L’effet Matilda

L’été est là, et c’est la fin de la publication régulière de mes podcasts. J’aime bien cette période où ma FOMO1 se calme un peu, et au contraire je me mets à écumer les archives pour essayer de voir ce qui pourrait me plaire dans des épisodes manqués. Et donc j’ai repris notamment les chemins de la Philosophie de France Culture, et j’avais raté cet épisode absolument génial à propos du rôle des femmes dans la science. J’ai eu un peu de mal avec l’arrivée de Géraldine Muhlmann à la tête de l’émission, mais je m’y suis fait, et elle aussi je pense, et je trouve qu’elle a bien trouvé ses marques, et imposé aussi son style.

Je ne vais pas faire genre car j’ai simplement appris pour la première fois tous les concepts et les personnalités dont on parle dans l’épisode. Hu hu hu. Mot-dièse béotien. Mais donc l’épisode disserte largement sur l’effet Matilda qui évoque la minimisation systématique et systémique des femmes dans l’univers de la recherche scientifique. Cet effet Matilda est en miroir (déformant) d’un effet Matthieu qui lui-même traite des méthodes et « systèmes » qui font qu’on ne prête qu’aux riches. J’ai bien aimé que ce soit une origine biblique, et donc de St Matthieu, avec le célèbre « car on donnera à celui qui a, et il sera dans l’abondance, mais à celui qui n’a pas on ôtera même ce qu’il a« .

Mais vraiment, je suis surtout content d’avoir découvert une des invitées qui était Élisabeth Bouchaud. Cette dernière a une palette de talents assez folle puisqu’elle est à la fois physicienne, actrice et dramaturge. Et elle a de quoi bien s’exprimer au sujet de l’effet Matilda, mais on apprend aussi sa contribution à sortir de l’oubli d’incroyables chercheuses et trouveuses qui ont été souvent dépecées par leurs collègues, confrères ou supérieurs hiérarchiques masculins. Pendant l’émission, elle m’a totalement bluffé et conquis avec le jeu en live d’une scène d’une pièce qu’elle a écrite, et dans laquelle elle joue le rôle de Lise Meitner.

Cette dernière a une histoire incroyable puisqu’elle est carrément à l’origine de la découverte de la fission nucléaire ! Alors qu’on balançait des neutrons en se disant que ça alourdirait des éléments (d’uranium), ils étaient plus légers !! Elle a conjecturé, avec l’aide de son neveu, Otto Frisch, qu’on avait de nouveaux noyaux qui avaient été créés par « division » de l’uranium et que cela libérait aussi une quantité dingue d’énergie au passage. Elle a collaboré surtout pendant trente ans avec Otto Hanh, mais elle a subi l’antisémitisme nazi et a dû fuir l’Allemagne. A cause de tout cela, et malgré ses contributions majeures dans ces découvertes, les scientifiques allemands (pas forcément nazis bien sûr) ont publié dans jamais la mentionner. C’est très intéressant aussi évidemment de prendre en considération toutes les autres nuances : misogynes, sexistes ou simple jalousie.

L’épisode parle aussi de Rosalind Franklin dont c’est encore plus fou puisqu’elle est maintenant bien identifiée comme la personne qui a véritablement découvert la forme en double hélice de l’ADN, ses recherches ayant été tout bonnement spoliées par Watson et Crick. La troisième personne souvent citée pour ce genre d’injustice de l’histoire des sciences est Marietta Blau. Elle a été clef dans l’étude des particules, et surtout leurs manifestations empiriques sous forme de traces photographiques.

Bon bah hop, rattrapez donc moi ça mes chéris et chéries ! ^^

  1. Fear Of Missing Out ou littéralement la peur de rater un truc. ↩︎

La scalabilité de l’alliance

J’ai beaucoup aimé ce post d’Aude C. qui explique par quelques anecdotes qu’il est toujours compliquer de se jauger à l’aune de sa propre mesure, étant donné que tout est très relatif dans ce domaine, et qu’on est souvent peu clairvoyant avec soi. Elle montre comme le féminisme ostensible et emphatique peut être perçu également par un tiers comme une marque de minoration d’autrui bien ordinaire, mais aussi ses propres biais ou faiblesses à d’autres occasions.

