Faut pas pousser mémé dans les orties !

Bah je suis bien moi à dire haut et fort que l’Inter-LGBT devrait être neutre et accepter tous les bords et tout et tout… Bon mais je ne pensais pas que j’aurais à préciser que l’extrême droite n’était pas une option hein ?

Nan mais les gay patriotes ? Ouate ze feuque !!!

Et not’ bon ministre de l’Intérieur qui leur propose une escorte de CRS pour les défendre ???

Donc là, en effet, on refuse cette participation, on exclut les fachos d’emblée, et on leur pisse à la raie en passant. ^^

Je me suis toujours dit que c’était un bon signe d’avoir une visibilité homo à droite, et que ça voulait dire que la société changeait vraiment (enfin !). Mais là non !!!!

Autres temps, autres mœurs, autres traumas

J’ai découvert ce podcast il y a un peu plus d’un an, et il est vraiment sympa. Ce sont deux américains dans leurs « late fifties » qui évoquent ce que ça fait d’être des vieux pédés. Cela parle de relations amicales, amoureuses, sexuelles ou simplement de la société, et j’avais été particulièrement attentif à un très intéressant épisode où ils évoquaient un véritable PTSD (Syndrome de Stress Post Traumatique) pour les gens de leur génération quant aux (pire des) années SIDA.

C’est cette période bien sûr des années 1980 à 95, où les gays tombaient comme des mouches alors que les traitements n’existaient pas, puis peu jusqu’à ce qu’enfin les trithérapies se répandent, et redonnent une vie à des gens qui se pensaient irrémédiablement condamnés. Les deux compères évoquent leurs expériences en la matière, et ce que ces années de détresse ont pu laisser comme marque et séquelles chez certains older gays qui seraient à présent un peu fâchés avec la vie et naturellement empreints d’une certaine animosité envers le monde et leurs prochains.

J’ai naturellement pensé à mon oncle Raymond, le frère ainé de ma maman, qui malgré son homosexualité n’a jamais été quelqu’un de très proche, même si nous avons toujours eu une certaine connivence, mais avant tout celle d’être deux geeks devant l’Éternel. Il m’a donné mes premiers ordinateurs et plein de trucs de PC époque 486 DX2-66 (ceux qui savent…) qui faisaient totalement mon bonheur, et on partageait vraiment clairement cet amour de l’informatique (et de la bite donc). Hu hu hu. J’ai déjà parlé de lui quelques fois dans le blog, que ce soit pour évoquer notre homosexualité, le fait qu’il parte rejoindre son mec en Australie rencontré sur Internet à 64 ans, ou bien mes péripéties lorsque je lui piquais ses cassettes de cul. ^^

Il m’avait avoué dans une carte postale qu’il avait découvert et qu’il lisait mon blog de manière très sympathique d’ailleurs.

Lui est né en 1941, c’est donc encore une génération avant, mais il a toujours été très mutique avec moi sur sa vie intime. En revanche, lorsque nous sommes passés à Perpignan lors de nos vacances à l’été 2021, nous avons été invités par un ex petit copain de mon oncle, Claude, un type que j’ai connu des années en couple avec mon oncle (avant même ma naissance), et qui m’a donc connu tout minot. C’est chez lui et son mari que j’ai reluqué son génial miroir de Belle !!

Mon oncle est autant mutique que Claude est bavard, et il était absolument disert sur tous les sujets les plus indiscrets pour notre plus grand plaisir. Ainsi lors de ce court séjour, j’avais appris énormément de choses sur eux, et notamment qu’ils sont sortis ensemble à partir de 1963, que Claude draguait dans les parcs, au bout des ponts, dans les pissotières et partout où cela se faisait. Et surtout qu’ils ont passé leur temps à se piquer des mecs, à se tromper et plein d’autres joyeusetés. C’était assez fun de découvrir tout cela, en plus de photos à poil de mon oncle des années 60 et 70 bien conservées par son ex et qu’il s’est empressé de me montrer. Ah ah ah. Après, il y avait aussi une homophobie criante et omniprésente dans toute la société, des descentes de flics et une peur globale et insidieuse qu’il a aussi exprimé. Chaque époque a ses marqueurs…

Malgré tout cela, Claude nous a aussi bien expliqué qu’il a eu son lot de mecs morts pendant l’hécatombe SIDA des années 80, et que c’est aussi quelque chose qui l’a beaucoup marqué. Ce qui a été génial pendant ce moment c’est qu’on a aussi découvert qu’ils formaient avec tous leurs potes une vraie communauté (mon oncle habite à Carcassone) d’entraide et de soutien. En tant que vieux pédés, souvent en rupture avec leurs familles, et la plupart du temps sans parents, assez régulièrement aussi avec des enfants d’un premier lit « cishet », ils ont véritablement construit et investit cette notion de famille qu’on se choisit. Et il faut les voir, tous dans leurs 70 voire 80 ans, à se draguer, et se targuer de leurs présences sur les apps, et leur prérogatives de polar bears assumés.

