NO vamos a volver a los márgenes

Je ne sais pas si vous connaissez Carla Antonelli, mais si ce n’est pas le cas, alors il faut réparer cela d’urgence. Elle est sénatrice espagnole et aussi députée de l’assemblée de Madrid, et c’est également une femme trans. Elle a fait un incroyable discours il y a quelques jours qui fait beaucoup de bien, en plus d’y trouver cette verve et morgue toute almodovarienne qu’on aime tant !!! ^^

Source : Instagram (pour les sous-titres en anglais) et Instagram (celui de la sénatrice et députée en question).

Cela fait des jours et des jours, et avant cela fait déjà quelques mois que j’en parle hein, que je vois des attaques de plus en plus prégnantes de toutes les extrêmes droites contre les droits des trans, mais aussi contre la transidentité en général, et les progrès même plus importants, selon moi, que la société a réalisés grâce à cette inclusion. Et donc ce coup de gueule libérateur m’a fait un bien fou (la droite espagnole attaque depuis quelques années la Ley trans). Car purée, mais les trans c’est moins de 1% de la population, ce n’est pas possible que ce soit une telle problématique, surtout quand on voit que ce serait une telle engeance à vous retourner la société entière. On dirait notre copine homophobe favorite qui nous promettait la colère de Dieu…

Un des célèbres moments de la campagne homophobe contre le mariage pour tous (23/10/2012)

Carla Antonelli le dit haut et fort, les personnes trans ne seront plus marginalisées et reléguées !

Bottoms

Quand PH nous a proposé ce film pour un Cinéfolles, je n’étais pas super convaincu. J’avais vraiment peur d’un teen movie qui dépasse un peu trop ma tolérance de futur boomer. Mais c’était vraiment une excellente surprise, et clairement si j’en fais un article alors qu’il date de 2023, ce n’est pas pour rien !!

Et bien sûr ce qui fait toujours la différence c’est que c’est un film très bien écrit, plutôt bien joué avec une production qui tient la route. Les bons auteurs, et là en l’occurrence, les bonnes autrices, sont clefs et permettent de donner des bons films même lorsque d’autres défauts sont là. Et les films de lesbiennes ne sont pas légion, alors que l’on a, selon moi, affaire à un film qui a tout d’un statut « culte » à venir.

L’histoire c’est celle de PJ (Rachel Sennott) et Josie (Ayo Edebiri) qui sont deux goudous lycéennes en galère de meuf (elles n’ont encore jamais eu de relation sexuelle). Alors qu’elles naviguent dans la rude existence d’ados queers dans un lycée où elles sont largement considérées comme les loseuses du coin, elles ont chacune un crush (hétéro évidemment) et parfaitement insensibles à leurs charmes. Elles commencent à nourrir leurs réputations de filles dures à cuire qui ont passé du temps en « juvie1 » (ce qui est affabulé), et elles ont l’idée de mettre en place un cours de self défense pour les filles de l’école (avec l’aide d’un prof à mourir de rire). Le truc se transforme rapidement en fight club où elles se battent vraiment, mais ça rapproche tout ce petit monde, et les deux héroïnes y gagnent un certaine réputation.

Tout cela se fait aussi dans un lycée avec un écosystème classique, donc avec à la tête des athlètes bourrins et des bimbos écervelées, mais également, et c’est tellement drôle, un pédé footballeur très mauvaise qui s’appelle « Matthieu2 » et qui est aussi au sommet de la chaîne alimentaire estudiantine. Mais surtout le film est complètement déjanté et nawak, d’une délicieuse absurdité et d’un humour décapant qui fonctionne à merveille (sur moi). J’ai vraiment beaucoup ri et très candidement.

J’ai vraiment pensé à un film aussi important que « Nowhere » a pu l’être pour moi en 1997. Mais là où Nowhere était une vision sous ecsta d’une génération perdue, là c’est plus conforme à la genZ, avec en sus une bonne dose d’absurdité qui flirte tout de même avec une *certaine* réalité. Mais sans jamais se prendre au sérieux, et avec vraiment énormément d’humour, de dérision, on y décèle aussi une claire envie de s’amuser avec le spectateur.

