La cage au folles (théâtre du Châtelet)

J’ai pris des places en lisant de très bonnes critiques, et piqué par la curiosité d’une adaptation actuelle d’une telle œuvre : est-ce que la bouffonnerie moqueuse (et malgré tout extrêmement drôle) est devenu un « rions avec » plutôt qu’un « rions de », voire un truc un peu queer et modernisé ? Mais vraiment je n’avais rien lu de spécial, donc j’ai même découvert que le rôle titre était tenu par Laurent Lafitte en arrivant, ou que l’adaptation était d’Olivier Py. Donc vraiment, c’était la pure découverte !

A vrai dire, j’ignorais également que l’hymne LGBT I am what I am de Gloria Gaynor venait de cette comédie musicale (totalement béotien le gars ^^ ). Et c’est donc le thème qui revient pendant toute l’œuvre, ce qui fait qu’on a toujours un rappel mélodique très agréable et familier. C’est une production du théâtre du Châtelet, on peut donc aussi compter sur quelque chose de vraiment au poil et bien léché techniquement parlant, il y a des moyens et ça se voit ! D’ailleurs ce qui est le plus probant est sans doute ce décor gigantesque et tournant sur lui-même qui montre la devanture du cabaret, la Cage aux Folles, et qui pivote ensuite sur une belle scène de cabaret avec escalier monumental et lumières hollywoodiennes (un petit côté revue du Paradis Latin), mais aussi sur les loges sur 3 niveaux, ou l’appartement à la déco kitsch et gay du couple Albin/Georges. L’ensemble de la scène est occupé sur plusieurs étages, et l’occupation de l’espace est très bien fichue et assez impressionnante.

Il y a également du monde sur scène, avec les deux héros évidemment, mais aussi la troupe du cabaret qui forme un chœur de folles danseuses à plumes (plutôt que des travestis, on est sur des « girls »), et cela donne des numéros de groupe assez jolis et bien troussés.

Mais voilà le problème, ce que j’ai aimé, ça s’arrête là… Et c’est principalement parce que dès les premières minutes, j’ai été décontenancé par les choix artistiques ou d’adaptation, et que c’est reste en moi comme un « choc déceptif » pendant tout le spectacle. Et je suis ressorti hyper triste de cet état de fait, autant d’ailleurs parce que je voyais bien à quel point j’étais à contre-courant de la presse ou de la salle, à la fois hilare et applaudissant à tout rompre. Mais bon, je reste droit dans mes bottes. ^^

Evidemment l’histoire reste la même, et je ne pensais vraiment pas à une réécriture. D’ailleurs, autant c’était un problème dans la Cage aux Folles était la seule représentation « gay » pour mes parents quand j’étais gamin. Et donc le film a été un énorme problème sur la manière dont la caricature a été érigée en modèle unique, et a institutionnalisé la follophobie de la société avec le clown-folle en figure de proue. Mais aujourd’hui, il passe mieux parce qu’il est carrément « vintage » et qu’il est au milieu de tant d’autres choses. Donc je trouve qu’il se revoit très bien comme la comédie de la fin des années 70 avec d’anciennes valeurs et représentations, et on peut même voir avec un œil positif le couple représenté et la conclusion du film tout en tendresse pour eux.

En outre, Michel Serrault était un merveilleux Albin, et il fallait qu’il soit lui-même très très folle pour réussir à incarner comme cela Zaza ou avec la même trempe hilarante un assez peu viril Jules César1.

Mais nous sommes en 2025, et la comédie musicale avait déjà opté pour une approche un peu moins gauloise et misant plus sur l’acceptation de la diversité des relations amoureuses, donc soit on modernise, soit on date carrément le truc et on joue sur la reconstitution d’époque. Et là, je n’ai pas compris que l’on soit sur une représentation aussi datée et surtout avec un straight-gaze (et Olivier Py est aussi pédé que moi hein, et ce n’est pas un planqué) aussi manifeste (pour moi en tout cas).

Dès le début, et c’est un vrai choix artistique je trouve, on est sur un cabaret qui s’ouvre avec des travestis qui ont l’air de travestis en effet. C’est à dire l’idée que se font les hétéros des travestis, donc on doit voir que ce sont des mecs avec des perruques et du maquillage. Parce que les perruques ne sont pas très belles, et le maquillage très basique, et alors avec Laurent Lafitte en Albin c’est encore pire. On est vraiment sur le mec hétéro grimé. Et tout son jeu est comme cela selon moi, il singe, il mimique, il est clownesque. Il est exactement comme le mec hétéro beauf au bureau qui fait la folle en imitant le mec de la com un peu trop sensible.

