Réglage

Mon assuétude pour l’informatique a commencé très tôt, vraiment très tôt. J’étais à fond dans les films comme Wargames (1983), et j’apprenais le BASIC par plaisir avec mon ZX81 en 1985. Mais étrangement, je n’ai pas exactement fait des études d’informatique, puis absolument pas par la suite, mais pas du tout. Néanmoins, j’ai toujours fini par revenir aux sources, et l’informatique, ou globalement les trucs technos, a été une composante importante du taf comme de mes loisirs.

Donc geek je suis, mais pas non plus un développeur ou un grand technicien, ni même un ingénieur, plutôt un raisonnable bidouilleur devant l’Eternel. Quand les blogs ont émergé, j’avais déjà un peu touché à des machins en HTML et hébergé des pages sur les services mutualisés de l’époque (Mygale, Multimania et consorts, vous vous souvenez les vieilles ? ^^ ). Je me suis tâté à m’abonner à un service existant, mais je tripais trop sur mon propre domaine (tellement chic), et les machins en php explosaient en mode « c’est à la portée de tous ». Alors je me suis lancé là-dedans, et ça me plaisait que le système de blogging en question soit français, et même corse en l’occurrence1.

Bon ce n’était finalement pas une sinécure de faire marcher tout cela… Pas tant le système de blog car franchement tout était super bien expliqué, et c’était grosso modo une histoire de paramétrages et de réglages par-ci par-là. Mais alors comprendre qu’il fallait louer un nom de domaine par un « registrar », puis le rediriger vers un espace sur les Internets qu’on louait également. Et que sur ce dernier, il fallait donc de l’espace mais aussi un bout de serveur pour motoriser le blog et faire naître ces sémillantes pages… Bon, allez, ce n’était pas trop mal expliqué, et avec un peu d’opiniâtreté, on y arrivait. Et puis il y avait déjà des tas de gens adorables sur la toile qui vous aidaient et réalisaient des tutos super. Cette dernière notion m’a d’ailleurs toujours fait halluciner et triper, car si des gens font des tutoriaux c’est qu’ils n’en ont pas besoin, mais donc pourquoi ??? (Comme les gens qui traduisent des sous-titres2…)

J’ai bien été content d’avoir choisi ce système, car il a évolué vers WordPress au bout de quelques années, et la plateforme est devenu ipso facto un standard du web (encore aujourd’hui c’est ce qui anime la majorité des sites web de nos Internets). Et de bidouiller mon WordPress après toutes ces années m’a aidé à comprendre un peu mieux des tas de notions d’informatique qui me sont très utiles même au boulot.

J’aime aussi cette stabilité avec une seule adresse depuis plus de vingt ans pour l’ensemble de mes articles. Bref, c’est mon truc quoi.

Et encore une fois, ce n’est pas tout simple, mais ce n’est pas non plus une barrière à l’entrée énorme selon moi. Il faut de la curiosité, de la jugeotte, et puis aimer se prendre parfois un peu la tête, et les pieds dans le tapis aussi.

Mais depuis le net est devenu ce qu’il est aujourd’hui. Des tas de services sont disponibles gratuitement en ligne, et on s’est tous jetés dessus. Trop cool, trop pratiques, gratuits en apparence, la panacée ! Mais en réalité, c’était un piège, et un genre de chausse-trappe qui a aussi énormément ralenti ou parfois même annihilé les efforts d’ouverture de certaines applications. Tout le monde a tellement été habitué aux services de Gougueule et consorts que ça a démotivé les communautés du logiciel libre pendant quelques temps. Mais heureusement, les choses ont changé, et on sent que ça reprend bien du poil de la bête, modulo quelques problématiques.

J’ai donc continué à avoir mon blog auto-hébergé, mais à peu près tout le reste de ma vie numérique est hébergé par des plateformes gratuites en apparence et qui monétise donc mon existence à travers les contributions que j’en fais. Evidemment les miennes seules comptent pour du beurre, ce sont toutes les nôtres assemblées, sur l’ensemble des supports, et les liens entre nos contenus et nos profils (ce qu’on appel le social graph dans le jargon) qui a une redoutable valeur. Valeur et pouvoir… pouvoir de renverser une élection ou de faire vendre des culottes absorbantes Tena, tout se paye. Et les objectifs importent peu dans une société capitaliste, c’est du pareil au même.