C’est en plus chouette de voir un film qui décrit un univers quasi au-delà des queerphobies, avec des jeunes gens fluides et moins engoncés dans des rôles et attitudes prédéterminés. J’ai aussi beaucoup aimé que le rôle du jock local par Nicholas Galitzine (qui jouait le prince anglais pédé dans cet affreux film) absolument débile, mais également peu crédible en hétérosexuel avec un jeu incessant sur son profil à la fois macho, mais aussi sensible et sur le fil d’on ne sait quoi. Vraiment c’est drôle, car les autrices jouent à la fois sur les clichés, mais les déconstruisent aussi dans une même scène, ce qui rend le truc très intéressant et franchement marrant.

Et les moments fight club où elles se ramassent les unes les autres, avec des moments sanguinolents, sont des scènes d’une drôlerie beauf assez irrésistible, et transcendées par cette magnifique et solaire « lesbianité ». On ne le dira jamais assez BRAVO LES LESBIENNES !!!

J’espère bien que les d’jeuns ont vu et verront ce petit film qui m’aura marqué à sa manière. ^^

  1. Juvenile detention, ce qu’on appellerait une maison de correction en France. ↩︎
  2. J’ai un peu halluciné de voir ce prénom tellement français et vraiment prononcé en français dans le film (il y a aussi une « Sylvie » d’ailleurs). ↩︎

Le bruit des bottes

Je ne sais pas si vous avez suivi ce truc incroyable qui se passe aux USA avec l’arrivée de Trump, de nouveau, au pouvoir. Mais c’est tout à fait similaire (et je mesure mon point Godwin après 37 mots seulement) aux autodafés (juste à l’arrivée au pouvoir des nazis en 1933) et autres réécritures de l’histoire ou exposition de l’art dégénéré (Entartete Kunst en 1937) par exemple. Et puis c’est pas comme s’ils ne se mettaient pas à nous faire des saluts romains nazis à tout bout de champ. Nous avons tout bonnement un nouveau gouvernement qui fait supprimer les mentions de transidentité de tous les services publics en ligne ou encore les recommandations sur la PrEP qui a disparu du site web de la CDC1.

Ces obligations d’invisibilisation ont aussi été propagées sur les sites internet des National Park Services où dorénavant les trans sont gommés (via un skeet de Xavier) de notre réalité et notre histoire, et y compris concernant un Monument National newyorkais depuis 20162 : Le Stonewall Inn (la photo ci-dessus est celle de mon dernier passage là-bas en 2013, c’est une sorte de pèlerinage majeur pour moi).

Et donc voilà ce que ça donne : ce n’est plus LGBT mais LGB !

C’est d’autant plus choquant alors que le Stonewall en 1969 était largement fréquenté par des personnes travesties et transgenres, et ce sont ces personnes qui étaient déjà les plus discriminées, et qui ont été les fers de lance de notre propre émancipation actuelle.

C’est le pouvoir aussi fascinant que terrifiant que notre monde numérique, celui de pouvoir changer l’histoire d’un simple « chercher / remplacer » sur des centaines de bases de données. Et c’est évidemment à Elon Musk que l’on doit une telle stratégie numérique de mainmise sur ces dispositifs digitaux officiels qui sont des sources de confiance et des repères immuables pour tout un chacun.

Cet exemple n’est qu’un tout petit minuscule effet de cette politique offensive de renormalisation de la société, et elle voit se relever les mœurs les plus rétrogrades érigées en commandements sacrés pour tous et toutes.

Christina Pagel a justement publié un texte très intéressant qui résume tous ces changement en mode Blitzkrieg, et leurs impacts délétères majeurs sur la société américaine, mais au-delà aussi sur cette affreuse galvanisation de nos propres fascismes made in Europe en germination.