Je pensais que ce serait plus sur une acception plus actuelle et moderne des cabarets comme Madame Arthur ou simplement même comme les shows drags qui sont légions aujourd’hui. Il y a tellement d’artistes drag qui auraient été géniales pour incarner les danseuses ou Albin. Et je m’attendais à vraiment cette nouvelle représentation, avec des maquillages incroyables et des apparences de créatures féminines qui dépassent l’entendement. Là non, on est toujours dans la moquerie du mec qui joue les divas, et c’est pour provoquer le même genre de rire, celui des hétéros. Alors ok, c’est un rire plus gentil et sympathique, il y a plus de commisérations sans doute, mais c’est à peu près identique aux rires gras des publics du théâtre de boulevard de 1978. Et ça, ça m’est resté au travers de la gorge.

Toutes les blagues de Lafitte lorsqu’il est dans le public m’ont fait juste roulé les yeux jusqu’au ciel. Cela sonne tellement faux, tellement Michou des années 70, et pourtant il y a des références qui se veulent plus modernes. Par exemple, c’était une bonne idée de mettre les futurs beaux-parents du fils en chantres de la manif pour tous, plutôt que de simple conservateurs. Mais alors, je ne comprends vraiment plus l’intrigue avec le fils qui cherche à faire se rencontrer ces personnes avec ses parents qu’il aime et qui sont clairement un couple de pédés. Et ne parlons pas de la dissonance du figurant avec son t-shirt Act-Up qui apparaît comme un cheveu dans la soupe. Le truc invisible pour tout un chacun, et qui interpelle quelques initiés, mais pour dire quoi ? On est dans les années combien en fait ?

L’adaptation était l’occasion de rendre ça vraiment moderne et queer, et d’avoir des représentations de folles d’aujourd’hui, car elles sont toujours là les folles, et elles peuvent toujours faire rire, mais on ne rit plus d’elles ! Elles peuvent être les plus belles et gracieuses des girls à plumes. Au lieu de cela, c’est un spectacle pataud qui joue vraiment encore sur les représentations d’antan, ou au mieux sur une vision aznavourienne du « comme ils disent ».

Et puis Laurent Lafitte chante très mal, et ça nuit carrément à la comédie musicale. Vocalement, même si Georges (Damien Bigourdan) essaie tant bien que mal de rattraper le coup, l’ensemble est assez faiblard selon moi, et en tout cas bien en dessous de productions anglosaxonnes vu au Châtelet. Même du côté des numéros de danse, et malgré l’énergie et les jolis costumes, ce n’est pas au niveau d’un show de cabaret, et surtout pas d’un show de Broadway.

Alors je ne sais pas si c’est ma frustration initiale qui m’a rendu l’ensemble aussi peu rutilant (c’est possible, je le reconnais), mais pour moi c’est un truc pour les CE et les clubs du troisième âge qui adoreront rire du monsieur qui fait la folle.

J’ai conscience d’avoir lu des critiques diamétralement opposées et de plein de pédés sur les réseaux sociaux ou même dans Têtu. Donc c’est peut-être moi qui suis devenu un terrible wokiste qui ne pense que non binaire et queer. Les messages de la comédie musicale qui se veulent justement très militants sont peut-être justement très utiles pour l’édification des masses, mais servis comme cela, ils ont pour moi un arrière-goût plutôt amère. Un peu comme un type avec une black face qui ferait un discours antiraciste…

  1. Dans le film de Jean Yanne : Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ (1982). ↩︎

Wicked (partie 2)

J’y allais un peu frileux après avoir vu quelques témoignages de déception sur les réseaux sociaux, avec notamment des longueurs, moins de chansons marquantes, et une intrigue un peu chaotique. Mais moi ça m’a vraiment encore bien plu. Même si je reconnais quelques maladresses, mais principalement liées à la difficulté inhérente à l’exercice de tuilage entre les histoires (avec celle du Magicien d’Oz donc), et quelques longueurs (mais je soupçonne que c’est comme pour la comédie musicale), je trouve que l’histoire est vraiment très belle et j’ai été agréablement surpris par la trame des personnages principaux.

