Dégenrement

A force de fréquenter les1 réseaux sociaux et avec mon esprit si terriblement wokiste et islamogauchiste (oh yeaaaaah), j’ai parfois des surprises qui ne devraient plus en être. Ou plutôt je réalise à quel point, je peux me faire des illusions quant à ce que je pense sont des progrès bien répandus dans la société. Et un mariage est l’événement idéal pour mettre en pratique des petites expériences éthologiques. Bien évidemment, celui de la semaine dernière m’en a fourni une à laquelle je ne m’attendais absolument pas.

Comme je vous disais, nous avons bien contribué à l’organisation et l’animation de l’événement, et nous avions notamment des petits jeux à mettre en place. La mariée avait notamment concocté des paires de cartes avec des personnages, et il fallait qu’on en distribue aléatoirement une par personne. Le jeu c’est que pendant le mariage les paires doivent se reconstituer. On avait fait ça à notre mariage avec un jeu de tarot coupé en deux, et ça avait super bien marché.

Mais là l’originalité c’était que les personnages était des « couples » célèbres, on avait Barbie et Ken, Titi et Grosminet, Mickey et Minnie etc. Moi par exemple, j’ai eu Fiona, et je devais retrouver Shrek.

On avait un paquet de cartes non triées, et on distribuait cela en expliquant les règles à tous les arrivants à la réception du mariage. Très rapidement, les gens revenaient vers nous l’air gêné en disant « Ah mais je ne peux pas avoir Minnie, je suis un homme ». Et quand ce n’était pas les hommes, les femmes l’exprimaient tout autant pour leurs maris « ah non mon mari ne peut pas être Barbie hein ? ». Et de la même manière, les filles refusaient les cartes masculines, mais avec moins de vigueur, on sentait qu’on aurait pu les convaincre de jouer le jeu. Car on a essayé d’expliquer que c’était un jeu, et que c’était drôle le « mélange des genres », littéralement. Mais ça ne faisait rire personne, et on s’est vite plié à leur donner une carte cisgenrée (laule).

Et attention hein, ce n’était pas un mariage de gens désagréables ou homophobes ou même beaufs, pas du tout. On avait une représentation de la France tout à fait médiane et chouette avec une moitié du Finistère et l’autre du Var. Et en toute sincérité, on a vraiment beaucoup apprécié toutes ces personnes qui étaient absolument adorables et sympathiques.

Mais alors, sur le sujet du genre, moi qui pense qu’on est tous aujourd’hui super détendus du slip sur le masculin et le féminin2, et que le genderfuck est le futur du genre humain. Bah je me suis bien mis le doigt dans l’œil. Les garçons veulent du bleu et jouer aux pompiers ou à la guerre, et les filles du rose et incarner des princesses en faisant la cuisine. Purée que c’est flippant. ^^

Et pour tout vous dire, je savais très bien qui avait eu la carte Shrek, et malgré cela je n’ai pas réussi à m’apparier à lui. J’ai joué les candides et fait un grand tour pendant le cocktail en me présentant en tant que « Fiona » qui cherchait « Shrek » en rigolant. Bien sûr je n’ai pas affiché la personne en question, mais elle ne s’est jamais signalée. Comme il fallait aller faire un selfie pour immortaliser le duo, peut-être que cela la gênait de faire ça avec un inverti3, ou bien c’était en tout cas une incongruité somme toute embarrassante. ^^

Bon bah, la lutte continue hein !!!

  1. En réalité « mes » réseaux donc ceux qui m’apportent une vue parfaitement déformée de la société qui a l’air représentative mais qui ne l’est pas du tout. ↩︎
  2. La série Adolescence sur Netflix me file néanmoins un petit doute je reconnais. ^^ ↩︎
  3. Hu hu hu. ↩︎

Simone de Beauvoir

Je ne connaissais vraiment que très peu de choses sur Simone de Beauvoir. Vraiment à part la facette féministe d’avant-garde, le deuxième sexe et l’accointance avec Sartre, ça n’allait pas beaucoup plus loin. Cette série de podcasts m’avait été déjà conseillée sur les Internets, et je m’y suis mis récemment en y repensant par un curieux enchainement de pensées.

Je suis vraiment content d’avoir écouté ces 8 épisodes qui sont absolument passionnants. C’est un reportage hyper complet et documenté sur toute la vie de Simone de Beauvoir, mais c’est aussi une approche assez thématique sur les grandes périodes de son existence, et les transformations successives à la fois de la société et du développement de cette femme d’exception. Évidemment cette vie est indissociable de celle de Sartre, mais elle va bien au-delà et on se rend compte de son importance singulière, et autant d’ailleurs par les échos actuelles de ses travaux et œuvres en regard d’un Sartre dont elle n’est plus le simple « side-kick » mais bien un alter ego. La situation s’inverse même à certains égards, où l’on peut aujourd’hui parler plutôt d’elle, et de regarder comment il a pu être là « à côté » de cette femme qui a littéralement révolutionné notre société.

Il y a cette dimension bourgeoise qui est très présente, et sur laquelle j’ai adoré la posture de Simone de Beauvoir. Il y a notamment ce bout d’interview à chaque début d’épisode où un journaliste lui fait remarquer qu’elle a eu une éducation très bourgeoise, pour mieux sans doute mettre en question ses positions politiques de gauche, et qu’elle mouche en quelques mots de bon sens.

– Mais pourtant, vous avez eu une éducation très bourgeoise…
– Ce n’est pas une raison pour aimer la bourgeoisie !

Un journaliste de Radio Canada à Simone de Beauvoir

Ce qui est tellement cool avec un podcast comme cela, c’est qu’il n’y a pas vraiment de format contraint, donc on se retrouve avec 8 heures de documentaires, et on a le temps d’avoir de l’histoire, de la philosophie, des digressions, on peut avoir l’approche hagiographique d’un côté, et creuser le côté sombre de l’autre. Cela donne une enquête complète et circonstanciée, qui évoque à la fois la vie de la femme, son travail philosophique ou d’autrice, ses postures politiques et leurs évolutions, l’attitude pas terrible pendant la seconde guerre mondial, et l’espèce de rattrapage extraordinaire de la guerre d’Algérie.

C’est vraiment une série que je conseille ardemment. Cela s’écoute très facilement, et vraiment on en sort beaucoup moins con (en apparence). ^^

Couverture du podcast Simone de Beauvoir sur France Inter