Cela faisait un moment que je voulais faire plus d’efforts pour dégoogliser et plus largement dégafamiser mes pratiques numériques, mais j’ai eu un déclic en janvier 2025 avec l’élection de Trump, et toutes ces entreprises qui ont financé campagnes ou célébrations de son élection.

Et c’est compliqué pour moi, surtout du côté de Gougueule que j’adooooore. J’utilisais absolument tous les services tout le temps, le mail pour tous mes emails, l’agenda bien sûr, la prise de note, le stockage dans le nuage, l’édition collaborative de documents office, absolument tout ! Tout est synchronisé sur mon téléphone qui est un Android, donc inutile de dire que je suis un Google Boy.

Bon, j’ai commencé par mettre en veille mes comptes Twitter, Facebook et Instagram sur lesquels je ne poste plus rien publiquement. Mon hébergement existant m’offre la gestion des emails et des calendriers, donc j’ai déjà ça que je peux dégager de Google. J’ai donc fait à la fois la liste des comptes et des applications sur lesquels j’étais avec gmail (il y en a des littéralement des centaines) mais aussi tous les sites pour lesquels j’utilisais Google Connect (une centaine aussi) pour éviter de me créer un compte (et surtout un nouveau mot de passe). Un par un, j’ai débranché, rebranché, créé de nouveaux comptes, changé d’email quand c’était possible… Cela m’a pris plusieurs semaines, et je n’ai pas terminé. Pas une sinécure, je vous dis !

Mais il a fallu m’attaquer aux services dit « cloud », et c’est là que le bât blesse. Il y a une alternative très connue qui s’appelle Nextcloud, et qui offre, sur le papier, tout ce qui est dans Google Drive ou Office 365. Mais alors c’est un truc très très gros, complexe à administrer et demandant énormément de ressources. Aucun hébergement comme celui que j’ai pour le blog (donc mutualisé, pas très cher, d’une centaine d’euros par an) ne peut supporter un truc pareil. Toutes les autres solutions sont très parcellaires et vraiment pas du tout comparables. Et un hébergement plus professionnel c’est tout de suite 50 euros par mois, et là je ne me voyais pas investir autant pour en plus me prendre la tête à administrer un bousin pareil.

Alors je me suis lancé dans autre chose. J’ai fait l’acquisition d’un NAS, c’est à dire un petit serveur informatique qu’on installe chez soi. C’est tout con, c’est un ordinateur qui est connecté à votre modem, et sur lequel on peut installer des trucs et des machins beaucoup plus librement que sur un hébergement mutualisé. Mais alors autant installer WordPress c’est les doigts dans le nez, et ça se met à jour en cliquant sur un bouton, autant administrer un NAS n’est simplement pas à la portée de tous. Alors je me suis remis à apprendre plein de trucs de geek, et heureusement que j’aime ça.

Aujourd’hui si on veut installer des trucs et des machins, il faut utiliser ce qu’on appelle des conteneurs. Grosso modo des développeurs mettent à disposition leur code sous forme de boîtes prêtes à l’emploi, il faut « simplement » les recopier et les configurer chez soi. Mais en vrai, ça ne marche pas, et c’est tout sauf simple. Et je ne parle pas des configurations spécifiques à faire sur le modem et tout… Mais bon après plusieurs mois d’atermoiement, j’ai plusieurs applications qui tournent sur mon NAS, et c’est assez pratique. J’ai donc mon instance Nextcloud personnelle avec mes fichiers, la capacité d’avoir un tableur, un traitement de textes et un pôvrepoint… Et j’ai aussi installé un serveur multimédia qui nous permet d’avoir accès à nos films et séries à distance. J’ai également monté une instance Mastodon hébergée à la maison.

Et donc quand vous communiquez avec moi sur Mastodon, bah ça vient directement *de chez moi*. C’est une notion assez surprenante (il vaut mieux avoir une connexion fibre correcte) et qui est aussi assujettie à une réalité singulière : si ton NAS plante, si t’as plus d’électricité, si t’as plus de net, tu n’as plus de services en ligne !! Quand on a déménagé, je me suis pris la tête à garder le NAS à Nantes le plus longtemps possible, et ensuite quelle galère pour rebrancher et reconfigurer le truc. Et on a eu une coupure d’électricité il y a deux jours, plus de service cloud !