Je vous mets un fil de pouets Mastodon qui reprend en synthèse ses propos (je vous le mets en français, puis la VO) :

« Voilà donc comment meurt la liberté… »

Les 3 premières semaines de Trump ont été un déluge incessant d’actions. Il est incroyablement difficile de suivre le rythme.

J’ai passé en revue 69 actions et cartographié le schéma – montrant comment elles s’inscrivent dans 5 grands domaines cohérents avec les États autoritaires.


Les décrets de Trump, les prises de pouvoir de Musk, le démantèlement des institutions plus rapidement que quiconque ne peut le suivre, l’attaque contre la science, le savoir et les organismes coopératifs internationaux et les alliés font tous partie du manuel de l’autoritarisme.

J’ai également regroupé les actions dans un tableau pour illustrer cela.


2 livres (How Democracies die, The Road to Unfreedom) mettent en évidence les étapes clés pour éroder la démocratie :
Saper les institutions indépendantes
Affaiblir l’opposition
Démanteler les protections sociales
Se retirer des alliances internationales
Instrumentaliser le nationalisme
Saper la science
Saper les élections libres (y compris la désinformation)


** Presque toutes les actions que Trump a entreprises au cours des trois dernières semaines correspondent directement à ces étapes. **

Applebaum dans son livre de 2020 « Twilight of Democracy » avertit que les démocraties deviennent incroyablement fragiles une fois que leurs élites abandonnent les normes démocratiques…

Trump n’a jamais aimé les normes démocratiques mais les respectait (parfois) en paroles lors de son 1er mandat. Dans son 2ème mandat, il se délecte de les détruire.

Tous les Républicains qui résistaient ont depuis longtemps disparu. Les autres ont soit embrassé le chaos, soit choisi la complicité.

De nombreux Démocrates semblent paralysés.

Pendant si longtemps, les États-Unis ont été le principal allié du Royaume-Uni et de l’Europe, la voix la plus forte pour proclamer sa démocratie.

Mais les États-Unis sont maintenant une menace pour l’économie mondiale, la santé mondiale et la stabilité mondiale. Plus tôt cela sera reconnu, mieux ce sera.

Nos dirigeants semblent paralysés, incapables de parler des États-Unis dans le même langage qu’ils utilisent pour les pays traditionnellement hostiles, espérant que l’œil du tyran les épargnera.

Avant de pouvoir agir face à une crise, il faut reconnaître qu’on y est – il est temps pour nos dirigeants, et nos médias, de se réveiller

La version originale pour les anglophones. ^^

« So this is how liberty dies… »

Trump’s first 3 weeks have been a relentless flood of actions. It’s incredibly hard to keep up.

I’ve gone through 69 actions & mapped out the pattern – showing how they fall within 5 broad domains consistent with authoritarian states.


Trump’s executive orders, Musk’s power grabs, dismantling institutions faster than anyone can track, attacking science, knowledge and international *cooperative* bodies and allies are all part of the authoritarian playbook.
I’ve also grouped the actions in a table to illustrate this.


2 books (How Democracies die, The Road to Unfreedom) highlight key steps to erode democracy:
Undermine independent institutions
Weaken the opposition
Dismantle social protections
Retreat from international alliances
Weaponise nationalism
Undermine science
Undermine free elections (inc misinfo)


** Almost all of the actions Trump has taken over the last three weeks map directly onto those steps. **

Applebaum in her 2020 book « Twilight of Democracy » warns that democracies become incredibly fragile once their elites abandon democratic norms…

Trump never liked democratic norms but did (sometimes) pay lip service to them in his 1st term. In his 2nd term, he is revelling in burning them down. Any Republicans who resisted are long gone. The rest have either embraced the chaos or chosen complicity.

Many Democrats seem frozen.

For so long the US has been the core UK & European ally, the loudest voice in proclaiming its democracy.