On est sur un second « acte » de comédie musicale, donc je n’étais pas étonné que l’on soit moins dans des envolées lyriques, et aussi que l’on subisse quelques longueurs (je ne sais pas pourquoi mais les comédies musicales sont toujours un peu chiantes en seconde partie après l’entracte). Malgré tout, on replonge facilement et agréablement dans le monde d’Oz, et on reprend une année après les événements de la dernière fois. Nous avons donc une vision à peu près conforme au film de 39 avec une méchante sorcière de l’ouest au visage vert et une gentille fée Glinda, toujours souriante et amène, dans un pays d’Oz toujours en proie à la ségrégation (envers les animaux notamment) et à un pouvoir corrompu.

Petit à petit, le scénario va se mettre en place avec l’arrivée de Dorothy, la genèse attendue des personnages secondaires avec le Lion peureux, l’Homme de fer-blanc (qui cherche un cœur) et l’Épouvantail (qui n’a pas de cerveau). Mais surtout on suit toujours les deux amies, dont je pensais qu’elles deviendraient ennemies dans une vision assez manichéenne, et j’ai beaucoup aimé le traitement de leur relation et la complexité des émotions qui s’en dégagent. Car Elphaba et Glinda restent en réalité très liées, et vraiment entichée amicalement l’une de l’autre jusqu’au dénouement.

C’est sans doute la facture globale du film qui m’épate, on est dans une qualité hollywoodienne qui n’existe plus, j’ai l’impression, pour ce genre de blockbuster. Et c’est donc très plaisant de renouer avec des gros budgets qui se voient vraiment ! Aussi les images sont magnifiques, et on ne lésine pas sur les effets, mais la réalisation est également léchée, et on a de super bonnes comédiennes et comédiens qui délivrent une prestation à la hauteur des enjeux.

Malgré tout, il y a en effet quelques longueurs, mais je n’ai pas non plus regardé ma montre (même si la fin n’en finit pas, ce qui m’agace toujours). Et les quelques morceaux vocaux de bravoure, surtout et avant tout pour Cynthia Erivo, valent vraiment l’attente.

Dans l’ensemble c’est une œuvre qui tient la route quoi ! Et je reste vraiment conquis par les idées sous-jacentes de Gregory Maguire qui a écrit le roman. Quelle idée géniale de refaire une histoire de conte pour enfants la plus standard et normalisée avec le point du vue du « méchant », et de nous montrer par l’exemple comment fonctionne le « récit national » et la propagande.

Joli Joli

Rololo que je suis déçu, et je suis déçu d’être déçu, car dieu sait que c’était pour moi cette chouette comédie musicale. J’adore Beaupain, j’adore Luciani, c’était une promesse de guimauve et chocolat chaud auréolé de seventies et des œuvres de Demy, et je suis, outre tout cela, un gros fan des Chansons d’Amour d’Honoré. Et avec tout ça, bah non ça ne marche pas. Bouuuuuuh.

Parce que c’est malgré tout une très belle production, avec de bons chanteurs, chanteuses et comédiens et comédiennes, et une superbe première performance de Clara Luciani. J’ai même aimé certaines chansons, parce que c’est sympathique, pétulant, swinguant, parfois cocasse et avec un vrai charme. Laura Felpin et Vincent Dedienne sont très très cools aussi !

Mais merde, s’il n’y a pas d’histoire, pas d’intrigue, si c’est trop mal ficelé, si on n’accroche jamais l’intérêt du spectateur avec une once de narration, si les dialogues sont insipides et parfois frôlant le ridicule, bah ça ne marche pas. Donc c’est un bel écrin, une production à la hauteur des talents présentés et des auteurs impliqués, mais pas de scénario, pas de dialogue, peu de réalisation… Bref je me suis fait chier sur les deux heures que le film dure, et je n’y ai jamais cru, le charme n’étant pas suffisant pour se laisser bien emporter par ce semblant d’histoire et pas mal de scènes bancales.

Me resteront quelques chansons, le charisme fabuleux de Clara Luciani, son sourire, sa voix et son regard, mais ça n’est pas suffisant pour en faire le bon film que ça aurait dû être, même dans un genre de succédané seventies en hommage à Demy.

Wicked (partie 1)

J’y allais vraiment pas du tout pré-convaincu, ne connaissant pas du tout l’histoire, ni le bouquin, ni la comédie musicale éponyme, et ayant uniquement pour références le film de 1939 (évidemment) Le Magicien d’Oz et celui de 2013 : le très Disney Le Monde fantastique d’Oz. Ce dernier n’était pas un grand chef d’œuvre (assez médiocre en réalité), mais s’il donnait quelques billes en tant que préquel.

