Je vous partage ce post Facebook public de Romain Burrel parce qu’il est très important, et sa lecture m’en paraît tant indispensable que je me permets de le le recopier ici en entier.
J’en avais fini avec Lil Nas X. Jeté, classé, plié. Depuis ce concert pathétique au Zénith, ambiance karaoké TikTok, plus rien n’avait de goût. Les singles qui ont suivi son album Montero ressemblaient à des brouillons Spotify, et je m’étais dit : voilà, encore un one album wonder, un météore qui s’écrase plus vite qu’il n’a brillé. Internet l’avait rayé de ses playlists, j’ai fait pareil.
Publié le 27/08/2025 par Romain Burrel sur un post Facebook public
Mais le voir, récemment, déambuler en slip (pas nu, non, juste slip + santiags), ça m’a troué le cœur. J’ai pensé au Naked Cowboy de Times Square, ce monument kitsch redneck qu’on célèbre depuis vingt ans parce qu’il se balade en slip kangourou avec sa guitare sèche. Alors pourquoi lui, le cowboy blanc, est-il fun et folklorique, quand Lil Nas X, le cowboy noir et gay, devient objet de malaise ou de moquerie ? J’ai mon idée mais vous allez m’accuser de voir du racisme partout (Le racisme est partout).
La vérité, c’est que Lil Nas X va mal. Comme nous. Comme moi. Il croit qu’il gère la came mais pas du tout. Il se défonce, il décompense, il déraille. Mais lui quand il déconne, ça finit sur TMZ.
J’ai pensé à George Michael. Lui aussi cloué au pilori, humilié pour son goût du cruising ou de la MD dans la boîte à gants. La presse a vendu des giga tonnes de papier sur son dos. On s’est beaucoup moqué. Mais George était magique. Il avait ce don de transformer la honte en tube, la déchéance en flamboyance. Jusqu’à ce que la magie s’éteigne pour de bon.
En avril dernier, Lil Nas X postait un TikTok où il proclamait embrasser sa “flop era”. J’ai trouvé ça drôle sur le moment. Aujourd’hui, ça sonne sinistre. Ça me rappelle le documentaire de Questlove sur Sly Stone, dont le titre claque comme un couperet : le fardeau du génie noir. Ce soupçon permanent chez les artistes noirs que la chute est inévitable, même au sommet, parce que rien ne leur appartient vraiment, et qu’on peut tout leur reprendre en une seconde.
J’ai lâché Lil Nas X. Et je m’en veux. On dit que les pédés sont le public le plus loyal, mais c’est vrai uniquement pour les divas blondes et brushées, celles qui se relèvent toujours parce que nous tenons la corde pour elles.
On est capable de faire comme si Gloria Gaynor n’était pas républicaine mais pour Lil Nas, pas de filet. Pas de grâce accordée. Et vous savez pourquoi ? Parce qu’il nous ressemble trop. Et qu’on déteste se regarder dans une glace.
Ce manque de bienveillance pour notre prochain, et encore moins pour celui queer en encore encore moins pour celui non blanc, est flagrant, et je le trouve merveilleusement illustré par Romain ci-dessus. C’est fait avec autant plus d’impact que c’est bien écrit, concis et implacable (à mon goût).