*But the US is now a threat to the global economy, to global health and to global stability. The sooner this is acknowledged the better.*

Our leaders seem paralysed, unable to talk about the US in the same language they use for traditionally inimical countries, hoping that the bully’s eye passes them over.

Before you can act on a crisis you have to recognise you are in one – it is time for our leaders, and our media, to wake up.

  1. Un juge fédéral a ordonné un retour en ligne de ces informations hier. ↩︎
  2. Le bar est inscrit au Registre national des lieux historiques en 1999 et désigné site historique national en 2000, puis monument national en 2016 par Barack Obama ↩︎

Les clichés ont la vie dure

Evidemment qu’on n’a pas en France de statistiques ethniques et pas non plus de statistiques sur l’emploi des LGBT. Mais Baptiste Coulmont le petit sociologue malin et champion des inférences statistiques a simplement pris les données du recensement. Et que se passe-t-il si on regarde les professions des personnes en couple avec des personnes de même sexe puisque le recensement ne recode plus le sexe du conjoint (ou de la conjointe) quand le couple est de même sexe.

Bon bah énormes surprises hein !!? OU PAS !!! Mouahahahaha. ^^

C’est la beauté des clichés et caricatures, ils reposent rarement sur des phénomènes complètement illusoires et infondés. ^^

Dans une prison de Mexico City circa 1935

Un ensemble de photographies de mexicains, prétendument arrêtés pour homosexualité en 1935, fait partie de la collection de la Photothèque Nationale de l’Institut National d’Anthropologie et d’Histoire (INAH) au Mexique. Ces images proviennent de la prison de Lecumberri à Mexico.
On sait très peu de choses sur les détenus eux-mêmes, si ce n’est que ces photos ont été prises dans cette prison tristement célèbre pour ses conditions inhumaines. Jusqu’en 1976, les hommes homosexuels y étaient souvent emprisonnés dans le pavillon J, ou « Jota ». Le terme « joto », dérivé de cette lettre, reste un terme homophobe courant au Mexique.

Traduction du début de l’article d’où viennent les photos.

J’ai vu ces photos sur Insta, et j’ai cherché quelques références complémentaires, mais ça tourne en boucle. Néanmoins, je reste fasciné par ces photographies nonagénaires qui figurent ces types plus fierce et Yassss Queen que jamais. Je ne sais pas si c’était de la déconnade alors qu’on cherchait à les ficher, ou s’il y a autre chose derrière, mais j’aime tellement leur attitude bravache et espiègle, avec des poses que ne renieraient pas des Queens d’aujourd’hui.

Ma petite émotion queer et positive du jour. ^^

BAMBI à la Rotonde (Moissy-Cramayel) par le Théâtre de l’Estrade

Je voulais la voir cette pièce hein, je suis allé jusqu’à Moissy-Cramayel, dans le 77, pour cela !! Parce qu’une adaptation de la vie de Bambi sur les planches, je ne vois pas ce qui serait plus dans mes cordes. ^^ Bambi c’est Marie-Pierre Pruvot, qui est née en Algérie en 1935, et qui fut une des premières femmes trans de notre pays. Elle fut connue comme une meneuse de revue et danseuse de cabaret, mais elle a surtout été enseignante et autrice une bonne partie de sa vie.

La compagnie du théâtre de l’Estrade crée des œuvres qui sont autant de supports de médiation culturelle avec des lycéens, et donc c’est une démarche de fond assez différente des processus de création plus conventionnels. En revanche l’intérêt manifeste là est de proposer des opportunités de travaux avec des lycées de la région sur le sujet de la tolérance et plus globalement de la diversité sexuelle et de genre. Donc l’œuvre présentée est à la fois une proposition de la compagnie, mais aussi un outil de travail pédagogique, et la résultante des échanges avec les élèves, et aussi des interactions avec Marie-Pierre Pruvot.