Wicked est surtout connu comme une comédie musicale avec un immense succès depuis sa création, et je savais que c’était un point de vue très intéressant car le roman de Gregory Maguire, en donnant un autre prisme et une narration des interstices de l’histoire d’origine, très manichéenne, permettait une relecture complètement renouvelée. Et quand on brouille la frontière entre les gentils et les méchants, c’est tout de suite beaucoup plus intéressant. Et donc contre toute attente, alors que je m’attendais à trouver cela au mieux « sympathique », j’ai beaucoup beaucoup aimé !

Car on est complètement dans l’univers d’Oz avec son côté féérique et neuneu, mais dans cette fable un peu simpliste, faisant s’opposer une gentille, belle, talentueuse et vertueuse Glinda à une méchante Sorcière de l’Ouest à l’horrible peau verte et dégaine de fée Carabosse, on retrouve entre les lignes d’origine des chapitres entiers. Et on découvre que Glinda est une petite connasse superficielle et idiote, dont la bonté est surtout une marque de fabrique, tandis qu’Elphaba souffre d’une différence lui venant de sa naissance, et surtout en réalité de l’opprobre que les autres lui font vivre.

Et j’ai aimé que tout soit très subtil dans l’histoire et dans les nuances de leurs personnalités, y compris sur le Prince Charmant, succédané de mannequin instagrammeur. Donc peu à peu, tout en restant très conforme à l’histoire d’origine, on a une autre vision qui se forme, et on comprend très bien qu’une bonne propagande peut parfaitement nous faire prendre, à ce point, des vessies pour des lanternes. Le film est en cela, notamment, très moderne et assez bien vu, tout en étant woke à moooooort, super folles de comédies musicales et filles à pédés assumés (il n’y a pas d’autres habitants à Oz je crois de toute façon ^^ ). Tous les garçons semblent extrêmement sensibles, et les filles prêtes à faire Drag Race, et vice-versa.

J’ai été aussi très agréablement surpris par le jeu des deux comédiennes. Ariana Grande, en Galinda qui devient Glinda dans une démarche digne des plus grands SJW, est aussi dingue et éthérée qu’une Anne Hathaway, mémorable Reine Blanche dans un moins mémorable Alice au pays des Merveilles, et c’est vrai que les deux histoires ont quelques points communs. Mais Cynthia Erivo lui vole aisément la vedette avec un personnage très attachant, et qui est le prisme principal par lequel l’histoire se vit. Et les deux sont des chanteuses de ouf, avec de chouettes moments de bravoure.

Après, sincèrement, que ce soit la musique ou les paroles, on est vraiment dans de la comédie musicale made in Broadway de base de base. C’est vraiment de la chanson de crieuse professionnelle, qui a le mérite de proposer quelques sérénades dont les points d’orgue fournissent de jolis moments d’émotions (et on te met bien le doigt dessus en appuyant fort). Jonathan Bailey est aussi plutôt pas mal, même si j’ai été troublé tout le film avec sa ressemblance avec Rupert Everett (pré-chirurgie évidemment), et même sa voix (et ses oreilles ^^ ). En plus de lui, le casting est très très gay avec notamment Bowen Yang, mais aussi le caméo des deux chanteuses de la comédie musicale que sont Idina Menzel (la mère de Rachel dans Glee, chanteuse de Let it go…) et Kristin Chenoweth qui sont toutes deux des juges récurrentes de RuPaul Drag Race. N’en jetez plus, le gaydar a explosé et a mis des paillettes partout partout. Hu hu hu.

Et la direction artistique qui est dans la lignée de celle de 1939 (les hommages sont vraiment chouettes, j’ai trouvé) avec des effets spéciaux très beaux, et malgré tout de somptueux décors et costumes ont achevé de me conquérir. On est vraiment dans une belle production, le fond, la forme, pas mal du tout. Après 2h40 pour tout cela, c’est un peu trop long, on aurait aisément pu grapiller vingt minutes. Mais je n’ai pas regardé ma montre, et globalement c’est une narration, qui certes prend son temps, mais donne à voir pas mal de choses, avec une action correctement soutenue. Toute cette première partie permet de vivre l’ascension et la découverte initiatique d’Elphaba qui se verra incarner complètement la méchante sorcière de l’Ouest.