Quand c’est comme cela, j’essaie plutôt d’investiguer les services en ligne sur mon hébergement de blog. Mais bon, comme vous avez pu le constater ce n’est pas exempt de panne non plus. Et cela fait maintenant plus d’une semaine que mes mails mettent des plombes à arriver, plantent une fois sur deux, que le blog fait des time-out etc.

En gros, c’est la vie habituelle des services mutualisés, avec tout de même là un truc qui me les casse bien menu menu. Parce que du coup, j’arrive à avoir des codes envoyés par email qui finissent pas expirer parce que je n’arrive pas à lire mes emails. Je pourrais aussi tout mettre sur le NAS, mais imaginez une panne, les disques durs qui pètent, ou le truc qui plante alors que je suis en vacances quelque part ? Ou un cambriolage après tout ?

Bref, on comprend aussi bien pourquoi c’est tout de même sacrément confortable d’avoir Gougueule et consorts qui rendent tout cela d’une simplicité enfantine, toujours là, toujours en ligne et fluide, compatible avec tout, interconnecté en un clic, zéro paramètre, zéro réglage, et ça coûte pas un kopeck. ^^

J’avoue être régulièrement à deux doigts de tout envoyer bouler, et de revenir dans le giron rassurant de mon amant de Mountain View, mais je tiens bon !! Je vais au moins aller au bout de ma découverte du « libre », et sur le chemin j’apprends des tas de geekeries qui me divertissent aussi beaucoup.

  1. En plus, il était canon. Huhuhu. ↩︎
  2. Ah l’altruisme. Hihihi. ↩︎

Promenade

La dernière promenade en date est de celles que beaucoup font traditionnellement en début décembre. Allons faire un tour en ville pour voir les décorations de Noël !! Alors bien sûr, nous n’avons plus le bonheur des mises en scène nantaises qui, même si décriées par certains, qui font la part belle à l’art contemporain, et à Rennes on est dans une tendance beaucoup plus classique et traditionnelle.

On a bien quelques places décorées, mais le plus important c’est de loin devant le Parlement de Bretagne avec ce grand sapin (ce n’est pas la place Kléber non plus bien sûr). J’ai beaucoup aimé les efforts manifestes pour des décors très naturels avec plein de branches de sapin évidemment, comme tous les lutins et petits bonshommes de Noël qui sont des sortes de boules d’épicéa, les rennes en rondins de bois, des petits chalets adorables et il est précisé que ces mignonnes créations ont été élaborés à partir du bois d’élagage de la métropole.

Sinon dans les rues adjacentes, c’est beaucoup plus classique avec des décorations dans les allées commerçantes ou pour les places les plus emblématiques comme Sainte Anne ou l’Opéra de Rennes.

C’est toujours très sympa de s’emmitoufler et de partir à la découverte de ces embellissements saisonniers, et on n’est jamais seul dans ce cas. Il y a aussi les sempiternels marchés de Noël avec leurs babioles horribles, mais les distributeurs de vin chaud qui ont toujours un succès certain (enfin pas là, car ils ne prenaient que du liquide…) auprès de mon cher époux. ^^

On a aussi réalisé notre propre sapin, et cette année c’était le thème on vomit tout ce qu’on peut sur un pauvre arbre en plastique !!! C’est chargé, lumineux et ça irradie Noël à 5 kilomètres !!

Lien

Ah les liens !! Au début des blogs, c’était tout un truc. Il fallait commencer par un site pour en trouver d’autres, et de fil en aiguille, on se faisait des listes de favoris qu’on allait consulter dans son navigateur tous les jours (ou moins, ou plus…). Et puis très rapidement, il y a eu les blogrolls, donc il s’agissait de mettre en place une liste de sites qu’on lisait ou recommandés, et c’était la classe d’être cité dans la blogroll de l’un ou de l’autre.

Moi ça a toujours été mon truc de vouloir référencer le plus de blogs gays possibles. Et donc comme pour mon blog actuel, je n’ai pas été avare, et par définition j’ai ajouté, ajouté et ajouté. C’était vraiment l’idée d’une sorte d’annuaire des pédéblogueurs et assimilées (oui les filles ^^ ).