L’idée c’était de reprendre le roman autobiographique de Bambi qui s’intitule « Marie parce que c’est joli », et qui rend compte chronologiquement des étapes importantes de la vie de l’artiste. Ainsi, on suit différentes saynètes qui nous montrent les moments charnières de sa vie, depuis son enfance, puis adolescence et vie adulte jusqu’à la transition de genre et au-delà avec notamment le passage au cabaret, chapitre après chapitre du livre. La mise en scène est très dynamique et enlevée, et j’ai aimé que ce soit si vivant et syncopé.

Le recours à des vidéos et des écrans secondaires sont aussi de chouettes ajouts qui aident à la compréhension, et donnent aussi beaucoup de peps à la mise en scène. Après je regrette un peu que l’écran déporté (qui était une bonne idée) ne soit que peu utilisé (très bien vu en revanche pour la scène du confessionnal), et devienne un peu un gadget. Mais on a aussi une musique très présente et tout cela rend le spectacle vraiment agréable et fluide.

La volonté est clairement de se concentrer sur la vie de Bambi, mais en la rendant la plus universelle possible. J’ai regretté justement que ça ne soit pas plus « daté » et « référencé », mais j’ai compris que c’était manifestement conçu de cette manière à dessein (on a pu discuter en fin de spectacle lors d’un « bord de scène »), un peu comme pour 120 BPM. De même on est sur une pièce un peu trop courte à mon goût, mais je crois que c’est une forme qui devait seoir à des adolescents, donc un peu taillée aussi pour cela.

Il y a 3 comédiens et 1 comédienne sur scène, cette dernière incarnant Bambi à tous les âges, et globalement j’ai bien aimé leurs performances. Les acteurs jouent plusieurs rôles à chaque époque de l’artiste, et il y a un mélange des genres qui est très bien senti, l’un des comédiens jouant notamment la maman de Bambi, et chacun pouvant porter des talons hauts ou du maquillage. On sent bien la volonté d’ouvrir les possibles et les chakras des spectateurs.

J’ai passé un bon moment, mais j’ai trouvé que c’était une œuvre un peu limitée par son format à destination des lycéens. C’est bête car cette qualité profonde et sincère de travailler le spectacle dans un cadre pédagogique a finalement, selon moi, oblitéré sa portée potentielle. Bien sûr l’initiative est géniale, et il faut absolument la soutenir. Mais je regrette que ce travail de base très riche et intéressant n’ait pas pu servir aussi à nourrir une œuvre avec un peu plus d’ampleur et d’ambitions.

La Velu.e, cabaret queer au Cirque Électrique

Quand B. m’a proposé de me faire découvrir un show queer que je ne connaissais pas, j’ai sauté sur l’occasion. Je n’ai plus trop la possibilité d’aller voir les Paillettes sur scène ou des shows à Paris, et on essaie autant que faire ce peut d’en profiter sur Nantes. Et donc j’ai expérimenté avec une grande joie cette Velu.e pour sa 23ème édition (si j’ai bien compris, cela existe depuis 2022) au Cirque Électrique (un chapiteau polyvalent à deux pas de la porte des Lilas).

On est dans un événement assez classique et qui mixe shows de drag, performances et burlesque, avec une pincée de tombola drôle et stupide et une présentation plein d’humour et de sass par Üghett. Les copines Loki et Fabisounours sont aussi de la partie et de l’organisation, ce qui était très cool de les revoir dans ce contexte (la dernière fois, c’était à notre soirée de départ de Paris il y a trois ans).

Le premier numéro était assez spectaculaire avec l’apparition d’une vraie créature qui a plus ou moins l’apparence d’une drag mais qui va au-delà du genre traditionnel. C’était très très cool avec un Pingo Speed qui se donne à fond et qui met un petit grain de folie très salutaire dans une performance corporelle assez saisissante. Il est revenu une seconde fois avec un autre accoutrement impressionnant et très architectural, tout en montrant son corps à chaque fois avec quelques codes du burlesque.

