Vingt Dieux (Louise Courvoisier)

C’est un petit film qui fait parler de lui, et c’est vraiment justifié et bien mérité. Il faut aller voir ce premier long métrage de Louise Courvoisier, qui déjà formellement est drôlement bien construit et filmé pour une première œuvre. Comme beaucoup de jeunes cinéastes, elle puise dans ses propres racines (elle est de Cressia dans le Jura, le pays du Comté, et c’est tourné dans le coin), et comme on est sur une distribution avec des comédiens non professionnels, on a vraiment ce côté petit film jurassien qui fleure bon le comté avec l’accent du terroir en sus.

Et j’ai vraiment cru que ce n’était que cela, mais pas du tout. Enfin, oui mais non !! L’histoire est celle de Totone (surnom d’Anthony, et excellent Clément Faveau) qui est un jeune un peu loser qui vit avec son père et sa petite sœur. Il a ses deux potes, tout aussi rustauds et vaguement paumés, avec qui il se bourre la gueule et fait du stock-car dans la cambrousse. Mais un soir de bal, alors qu’il intime son père à rentrer chez eux car il est saoul, ce dernier se plante en voiture et décède. Le jeune gars se retrouve avec sa petite sœur à charge, et doit tenter de subsister. Un ami de son père lui propose de reprendre le boulot consistant à bosser pour une fromagerie de Comté, une fruitière. C’est comme cela que Totone découvre qu’on peut gagner 30 000€ si on remporte le prix du meilleur comté. Il a un vieux chaudron chez lui, et avec ses potes, il va essayer de tout faire pour fabriquer son fromage et devenir un champion.

Dit comme ça, ça fait tellement feel good movie à la con, mais absolument pas. Et pourtant ça pourrait en être la définition, sauf que c’est admirablement filmé et joué avec une authenticité et une nature qui emportent complètement l’adhésion. D’ailleurs, la réalisatrice joue clairement sur la force intérieure et la nature profonde de ses acteurs et actrices, on n’est pas vraiment sur de la composition, mais ça donne une puissance d’interprétation, en plus de quelques maladresses touchantes, qui est vraiment folle.

Et ce ne sont ni des héros, ni des anti-héros, on est juste dans un récit à la fois original, singulier dans les faits, mais assez banal dans les personnalités et les péripéties. Mais il y a ces accents à couper au couteau chez des petits jeunes qui ont quelque chose de très attachants. J’ai notamment beaucoup aimé aussi Maiwène Barthelemy qui a un rôle assez casse-gueule, mais qui est crédible et vraiment très convaincante. Il y a aussi Mathis Bernard qui montre un physique de jeune premier à la beauté insolente qu’on trouverait chez un Gus Van Sant ou un Larry Clark.

Le film fonctionne particulièrement parce qu’il ne se termine pas comme on pourrait le penser, pas comme Hollywood nous l’aurait pensé en tout cas. Et ça le rend vrai et intense, ça lui redonne une beauté assez troublante, et on reste à la fois avec beaucoup d’espoir dans un beau récit initiatique et décoiffant, mais sans verser dans le niais ou l’improbable.

J’espère qu’il fera un joli bout de chemin dans les salles, et que le bouche à oreille sera bon, car c’est du très bon cinéma de chez nous ! ^^