J’ai été surpris par l’article de Vincent qui demande à la cantonade comment nous « habitons » nos prénoms et noms. C’est curieux comme formulation, mais je comprends bien ce qu’il veut dire, et comme beaucoup de gens (me semble-t-il), il nourrit une sorte de ressentiment envers son patronyme. Encore une mission pour Baptiste Coulmont ça !!!
Pour une fois, c’est un truc que je n’ai pas eu moi. J’ai toujours été assez content de mon prénom, que je trouve assez joli et euphonique, et très classique tout en étant pas si commun (même si les apôtres courent normalement les rues). Et j’adore mes deux seconds prénoms, un algérien et un portugais, qui rappellent les origines des grands-pères, les deux commençant par M comme mon prénom principal.
Mon nom je l’aime bien aussi. Ce truc mystérieux qui n’apparaît qu’à partir de 1943 sur un Ausweis, alors qu’avant mon grand-père sur tous ses papiers d’identité n’est que Mohammed Ben Ali (fils d’Ali quoi). Mais il est marrant ce nom car il sonne algérien pour certains algériens, même si la plupart sont juste circonspects par ma face de toubab (je ne suis qu’un quarteron maghrébin), et il sonne parfaitement français, surtout lorsque la tentation vient d’y ajouter un d à la fin, comme très très souvent. J’ai eu la chance donc de ne jamais avoir été discriminé pour cela (eh oui, c’est si courant sur un CV ou un dossier d’appartement). Je suis très tatillon sur l’orthographe de mon nom, et mon prénom aussi d’ailleurs : un seul t et pas de d s’il vous plaît !!!!
La première fois que j’ai eu le résultat avec cette proposition hypothétique de composition de mes ancêtres (on a fait ça avec mon mari il y a 9 ans), j’ai été éberlué par cette incroyable capacité à relier ADN et généalogie. Parce que me concernant, vu que j’ai une hérédité assez traçable et plutôt bien distribuée chez mes grands-parents. Un grand-père maternel portugais, le paternel algérien, une grand-mère maternelle de Lorraine et des Vosges, l’autre d’Alsace et du nord de la France, et tout cela est parfaitement représenté dans la cartographie suivante, et les pourcentages « matchent » encore très bien cette réalité biologique.
Et lorsque les données sont assez renseignées et corrélées (qu’il y a assez de gens dont on connaît le patrimoine génétique et la localisation), on a même des proposition de régions. Et pour la France, bah ça marche carrément super bien !!
Idem pour l’Algérie, que l’on peut voir dans l’image en tête, puisque mon grand-père est de la région de Biskra. En revanche la région secondaire est une vraie découverte pour moi, car je n’imaginais pas avoir des origines aussi profondément saharienne. C’est follement exotique !! ^^
Carton plein de nouveau pour mes origines ibères, puisque mes arrières-grands-parents sont bien venus de l’Algarve (mon arrière-grand-père pendant la guerre de 14, et mon arrière-grand-mère qui l’a rejoint en 1919). En revanche, la généalogie me place de côté-là au même endroit pendant des générations (c’était un endroit carrément reculé à l’époque, et les gens ne bougeaient vraiment pas), donc je ne m’explique pas la provenance plus centrale.
Bon et après, ce qui est marrant ce sont toutes les petites singularités et bouts d’origine qui traînent en plus. L’Italie est tout de même une origine assez marquée, mais généalogiquement parlant, je ne vois absolument pas comment. Après on sait bien que plus on remonte dans les archives, et plus les chances de se tromper ou plutôt d’avoir des relations familiales mais non biologiques sont proche de 1. Les petits trucs comme la Sardaigne ou la Finlande sont peut-être des bugs, ou bien des marques trop faibles pour avoir une interprétation littérale en termes d’origines d’ancêtres, mais c’est toujours marrant à constater ! Les pouièmes de la péninsule arabique, j’imagine que c’est un classique du mix algérien pour les populations arabes évidemment.
