All of Us Strangers (Sans jamais nous connaître) de Andrew Haigh

Depuis Weekend et Looking, je suis très attentif et j’ai un a priori très positif pour les œuvres d’Andew Haigh, et donc j’étais super content d’avoir l’opportunité de découvrir ce film en avant-première à Nantes en fin d’année dernière. De savoir en plus que le premier rôle est tenu par Andrew Scott (que j’adore dans toutes ses performances) et que cette histoire flirte avec le surnaturel m’ont encore plus convaincu que ce serait ma came. Le film est basé sur un livre japonais qui a déjà été adapté une fois, mais là on est sans doute sur une inspiration un peu plus lointaine, disons que l’idée majeure a été conservée, mais contextualisée de manière très différente.

Le personnage principal Adam (Andrew Scott) habite dans un immeuble neuf, et il n’y a que très peu de locataire. Naturellement solitaire, le scénariste neurasthénique n’a pas l’air de vivre ça trop mal. Un soir, un voisin, manifestement plus jeune (joué par Paul Mescal), frappe à sa porte et vient lui faire du rentre-dedans. Adam refuse poliment ses avances, mais on le sent malgré tout intrigué et émoustillé par le petit jeune. En faisant des recherches pour un scénario, il revoit des photos de famille, et il décide de retourner sur le lieu de son enfance pour voir la maison où il a grandi. Il prend le train, et finit par arriver près d’une bâtisse. Il est accueilli par ce qui semble être ses parents (le père c’est Jamie Bell et la mère Claire Foy), mais qui ont l’air plus jeunes de lui.

Le début est donc un peu confus, mais on comprend vite que ses parents sont morts (il en ont conscience), et qu’il les rencontre donc avec une dimension fantastique très assumée. Les parents sont morts d’un accident de voiture il y a longtemps, mais ils sont très heureux de voir leur fils. Et lui en profite pour renouer avec eux, et leur raconter sa vie sans eux. Le film tourne autour de ces voyages en train jusqu’à cette maison « hors du temp », avec une série d’échanges avec ses parents. En parallèle, le soir dans son immeuble dépeuplé, il s’affirme de plus en plus dans une relation amoureuse avec son jeune voisin.

Le film fait irrémédiablement penser à Weekend dans la forme, et l’excellence de la réalisation. On y retrouve aussi une bande-son très efficace et très présente dans la narration. Il y a ces plans rapprochés des visages qui sont absolument incroyables, et une vraie célébration de la beauté des comédiens. C’est aussi une manière de montrer la relation amoureuse et les sentiments par leurs regards magnifiés et particulièrement expressifs (mais « comme dans la vie » selon moi, et qui sont finalement assez rarement rendus dans des longs-métrages). Et il faut noter que malgré le peu de protagonistes, c’est une énorme réussite sur les comédiens et la comédienne, et la direction d ‘acteur y est aussi sans doute pour quelque chose.

Je suis déjà très fan d’Andrew Scott mais là, ça ne fait que confirmer mon entichement pour le bonhomme. Il incarne ce rôle avec un naturel et une authenticité frappante, et il a vraiment le chic pour jouer ces introvertis qui laissent en apparence peu passer les émotions. Paul Mescal est également très bon, mais c’est surtout le couple Jamie Bell et Claire Foy qui sont absolument parfaits.

C’est vraiment d’amour dont il s’agit tout le long du film, que ce soit d’abord l’amour-propre du personnage principal, mais aussi cette relation naissante avec son petit voisin, et surtout l’amour pour ses parents, et son parcours singulier avec cette mort accidentelle quand il était enfant. On comprend que c’est aussi cette rupture extraordinaire qui l’a marqué toute sa vie, et une sorte de rédemption est à la clef, à la fois dans la réalité de ses sentiments pour son voisin, que dans une réassurance sur ce que ses parents lui auraient apporté, et sur une sorte de réconciliation de toutes les « timelines« .