Et ça tombe bien, car on essaie de faire au mieux dans la vie de tous les jours, mais on a tous nos qualités et nos défauts. Il faut sans doute éviter de se prévaloir d’être bon en ceci ou en cela, surtout quand on parle d’alliés. Il vaut mieux laisser les personnes qu’on défend le faire pour nous. ^^

L’Académie française qui diconne

Même la ligue des droits de l’homme demande que l’Académie revoit d’urgence ses définitions. Elle vient en effet de sortir la fin de la neuvième édition de son dictionnaire. Et ce n’est pas un coup d’essai puisque ça a tout de même commencé en 1694. Et alors apparemment, c’est une catastrophe de définitions totalement réactionnaires et à la morale antédiluvienne.

« Le traitement du racisme, lourd d’enjeux dans le monde où nous vivons », est « sidérant », poursuit la LDH à propos de l’ouvrage dont la neuvième édition a été remise au président Emmanuel Macron le 14 novembre.

La « race » est ainsi définie dans le dictionnaire comme « chacun des grands groupes entre lesquels on répartit superficiellement l’espèce humaine d’après les caractères physiques distinctifs qui se sont maintenus ou sont apparus chez les uns et les autres, du fait de leur isolement géographique pendant des périodes prolongées ».

Au mot « Jaune » on peut aussi lire qu’il s’agit d’« une personne ou une population caractérisée notamment par la pigmentation jaune ou cuivrée de la peau, par opposition à Blanc et à Noir », s’indigne la LDH.

L’association pointe également la présence du mot « négrillon » qui dans le dictionnaire consultable en ligne renvoie à « petit enfant noir » ou celle encore de « négroïde » comme personne présentant « certaines des caractéristiques morphologiques des populations noires ». « Aucune distance n’est marquée avec ces entrées, aucune d’entre elles n’est signalée comme discriminante ou péjorative », souligne la LDH qui demande à « rectifier d’urgence » cette édition.

Dans un autre registre, la femme est qualifiée comme « un être humain défini par ses caractères sexuels qui lui permettent de concevoir et de mettre au monde des enfants », pointe la LDH. « Faut-il en conclure qu’une femme stérile ou ménopausée n’en est pas une ? », s’interroge-t-elle. Elle épingle par ailleurs la définition de l’hétérosexualité qui est décrite comme une relation « naturelle » entre les sexes « ce qui implique que l’homosexualité ne l’est pas », en déduit la LDH.

Article de France Info : La Ligue des droits de l’homme exhorte l’Académie française à « rectifier d’urgence » son dictionnaire

Il se trouve qu’un compte Instagram que j’aime beaucoup Etymocurieux a aussi publié une très bonne vidéo qui reprend ces éléments. Le garçon est aussi joli qu’il est passionnant à propos de linguistique, d’étymologie et d’histoire de l’évolution du français.

Oooh James!!

Après ce post où on réalise le sexisme ordinaire sur une série de films bien proche de nous, je ne peux m’empêcher d’avoir une pensée pour tous les films qui ont bien mal vieilli avec un sexisme ordinaire (parmi d’autres discriminations parfaitement assumées) qui fleure bon le temps d’avant. Et dans ce domaine, on a tellement l’habitude des James Bond avec des scènes d’un machisme insupportable (Goldfinger en tête, même si c’est un des meilleurs selon moi).

De temps en temps, je rattrape certaines lacunes cinématographiques, et l’année dernière, ou celle d’avant, j’ai vu pour la première fois le seul James Bond avec George Lazenby : Au service secret de Sa Majesté. Le film date de 1969 et il est pas mal du tout parce qu’il reflète bien l’air du temps, et les changements subtils des sixties aux seventies. On a notamment un rôle de Diana Rigg qui est n’est pas spécialement une James Bond girl et absolument pas une potiche.