Il y avait aussi Charly Broutille qui est une artiste burlesque mais qui là a plutôt proposé un tour de chant très humoristique, tout en gardant ce truc de sassiness (que je traduirais par insolence, impertinence, espièglerie ce champs lexical là mais sans bien trouver le bon mot) que je trouve toujours irrésistible chez les effeuilleuses burlesque (et la mise en valeur de son corps était incroyable et géniale).

Ensuite, j’ai tout de suite pensé à nos performers drag King et Queer de Nantes avec Monsieur Confiture. C’est un personnage très attachant et énigmatique, et qui a une voix assez incroyable. Il a chanté avec beaucoup de talent, d’émotion et dans une mise en scène qui a véritablement uni toute l’audience dans une même vibration.

Et enfin, Veida Shimmy avec deux numéros de drag assez classique mais très bien exécutés.

Cela fait un bien fou de voir du spectacle vivant et aussi vivifiant, avec un public qui est très réactif, et soutient avec bienveillance et une sincère mansuétude ses coreligionnaires queer. J’aime bien que l’ensemble soit un peu bancal et parfois hésitant, ça ne rend l’ensemble que plus attachant et chouette. Bon bah maintenant je vais vouloir venir sur Paris pour voir les autres dates !! ^^

La conjuration des tech-oligarques

Dans son dernier discours (d’adieu) Joe Biden a été assez explicite sur le danger de la désinformation, et l’article de The Verge résume ses propos.

In his farewell message on Wednesday, Biden called back to warnings that President Dwight Eisenhower gave about the military-industrial complex causing a “disastrous rise of misplaced power.”
“Six decades later, I’m equally concerned about the potential rise of a tech industrial complex that could pose real dangers for our country as well,” Biden said. Despite praising US technology leadership for its innovation and ability to transform lives, Biden said he was concerned about “a dangerous concentration of power in the hands of a very few ultra-wealthy people,” warning that there could be alarming consequences “if their abuse of power is left unchecked.”

[…]

“Americans are being buried under an avalanche of misinformation and disinformation enabling the abuse of power,” Biden warned. “The free press is crumbling. Editors are disappearing. Social media is giving up on fact-checking. The truth is smothered by lies told for power and for profit.”

Biden warns nation about the rise of American tech oligarchs

La VF :

Dans son message d’adieu mercredi, Biden a rappelé les avertissements du président Dwight Eisenhower concernant le complexe militaro-industriel provoquant une « montée désastreuse d’un pouvoir mal placé ».
« Six décennies plus tard, je suis tout aussi préoccupé par la montée potentielle d’un complexe industriel technologique qui pourrait poser de réels dangers pour notre pays », a déclaré Biden. Tout en louant le leadership technologique américain pour son innovation et sa capacité à transformer des vies, Biden s’est dit inquiet d’une « dangereuse concentration du pouvoir entre les mains d’un très petit nombre de personnes ultra-riches », avertissant qu’il pourrait y avoir des conséquences alarmantes « si leur abus de pouvoir n’est pas contrôlé ».
[…]
« Les Américains sont ensevelis sous une avalanche de désinformation et de mésinformation permettant l’abus de pouvoir », a averti Biden. « La presse libre s’effondre. Les rédacteurs disparaissent. Les médias sociaux abandonnent la vérification des faits. La vérité est étouffée par des mensonges proférés pour le pouvoir et le profit. »

Dans quelle case se mettre, et comment y attirer l’autre ?

Je suis retombé sur cet article qui a vingt ans complètement par hasard, et je me suis (re)dit que ça restait toujours un des plus chouettes profils qui soient. Je ne me souviens absolument pas de qui il s’agissait, sauf que manifestement c’était un texte de profil du site GA (GayAttitude, un site web communautaire et de rencontres gay qui a eu le vent en poupe au début des années 2000).