J’ai beaucoup aimé le film pour sa délicatesse, et son approche calme et posée de l’histoire, les plans sont lents, silencieux et parfois impressionnistes. Et la photo comme la mise en scène sont d’une telle beauté et efficacité, que le film n’est jamais chiant ou « trop long ». Et j’ai été vraiment très très touché par la relation avec les parents. Mais je crois que je me suis fait moi-même des films pendant le film. ^^

Andrew Scott est de 1976 comme moi, et le film explique qu’Adam (son personnage donc) a perdu ses parents en 1988 quand il avait douze ans. Donc on est de retour en 88, et c’est difficile de ne pas s’identifier… Cette maison avec cette déco, cette musique (New Wave bien sûr) et l’attitude des parents, je ne pouvais qu’être très attentif à tout cela, et bien évidemment j’ai laissé la résonnance venir à moi, en moi. Il est très drôle aussi d’avoir un coming-out à ses parents alors qu’on est plus âgé qu’eux, et qu’ils sont dans un contexte « 1988 ». La scène avec Claire Foy notamment est vraiment drôle et cruelle à la fois (elle parle évidemment du VIH…). Et le rapport avec le père est extrêmement touchant et surprenant.

Le film est clairement moins dans une dimension culte comme « Weekend » l’est pour moi aujourd’hui, mais c’est vraiment une œuvre de grande qualité, et qui a encore cette faculté d’évoquer des relations qui transcendent réellement l’orientation sexuelle. Il y a un vrai déclic universel à cette relation amoureuse, certes entre deux pédés, et celle filiale, qui touchera tout le monde, et met la sexualité plutôt au second plan (même si elle est très présente). Et puis formellement, il n’y a pas à dire mais Andrew Haigh est vraiment fortiche. Et avec en plus des super comédiens, une histoire intrigante qui flirte avec le fantastique, de la musique prenante, ça marche très très bien.

Hedwig and the Angry Inch au Café de la Danse (Paris)

J’ai connu Hedwig d’abord via l’adaptation en film de ce grand succès off-Broadway (de 1998) en 2001. Je me rappelle que c’était un certain événement à l’échelle du Marais parisien, et le cinéma était une véritable Gay Pride1 à l’UGC des Halles à ce moment là. J’ai eu le film en DVD quelques années après, et je l’ai regardé maintes et maintes fois depuis, donc je connais un peu toutes les chansons par cœur. Néanmoins le film reste assez méconnu du grand public, malgré également le succès relatif de Shortbus, du même John Cameron Mitchell (auteur et interprète d’origine de Hedwig) qui avait pas mal défrayé la chronique des pédés parisiens en 2006.

Hedwig est tellement un truc pour moi, qu’à l’occasion j’en avais même pondu un article dédié en 2005, et donc vous pouvez y lire un bon résumé du film comme de la pièce.

Ce qui m’épate, en passant, c’est qu’en 2005 je te mettais des « transsexuels » en veux-tu en voilà, c’est marrant comme je n’écrirais plus cela aujourd’hui. Et en réalité, si je regarde l’occurrence des mots-clefs de mon blog, j’ai utilisé ce terme jusqu’en 2008, après je parlais de « trans » tout court, et à partir de 2011 c’est le terme « transgenre » qui est uniquement usité (et c’est le terme correct encore aujourd’hui). On retrouve le terme « transgenre » malgré cela dès 2005 dans un article de libé cité par le sociologue Coulmont qui évoque « l’interdiction judiciaire du mariage entre une transsexuelle et un transgenre« . Et donc la nuance est apportée dans le détail puisque la personne dénommée « transsexuelle » a en réalité mené sa transition jusqu’à un changement d’état civil et une réassignation, tandis que l’autre personne est appelée « transgenre » car ayant transitionné sans changement officiel d’état civil. C’était appelé une provocation à l’époque. Purée, les bigots !! Je pense qu’on s’en branle tellement la nouille aujourd’hui de ces questions, et c’est d’ailleurs en quoi le mariage pour tous portait bien son nom (simple et efficace).