Ensuite, quand l’ombre macabre des réseaux sociaux est venue littéralement tailler des croupières dans ma blogroll, je n’ai jamais effacé un déserteur ou un petit ange parti trop tôt. ^^ Et aujourd’hui, ça donne cette immense liste qui ne veut pas dire grand chose, sauf pour moi.

Il y a quelques années, j’ai reclassé tout ça, et j’ai surtout mis en valeur mes blogs favoris, et ce sont ceux-là.

Quand je regarde tout ces noms, je pense à ces listes antiques qu’on trouve sur des ouvrages anciens, et qui parfois ne font que mentionner le nom d’un auteur, le nom d’une œuvre ou dans le meilleur des cas une citation entière. Parfois on ne sait d’un auteur que ce qu’un autre type a mentionné de ce dernier. Certains auteurs antiques ne sont connus que pour avoir ainsi référencé les encore plus anciens ou leurs contemporains à travers des listes, des index et des références.

Certains chouettes pédéblogueurs (qui ne passeront sans doute pas à la postérité OK OK OK) ne sont ainsi incarnés aujourd’hui que dans les interstices de mon propre blog qui verra lui aussi sa fin un de ces quatre (enfin j’espère que archive.org est encore là pour longtemps1). Je prenais l’exemple de Freakydoll qui a été un blogueur actif pendant quelques années et qui était très aimé et lu. Il y a 27 articles à son propos avec des références internes à des posts, mais aussi des bribes d’informations (parfois très cryptiques, donc moi-même j’ai oublié les tenants et aboutissants) qu’on peut juste choper à travers quelques hypertextes, mais aussi des citations, ou carrément des anecdotes plus fournies. Et donc c’est drôle la reconstitution qu’on peut se faire d’un tel kaléidoscope parcellaire, exactement à l’image des études qu’on peut faire sur des personnages qu’on retrouve chez des auteurs anciens. Hu hu hu.

Au moment où les blogs ont commencé à passer l’arme à gauche, Twitter est devenu un endroit très sympa à fréquenter, et c’était une source génial de liens justement. Car le web, à l’orée de la décennie 2010, était fourmillant d’activités et de ressources. Les sites web se multipliaient en même temps que les apps faisaient leur entrée sur le marché (et que les gens peu à peu passaient aux ordiphones), et peu de contenus étaient payants, car le modèle économique espéré était celui de la gratuité associée à la publicité (gratuit donc c’est nous le produit évidemment).

Pendant quelques temps, j’avais essayé de faire des revues de la toile comme cela, et j’aimais bien notamment faire des revues de tweets. Mais tous ces liens sont morts et le plugin qui permettait d’afficher les tweets également, et puis Twitter est devenu ce que vous savez. Mais il reste tous ces articles que je trouve drôle dans leur représentation d’une époque, en même temps qu’encore une fois une intéressante vision de la manière dont fonctionnait l’information (et c’était une manière pour moi de ne pas parler que de moi, mais je suis mon meilleur sujet je crois ^^ ). J’avais écrit plein de titres à la con en jouant sur les « liens », mais je commençais sérieusement à en voir les limites pratiques2. Hu hu hu.

Nous sommes en 2025, les blogs sont (toujours) morts mais nous sommes là !! Et j’ai une blogroll. Qui l’eût cru ?

  1. Il faut d’ailleurs que je teste ce plugin qui permet d’aller remplacer les liens morts par des liens vers des pages archivées. ↩︎
  2. Courir avec des liens, Ligamen jacta est, le lien est mort ce soir, 2000 liens sous les mers etc. ↩︎

Remuer

Revenons à un souvenir du 18 juillet 2018 pour cette thématique, c’était sur l’île de la Réunion… Car je vous parle très souvent des sympathiques vagues qui viennent remuer notre côté de l’océan Atlantique, mais j’avais été sacrément impressionné par celles qui frappent régulièrement ces côtes découpées façon fractales, profondément noires et basaltiques, de leurs immenses lames d’écumes blanches. (C’était l’hiver austral là-bas bien sûr, en plein été pour nous.)

Il suffit de voir la taille des petits bonhommes pour comprendre l’énormité de ces béhémots de flotte !

