Wicked (partie 2)

J’y allais un peu frileux après avoir vu quelques témoignages de déception sur les réseaux sociaux, avec notamment des longueurs, moins de chansons marquantes, et une intrigue un peu chaotique. Mais moi ça m’a vraiment encore bien plu. Même si je reconnais quelques maladresses, mais principalement liées à la difficulté inhérente à l’exercice de tuilage entre les histoires (avec celle du Magicien d’Oz donc), et quelques longueurs (mais je soupçonne que c’est comme pour la comédie musicale), je trouve que l’histoire est vraiment très belle et j’ai été agréablement surpris par la trame des personnages principaux.

On est sur un second « acte » de comédie musicale, donc je n’étais pas étonné que l’on soit moins dans des envolées lyriques, et aussi que l’on subisse quelques longueurs (je ne sais pas pourquoi mais les comédies musicales sont toujours un peu chiantes en seconde partie après l’entracte). Malgré tout, on replonge facilement et agréablement dans le monde d’Oz, et on reprend une année après les événements de la dernière fois. Nous avons donc une vision à peu près conforme au film de 39 avec une méchante sorcière de l’ouest au visage vert et une gentille fée Glinda, toujours souriante et amène, dans un pays d’Oz toujours en proie à la ségrégation (envers les animaux notamment) et à un pouvoir corrompu.

Petit à petit, le scénario va se mettre en place avec l’arrivée de Dorothy, la genèse attendue des personnages secondaires avec le Lion peureux, l’Homme de fer-blanc (qui cherche un cœur) et l’Épouvantail (qui n’a pas de cerveau). Mais surtout on suit toujours les deux amies, dont je pensais qu’elles deviendraient ennemies dans une vision assez manichéenne, et j’ai beaucoup aimé le traitement de leur relation et la complexité des émotions qui s’en dégagent. Car Elphaba et Glinda restent en réalité très liées, et vraiment entichée amicalement l’une de l’autre jusqu’au dénouement.

C’est sans doute la facture globale du film qui m’épate, on est dans une qualité hollywoodienne qui n’existe plus, j’ai l’impression, pour ce genre de blockbuster. Et c’est donc très plaisant de renouer avec des gros budgets qui se voient vraiment ! Aussi les images sont magnifiques, et on ne lésine pas sur les effets, mais la réalisation est également léchée, et on a de super bonnes comédiennes et comédiens qui délivrent une prestation à la hauteur des enjeux.

Malgré tout, il y a en effet quelques longueurs, mais je n’ai pas non plus regardé ma montre (même si la fin n’en finit pas, ce qui m’agace toujours). Et les quelques morceaux vocaux de bravoure, surtout et avant tout pour Cynthia Erivo, valent vraiment l’attente.

Dans l’ensemble c’est une œuvre qui tient la route quoi ! Et je reste vraiment conquis par les idées sous-jacentes de Gregory Maguire qui a écrit le roman. Quelle idée géniale de refaire une histoire de conte pour enfants la plus standard et normalisée avec le point du vue du « méchant », et de nous montrer par l’exemple comment fonctionne le « récit national » et la propagande.

Wicked (partie 1)

J’y allais vraiment pas du tout pré-convaincu, ne connaissant pas du tout l’histoire, ni le bouquin, ni la comédie musicale éponyme, et ayant uniquement pour références le film de 1939 (évidemment) Le Magicien d’Oz et celui de 2013 : le très Disney Le Monde fantastique d’Oz. Ce dernier n’était pas un grand chef d’œuvre (assez médiocre en réalité), mais s’il donnait quelques billes en tant que préquel.

Wicked est surtout connu comme une comédie musicale avec un immense succès depuis sa création, et je savais que c’était un point de vue très intéressant car le roman de Gregory Maguire, en donnant un autre prisme et une narration des interstices de l’histoire d’origine, très manichéenne, permettait une relecture complètement renouvelée. Et quand on brouille la frontière entre les gentils et les méchants, c’est tout de suite beaucoup plus intéressant. Et donc contre toute attente, alors que je m’attendais à trouver cela au mieux « sympathique », j’ai beaucoup beaucoup aimé !