Bref, ce spectacle extraordinaire, et qui est un truc fondateur et culte pour moi, dont on apprend que le droits de représentation en public sont libres depuis peu, bénéficie d’une toute nouvelle production au Café de la Danse à Paris. Je ne connaissais que le film, mais j’ai vite compris la forme curieuse de cette œuvre qui oscille vraiment entre performance théâtrale et musicale. Le lieu est une unique scène, et c’est une belle mise en abîme car c’est VRAIMENT la scène du Café de la Danse où Hedwig est en concert, alors que lorsqu’on ouvre la porte au fond on entend le concert dingue sur toute la Bastille de son amant et Némésis Tommy Gnosis. Et donc le concert, comme n’importe quel concert, consiste bien en des chansons entrecoupées par des histoires racontées par Hedwig. Comme dans un concert classique, la star parle un peu de sa vie, de ce que ses chansons illustrent, et ainsi on reconstitue le fil entier de l’histoire.

Tout commence à Berlin en 1961, avec la mère de Hedwig (alors Hansel) qui les embarque à l’est. On revit son enfance, puis sa rencontre avec un soldat américain qui souhaite l’épouser (pour lui permettre de fuir la RDA) et qui, pour que cela soit possible, lui fait faire une opération de réassignation sexuelle qui tourne mal. Et c’est ainsi qu’il obtient son « angry inch », fruit d’une opération ratée, et avec laquelle il tente de trouver une voie et un certain sens à sa vie et son identité brouillée. Et tout cela, quelques mois avant la chute du mur de Berlin, ce qui ajoute encore à la cruelle ironie de l’anecdote bien sûr.

Là où Hedwig est fabuleuse, et c’est ce qui m’avait tant marqué il y a presque 25 ans, c’est que c’est une personne terriblement mauvaise et vénéneuse, vraiment l’anti-héros par excellence. Je me rappelle à l’époque d’ailleurs des critiques qui pestaient contre une certaine transphobie, avec une approche aussi biologique de la transition et ce choix d’un personnage aussi négatif et en souffrance. Mais les années sont passées, et je pense qu’aujourd’hui cela passe mieux avec un regard rétrospectif, et parce que l’on a, alléluia, accès à des représentations qui nous ont enfin sorti des images de serial killer tordus.

Moi j’ai toujours trouvé qu’Hedwig transcendait cela avec son histoire singulière, et qui pour moi représentait à la fin du film une héroïne à laquelle, au contraire, je m’identifiais parfaitement (et qui m’a beaucoup apporté). Mais je peux comprendre bien sûr que cela ait pu encore ajouter à l’imaginaire « weird » de la transidentité de l’époque.

Hedwig est brillemment interprété au Café de la Danse par Brice Hillairet, et sa performance est tout bonnement hors-norme. Vraiment j’ai été subjugué par son talent, et par la manière dont il incarne ce rôle avec une justesse et une troublante authenticité. Il fait vraiment un grand honneur à John Cameron Mitchell, et est autant talentueux sur le plan vocal que le jeu ou la chorégraphie. On le suit surtout dans sa narration et toutes les émotions par lesquelles il passe du début à la fin. Et il emporte vraiment tout sur son passage, avec une énergie queer du désespoir et un panache de rockstar qui dépasse l’entendement. Les perruques, costumes et maquillages sont très proches de l’imagerie du film, et vraiment c’est une production tout à fait bien troussée.

Son côté méchant est en plus assez grinçant et fonctionne assez bien pour une scène parisienne (selon moi). Je n’ai pas pu m’empêcher de penser à cette vidéo de Jennifer Coolidge qui tourne aujourd’hui et à laquelle je ne peux que souscrire.