Et en parlant de gros trucs dans l’eau, c’est aussi la singularité réunionnaise d’apercevoir à l’œil nu des cétacés s’ébrouer dans l’océan. J’étais moi évidemment complètement fou d’avoir cette chance !! Et même si les photos n’en témoignent pas, mon souvenir reste plein de cette émotion vraiment remuante pour moi sur le coup. ^^

Vieille

C’est marrant mais je suis tombé sur ce post de « Chroniques de Bretagne » qui se plaignait de la dégénérescence de Ouest France, exactement comme on le ferait aujourd’hui de tous ces supports qui perdent leurs âmes en utilisant de l’IA générative et réduisent leurs contenus à des hameçons à réclames. Donc nous voici, c’est notre tour, nous sommes les vieilles et les vieux qui bougonnons sur la disparition de notre monde, notre cadre de valeurs et nos repères.

J’imagine que chaque génération connaît cela, depuis la souffrance de l’enfance sous le joug des adultes, à celui des adolescents qui se plaignent de n’être pas compris, puis la jeunesse qui aspire à changer les choses et conspue les vieux réactionnaires, et des adultes qui peu à peu se meuvent et se moulent dans la mode capitaliste de leur époque… Ensuite viennent les vieillards qui subissent un changement de mode et de régime en plus, et qui sont déboussolés.

Et chaque époque a raison de cette perte de valeur, de ce bouleversement de l’ordre établi. Il est néanmoins très difficile d’en tirer un bilan aussi absolu qu’on voudrait l’imaginer. J’ai tendance à vouloir justement le relativiser, parce que je me souviens bien des boomers qui étaient considérés comme des voyous et des beatniks par leurs parents (et ils l’étaient bien sûr parfois ^^ ), ou bien ma propre génération qu’on disait sacrifiée par la télévision et les animés débiles ou violents, et celle d’aujourd’hui abrutie par les réseaux sociaux. Rien de tout cela n’est absolument vrai, ni absolument faux.

Et pourtant, je lis aussi Thierry qui continue son analyse à la fois clairvoyante et sombre de nos « sociétés en ligne ». Et le tableau clinique est aussi précis que flippant.

Une double injonction : plaire et produire de plus en plus, inonder de contenus, lutter contre les autres producteurs, mais avec la même stratégie qu’eux : satisfaire, combler un vide, alors que le vide est nécessaire pour qu’un mouvement soit possible. Où aller quand ça déborde de partout ? Il me suffit d’ouvrir Netflix pour avoir envie de dégueuler. Un amoncellement de vignettes clinquantes empilées les unes sur les autres. Idem sur YouTube, avec des shorts hypnotiques plus cons les uns que les autres. Je ne supporte plus ce monde, non seulement parce que j’en suis la victime, mais parce que vous en êtes les victimes.

Dans un monde où tout est faux, pratiquons le headbang de Thierry Crouzet

Ploum en rajoute une couche en étant encore plus acrimonieux, et il a raison lui aussi !

Je conchie le « joli ». Le joli, c’est la déculture totale, c’est Trump qui fout des dorures partout, c’est le règne du kitch et de l’incompétence. Votre outil est joli simplement parce que vous ne savez pas l’utiliser ! Parce que vous avez oublié que des gens compétents peuvent l’utiliser. Le joli s’oppose à la praticité.

Le joli s’oppose au beau.

Le beau est profond, artistique, réfléchi, simple. Le beau requiert une éducation, une difficulté. Un artisan chevronné s’émerveille devant la finesse et la simplicité d’un outil. Le consommateur décérébré lui préfère la version avec des paillettes. Le mélomane apprécie une interprétation dans une salle de concert là où votre enceinte connectée impose un bruit terne et sans relief à tous les passants dans le parc. Le joli rajoute au beau une lettre qui le transforme : le beauf !

Oui, vos logorrhées ChatGPTesques sont beaufs. Vos images générées par Midjourney sont le comble du mauvais goût. Votre chaîne YouTube est effrayante de banalités. Vos podcasts ne sont qu’un comblage d’ennui durant votre jogging. Le énième redesign de votre app n’est que la marque de votre inculture. Vos slides PowerPoint et vos posts LinkedIn sont à la limite du crétinisme clinique.