J’avais bien suivi que mon oncle était parfaitement actif sur les RSA1, où il avait rencontré son ex australien (il est revenu en France, après sa rupture donc), et où il badinait selon son bon plaisir. En revanche, ce n’était vraiment pas ce qu’on peut appeler un type très affable ou sympathique. Au contraire, souvent à faire la tronche, à faire des remarques pas très agréables, et très très égocentré, on se disait tout le temps dans la famille que ce n’était pas un cadeau et que ça ne s’arrangeait pas avec le temps.

Je pense aussi à Guillaume et ses podcasts sur la sexualité que j’ai déjà évoqué, car il a souvent parlé de son propre oncle, dont il a appris l’homosexualité. Et il nourrit un imaginaire riche sur ce que/qui pouvait être cet oncle, ses histoires d’amour, de famille, et le lien quasi transgénérationnel entre eux. Cela me fait sourire avec mon oncle ronchon et renfrogné, mais comme souvent chez ces personnages avec un truc attachant, dont j’ai appris finalement plus de choses par son ex.

Evidemment et inexorablement, la santé de mon oncle s’est mis à décliner peu à peu, et dans l’année de ses 83 ans, il y a quelques mois, il est décédé. Il était encore parfaitement indépendant et vivait dans sa maison à Carcassone, mais il a eu des malaises, et il a dû être hospitalisé. Il a appelé son ami B., qui est immédiatement venu de Paris pour le voir, et prendre soin de lui, et en réalité l’accompagner dans ses derniers jours.

B. c’est encore une autre histoire. Lorsque ma mère m’a expliqué que mon oncle lui avait dit qu’il était en relation avec un algérien de 25 ans qui faisait ses études en France. Alors oui bien sûr, on a été un peu interloqué et on a eu des doutes. Et un bon petit racisme ordinaire s’est répandu dans la fratrie et au-delà. Mais les années passant, force était de constater que la relation était toujours là. Et même après la rupture, l’amitié ou en tout cas le lien absolument indéfectible. Raymond pouvait toujours compter sur lui, d’abord dans le sud, puis depuis quelques années à Paris. Je ne l’avais jamais rencontré, mais ma môman me disait que ça avait plutôt l’air d’un mec sympa (elle l’avait notamment vu au mariage de Claude, où mes parents étaient invités), même si elle ne comprenait vraiment pas la nature de leur relation.

Mais voilà, B. a été là, et a tenu informé ma maman de l’hospitalisation, et du décès trois jours plus tard. Il a fallu ensuite organiser les funérailles et nous rendre à Carcassonne pour vider sa maison. Personne d’autre que nous sommes descendus pour cela (compliqué pour toute la famille en Île de France, et une fratrie vieillissante peu mobile), ma mère, mon père, mon frère et moi. Ma mère était à l’ouest, et ça a été compliqué de tout faire en très peu de temps, et moi je télétravaillais faute de pouvoir prendre des congés. Tout le monde était sur le fil de se foutre sur la gueule, mais on a tenu bon. On a réussi à tout faire, et on a assisté à la cérémonie précédant sa crémation.

Mon oncle en avait rien à foutre de son héritage au propre comme au figuré, et il avait prévenu ma mère qu’ils devraient se démerder (les frères et sœurs) car il n’avait pas un rond, et n’en avait rien à foutre de son devenir une fois passé l’arme à gauche. Au moins les choses étaient claires, et c’était tout à fait cohérent avec son caractère.

Mais nous avons réussi à être encore surpris par mon oncle, et ces moments de rigolade nous ont fait du bien. Car à peine avions-nous commencé à débarrasser la maison que des voisines sont arrivées pour nous exprimer, les larmes aux yeux, comme Raymond était un type adorable, serviable, gentil et sympathique, qui était très connu et aimé de la communauté du lotissement, et qui serait énormément regretté. Une voisine est même venue pour la crémation en représentation du voisinage pour exprimer leurs condoléances. C’était surréaliste, et ça nous a bien fait sourire.

Claude était là, ainsi qu’un autre ex que j’aime beaucoup et qui était là avec Raymond à notre propre mariage, et c’était touchant de voir ces personnes âgées tenir à être là pour Raymond en souvenir de leur temps passé ensemble.