Le passage au français passe étonnamment très bien, sans doute aussi avec l’accent allemand d’Hedwig (qu’on a aussi dans la VO, et il explique bien qu’il suite la tournée de Tommy Gnosis en France), avec les chansons qui sont sous-titrées pour qu’on puisse bien suivre ce qui est raconté. On retrouve aussi certaines illustrations vidéo qui font penser à certaines scènes du film, et qui permettent d’enrichir le dispositif scénique. Car on est dans un truc assez dépouillé au final (une scène de concert un peu minable mais irrémédiablement rock et punk), mais on n’a vraiment pas besoin de plus.

Car on est vraiment dans une toute petite salle, et l’histoire devient encore plus crédible, on se retrouve à la vivre même si la chronologie n’est pas la bonne. Et en plus d’un brillant Brice Hillairet, Anthéa Chauvière, qui joue Yitzhak2, est très très bonne. Et les musiciens qui accompagnent ne sont pas en reste, ils ont une présence scénique remarquable en plus d’être de très bons instrumentistes.

Ce n’est pas compliqué, il s’agit d’un spectacle absolument remarquable qu’il faut urgemment aller voir !!! Vous ne serez pas déçu, c’est un show total et troublant, qui déploie une puissance à la fois rock, punk et poétique, résolument queer et qui ne ressemble à rien d’autre.

  1. A l’époque, on appelait ça comme ça. ^^ ↩︎
  2. Autre personnage dont je me souviens que le parcours était assez critiqué à l’époque dans l’image FtoM qui se révèle dans la détransition. ↩︎

A Gay Manifesto (Carl Wittman) : « Out of the closets and into the streets »

C’est en lisant l’article ci-dessous qui évoque ce singulier « Gay Manifesto » qui date de Stonewall (à priori écrit juste avant, mais Cy Lecerf Maulpoix explique que certaines mentions évoquent une écriture plus tardive), que j’ai découvert Carl Wittman.

Après quelques clics sur les Internets, j’ai trouvé le texte d’origine, et le voici pour votre propre curiosité ou édification. ^^

Ce truc est incroyable, et j’ai vraiment eu beaucoup d’émotion et quelques épiphanies en le lisant car ça pourrait carrément être un texte d’aujourd’hui. Et donc c’est aussi assez frustrant et cinglant, en même temps que c’est génial. Oui c’est génial de se dire qu’il y a encore une vraie filiation d’idées et de positions entre un pédé de 1970 et un pédé d’aujourd’hui, mais c’est terrible de se dire que l’on serine la même chose depuis plus de 50 ans, et que les changements ont certes eu lieu, mais ça reste tout de même encore un objectif non atteint. Evidemment cela résonne aussi particulièrement avec cet essai sur la « pédérité » que j’ai récemment évoqué, on pourrait vraiment y lire des lignes très similaires, ou même plaquées mots pour mots.

Il faudra que je lise le bouquin de Cy Lecerf Maulpoix qui offre une traduction de ce texte et surtout un commentaire qui doit être passionnant, mais c’est pas mal de d’abord le lire et se faire aussi son opinion (sans doute moins contextualisée car je suis loin d’être un spécialiste de l’histoire des mouvements LGBT). En tout cas, pour qui est un peu versé en anglais, ça se lit vraiment très facilement et ce ne sont que quelques pages de texte avec une forme très didactique et qui revêt vraiment cet effet « manifeste ».

Il y a d’abord cette introduction sur le rôle particulier de San Francisco pour les homos, et ça m’a irrémédiablement fait penser à ce que j’ai pu maintes fois écrire ici et ailleurs sur le rôle de Paris et du Marais pour moi pendant des années. Les choses ont bel et bien changé à ce sujet, et, comme SF aujourd’hui, Paris est moins le havre qu’il a été pour nous, mais ça reste une Mecque indéboulonnable pour les petit·e·s queers et torduEs qui cherchent l’émancipation.

