable, implacable, d’une logique parfaitement capitaliste : le truc fait aussi bien, voire mieux, pour moins cher ou en tout cas pour des coûts non humains, beaucoup moins chiants à gérer quoi.

Donc j’ai du mal à comprendre les antis un peu aveuglés qui disent que c’est de la merde en pointant les quelques faiblesses, très temporaires au vu des améliorations exponentielles de ces machins, alors qu’on peut tellement critiquer la consommation énergétique afférente ou bien la manière odieuse avec laquelle ces modèles ont été entrainés. Mais la consommation, tout le monde s’en fout, et je vois le green washing le plus affreux à ce sujet. Tant qu’on reste dans un modèle capitaliste aussi implacable, de toute façon on ne peut que s’emparer de ce truc tentaculaire beaucoup trop tentant pour gagner l’illusion d’une productivité ou d’une marge bénéficiaire. Illusion parce que c’est en réalité de la destruction (en ce moment plutôt de l’extraction) de valeur pure à l’échelle de notre modèle économique. Et on détruit plus vite, que nous ne sommes capables (pour le moment) de créer de la valeur en contrepoids, y compris avec ces technologies là.

Et pourtant ces technologies sont géniales. Et j’ai du mal à accueillir les critiques qui expliquent que le cerveau des gens rétrécit et que l’IA devient une béquille qui abêtit les gens, même si c’est vrai et déjà prouvé scientifiquement. Mais c’est déjà le cas avec le mobile, avant avec Internet et l’ordinateur, alors on revient en arrière, mais à quelle étape ? C’est trop facile de critiquer une étape ultérieure parce qu’elle nous déstabilise, et de rester dans le conservatisme qui rassure.

Et ce sont aussi les technologies qui vont nous permettre des merveilles… aussi belles que des horreurs qui continueront encore à nous polariser plus. J’ai beaucoup aimé l’article de The Verge qui explique que le plan de Trump est exactement ce qui est indiqué quand on demande un plan « tariff » aux IA, et les commentateurs sagaces de se demander « mais est-ce que vraiment ils ont utilisé des IA (ce qui serait terrible, on est déjà avec Skynet) ou bien ils sont aussi cons que ce qu’un modèle statistique peut prédire de manière générique (ce qui n’est pas rassurant non plus) ? »

Et même les critiques autour de la ghiblisation sont étranges. On dirait ma mère qui me disait « ooooh tu vas sur Internet et tu parles à des *gens* » avec un bel air de dégoût. Et puis c’est ridicule de remettre des citations de Miyazaki de 2016 à l’époque où l’IA produisait des montres humanoïdes qui se traînaient au sol… Et je suis circonspect aussi par rapport à ce qui est analogue à un filtre comme on en trouve depuis des années, mais qui sont aussi des sortes d’inspiration d’un style. Même si cela ne remet absolument pas en question la méthode d’origine : le vol. (J’ai lu un bon article à ce propos aujourd’hui.) Mais ça n’empêche que les métiers de l’écriture, du graphisme, de l’animation ou du cinéma sont tous en péril. La création ne va pourtant pas disparaître, mais elle va clairement diminuer et se raréfier pour certains domaines.

Donc je suis le cul entre deux chaises, car je ne suis pas pour, mais pas contre non plus…

Bref, 22 ans de blog. ^^

Dernièrement je me disais aussi que c’était fou mais que j’avais quelques morceaux de musique qui sont complètement impossibles à trouver. Un peu comme si on trouvait dans un grenier un vieux cylindre en ozokérite, moi j’ai des mp3 qui traînent dans des disques durs. Je pense en particulier à ce génial morceau de Crame qui vient d’une radioblog de Freaky(doll). C’est vous dire si ça date. Je le poste là pour la postérité.