Difficile de savoir dans quelle case chercher l’Autre quand on ne sait pas dans laquelle on est soi-même. Difficile de choisir sa case quand on passe son temps à lire et à écrire, mais qu’on déteste les intellos coincés. Quand on n’aime pas le sport, mais qu’on en fait quand même et qu’on apprécie ceux qui en font (quand même). Quand on aime paresser au lit, au soleil, dans le bain, mais qu’on déteste ne rien faire. Lorsqu’on a 34 ans, mais qu’on ne les fait pas forcément et qu’on apprécie ceux qui ne les font pas non plus, même s’ils les ont. Qu’on trouve ridicule d’être choisi sur sa photo et ses mensurations (178-70), mais qu’on aime bien connaître celles de l’Autre. Qu’on ne fréquente pas les bars du Marais, mais qu’on n’a que des amis homosexuels. Qu’on n’aime pas vraiment les plans cul, mais qu’on ne crache pas sur les aventures. Qu’on va dans les saunas, voire pire, mais qu’on reste fleur bleue et romantique. Qu’on sait être fidèle et volage. Qu’on adore la ville tout en aimant la campagne. Qu’on aime la légèreté tout en détestant le superficiel. Qu’on apprécie la musique classique, l’art, la littérature, mais aussi le shopping et les blagues idiotes. Qu’on bâfre et boit comme un trou, tout en aimant ceux qui savent garder la ligne. Qu’on est plutôt passif, mais qu’on ne veut pas être traité comme une bouche de métro et qu’il nous arrive d’aimer renverser les rôles. Qu’on sait être bavard et silencieux. Contemplatif et ardent. Exigeant et facile. Facile et jamais comblé.

Ce profil me plait car c’est le contraire des petites cases dans lesquels on doit se renseigner pour se faire correctement chercher et trouver par son prochain. Et surtout, il assume la nuance et les paradoxes, et tout de même on est tous fait comme ça, il faut l’avouer. Même si tout le monde cherche à attirer et à montrer le meilleur de soi, on finit par être réduit à des phrases monosyllabiques suivies de quelques émojis sur une de ces applis des RSA1

C’était il y a vingt ans, je me demande si ce quinqua d’aujourd’hui a tout de même fini par trouver chaussure à son pied. Je le lui souhaite encore aujourd’hui. ^^

  1. RSA = les Réseaux Sociaux de l’Amour, c’est à dire les apps de rencontre comme la plus connue : GrindR. ↩︎

Wicked (partie 1)

J’y allais vraiment pas du tout pré-convaincu, ne connaissant pas du tout l’histoire, ni le bouquin, ni la comédie musicale éponyme, et ayant uniquement pour références le film de 1939 (évidemment) Le Magicien d’Oz et celui de 2013 : le très Disney Le Monde fantastique d’Oz. Ce dernier n’était pas un grand chef d’œuvre (assez médiocre en réalité), mais s’il donnait quelques billes en tant que préquel.

Wicked est surtout connu comme une comédie musicale avec un immense succès depuis sa création, et je savais que c’était un point de vue très intéressant car le roman de Gregory Maguire, en donnant un autre prisme et une narration des interstices de l’histoire d’origine, très manichéenne, permettait une relecture complètement renouvelée. Et quand on brouille la frontière entre les gentils et les méchants, c’est tout de suite beaucoup plus intéressant. Et donc contre toute attente, alors que je m’attendais à trouver cela au mieux « sympathique », j’ai beaucoup beaucoup aimé !

Car on est complètement dans l’univers d’Oz avec son côté féérique et neuneu, mais dans cette fable un peu simpliste, faisant s’opposer une gentille, belle, talentueuse et vertueuse Glinda à une méchante Sorcière de l’Ouest à l’horrible peau verte et dégaine de fée Carabosse, on retrouve entre les lignes d’origine des chapitres entiers. Et on découvre que Glinda est une petite connasse superficielle et idiote, dont la bonté est surtout une marque de fabrique, tandis qu’Elphaba souffre d’une différence lui venant de sa naissance, et surtout en réalité de l’opprobre que les autres lui font vivre.