L’autre utilité plus ou moins abstraite c’est le fait de matcher avec des gens, basé sur des bouts d’ADN en commun. J’ai beau avoir 1263 membres de la famille en plus avec ce service, je partage au mieux 0,43% d’ADN avec une petite petite petite petite cousine. Donc le système me trouve des ancêtres communs au temps des Celtes ou des Huns quoi. ^^
Mais il est drolatique de constater qu’ils ont tous des origines portugaises, algériennes ou françaises. Hu hu hu. J’avais aussi fait un test sur un autre site en espérant avoir des résultats plus fins ou d’autres matches, mais en réalité j’ai matché avec… ma cousine. Donc ok on avait beaucoup d’ADN en commun, mais ce n’était pas une grande découverte. Bon après, je ne me plains pas, car des personnes nées par dons de sperme se sont parfois retrouvées avec une immense fratrie répandue dans le monde entier !!
Ce que je trouve très beau dans ces tests, c’est que pour les origines françaises, on est « French & German« . Et on ne peut pas vraiment nous différencier génétiquement. On s’est trop mélangé, on a trop convolé dans l’histoire, il faut dire que nous avons Charlemagne comme référence commune aussi. Ça marque ! Pour des pays qui se sont faits tant de fois la guerre, bah on est lié comme jamais, et je trouve ça chouette. Rien que pour ça, on devrait se réunifier je trouve !!! ^^
J’ai vraiment de la chance dans ma quête des cartes postales du village de naissance de mon grand-père, car j’avais trouvé la dernière fois encore un complément à ma série d’Alexandre Bougault. J’avais donc les cartes N° 160, 161 et 162, et là je viens de dégoter la 163 !!
La dernière fois, je m’étonnais de la mention d’un lac, dans cette zone désertique1, et je penchais pour une erreur avec l’Oued Tamda (qui déborde de temps à autre). Mais là c’est bien précisé : les bords de l’Oued. Alors il y avait peut-être vraiment un lac à l’époque… J’ai trouvé cette carte (issue d’une étude hydrographique et de climat locale d’il y a une dizaine d’années) ci-dessous qui liste les différents Oueds du coin, avec en pointillés là où ils sont à sec une bonne partie de l’année, sans doute hors chutes d’eau exceptionnelles et inondations.
Comme toujours, voilà la version réparée par IA.
Et la version colorisée, qui est toujours aussi chouette à découvrir, et qui permet de beaucoup plus s’imaginer l’endroit.
Je n’ai aucune idée de combien de cartes composent cette série, mais j’espère qu’il y en a d’autres2 !!! ^^
Mais en une centaine d’années, j’imagine que c’est beaucoup plus aride aujourd’hui. ↩︎
Je fais des recherches très occasionnellement sur des sites de ventes de vieux papelards, affiches ou cartes comme ça. ↩︎
Pour tenter d’y répondre, ou en tout cas essayer de se poser les bonnes questions pour cerner le problème, il utilise des modèles mathématiques épidémiologiques en se projetant dans une attaque virale qui remonterait les générations…
Parce que le truc de base c’est évidemment de se dire :
Nous avons tous 2 parents, 4 grands-parents, 8 arrière-grands-parents, 16 arrière-arrière-grands-parents, et, si on remonte 40 générations pour retomber à peu près à l’époque de Charlemagne, cela donne 1 099 511 627 776 ancêtres à ce niveau — mille milliards, soit quelque chose comme 4000 fois la population mondiale de l’époque (à la louche, 250 millions).
Mais on sait bien qu’on a tous beaucoup d’ancêtres en commun, et que c’est très contre-intuitif à quel point le phénomène est énoooorme. Donc sa proposition d’investigation est la suivante :
Imaginons que nous regardions l’histoire de l’Humanité à l’envers (je veux dire, en faisant couler le temps en sens inverse). J’imagine conceptuellement que je suis porteur d’une infection (l’infection avoir David Madore dans sa descendance) et que cette infection se transmet (en remontant le temps, donc) à mes deux parents, qui la transmettent eux-mêmes à leurs parents, etc. Nous avons là un modèle épidémiologique dont le nombre de reproduction R₀ (ou, comme j’aimais bien le noter dans mes articles de vulgarisation à ce sujet, κ) vaut 2. (Pour être un peu plus précis sur la comparaison, les individus sont considérés comme « susceptibles » à partir de leur mort — je rappelle que je joue le temps à l’envers, donc on commence par mourir —, ils sont « infectés » à partir de la naissance d’un enfant infecté, et ils le restent jusqu’à leur propre naissance, laquelle transmet l’infection à leurs propres parents.)