Mais Carl Wittman commence son texte avec une métaphore forte et frappante en évoquant nos situations de « gay refugees » en parlant de SF comme « un camp de réfugiés pour gay ». Il évoque tous les américains qui ont fui de tous les coins du pays pour s’y retrouver, et c’est clairement assez analogue à Paris pour la France. Cette première métaphore est une des nombreuses qui émaillent le texte, et après une certaine solidarité avec la situation de personnes migrantes cherchant un refuge, il fait rapprochements sur rapprochements avec des luttes antérieures que ce soit celles des noires, des femmes ou plus étonnant l’écologie (en tout cas ça m’a étonné que ce soit un rapprochement aussi ancien).

Après le manifeste de manière très structurée propose plusieurs pistes de réflexions, et pour l’époque j’imagine que certains se décrochaient la mâchoire à lire cela, aujourd’hui heureusement la majorité des gens se dirait sans doute « bah oui hein ».

Donc d’abord Car Wittman explique des petites choses sur l’homosexualité, et des assertions évidemment essentielles pour expliquer ce que c’est et ce que ce n’est pas. On a donc tout une première partie sur l’orientation sexuelle, et notamment après avoir défini l’homosexualité, un second élément fort consistant à célébrer la bisexualité et on dirait aujourd’hui quelque part la « non binarité » dans les orientations ou la « pansexualité ». Il affirme avec une phrase qui m’a beaucoup fait sourire (mais à laquelle je souscris complètement) : « Les gays commenceront à se tourner vers les femmes quand 1) ce sera quelque chose de voulu et non d’obligatoire, 2) quand la libération des femmes aura transformé la nature des relations hétérosexuelles ». Et v’lan !!!

La seconde partie du manifeste est à propos des femmes, et en tout premier chef évidemment on regarde du côté de la cause lesbienne. Il reconnaît aussi que le machisme est un fléau chez les gays, et que la libération des femmes est une pierre angulaire du combat LGBT. Il évoque de manière très intéressante le rôle de la sexualité par exemple, qui chez les homos a plutôt été une source d’émancipation et un « symbole de liberté », tandis que pour les femmes une des origines de leur oppression. Et donc il y a nécessité à travailler avec ces alliées évidentes.

La troisième partie nous renseigne sur les « rôles » dans la société et les images perçues des différentes types de gays notamment. Mais il commence par fustiger le fait de vouloir rentrer dans le rang et d’imiter les hérétos dans leurs comportements, rites ou aliénations. Et évidemment le mariage dans sa forme actuelle n’est absolument pas prôné, on devra profiter de nos luttes pour le transformer et s’inventer peut-être de nouvelles manières de « faire couple ». Et ce qui m’a aussi beaucoup fait plaisir c’est de lire qu’il faut déjà à l’époque lutter contre la follophobie et cette sacro-sainte et détestable « bonne image ». Carl Wittman célèbre déjà les hurlantes, les drags et toutes les personnes « non conformes » qui sont au cœur de l’oppression et donc du combat.

J’ai été très étonné par l’insistance sur le coming-out et le fait que personne ne devrait être dans le placard, et que la finalité de tous les homos du monde est d’être « out ». Je suis vachement d’accord avec ça, mais ça m’étonne de le lire comme un des axes de libération aussi important. Mais d’un autre côté, à cette époque j’imagine que les militants devaient être super frustrés de se battre contre des moulins à vent, alors qu’ils connaissaient des tas de pédés dans le placard, et qui empêchait une visibilité dont on sait à quel point c’est une arme redoutable pour faire changer la société.