Mais comme en contraste à cela, j’ai été profondément choqué par une des scènes avec Moneypenny, où la célèbre secrétaire (Lois Maxwell pour les 14 premiers films entre 1962 et 1985) se prend carrément une main au cul. La saynète est hallucinante est surréaliste évidemment. Et le subtil changement de ton entre la réprimande qui vire immédiatement au badinage est incroyable. En 1969, c’était déjà un sacré geste anachronique, mais il faut croire que ça ne choquait vraiment pas. Tout de même, c’est fou !!!

Simone de Beauvoir

Je ne connaissais vraiment que très peu de choses sur Simone de Beauvoir. Vraiment à part la facette féministe d’avant-garde, le deuxième sexe et l’accointance avec Sartre, ça n’allait pas beaucoup plus loin. Cette série de podcasts m’avait été déjà conseillée sur les Internets, et je m’y suis mis récemment en y repensant par un curieux enchainement de pensées.

Je suis vraiment content d’avoir écouté ces 8 épisodes qui sont absolument passionnants. C’est un reportage hyper complet et documenté sur toute la vie de Simone de Beauvoir, mais c’est aussi une approche assez thématique sur les grandes périodes de son existence, et les transformations successives à la fois de la société et du développement de cette femme d’exception. Évidemment cette vie est indissociable de celle de Sartre, mais elle va bien au-delà et on se rend compte de son importance singulière, et autant d’ailleurs par les échos actuelles de ses travaux et œuvres en regard d’un Sartre dont elle n’est plus le simple « side-kick » mais bien un alter ego. La situation s’inverse même à certains égards, où l’on peut aujourd’hui parler plutôt d’elle, et de regarder comment il a pu être là « à côté » de cette femme qui a littéralement révolutionné notre société.

Il y a cette dimension bourgeoise qui est très présente, et sur laquelle j’ai adoré la posture de Simone de Beauvoir. Il y a notamment ce bout d’interview à chaque début d’épisode où un journaliste lui fait remarquer qu’elle a eu une éducation très bourgeoise, pour mieux sans doute mettre en question ses positions politiques de gauche, et qu’elle mouche en quelques mots de bon sens.

– Mais pourtant, vous avez eu une éducation très bourgeoise…
– Ce n’est pas une raison pour aimer la bourgeoisie !

Un journaliste de Radio Canada à Simone de Beauvoir

Ce qui est tellement cool avec un podcast comme cela, c’est qu’il n’y a pas vraiment de format contraint, donc on se retrouve avec 8 heures de documentaires, et on a le temps d’avoir de l’histoire, de la philosophie, des digressions, on peut avoir l’approche hagiographique d’un côté, et creuser le côté sombre de l’autre. Cela donne une enquête complète et circonstanciée, qui évoque à la fois la vie de la femme, son travail philosophique ou d’autrice, ses postures politiques et leurs évolutions, l’attitude pas terrible pendant la seconde guerre mondial, et l’espèce de rattrapage extraordinaire de la guerre d’Algérie.

C’est vraiment une série que je conseille ardemment. Cela s’écoute très facilement, et vraiment on en sort beaucoup moins con (en apparence). ^^

Couverture du podcast Simone de Beauvoir sur France Inter

De natura rerum

Je voulais partager cet excellent épisode de Radiolab qui continue à produire un superbe podcast depuis plus de vingt ans maintenant. A présent c’est Latif Nasser et Lulu Miller qui présentent le show, et là en l’occurrence c’est un épisode qui se concentre sur cette dernière. J’ai trouvé très intéressant, comme d’habitude, cette enquête mais c’est l’introspection de Lulu qui est géniale et qui rend cette écoute particulièrement passionnante.

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