Premier Juillet – Brigitte Fontaine Vs Black Strobe

Conclusion :

*Edit du 04/04/2025* :

Je souscris beaucoup à cette notule de La Grange :

Linkedin vient de se transformer en quelques heures en une incessante série d’images de Studio Ghibli réalisées par la nouvelle version d’openAI. Certains se réjouissent. Certains se scandalisent. Pendant ce temps, le pouvoir capitaliste se frotte les mains. Le problème n’est pas qu’un LLM soit entraîné sur des images. Le problème qui le fait, dans quel but et avec quel pouvoir de dissémination. Il est question là non pas de redistribution du pouvoir, mais bien de sa condensation extrême dans les mains de quelques uns.

L’ironie en revanche de l’opprobre qui se déroule ces jours-ci vient de l’attaque sur un symbole sacré, déifié de l’animation et également une entreprise commerciale et capitaliste qui franchise l’image de ses dessins en parc à thème, en vendant des figurines, des objets, des livres avec l’imagerie des films produits.

Studio Ghibli has reported a remarkable 43% increase in net profit for the fiscal year ending March 2024, with profits reaching 4.907 billion yen, up from 3.43 billion yen in the previous fiscal year. […] In October of the previous year, Nippon Television acquired 470 shares, equivalent to 42.3% of the voting rights, from various individual shareholders, effectively making Studio Ghibli a subsidiary. — Studio Ghibli Reports 43% Surge in Net Profit for FY 2024. 19 juillet 2024

Tout le monde s’offusque. Quand il s’agit en revanche d’un artiste indépendant, on entend moins de bruit. Il n’y a pas de copyright dans la mode, ni dans la cuisine, chacun est libre de reproduire le vêtement d’une autre marque. Ce qui est fortement protégé est le logo et tout le monde s’en porte beaucoup mieux. Cette possibilité de copier, détourner, réinventer librement ce que les autres ont fait.
Pour ce qui est de l’internet, ce n’est pas la première fois que l’on voit une lever de boucliers contre l’exploitation massive du contenu. Il y a eu l’existence du Web tout simplement au tout début. Et puis les systèmes d’archives en ligne. Il y a eu napster et autres. Il y a eu Google et les quotidiens, etc. etc. Tout cela arrive en cycle régulier, aujourd’hui, il s’agit de l’IA.

Non, ce qui pue, ce n’est pas l’exploitation massive des autres. Ce qui pue, c’est le principe d’asphyxie du système capitaliste qui étouffe les autres et qui ne permet surtout pas aux autres de réaliser ce qu’ils font eux-mêmes. Les artistes ne feront pas moins d’argent pour la plupart à cause des gens qui utilisent l’IA pour créer des images à mettre sur leur site de promo. Ces gens là n’auraient de toutes façons pas acheter plus de travail artistique. Il y a une métaphore de l’allumeur de réverbères ici.
Les questions sur la capacité d’existence du peintre, du musicien, de l’écrivain, du couturier, du potier, du développeur opensource sont bien antérieures à l’arrivée de l’IA.

En France en 2023, plus de 1,3 milliard d’euros ont été investis dans la production cinématographique française. Comment sont financés les films français ? Quels sont les rôles du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), des producteurs, des télévisions et des plateformes ? Qu’est-ce que l’exception culturelle française ? [Canal+ est le plus gros investisseur du cinéma français avec 600 millions d’euros investis par an (il représente 70 % du financement par les chaînes de TV). Netflix arrive juste derrière avec 200 millions d’euros par an.] — Décryptage. Le financement du cinéma. Vie Publique. 4 juin 2024.

Le cinéma a longtemps été protégé face à la télévision par des règles strictes. L’arrivée de Canal+ dans le paysage audiovisuel dans les années 80 a été en partie possible grâce à l’investissement de l’opérateur dans la production cinématographique. En gros, si vous voulez montrer des films en exclusivité ou rapidement à la TV, vous devez investir dans l’industrie du cinéma. Et cela a marché jusqu’au point où Canal+ est devenu un des empires du cinéma.