Mais c’est plus joli ! par Ploum

J’ai du mal avec tout cela, car lorsqu’on se met à reprocher des choses, alors on doit se repositionner vers un « meilleur ». Et ce meilleur sera toujours celui de son propre cadre de référence, de son propre modèle aussi décrié soit-il par la génération précédente/suivante pour n autres raisons valables. Il me semble juste qu’on doive pratiquer différemment, et moins par couche successive de générations, au final toutes aussi vénéneuses et au capitalisme destructeur de notre environnement. Mais alors lorsque je m’essaie à un exercice un peu plus subtil, bah c’est trop compliqué, ça ne marche pas. Et pourquoi mon opinion serait-elle meilleure que celle d’un autre imbécile ? Pffff.

Une sorte de voie du milieu si on continue à filer la métaphore de l’IA, c’est celle de Korben qui prend cette nouvelle flippante des « 50% du web serait écrit par l’IA« . Mais « et alors » se dit-il. Parce qu’avant l’IA, c’était des machines à créer du référencement naturel qui truffaient les textes de mots clefs, des journaleux du net qui cherche à faire du clic-bait avec des titres racoleurs qui ramènent du clic. Et donc malgré tout ces artifices, la qualité du fait-main du fait-humain continue et continuera à être remarquée, et à façonner notre futur. Encore une fois, c’est vrai et pas vrai. Oui la qualité et le travail sérieux sont encore des choses qui se « voient », mais si les gens s’abêtissent en même temps que les IA construisent une jolie roue de hamster… Mein gott, qu’allons-nous devenir ?

Rencontre

Comme je le disais encore tout récemment dans un commentaire, si je n’avais pas eu les Internets, je n’aurais jamais baisé de ma vie !! Car ça peut paraître fou, mais jamais je n’ai su draguer ou rencontrer véritablement des gens en bar ou boîte. Pourtant je ne suis pas timide, mais je n’ai pas cette « fonctionnalité » en moi, vraiment si je ne connais pas quelqu’un, je ne peux pas l’aborder, encore moins si la personne me plaît, et encore moins dans un lieu dont on sait qu’il est propice à cela. Hu huhu.

J’avais il y a longtemps narré en un mouchoir de poche ma vie sur les Internets et justement ces usages des « sites de rencontre », devenus applications aujourd’hui.

Allez, en une phrase : mes premières expériences fugaces de 16 à 18 ans, ma dernière copine à 19, ma rencontre avec Caro qui m’a fait connaître la vie d’un pédésexuel moyen avec des premiers mecs et pas de plan Q (non l’amûûûûûûûr seulement je voulais), 1997 (20 ans) Thomas et le coming-out, 1998 (21 ans) le premier studio minuscule à Bastille, la connexion à caramail et le déniaisage (ouai quelques plans Q pour être sûr que je pouvais moi aussi le faire), les PA sur citegay, premier coup de coeur pour le fantastique site Ooups (pédéblog avant l’heure), les dîners et rencontres caramail sont fécondes (merveilleuse histoire avec Dadou), Yarps en 2000 et le système de profil qui s’affirme, Fosfoo (de Transcodage) devient Gayvox et commence sa montée en puissance tandis que Citegay est No1, 2000-2001 je suis avec Nico (pendant 1 an et demi) rencontré sur Yarps et je socialise à donf (trop) sur les sites gays, beaucoup moins sur caramail, fin 2001 fin de Yarps et migration massive vers Gayvox, Dialh s’impose comme le N°1 de la boucherie, premiers échanges orageux avec M. sous forme d’insultes très originales, rencontre M. de visu lors d’un dîner pour la fin de Yarps, putain on appelle ça « love at first sight », avril 2002 le démarrage M. et une socialisation accrue sur Gayvox, fin 2002 je tombe sur garoo sur fsh et de fil en aiguille je découvre la blogosphère (et GayAttitude), avril 2003 impossible de résister plus longtemps, je me mets au blog et renoue avec les communautés gays en ligne, avril 2004 finis les M&M’s, je traîne assidûment mes guêtres sur Gayvox, Rezo-G et GayAttitude, je rencontre des blogueurs et réalise la proximité entre les deux typologies de communauté (les pédéblogs ne sont, en gros, que des profils de rencontre détaillés, qui servent à commu-niquer).

