Iwak #27 – Bête/Animal

Souvent quand mes parents insistaient pour nous montrer des films, on soufflait comme de bons ados, mais au final très souvent on admettait que c’était pas mal du tout. Et en général, quand on avait trouvé ça bof, ils reconnaissaient que ça avait beaucoup vieilli. Quand on a vu le film de Jean Cocteau de 1946 : la Belle et la Bête, on s’est rendu à l’évidence : c’est un putain de bon film !!!

C’est vraiment encore pour moi un des grands chefs d’œuvre du cinéma mondial, et clairement dans mon « top » personnel. Il bénéficie déjà d’un noir et blanc d’une incroyable beauté et qui est vraiment utilisé pour raconter son histoire de manière particulière. Mais clairement, quand on voit un peu les films de l’époque et celui-ci, on voit à quel point il est moderne et n’arrive pas à prendre une ride. C’est sûr que le conte lui donne une portée particulièrement globale, d’autant plus que c’est un des mythes universels qu’on retrouve dans énormément de cultures depuis la nuit des temps, même si la « Bête » en tant que telle vient sans doute de Pédro Gonzalès.

Et il y a tout cet imaginaire incroyable porté par les décors et les effets spéciaux (consistant surtout à filmer des scènes puis les repasser à l’envers, comme cela on voit les bougies s’allumer comme par magie), j’avais été super impressionné par ces mains qui s’animent et font le service, et ces instants féériques totalement magnifié par la réalisation.

Bien sûr, il y a la Bête avec Jean Marais incroyablement grimé, et aussi totalement « gay-acting« , vraiment impossible de le penser hétéro deux secondes, qui joue merveilleusement bien ce prince maudit qui essaye de conquérir le cœur de la Belle.

Mais alors ma déception à l’époque et qui me trouble encore aujourd’hui, c’est que le film reste toujours très péjoratif vis-à-vis de la Bête, et que la Belle ne l’aime vraiment bien que quand il devient un homme. Avant, à peu près tout le monde méprise la Bête, et ça paraît être l’opinion publique. Aujourd’hui, à l’image du film de Disney d’ailleurs, il me semble qu’on serait plus aimable et enclin à aimer aussi la Bête. Inclusion à fond !!! ^^

Mais ce qu’il y a de mieux à propos de la Bête et la Bête, ce n’est pas ce film merveilleux, c’est clairement cette chanson géniale d’Amanda Lear qui est injustement méconnue. Ce tube fabuleux et inoxydable fera un jour, je l’espère, un retour tonitruant dans les charts, tant il a un potentiel entêtant, mystérieux et électrogroovy. Chef d’œuvre, je vous dis, chef d’œuvre !

Iwak #15 – Poignard

Le mardi soir, j’allais régulièrement dormir chez ma grand-mère quand j’étais minot, car elle me gardait avec mon frère le mercredi, et parfois mes cousines. Ce sont de merveilleux souvenirs, car on regardait la dernière séance le soir, présentée par Eddy Mitchell, et c’était en semaine mais comme on ne travaillait pas le lendemain, on pouvait regarder le film avec elle1. Et parfois, on faisait « soirée cinéma », c’est-à-dire que ma grand-mère nous préparait des frites (à la main bien sûr) et qu’elle confectionnait également des cornets de papier pour qu’on les mange avec les doigts (!!) en regardant la télévision. Ah ça, croyez-moi c’était la belle vie, et une grand-mère très cool.

Typiquement les films de capes et d’épées étaient propices à une « soirée cinéma », et j’aimais énormément les films avec Jean Marais, notamment Le Bossu et Le Capitan de André Hunebelle (et aussi les Fantomas qui sont de lui aussi, dans un autre genre). Il s’agissait de films vraiment classiques et populaires des années 60, mais qu’on regardait encore avec beaucoup de plaisirs dans les années 80, et que souvent nos parents avaient eux-mêmes vu enfants au cinéma.

J’étais fasciné par l’incarnation de Jean Marais quand il faisait le Bossu et qu’il couinait un « Voulez-vous toucher ma bosse mon seigneuuuuuur ? ». Mais l’autre scène qui m’est resté, c’est dans Le Capitan qui est un redoutable film d’actions et d’époque, avec Jean Marais qui escalade la tour d’un château pour aller libérer sa belle avec seulement l’aide de deux poignards, qu’il insère entre deux pierres pour s’en servir d’appui. Tout le monde savait et rappelait que Jean Marais n’était jamais doublé pour ses cascades, et qu’on voyait là une véritable prouesse.

Et c’est assez dingue, car Jean Marais était vraiment l’incarnation du beau mec par excellence, courageux et fougueux, impétueux et téméraire, le bourreau des cœurs qui manie l’épée avec génie, qui déjoue les plans des méchants et sauve sa meuf à la fin de tous ses films. Mais il finissait ses films uniquement joue contre joue avec ses héroïnes, et ça m’a toujours marqué. Je ne comprenais pas trop les sous-entendus rigolards de mon père à l’époque bien sûr. Mais plus tard on m’expliquera que Jean Marais était loin d’être un homme à femmes, et il était de notoriété publique qu’il avait été l’amant et l’amour de Jean Cocteau. Tout cela était tacite, mais incroyablement su et étrangement accepté sinon intégré dans une mythologie parallèle.

Plus tard en effet, j’ai trouvé que Jean Marais était parfaitement pédé dans son attitude dans absolument tous ses films, et ça paraît dingue que tout le monde ait fait semblant de ne rien voir pendant tant d’années. ^^

  1. C’est d’ailleurs le mardi 19 octobre 1982 qu’on a vu en relief le fameux film d’épouvante « L’étrange créature du lac noir » dans cette émission (on trouvait les lunettes bleu et rouge dans le Télé 7 jours de la semaine). ↩︎