La partie suivante, sur l’oppression justement, détaille bien les stratégies ennemies, et c’est hallucinant de voir aussi comme c’est parfaitement actuel. Il suffit de voir les mouvements anti mariage pour tous d’il y a dix ans pour s’en persuader. Et on y parle aussi du grand danger de l’oppression « internalisée » (Self-oppression) par la propre communauté LGBT, celle qui notamment impose la « bonne image » et des statu quo par rapport à son propre cadre de référence et surtout son statut précaire de « parvenu ». On y comprend aussi toutes les luttes intestines et les dissensions qui ne sont que pain béni pour les ennemis de la cause.

La cinquième partie sur le sexe est un texte assez important et qui m’a pas mal étonné. Mais c’est vrai que l’on était dans une époque où la libération sexuelle n’était vraiment pas derrière nous, et à certains égards je vois bien qu’elle ne l’est toujours pas. Donc c’est aussi un élément clef du manifeste qui redit que le sexe c’est un truc sympa et pas sale. ^^ Mais il va super loin en disant qu’on doit remiser les notions d’actifs (pénétrants) et de passifs (pénétrés) et de toutes les notions de domination sociale qui s’y rapportent. C’est fou comme le texte évoque à chaque fois des choses dont j’ai l’impression qu’elles sont assez récentes, et pas du tout. (Bon, sachant que c’est Monique Wittig notre démiurge qui a tout inventé et déclenché de toute façon. Bravo les lesbiennes !!!) Et c’est marrant l’auteur va aussi jusqu’à évoquer les fantasmes sur l’âge ou la condition physique, et la nécessité de dépasser aussi ces carcans de nos propres mouvements.

La sixième sur nos ghettos est intéressante car elle reboucle déjà sur certaines notions. On y lit notamment qu’on crée ces espaces pour qu’ils soient sûrs et à notre image, et avec nos règles, mais qu’au final il y a récupération et exploitation par la société (et du capitalisme). On peut toujours être dubitatif sur celui-ci, car il faut à la fois être acceptant de tous et toutes, et utiliser aussi ces havres comme des lieux de médiation, de mélange, de sensibilisation et d’éducation, donc attractif pour tout le monde, mais gardant son âme… Un peu complexe à atteindre comme finalité.

La dernière partie se focalise sur ce qu’on appellerait aujourd’hui la « convergence des luttes », et c’est drôle et passionnant car il en fait des assertions très pratiques sur la manière dont on doit aborder les différents groupes. Donc on a des conseils de coalition et coopération avec les femmes, les noirs, les latinos etc. Et on n’est pas non plus dans l’ignorance de l’homophobie plus ou moins internalisée de ces groupes, donc ce n’est pas non plus le monde des bisounours, mais au contraire un positionnement assez rationnel et sérieux, et c’est assez épatant de se dire que 50 ans plus tard, on n’est pas loin d’écrire à peu près la même chose.

J’aime beaucoup le dernier groupe qu’il appelle les « homophiles », et qui sont aussi présents chez nous. Ce sont les gays les plus conservateurs et les moins militants en apparence, que certains taxent d’ailleurs de profiteurs (ils profitent des luttes sans faire aucun effort ou prendre aucun risque), et qui sont vraiment dans cette continuelle recherche de statu quo et de « bonne image » que j’exècre tant. Dans les années 50 à 80, c’était à peu près le terrain de l’association « Arcadie » et aujourd’hui ce serait pour moi GayLib ou L’Autre Cercle. Et il faut toujours raison garder, car on ne peut pas non plus être contre ces associations qui font aussi le job à leur manière. Roger Peyrefitte qui est un des fondateurs d’Arcadie est aussi l’auteur des Amitiés particulières qui est sorti en 1943, et dont on ne peut pas nier l’importance dans l’histoire du mouvement gay en France.