Et j’ai aimé que tout soit très subtil dans l’histoire et dans les nuances de leurs personnalités, y compris sur le Prince Charmant, succédané de mannequin instagrammeur. Donc peu à peu, tout en restant très conforme à l’histoire d’origine, on a une autre vision qui se forme, et on comprend très bien qu’une bonne propagande peut parfaitement nous faire prendre, à ce point, des vessies pour des lanternes. Le film est en cela, notamment, très moderne et assez bien vu, tout en étant woke à moooooort, super folles de comédies musicales et filles à pédés assumés (il n’y a pas d’autres habitants à Oz je crois de toute façon ^^ ). Tous les garçons semblent extrêmement sensibles, et les filles prêtes à faire Drag Race, et vice-versa.

J’ai été aussi très agréablement surpris par le jeu des deux comédiennes. Ariana Grande, en Galinda qui devient Glinda dans une démarche digne des plus grands SJW, est aussi dingue et éthérée qu’une Anne Hathaway, mémorable Reine Blanche dans un moins mémorable Alice au pays des Merveilles, et c’est vrai que les deux histoires ont quelques points communs. Mais Cynthia Erivo lui vole aisément la vedette avec un personnage très attachant, et qui est le prisme principal par lequel l’histoire se vit. Et les deux sont des chanteuses de ouf, avec de chouettes moments de bravoure.

Après, sincèrement, que ce soit la musique ou les paroles, on est vraiment dans de la comédie musicale made in Broadway de base de base. C’est vraiment de la chanson de crieuse professionnelle, qui a le mérite de proposer quelques sérénades dont les points d’orgue fournissent de jolis moments d’émotions (et on te met bien le doigt dessus en appuyant fort). Jonathan Bailey est aussi plutôt pas mal, même si j’ai été troublé tout le film avec sa ressemblance avec Rupert Everett (pré-chirurgie évidemment), et même sa voix (et ses oreilles ^^ ). En plus de lui, le casting est très très gay avec notamment Bowen Yang, mais aussi le caméo des deux chanteuses de la comédie musicale que sont Idina Menzel (la mère de Rachel dans Glee, chanteuse de Let it go…) et Kristin Chenoweth qui sont toutes deux des juges récurrentes de RuPaul Drag Race. N’en jetez plus, le gaydar a explosé et a mis des paillettes partout partout. Hu hu hu.

Et la direction artistique qui est dans la lignée de celle de 1939 (les hommages sont vraiment chouettes, j’ai trouvé) avec des effets spéciaux très beaux, et malgré tout de somptueux décors et costumes ont achevé de me conquérir. On est vraiment dans une belle production, le fond, la forme, pas mal du tout. Après 2h40 pour tout cela, c’est un peu trop long, on aurait aisément pu grapiller vingt minutes. Mais je n’ai pas regardé ma montre, et globalement c’est une narration, qui certes prend son temps, mais donne à voir pas mal de choses, avec une action correctement soutenue. Toute cette première partie permet de vivre l’ascension et la découverte initiatique d’Elphaba qui se verra incarner complètement la méchante sorcière de l’Ouest.

L’originalité de l’histoire, le fait d’avoir un récit qui mêle aussi bien les faits d’origine, et cette version « alternative », est assez épatante et follement intrigante. Et même si on devine bien l’issue, qui est déjà connue justement, j’aime assez que l’on arrive à surprendre dans des méandres narratifs insoupçonnés, et qui façonnent une toute autre morale, même si la conclusion sera factuellement la même. Et ce final à coup de balai supersonique m’a assez plu pour que je veuille maintenant voir la suite !!!

PS : Matt Bernstein, dans son podcast, proposait justement une lecture intéressante du personnage de Glinda en tant que pseudo-alliée qui profite de ses privilèges, en réalité, et n’hésite pas à retourner sa veste pour conserver et consolider sa position.