Anatomie d’une chute (Justine Triet)

Cela fait tellement de bien de voir un excellent film français, et en plus une palme d’Or à Cannes. Un film vraiment accessible en plus, pas intello ou abscons, juste un sacré bon film !! Parfaitement filmé et monté, merveilleusement joué (par Sandra Hüller et Milo Machado Graner), c’est vraiment chouette que Justine Triet soit ainsi célébrée, avec une œuvre qui a autant de mérites.

Le film est certes français mais a une veine très internationale puisque l’héroïne, Sandra, est une allemande qui a vécu à Londres, et a rencontré et épousé un français, Samuel, qu’elle a suivi dans la région grenobloise. Ils communiquent en anglais, et ils ont un enfant de dix ans, Daniel qui est non-voyant. Les deux sont écrivains, mais elle a réussi, et lui beaucoup moins. Et un jour qu’elle est interviewée par une thésarde sur son œuvre, son mari se jette par la fenêtre de leur chalet. Le film est donc littéralement l’anatomie de cette chute là, mortelle et mystérieuse.

Sandra est rapidement soupçonnée, et elle fait appel à un ami avocat pour la défendre. Le film devient rapidement un film de procès, et continue à être brillant et très soutenu dans son rythme (ce qui est une vraie prouesse). J’imagine que c’est par proximité de titre mais j’ai pensé à ce film d’Otto Preminger que j’adore : « Anatomy of a murder » (Autopsie d’un meurtre) qui est aussi un film de procès avec un génial James Stewart.

On a rarement l’occasion d’avoir de grands films de procès français, et finalement on connaît très peu le système juridique de chez nous. Je crois que celui qui est ma référence est « Les inconnus dans la maison » de 1942 avec Raimu et un tout jeune Mouloudji. On s’attend toujours à des objections et des 5ème amendement ou à des voir dire, mais évidemment pas en France où on se surprend d’avoir un avocat général qui est interrompu par la défense ou des injonctions de la juge qui interpellent. En tout cas, c’était aussi très plaisant d’avoir l’occasion de voir notre propre système.

On suit d’abord une femme qui se retrouve accusée par un faisceau de preuves, puis surtout un embrouillamini de clichés et de préjugés, et c’est le pur film de tribunal avec des joutes plus ou moins réussies des magistrats ou des avocats, des témoins ou experts qui donnent envie de se révolter, et puis quelques retournements de situation bien venus.

Ce qui est passionnant et une des grandes qualités de ce long-métrage selon moi, c’est l’habileté de l’autrice d’avoir alterné autant de thématiques différentes, tout en gardant ce fil de l’enquête et du thriller. Car au-delà de ces scènes au tribunal, on y voit une histoire d’amour passionnelle destructrice, des relations filiales, un examen parfois gênant de l’intimité d’un couple au bord de la rupture, deux créateurs déchirés par leur propres hubris, et encore d’autres subtilités vraiment bien senties.

Je ne comprends pas comment on ne l’envoie pas aux oscars car il est à moitié en langue anglaise, et il a une portée universelle assez belle. C’est à la fois super français, avec tout le charme du cinéma français tel qu’on peut le concevoir dans ses clichés à l’étranger, mais vraiment pas chiant, avec une super intrigue et des comédiens parfaits.

Le Livre des solutions (Michel Gondry)

Cela démarrait pas trop mal comme film, avec un Pierre Niney super en forme et plus versatile et sautillant que jamais. Le film est une belle mise en abîme d’un Michel Gondry qui se dépeint, et l’idée est plutôt cool. Le problème c’est que l’histoire tient sur un timbre-poste, et qu’elle n’est qu’une répétition de différentes scènes avec Pierre Niney qui pète des boulons et fait n’importe quoi.

La première fois c’est cool et ça peut prêter à sourire, la seconde on comprend que le problème est récurent, la troisième on se dit ok c’est une maladie, et après la dixième saynète maniacodépressive ou bipolaire, bah oui bon d’accord mais bof quoi. C’est surtout que le propos du film en tant que tel n’avance pas des masses, qu’il n’y a pas non plus le sujet de la santé mentale qui est spécialement développé, et qu’on finit par s’emmerder.

Mais heureusement Pierre Niney est sensationnel, et il permet qu’on s’accroche tout de même jusqu’au bout. De même Blanche Gardin ou Françoise Lebrun sont excellentes, et toutes ces bonnes petites choses sauvent tout de même l’ensemble, qui garde un grand charme tel que Gondry peut diffuser par son talent intrinsèque. Mais ça n’en fait pas un truc immanquable non plus.