Depuis l’article Internet, et moi, émois, et moi !

Avant tout cela, je vous jure c’était une incapacité incapacitante à rencontrer qui que ce soit. Et même avec cela, j’ai parfois eu, et j’ai souvent eu, des échanges qui ne traduisaient qu’une sombre incommunicabilité qui ne pourrait vraiment déboucher sur les limbes des Internets. Je me souviens avoir partagé d’ailleurs ce dial de l’époque (sur feu Rezo-G) :

Mais pour moi la vraie aisance c’est derrière mon écran et mon clavier. Ah le clavardage… ^^

J’ai toujours dû d’abord jouer du clavier avant de réussir à décrocher un… entretien enfin plutôt un rancard quoi ! Ce n’est pas grave, surtout en ces époques où la vie sur les Internets est presque aussi intense que dans la réalité. Mais quand je vois que tout un chacun s’accorde régulièrement sur le bienfondé des relations et rencontres en bars ou boîtes, et qu’il y a un certain regret de cette « époque ». Bah moi à l’intérieur je suis « nan mais oui mais non hein » !!!

On n’est pas tous bien constitué pour réussir à évoluer dans la dure réalité des relations entre personnes humaines. Et surtout moi. Mouahahaha.

Recherche

Mon grand héros de l’enfance c’était lui, Géo Trouvetou !! J’imagine que ce n’est pas si commun, mais je crois que j’ai toujours été geek, et ceci explique encore plus cela. Hu hu hu. Autant j’étais en adoration devant les super-héros de Comics Marvel, et surtout en réalité les X-Men (il y a beaucoup de thèses aujourd’hui sur ces héros et héroïnes de bédés comme description de certaines franges de la société, et les rapprochements ne sont pas difficiles à faire avec – notamment – les pédés dans le placard des années 1960 à 80), mais si on m’avait demandé « et toi tu voudrais être qui ? », alors j’aurais irrémédiablement pensé à Geo Trouvetou.

Ce volatile pas très beau et carrément dégingandé, nerd jusqu’au bout des plumes, mais dont l’intellect brillant lui permet d’imaginer et mettre au jour les inventions et innovations les plus géniales de la planète, oui c’était ça mon modèle d’idéal. Rololo, on ne se refait pas, je vous jure.

Il se trouve qu’en plus , Géo Trouvetou était le pourvoyeur de gadgets géniaux d’un de mes héros préférés de l’univers de Mickey : l’étrange et fantastique Fantomiald !! Ce dernier est une création de Disney Italie de 1969, donc vraiment pour un marché local et par le scénariste Guido Martina et le dessinateur  Giovan Battista Carpi. Et comme ça a fonctionné, le personnage a fait des petits, et Paperinik est devenu Fantomiald pour les français en référence au célèbre Fantomas (mais d’ailleurs, il est inconnu des gamins d’aujourd’hui non Fantomas ?).

C’était cool cette versatilité de Disney à l’époque qui développait aussi de vrais contenus pour les pays, et qui ne se contentait pas que de traduire littéralement. J’aimais vraiment beaucoup les aventures de Fantomiald où on avait beaucoup moins le côté geignard et mal embouché de Donald, mais au contraire avec un petit aspect comics qui était très drôle et enlevé. Et encore une fois, les gadgets de Géo Trouvetou rendaient vraiment ceux de Batman un peu nazes. Hu hu hu.

Aimer

J’ai été très sensible à l’article de Bismarck (j’aime tellement son pseudo, c’est exactement ce qu’il faut à une prof d’allemand ^^ ), et je pensais récemment aussi aux modèles de couple qui sont naturellement imposés par la société. Comme j’ai récemment changé de job, j’ai pas mal de conversations avec les collègues sur leur famille, leurs enfants, et ils me posent aussi intuitivement à peu près les mêmes questions. C’est assez adorable d’ailleurs car ils savent bien que je suis pédé (c’est devenu tellement simple avec le mariage, et je n’avais pas du tout anticipé que ce serait un des facteurs vraiment facilitateurs du coming-out et d’une « normalisation » d’une efficacité confondante pour notre pays), mais j’ai toujours droit au couplet sur les enfants, avec un étonnement « ah tu n’as pas d’enfants ? ».