L’originalité de l’histoire, le fait d’avoir un récit qui mêle aussi bien les faits d’origine, et cette version « alternative », est assez épatante et follement intrigante. Et même si on devine bien l’issue, qui est déjà connue justement, j’aime assez que l’on arrive à surprendre dans des méandres narratifs insoupçonnés, et qui façonnent une toute autre morale, même si la conclusion sera factuellement la même. Et ce final à coup de balai supersonique m’a assez plu pour que je veuille maintenant voir la suite !!!

PS : Matt Bernstein, dans son podcast, proposait justement une lecture intéressante du personnage de Glinda en tant que pseudo-alliée qui profite de ses privilèges, en réalité, et n’hésite pas à retourner sa veste pour conserver et consolider sa position.

Hedwig and the Angry Inch au Café de la Danse (Paris)

J’ai connu Hedwig d’abord via l’adaptation en film de ce grand succès off-Broadway (de 1998) en 2001. Je me rappelle que c’était un certain événement à l’échelle du Marais parisien, et le cinéma était une véritable Gay Pride1 à l’UGC des Halles à ce moment là. J’ai eu le film en DVD quelques années après, et je l’ai regardé maintes et maintes fois depuis, donc je connais un peu toutes les chansons par cœur. Néanmoins le film reste assez méconnu du grand public, malgré également le succès relatif de Shortbus, du même John Cameron Mitchell (auteur et interprète d’origine de Hedwig) qui avait pas mal défrayé la chronique des pédés parisiens en 2006.

Hedwig est tellement un truc pour moi, qu’à l’occasion j’en avais même pondu un article dédié en 2005, et donc vous pouvez y lire un bon résumé du film comme de la pièce.

Ce qui m’épate, en passant, c’est qu’en 2005 je te mettais des « transsexuels » en veux-tu en voilà, c’est marrant comme je n’écrirais plus cela aujourd’hui. Et en réalité, si je regarde l’occurrence des mots-clefs de mon blog, j’ai utilisé ce terme jusqu’en 2008, après je parlais de « trans » tout court, et à partir de 2011 c’est le terme « transgenre » qui est uniquement usité (et c’est le terme correct encore aujourd’hui). On retrouve le terme « transgenre » malgré cela dès 2005 dans un article de libé cité par le sociologue Coulmont qui évoque « l’interdiction judiciaire du mariage entre une transsexuelle et un transgenre« . Et donc la nuance est apportée dans le détail puisque la personne dénommée « transsexuelle » a en réalité mené sa transition jusqu’à un changement d’état civil et une réassignation, tandis que l’autre personne est appelée « transgenre » car ayant transitionné sans changement officiel d’état civil. C’était appelé une provocation à l’époque. Purée, les bigots !! Je pense qu’on s’en branle tellement la nouille aujourd’hui de ces questions, et c’est d’ailleurs en quoi le mariage pour tous portait bien son nom (simple et efficace).

Bref, ce spectacle extraordinaire, et qui est un truc fondateur et culte pour moi, dont on apprend que le droits de représentation en public sont libres depuis peu, bénéficie d’une toute nouvelle production au Café de la Danse à Paris. Je ne connaissais que le film, mais j’ai vite compris la forme curieuse de cette œuvre qui oscille vraiment entre performance théâtrale et musicale. Le lieu est une unique scène, et c’est une belle mise en abîme car c’est VRAIMENT la scène du Café de la Danse où Hedwig est en concert, alors que lorsqu’on ouvre la porte au fond on entend le concert dingue sur toute la Bastille de son amant et Némésis Tommy Gnosis. Et donc le concert, comme n’importe quel concert, consiste bien en des chansons entrecoupées par des histoires racontées par Hedwig. Comme dans un concert classique, la star parle un peu de sa vie, de ce que ses chansons illustrent, et ainsi on reconstitue le fil entier de l’histoire.

Tout commence à Berlin en 1961, avec la mère de Hedwig (alors Hansel) qui les embarque à l’est. On revit son enfance, puis sa rencontre avec un soldat américain qui souhaite l’épouser (pour lui permettre de fuir la RDA) et qui, pour que cela soit possible, lui fait faire une opération de réassignation sexuelle qui tourne mal. Et c’est ainsi qu’il obtient son « angry inch », fruit d’une opération ratée, et avec laquelle il tente de trouver une voie et un certain sens à sa vie et son identité brouillée. Et tout cela, quelques mois avant la chute du mur de Berlin, ce qui ajoute encore à la cruelle ironie de l’anecdote bien sûr.