Il y a quelques années, j’étais tombé sur une carte postale du village natal de mon grand-père paternel qui était contemporaine de sa naissance et son enfance, et ça m’avait plu de l’acquérir pour nourrir un peu plus mon imaginaire sur mon aïeul. J’avais posté la carte postale en question, mais seulement l’originale. La voilà.
Mais aujourd’hui, on peut évidemment améliorer ces anciennes photographies avec un peu d’Intelligence Artificielle, et il faut avouer que ça rend carrément bien.
Et quand, en plus, on rajoute un peu de couleurs, alors c’est fabuleux !!
L’auteur de cette photo « A. Bougault » (Alexandre Bougault 1851-1911) est assez connu pour avoir sa page Wikipédia, et on peut facilement identifier son logotype en bas à droite des cartes postales avec cette ancre marine posée à l’horizontale. Comme cette carte était écrite et avait bien été envoyée en métropole, on a la date de l’oblitération du 14 mai 1910 (mon grand-père est né en 1905).
Tous les ans, je refais des recherches pour voir si de nouvelles cartes postales de Doucen émergent sur les Internets. Et là j’ai eu de la chance avec deux opportunités (cela me coûte moins de dix euros à chaque fois). Ce sont encore deux cartes d’Alexandre Bougault, et elles sont « toutes neuves ». Et c’est marrant car l’une d’elles est la même version que la précédente mais en paysage, et elle permet de montrer beaucoup plus de détails du paysage et des bâtiments alentours (on voit aussi plus de personnages et des dromadaires).
Et donc même combat pour la version améliorée :
Et la version colorisée !
L’autre carte postale est aussi assez originale, avec la mention et la photo d’un « lac » à Doucen. L’endroit étant une oasis au cœur (aux portes ou juste derrière plutôt) du désert du Sahara, il s’agit plutôt sans doute (enfin sauf erreur de ma part évidemment, car je ne peux chercher que des infos en ligne) d’une période de pluies exceptionnelles et de débordement de l’Oued Tamda, qui provoque même des inondations de temps en temps1.
La version améliorée par IA :
La version colorisée toute belle :
J’espère bien pouvoir agrémenter cette modeste collection avec le temps. ^^
Je ne sais pas si beaucoup de français connaissent Étienne Dinet (1861-1929), moi je l’ai découvert lors de cette exposition, mais apparemment il est éminemment connu en Algérie, et est étonnamment réputé et apprécié pour un peintre français orientaliste. Mais quand on sait qu’il était absolument amoureux de l’Algérie, qu’il s’est converti à l’Islam et qu’il a souhaité être enterré là-bas, on comprend sans doute mieux ce curieux pont entre nos deux pays. Et de ce que j’en ai lu, il a lutté toute sa vie durant non pas contre la colonisation, mais pour une prise en compte plus égalitaire et fraternelle des algériens dans la France de son époque.
Et il est également positivement considéré par son œuvre car tout en étant un orientaliste, il n’a pas concentré ses thèmes et ses peintures sur des aspects outrageusement exotiques des populations locales. On a au contraire une peinture très naturaliste et réaliste qui cherche à capturer l’essence des algériens qu’il a connu, rencontré et vécu avec. Et vraiment j’ai pu constater cela avec plaisir lors de l’exposition, un peu comme cette première image dépeignant un conteur (meddah aveugle) qui charme ses auditeurs par son récit (1922).
Je dois aussi avouer un sentiment tout personnel car Étienne Dinet a porté son dévolu sur une région qui m’est chère. Il s’installe en effet à Bou Saâda qui est une oasis aux portes du désert, et il est enterré là-bas. Or c’est à 100km d’où mon grand-père est né et a vécu, et l’exposition a aussi été pour moi une de ces occasion qui nourrit mon imaginaire. Plusieurs tableaux dépeignent cette région des Zibans, et notamment Biskra, qui est donc aussi ma région d’origine (1/4 de mon merveilleux patrimoine génétique donc), aujourd’hui surtout connu pour l’excellence de ses dattes, et j’ai adoré avoir une vision de ces paysages, ces visages et des ambiances qui correspondent exactement à la jeunesse de mon grand-père (1905 à 1928) avant son arrivée en métropole.