Et donc les conseils de Carl Wittman pour ce groupe :

1) réformistes ou minables1 parfois, ce sont nos frères. Ils progresseront comme nous avons progressé. 2) ignorez leurs attaques. 3) coopérez quand la coopération est possible sans compromission majeure. »

Encore une fois, c’est super actuel !! Et enfin la conclusion avec en résumé les 4 choses2 à retenir selon Carl Wittman :

1) Libérons nous : sortez du placard, lancez vous dans des activités politiques et défendez vous.
2) Libérez les autres gays : parlez tout le temps, comprenez, pardonnez, acceptez.
3) Révélez/libérez l’homosexuel en chacun : ce sera très difficile avec certaines personnes, mais il faut rester modéré et continuer à parler et agir librement.
4) Nous jouons un rôle depuis longtemps, donc nous sommes devenus des comédiens accomplis. Maintenant nous pouvons commencer à être nous-mêmes, et ça va être un très beau spectacle.

C’est vraiment marrant comme le coming-out était l’alpha et l’oméga de ce manifeste, mais après tout ça tombe sous le sens quand on se remet dans le contexte de 1969. L’existence même des LGBT et leur visibilité étaient la première pierre à l’édifice, et là au moins on peut se dire que oui les choses ont bien changé. ^^

Je vous mets aussi ce super document qui est publié par le même organisme « Red butterfly ». Il s’agissait de la cellule marxiste du New York Gay Liberation Front, et c’est passionnant de lire justement la convergence LGBT/anticapitaliste (et qui dans les faits atteint sa propre limite lorsqu’on lit le texte).

  1. J’ai beaucoup de mal à traduire « pokey », c’est peut-être une grosse erreur de ma part. ^^ ↩︎
  2. Encore une fois, une traduction très approximative ↩︎

95 (Philippe Joanny)

95 c’est 1995 bien sûr, et c’était fascinant de lire ce bouquin pour moi car ce fut une année charnière super importante. 19 ans ce n’est pas rien, et tout juste pédé en quête d’émancipation, outé auprès de tous mes amis, encore banlieusard mais déjà très parisien, je me souviens très précisément de cette année là. La photo en figure de proue date de décembre 1995, on s’apprêtait à aller au Queen avec des anciennes copines de lycée, et de plus récents amis pédés, goudous et alliés. 1995 était l’année de transition par excellence.

J’ai un peu moins de dix ans de différence avec l’auteur, et c’est fou mais ça change beaucoup de choses. Et puis, ce qui est drôle ce sont les univers quasi parallèles dans lesquels on évolue, même si je reconnais absolument tout ce qui est décrit. Et donc alors que je débarquais tout juste à Paris en 1994 et que je faisais mes premiers pas, l’auteur était déjà un habitué du Marais avec sa bande de potes, et une vie de pédé bien épanouie.

Ce qui touche aussi beaucoup, et vient en immense contraste avec mes propres expériences, c’est bien sûr le VIH, qui dans les années 90 est encore une pandémie fatale pour les malades, et qui en plein milieu va voir un infléchissement complètement fou avec l’émergence des trithérapies. Le bouquin est exactement à ce moment de frémissement de ces nouvelles découvertes, avant de voir tous ces malades quasi « ressuscités », et pour certains éberlués de cet éloignement durable d’une mort vécue comme inexorable pendant trop d’années. Mais donc là, avec Philippe Joanny, c’est entre les années Cyrille Collard1 et les miennes. C’est le banlieusard qui apprivoise Paris, et le pédé qui s’émancipe parmi les siens, avec une drôle d’épée de Damoclès qui tombe réellement sur trop de ses proches.

Le bouquin est sur une forme assez simple, et même son style est assez direct et brut, mais il a justement la beauté du texte authentique et tiré de l’expérience vécue. J’aime beaucoup aussi, et sans doute parce que j’en suis aussi féru, son rapport à la ville et à Paris, et ses descriptions de la ville en transformation, des quartiers qui étaient encore sales et par endroit insalubres. J’ai vraiment eu des flashs de l’époque en lisant ces lignes.