Nan mais comme si c’était si facile que ça d’avoir des mômes quand t’es deux mecs. Et comme, ça n’a jamais vraiment été dans mes projets, je n’ai pas trop de difficultés à répondre, et surtout je ne me sens pas mal (j’espère qu’ils ne posent pas la même question à des femmes qui pourraient être dans une situation beaucoup plus délicate à ce sujet). Tout cela lorsqu’on est jeune est un brin saoulant car on voit tous ces vieux qui ne parlent que de leurs mômes et leur mari/femme. Là, étant donc pédé et dans un modèle malgré tout inédit pour beaucoup de gens, j’ai plutôt des gens étonnés et curieux, et qui se disent « ah ouai tu vis comme un célibataire quoi ». Et j’ai vraiment eu cette réaction plusieurs fois, car je parlais qu’on allait sans doute aller aux Transmusicales de Rennes cette semaine. Et je réponds à chaque fois « bah non, je suis marié, on y va ensemble », oui mais bon c’est pas pareil quoi.

Et clairement comme je suis entouré de moustachus, ils nous/m’imaginent sans doute comme des colocataires qui regardent le foot et boivent de la bière sans aucune autre emmerde dans la vie. Hu hu hu. ^^

Quand t’es plus jeune, c’est vraiment la croix et la bannière pour expliquer que t’es pédé au boulot (et moi j’ai fait ça dès 1997), et ça, ça a tout de même vraiment changé en mieux. Mais quand t’es plus vieux, c’est tout de même plus facile il me semble de sortir un peu du cadre et des standards. Ah et je comprends que cela soit troublant, mais comme je l’ai maintes fois répété, ne rien dire ce n’est pas rester neutre ou discret ou je ne sais quoi. Ne rien dire, c’est assumer qu’on est hétéro. Car on n’est pas neutre, on est « hétéro par défaut » dans notre société. Et moi non, je suis un pédésexuel très sympa. ^^

J’espère bien qu’on cessera d’essayer d’absolument de nous faire rentrer dans des cases, et je trouve que c’est un des trucs qui continue de pas mal progresser, donc croisons les doigts et serrons les coudes à ce sujet.

Et malgré tout cela, je peux comprendre bien sûr les interrogations quant à cette confusion, peut-être, entre célibat et solitude. Car c’est surtout cela je pense qui turlupine et qui inquiète même. Et quand on voit une maman avec des enfants, on se dit que ça sera difficile quand ils seront partis. Et même pour des gens qui gèrent et aiment une certaine solitude (comme mon papa par exemple), il y a des moments dans la vie où on a besoin d’autrui.

C’est pour cela que le célibat c’est très bien, mais la solitude est sans doute à relativiser, même pour l’ours le plus mal-léché. J’avais été drôlement rasséréné à ce sujet par l’ex de mon oncle, Claude, dont j’ai déjà parlé. Et je pense que c’est vraiment cela le salut. Oh je ne dis pas que je n’aimerais pas vieillir un peu plus en compagnie de mon mari actuel, ou du suivant (laule). Mais il faut penser à toutes les situations de solitude voulue ou subie, et il est important pour moi de nourrir une communauté de bonnes âmes que je veux autour de moi, et dont je veux prendre soin également, au-delà du couple (mais dont je considère très personnellement que c’est un pilier auquel je tiens plus que tout aujourd’hui).  

Je n’ai aucune place dans le monde, alors, comme l’esprit de combativité de mon père, cette évidence s’applique à chaque élément de ma vie : je suis le seul à vouloir avoir des amis, faire l’amour, la réciprocité n’est pas envisageable. A croire que chaque relation serait une conquête, une prise faite sur un ennemi, qu’il faut arracher un consentement par force ou habileté, compromission avec le réel. Je n’ai aucune stratégie, aucun manuel de guérilla sociale pour apprendre comment me dépêtrer de cette jungle, alors je renonce, laissant s’en mêler un hasard que je prends soin de ne pas provoquer. Pour mon bonheur et mon malheur, j’adore lire, la solitude m’est une amie qui me délivre de la peine d’en chercher d’autres.

Citation extraite de Ce qu’aimer veut dire de Mathieu Lindon

(Nan mais c’est pas de la balle cette citation ? Purée, j’aimerais savoir écrire comme ça. ^^ )