L’Oued de Bou Saâda en crue (1890)
Et il y a ces visages qui m’ont tant plu, car je retrouve vraiment les traits de mon grand-père et de ses sœurs, les mêmes tatouages sur le visage, et même certaines typologies dans les gestes ou les vêtements. C’était très émouvant et touchant de voir cela.
Mes grands-tantes Aïcha et Fatima au tout début des années 80.
Ma grand-tante Fatima prise en photo par mon grand-père à Doucen (Algérie) dans les années 40 ou 50. Les photos ont été colorisées et améliorées par une IA.
J’ai beaucoup aimé ses dessins qui capturent les visages très finement et avec une troublante beauté.
Et il y a ce très beau tableau de Dinet qui est son plus connu en Algérie. Il y a beaucoup de peintures qui montrent des relations intimes entre hommes et femmes, ce qui peut apparaître comme troublant en comparaison de la situation actuelle, beaucoup plus puritaine et pour laquelle la mixité a énormément reculé. On a aussi des peintures qui clairement représentent des prostituées et qui figurent des quartiers « chauds » de l’époque.
Esclave d’amour et Lumière des yeux : Abd-el-Gheram et Nouriel-Aïn (légende arabe) 1900
Le style a un peu vieilli, et ce n’est pas spécialement ma tasse de thé, mais c’est vraiment plaisant de trouver une peinture de l’Algérie avec autant d’allégresse, de couleurs chatoyantes dans les habits et les accessoires, d’une vie quotidienne bouillonnante où se croisent les hommes, les femmes et les enfants. Il montre aussi régulièrement des situations plus religieuses, mais avec encore beaucoup de beauté, de sérénité et de mixité.
L’exposition est une magnifique rétrospective de l’artiste, avec également des éléments de son œuvre plus éditoriale (livres, affiches, illustrations), et qui donnent encore plus à voir et apprécier ce sud algérien de mon grand-père, si mystérieux et intrigant pour moi (et pas qu’exotique je vous rassure).
Je voulais juste rappeler ce truc tellement hasardeux, mais qui n’est resté en tête. Il y a dix ans, en 2013 à peu près à la même période, je publiais quelques photos en noir et blanc assez abîmées de mes grands-parents, et notamment une photo scannée d’un antique négatif qui avait l’air de montrer ma grand-mère devant un château inconnu.
J’avais demandé si des gens pouvaient m’aider à reconnaître cet endroit pour me donner un peu plus de contexte. J’avais essayé de chercher avec le style ou même l’architecture de la chapelle qu’on aperçoit, mais j’avais totalement fait chou blanc. Et puis, seulement 6 jours plus tard, en tapant un commentaire quelconque sur un site, j’avais vu que le gentilé « cannois » était souligné comme si c’était une faute.
En googlant ce dernier pour me rassurer sur son orthographe, j’avais été surpris de constater que la ville proposée par défaut par google n’était pas Cannes dans le sud de la France, mais Cannes-Écluse dans le 77.
Et là, puisque je me préparais à entrer dans un de ces vortex Wikipédia dont on ne ressort pas vivant, j’ai décidé d’aller voir à quoi cette ville ressemblait. Et BADABOUM !!
La première image m’avait évidemment tapé dans l’œil car ça ressemblait énormément à l’architecture de mon château, mais avec des détails très différents. Sur la page de la ville, je vois une vignette de l’église du coin, et quand je l’agrandis, je me dis que j’ai vraiment fait mouche !
En regardant un peu la situation géographique sur une carte, les angles de vue sont tout à fait compatibles avec la photo. Et en réalité, je comprends que la photo est simplement à l’arrière du château par rapport à celle trouvée sur les Internets.
Et enfin, j’ai trouvé ensuite une carte postale quasi-identique à celle de ma grand-mère (j’ai rafistolé et colorisé celle qui est en en-tête ^^ ).
Je re-raconte la même histoire qu’il y a dix ans, mais c’est parce que vraiment j’ai halluciné (et encore aujourd’hui) qu’un tel hasard survienne moins d’une semaine après avoir entamé de vaines recherches sur un château perdu dans les limbes. Et surtout que le contexte au final m’a bien été donné, puisque ce château était à l’époque un préventorium, et que la tuberculose était une maladie très répandue dans ma famille (grand-mère, grand-oncle notamment).