J’ai vraiment de la chance dans ma quête des cartes postales du village de naissance de mon grand-père, car j’avais trouvé la dernière fois encore un complément à ma série d’Alexandre Bougault. J’avais donc les cartes N° 160, 161 et 162, et là je viens de dégoter la 163 !!
La dernière fois, je m’étonnais de la mention d’un lac, dans cette zone désertique1, et je penchais pour une erreur avec l’Oued Tamda (qui déborde de temps à autre). Mais là c’est bien précisé : les bords de l’Oued. Alors il y avait peut-être vraiment un lac à l’époque… J’ai trouvé cette carte (issue d’une étude hydrographique et de climat locale d’il y a une dizaine d’années) ci-dessous qui liste les différents Oueds du coin, avec en pointillés là où ils sont à sec une bonne partie de l’année, sans doute hors chutes d’eau exceptionnelles et inondations.
Comme toujours, voilà la version réparée par IA.
Et la version colorisée, qui est toujours aussi chouette à découvrir, et qui permet de beaucoup plus s’imaginer l’endroit.
Je n’ai aucune idée de combien de cartes composent cette série, mais j’espère qu’il y en a d’autres2 !!! ^^
Mais en une centaine d’années, j’imagine que c’est beaucoup plus aride aujourd’hui. ↩︎
Je fais des recherches très occasionnellement sur des sites de ventes de vieux papelards, affiches ou cartes comme ça. ↩︎
Il y a quelques années, j’étais tombé sur une carte postale du village natal de mon grand-père paternel qui était contemporaine de sa naissance et son enfance, et ça m’avait plu de l’acquérir pour nourrir un peu plus mon imaginaire sur mon aïeul. J’avais posté la carte postale en question, mais seulement l’originale. La voilà.
Mais aujourd’hui, on peut évidemment améliorer ces anciennes photographies avec un peu d’Intelligence Artificielle, et il faut avouer que ça rend carrément bien.
Et quand, en plus, on rajoute un peu de couleurs, alors c’est fabuleux !!
L’auteur de cette photo « A. Bougault » (Alexandre Bougault 1851-1911) est assez connu pour avoir sa page Wikipédia, et on peut facilement identifier son logotype en bas à droite des cartes postales avec cette ancre marine posée à l’horizontale. Comme cette carte était écrite et avait bien été envoyée en métropole, on a la date de l’oblitération du 14 mai 1910 (mon grand-père est né en 1905).
Tous les ans, je refais des recherches pour voir si de nouvelles cartes postales de Doucen émergent sur les Internets. Et là j’ai eu de la chance avec deux opportunités (cela me coûte moins de dix euros à chaque fois). Ce sont encore deux cartes d’Alexandre Bougault, et elles sont « toutes neuves ». Et c’est marrant car l’une d’elles est la même version que la précédente mais en paysage, et elle permet de montrer beaucoup plus de détails du paysage et des bâtiments alentours (on voit aussi plus de personnages et des dromadaires).
Et donc même combat pour la version améliorée :
Et la version colorisée !
L’autre carte postale est aussi assez originale, avec la mention et la photo d’un « lac » à Doucen. L’endroit étant une oasis au cœur (aux portes ou juste derrière plutôt) du désert du Sahara, il s’agit plutôt sans doute (enfin sauf erreur de ma part évidemment, car je ne peux chercher que des infos en ligne) d’une période de pluies exceptionnelles et de débordement de l’Oued Tamda, qui provoque même des inondations de temps en temps1.
La version améliorée par IA :
La version colorisée toute belle :
J’espère bien pouvoir agrémenter cette modeste collection avec le temps. ^^
Je ne sais pas si beaucoup de français connaissent Étienne Dinet (1861-1929), moi je l’ai découvert lors de cette exposition, mais apparemment il est éminemment connu en Algérie, et est étonnamment réputé et apprécié pour un peintre français orientaliste. Mais quand on sait qu’il était absolument amoureux de l’Algérie, qu’il s’est converti à l’Islam et qu’il a souhaité être enterré là-bas, on comprend sans doute mieux ce curieux pont entre nos deux pays. Et de ce que j’en ai lu, il a lutté toute sa vie durant non pas contre la colonisation, mais pour une prise en compte plus égalitaire et fraternelle des algériens dans la France de son époque.
Et il est également positivement considéré par son œuvre car tout en étant un orientaliste, il n’a pas concentré ses thèmes et ses peintures sur des aspects outrageusement exotiques des populations locales. On a au contraire une peinture très naturaliste et réaliste qui cherche à capturer l’essence des algériens qu’il a connu, rencontré et vécu avec. Et vraiment j’ai pu constater cela avec plaisir lors de l’exposition, un peu comme cette première image dépeignant un conteur (meddah aveugle) qui charme ses auditeurs par son récit (1922).
Je dois aussi avouer un sentiment tout personnel car Étienne Dinet a porté son dévolu sur une région qui m’est chère. Il s’installe en effet à Bou Saâda qui est une oasis aux portes du désert, et il est enterré là-bas. Or c’est à 100km d’où mon grand-père est né et a vécu, et l’exposition a aussi été pour moi une de ces occasion qui nourrit mon imaginaire. Plusieurs tableaux dépeignent cette région des Zibans, et notamment Biskra, qui est donc aussi ma région d’origine (1/4 de mon merveilleux patrimoine génétique donc), aujourd’hui surtout connu pour l’excellence de ses dattes, et j’ai adoré avoir une vision de ces paysages, ces visages et des ambiances qui correspondent exactement à la jeunesse de mon grand-père (1905 à 1928) avant son arrivée en métropole.
L’Oued de Bou Saâda en crue (1890)
Et il y a ces visages qui m’ont tant plu, car je retrouve vraiment les traits de mon grand-père et de ses sœurs, les mêmes tatouages sur le visage, et même certaines typologies dans les gestes ou les vêtements. C’était très émouvant et touchant de voir cela.
Mes grands-tantes Aïcha et Fatima au tout début des années 80.
Ma grand-tante Fatima prise en photo par mon grand-père à Doucen (Algérie) dans les années 40 ou 50. Les photos ont été colorisées et améliorées par une IA.
J’ai beaucoup aimé ses dessins qui capturent les visages très finement et avec une troublante beauté.
Et il y a ce très beau tableau de Dinet qui est son plus connu en Algérie. Il y a beaucoup de peintures qui montrent des relations intimes entre hommes et femmes, ce qui peut apparaître comme troublant en comparaison de la situation actuelle, beaucoup plus puritaine et pour laquelle la mixité a énormément reculé. On a aussi des peintures qui clairement représentent des prostituées et qui figurent des quartiers « chauds » de l’époque.
Esclave d’amour et Lumière des yeux : Abd-el-Gheram et Nouriel-Aïn (légende arabe) 1900
Le style a un peu vieilli, et ce n’est pas spécialement ma tasse de thé, mais c’est vraiment plaisant de trouver une peinture de l’Algérie avec autant d’allégresse, de couleurs chatoyantes dans les habits et les accessoires, d’une vie quotidienne bouillonnante où se croisent les hommes, les femmes et les enfants. Il montre aussi régulièrement des situations plus religieuses, mais avec encore beaucoup de beauté, de sérénité et de mixité.
L’exposition est une magnifique rétrospective de l’artiste, avec également des éléments de son œuvre plus éditoriale (livres, affiches, illustrations), et qui donnent encore plus à voir et apprécier ce sud algérien de mon grand-père, si mystérieux et intrigant pour moi (et pas qu’exotique je vous rassure).