Car on est complètement dans l’univers d’Oz avec son côté féérique et neuneu, mais dans cette fable un peu simpliste, faisant s’opposer une gentille, belle, talentueuse et vertueuse Glinda à une méchante Sorcière de l’Ouest à l’horrible peau verte et dégaine de fée Carabosse, on retrouve entre les lignes d’origine des chapitres entiers. Et on découvre que Glinda est une petite connasse superficielle et idiote, dont la bonté est surtout une marque de fabrique, tandis qu’Elphaba souffre d’une différence lui venant de sa naissance, et surtout en réalité de l’opprobre que les autres lui font vivre.

Et j’ai aimé que tout soit très subtil dans l’histoire et dans les nuances de leurs personnalités, y compris sur le Prince Charmant, succédané de mannequin instagrammeur. Donc peu à peu, tout en restant très conforme à l’histoire d’origine, on a une autre vision qui se forme, et on comprend très bien qu’une bonne propagande peut parfaitement nous faire prendre, à ce point, des vessies pour des lanternes. Le film est en cela, notamment, très moderne et assez bien vu, tout en étant woke à moooooort, super folles de comédies musicales et filles à pédés assumés (il n’y a pas d’autres habitants à Oz je crois de toute façon ^^ ). Tous les garçons semblent extrêmement sensibles, et les filles prêtes à faire Drag Race, et vice-versa.

J’ai été aussi très agréablement surpris par le jeu des deux comédiennes. Ariana Grande, en Galinda qui devient Glinda dans une démarche digne des plus grands SJW, est aussi dingue et éthérée qu’une Anne Hathaway, mémorable Reine Blanche dans un moins mémorable Alice au pays des Merveilles, et c’est vrai que les deux histoires ont quelques points communs. Mais Cynthia Erivo lui vole aisément la vedette avec un personnage très attachant, et qui est le prisme principal par lequel l’histoire se vit. Et les deux sont des chanteuses de ouf, avec de chouettes moments de bravoure.

Après, sincèrement, que ce soit la musique ou les paroles, on est vraiment dans de la comédie musicale made in Broadway de base de base. C’est vraiment de la chanson de crieuse professionnelle, qui a le mérite de proposer quelques sérénades dont les points d’orgue fournissent de jolis moments d’émotions (et on te met bien le doigt dessus en appuyant fort). Jonathan Bailey est aussi plutôt pas mal, même si j’ai été troublé tout le film avec sa ressemblance avec Rupert Everett (pré-chirurgie évidemment), et même sa voix (et ses oreilles ^^ ). En plus de lui, le casting est très très gay avec notamment Bowen Yang, mais aussi le caméo des deux chanteuses de la comédie musicale que sont Idina Menzel (la mère de Rachel dans Glee, chanteuse de Let it go…) et Kristin Chenoweth qui sont toutes deux des juges récurrentes de RuPaul Drag Race. N’en jetez plus, le gaydar a explosé et a mis des paillettes partout partout. Hu hu hu.

Et la direction artistique qui est dans la lignée de celle de 1939 (les hommages sont vraiment chouettes, j’ai trouvé) avec des effets spéciaux très beaux, et malgré tout de somptueux décors et costumes ont achevé de me conquérir. On est vraiment dans une belle production, le fond, la forme, pas mal du tout. Après 2h40 pour tout cela, c’est un peu trop long, on aurait aisément pu grapiller vingt minutes. Mais je n’ai pas regardé ma montre, et globalement c’est une narration, qui certes prend son temps, mais donne à voir pas mal de choses, avec une action correctement soutenue. Toute cette première partie permet de vivre l’ascension et la découverte initiatique d’Elphaba qui se verra incarner complètement la méchante sorcière de l’Ouest.

L’originalité de l’histoire, le fait d’avoir un récit qui mêle aussi bien les faits d’origine, et cette version « alternative », est assez épatante et follement intrigante. Et même si on devine bien l’issue, qui est déjà connue justement, j’aime assez que l’on arrive à surprendre dans des méandres narratifs insoupçonnés, et qui façonnent une toute autre morale, même si la conclusion sera factuellement la même. Et ce final à coup de balai supersonique m’a assez plu pour que je veuille maintenant voir la suite !!!

PS : Matt Bernstein, dans son podcast, proposait justement une lecture intéressante du personnage de Glinda en tant que pseudo-alliée qui profite de ses privilèges, en réalité, et n’hésite pas à retourner sa veste pour conserver et consolider sa position.