Là où Hedwig est fabuleuse, et c’est ce qui m’avait tant marqué il y a presque 25 ans, c’est que c’est une personne terriblement mauvaise et vénéneuse, vraiment l’anti-héros par excellence. Je me rappelle à l’époque d’ailleurs des critiques qui pestaient contre une certaine transphobie, avec une approche aussi biologique de la transition et ce choix d’un personnage aussi négatif et en souffrance. Mais les années sont passées, et je pense qu’aujourd’hui cela passe mieux avec un regard rétrospectif, et parce que l’on a, alléluia, accès à des représentations qui nous ont enfin sorti des images de serial killer tordus.

Moi j’ai toujours trouvé qu’Hedwig transcendait cela avec son histoire singulière, et qui pour moi représentait à la fin du film une héroïne à laquelle, au contraire, je m’identifiais parfaitement (et qui m’a beaucoup apporté). Mais je peux comprendre bien sûr que cela ait pu encore ajouter à l’imaginaire « weird » de la transidentité de l’époque.

Hedwig est brillemment interprété au Café de la Danse par Brice Hillairet, et sa performance est tout bonnement hors-norme. Vraiment j’ai été subjugué par son talent, et par la manière dont il incarne ce rôle avec une justesse et une troublante authenticité. Il fait vraiment un grand honneur à John Cameron Mitchell, et est autant talentueux sur le plan vocal que le jeu ou la chorégraphie. On le suit surtout dans sa narration et toutes les émotions par lesquelles il passe du début à la fin. Et il emporte vraiment tout sur son passage, avec une énergie queer du désespoir et un panache de rockstar qui dépasse l’entendement. Les perruques, costumes et maquillages sont très proches de l’imagerie du film, et vraiment c’est une production tout à fait bien troussée.

Son côté méchant est en plus assez grinçant et fonctionne assez bien pour une scène parisienne (selon moi). Je n’ai pas pu m’empêcher de penser à cette vidéo de Jennifer Coolidge qui tourne aujourd’hui et à laquelle je ne peux que souscrire.

Le passage au français passe étonnamment très bien, sans doute aussi avec l’accent allemand d’Hedwig (qu’on a aussi dans la VO, et il explique bien qu’il suite la tournée de Tommy Gnosis en France), avec les chansons qui sont sous-titrées pour qu’on puisse bien suivre ce qui est raconté. On retrouve aussi certaines illustrations vidéo qui font penser à certaines scènes du film, et qui permettent d’enrichir le dispositif scénique. Car on est dans un truc assez dépouillé au final (une scène de concert un peu minable mais irrémédiablement rock et punk), mais on n’a vraiment pas besoin de plus.

Car on est vraiment dans une toute petite salle, et l’histoire devient encore plus crédible, on se retrouve à la vivre même si la chronologie n’est pas la bonne. Et en plus d’un brillant Brice Hillairet, Anthéa Chauvière, qui joue Yitzhak2, est très très bonne. Et les musiciens qui accompagnent ne sont pas en reste, ils ont une présence scénique remarquable en plus d’être de très bons instrumentistes.

Ce n’est pas compliqué, il s’agit d’un spectacle absolument remarquable qu’il faut urgemment aller voir !!! Vous ne serez pas déçu, c’est un show total et troublant, qui déploie une puissance à la fois rock, punk et poétique, résolument queer et qui ne ressemble à rien d’autre.

  1. A l’époque, on appelait ça comme ça. ^^ ↩︎
  2. Autre personnage dont je me souviens que le parcours était assez critiqué à l’époque dans l’image FtoM qui se révèle dans la détransition. ↩︎

Ce qu’on retiendra de Drag Race France saison 2

Ce sont vraiment les deux citations suivantes, la première dans la comédie RUsicale d’une version queer de Notre Dame de Paris qui flirte avec Starmania.

Quand on arrive en Queen !

Drag Race Saison 2 – Punani et Sarah Forever

Et il y a aussi la merveilleuse Barbara Butch qui a déclamé quand on lui a demandé comment elle allait :

Muy bien, muy lesbienne !

Barbara Butch dans Drag Race Saison 2

Starmania à la Seine Musicale

J’ai à peu près toute ma vie voulu voir cette comédie musicale, et c’est la première fois que ça arrivait vraiment !! Quel bonheur de voir l’œuvre comme elle a été conçue, donc comme un opéra avec son livret et sa mise en scène, et surtout son histoire et ses péripéties. Après l’avantage aussi, c’est que j’arrivais avec absolument tous les morceaux en tête. Il faut dire qu’on a au moins 15 chansons de Starmania qui sont encore aujourd’hui des standards de la chanson française.

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