B. est resté jusqu’au bout, et je suis content d’avoir eu l’opportunité de rencontrer ce mec adorable (de 37 ans maintenant) et sympathique, vrai compagnon de route et d’une certaine destinée de mon oncle. Il a toujours été là, ami et confident, sans doute amant bien sûr, à la loyauté certaine et indéniable, et en pleurs ne pouvant cacher son profond et sincère chagrin. Et cette situation tragicomique où le pauvre devait réagir positivement à tous les vieux qui lui parlaient de l’Algérie Française qu’ils avaient connu pendant la guerre, avec des gens vraiment très gentils. Mein gott, comme j’avais envie de le secourir de ce racisme ordinaire qui se voulait bien sûr tout le contraire, mais qui était à cent lieues j’imagine de ce qu’il avait envie d’avoir comme conversation.

Je garde cette image, avec son chat, car on avait aussi cela en commun après tout. ^^

Autre élément qui m’a beaucoup fait sourire, et tellement typique de lui. Il avait contracté moins d’une année avant un crédit avec une de ces banques à logos verts d’une somme non négligeable pour s’acheter une voiture, mise au nom de son ami B. Nan mais qui accepte de faire crédit à un mec de bientôt 83 ans. Eh bien, en voilà un pour les pertes et profits, joli dernier pied de nez au capitalisme.

Nous sommes repartis avec l’urne contenant ses cendres, et ma môman voulait organiser une petite cérémonie pour ses frères et sœurs qui n’avaient pu être là. Fin juin, nous nous sommes donc rassemblés à Osny, j’étais là aussi donc, et ma maman a eu la meilleure des idées en faisant placer l’urne dans la tombe de ma grand-mère. Je pense que ça lui aurait fait plaisir, vraiment j’en suis convaincu, d’être de retour à Osny, et avec ma grand-mère. C’était un beau moment au cimetière, et j’étais content d’être venu pour cela.

J’ai toujours été curieux de ce Jean-François Michel, dont ma grand-mère m’avait expliqué qu’il était mort bébé d’une méningite foudroyante. Ma tante m’a alors expliqué que c’était une histoire assez sordide en réalité, nous étions donc en pleine seconde guerre mondiale, en pleine occupation, et lors du décès de cet oncle, des corbeaux ont dénoncé à la police des maltraitances sur l’enfant. Ma grand-mère a donc été inquiétée en plein deuil et en pleine détresse. Il a fallu une autopsie qui a conclu à cette méningite, et a innocenté mon aïeule. La perte de l’enfant, ce soudain opprobre et en passer par une autopsie pour son bébé ont été de sacrés coups du destin pour ma grand-mère à ce moment-là.

  1. RSA = Réseaux Sociaux de l’Amour, soit les apps de rencontre. ↩︎

Tribord

Suite à la victoire du RN aux élections européennes (et à la dissolution que j’ai évoquée juste avant), il y a eu un petit fait divers bien drolatique. Simplement quelques militants fachos qui ont décidé d’aller casser du pédé pour célébrer leur victoire, et le retour des bonnes valeurs d’antan chez eux. Et hop, v’la t’y pas que le gars y raconte même qu’il a hâte d’être dans trois semaines pour « casser du pédé autant qu’on veut ».

Il fallait bien s’attendre à ce genre de chose, et ça a au moins le mérite de faire comprendre à toutes les tapettes qui ont voté RN, que c’est aussi cela le RN, c’est même avant tout cela.

Et en même temps, le truc auquel on ne croyait plus, un nouveau souffle à gauche avec un Nouveau Front Populaire, et tous les partis de gauche qui se rassemblent (ça fait furieusement penser à la Gauche Plurielle d’autrefois). Bon même si je déteste les appellations « nouveau », qui ne sont rapidement plus nouvelles et qui démontrent une certaine limite créative, je suis content de ce regroupement devant l’adversité. Et comme d’hab, je partage beaucoup des idées du Roncierchouchou.

Mathieu Burgalassi, dont j’ai parlé récemment, a publié lui aussi de très intéressantes vidéos à propos du RN, notamment de leurs accointances avec le terrorisme ou l’antisémitisme dans des publications édifiantes.

La honte et la peur chevillées au corps

Au début, j’ai commencé à écrire un truc vers le 17 mai pour cette journée mondiale contre les LGBTphobies, mais qui célèbre aussi cette année les 10 ans du mariage pour tous. Bon c’est chouette tout ça hein, mais j’ai commencé à écrire et ça ressemblait carrément à autre chose. Alors comme d’habitude dans ce cas là, je m’arrête en cours. Je note l’idée, et j’attends que ça passe. J’attends juste pour voir comment évoluent mes idées, et ne pas me mettre forcément dans l’obligation de parler de l’actualité de manière synchrone.

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