Est-ce qu’il y a quelque chose à apprendre ici ou à réinterpréter en permettant à ces compagnies tech de réinvestir très fortement dans la création artistique. Cela ne règle pas tous les problèmes. Le cinéma indépendant, les petits artistes avaient des problèmes avant Canal+ et ils ont encore des problèmes pour la plupart après Canal+, mais au moins, il y a une forme de retour.

le monde flottant (carnet de La Grange)

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J’ai complètement oublié, comme souvent, l’anniversaire du blog (le 3 avril), mais bon mieux vaut tard que jamais. ^^ J’ai retrouvé cette photo marrante faite dans l’appartement d’un copain avant qu’il rénove, on pouvait tout trasher en toute impunité. Il y avait toujours des gens pour parler du blog (des blogs) à cette époque (antédiluvienne).

Il y en a (beaucoup) moins aujourd’hui, mais je m’amuse beaucoup à écrire des articles et à les diffuser sur les Internets en sachant que je peux m’exprimer sur à peu près n’importe quel sujet. Car quoi que j’écrive, même sur une thématique complètement casse-gueule, je m’adresse dorénavant à des gens qui lisent. Or en majorité on ne lit plus, on regarde les deux premières lignes d’un texte ou d’un article de presse, on parcourt rapidement quelques paragraphes, et on jette un coup d’œil sur la conclusion si cela ne nécessite pas de trop scroller.

Mais c’est fou car les blogs ont été cette ouverture incroyable pour des millions de gens qui avaient envie de s’exprimer par écrit, et qui furent1 lus par des millions d’autres curieux. Et on écrivait des pages et des pages et des pages, et des gens avaient enfin une quantité astronomique de contenus à lire gratuitement, dans toutes les langues de la Terre, et sur absolument tous les sujets.

Mais à mesure de l’appropriation de cette nouvelle forme de consommation par des sociétés publicitaires (car c’est vraiment tout ce dont il s’agit), les formats se sont raccourcis et transformés, et l’illusion des communautés en ligne (qui ne sont qu’un support pratique, et dont le canal de communication multidirectionnel est généré directement par les utilisateurs qui travaillent gratuitement pour cela) a permis le plus beau ciblage marketing et une merveilleuse cannibalisation du fameux temps de cerveau disponible.

Bon après, il ne faut pas non plus noircir le tableau. Certes l’attention moyenne a dû drastiquement chuter (j’en suis la première victime), et 98% de cette attention changeante et filante est mangée par ces supports publicitaires (que sont les réseaux sociaux, mais aussi les journaux en ligne ou n’importe quel site internet en apparence gratuit), mais Wikipédia est toujours là, Mastodon n’a pas l’air de se porter si mal même si c’est une toute petite niche (mais que j’aime vraiment beaucoup). Les gens continuent à développer en mode collaboratif des logiciels libres, et moi à héberger mon piti blog WordPress2.

Illustration générée par Intelligence Artificielle de l’expression « Pectus est quod disertos facit en style médiéval avec des chats ».
  1. J’avais juste super envie de vous coller un passé simple. ^^ ↩︎
  2. Je remarque d’ailleurs que la plupart des blogs que je suis ne sont plus auto-hébergés, mais aussi proposés gratuitement par des plateformes, et donc encore avec des blogueurs qui génèrent gratuitement du contenu publicitaire. ^^ ↩︎

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Bon bah voilà, on y est. Je n’ai pas toujours été assidu, et d’ailleurs j’ai une centaine d’articles de retard entre 2012 et 2015, que j’ai toujours l’espoir de poster un jour (sans doute sous une forme de résumé bâclé mais me permettant d’avoir mon web-log complet et fiable), mais j’ai toujours été là. Les réseaux sociaux nous ont rendu obsolète avant de nous voir mourir à petit feu, mais étrangement on est toujours là. Soit parce que nous avons retourné notre veste et investi ces mêmes réseaux, soit parce qu’on fait tout ça à la fois, ou parce qu’il y a un attrait totalement désuet à ranimer cette ancienne forme de communication, ce truc mégalo et narcissique qui étale son égo sans une once de honte ou de remords.

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