La zone formait une poche dans le tissu de la ville, un endroit oublié dans la marche du temps, comme si on était tombé dans une faille spatio-temporelle et qu’on était transporté dans le Paris en noir et blanc d’avant guerre. À part les miséreux et les marginaux, les laissés-pour-compte qui se réfugient dans ce genre d’endroit, personne n’avait envie de vivre là. Les logements étaient pourris mais, les loyers étant ridiculement bas, quelques types ont flairé l’affaire et y ont ouvert les premiers bars. Ils étaient sûrs qu’ici personne ne viendrait les emmerder, pas même les bandes de fachos qui aimaient casser du pédé. Seulement, les lieux étaient chargés du poids des drames de l’histoire. Les rafles de juifs dans le ghetto, les aristocrates guillotinés deux siècles plus tôt. Le Marais était peuplé de fantômes, et je n’y ai croisé aucune ombre. Je m’enfonçais dans des rues étroites et sinueuses, des venelles étranglées sinistres où s’alignaient des hôtels particuliers vides aux vitres crasseuses, des taudis squattés ou barricadés et des maisons ventrues fissurées sur le point de s’écrouler, vouées à la démolition. Les stores des magasins baissés, les murs couverts de tags et de pisse, et les trottoirs jonchés d’ordures. J’avais l’impression de traverser le royaume des junkies et des chats crevés. J’ai remonté la fermeture éclair de mon blouson, et je me suis dépêché de filer.

Le roman raconte cette bande de potes qui évoluent dans la fête et les combines, et qui conjurent le mauvais sort ou les mauvais bilans de santé par encore plus de fêtes et de substances pour résister jusqu’au lendemain. Mais pas de misérabilisme, c’est avant tout des amis qui se racontent avec une certaine alacrité. Le narrateur explique la mort brutale d’un des potes, et il interroge toutes ses accointances pour savoir comment tout le monde se connait. Il en ressort un imbroglio génial et parfois très confus, avec plein de gens qui couchent ensemble (on est surpris ^^ ), des amitiés croisées, des enterrements abscons pour de bien trop jeunes gens, et des petits bouts de vie en écho à toutes les nôtres.

Certaines blessures ne cicatrisent jamais. En quatre-vingt-dix, je pars de chez mes parents pour partager un appartement avec Fred et Clément. Ils avaient tous les deux grandi dans l’Est et ils étaient venus ensemble à Paris. Clément menait une vie à l’opposé de la nôtre.
Pendant qu’on se défonçait comme des furieux et qu’on se dépensait sur les dancefloors pour ne plus avoir à penser, Clément, lui, passait ses week-ends à randonner avec ses copines lesbiennes à travers champs et forêts. Il buvait du thé vert quand nous on s’enfilait la vodka la moins chère. On se moquait de ses cours de cuisine macrobiotique et de yoga, et lui se laissait gentiment charrier. Clément était la gentillesse et l’humilité mêmes.

C’était un garçon au charme suranné, une grande perche au visage osseux criblé de taches de rousseur, le regard doux, un tantinet efféminé, avec des manières nunuches qui me touchaient. À vingt-cinq ans, Clément était déjà contaminé depuis plusieurs années. Un an après l’emménagement, il est tombé malade. Une infection causée par un parasite de l’intestin, l’une des plus agressives qui soit. En quelques mois il s’est vidé. Il passait ses nuits à courir aux toilettes, entre les portes qui claquaient et la chasse d’eau en continu, le boucan nous réveillait et on râlait comme deux imbéciles, sans réaliser ce qui lui arrivait. J’avais vingt-deux ans, Fred vingt-quatre et on ne pouvait pas imaginer que ce soit possible, que l’horreur nous touche d’aussi près. C’est le propre de la jeunesse de se croire immortelle. On refuse de comprendre par réflexe, comme on se couvre les yeux avant l’impact. Et puis, un matin, Clément n’a plus eu la force de se lever. Lui qui n’était déjà pas gros ne pesait même pas quarante kilos. Il n’avait plus que la peau sur les os. Il était si faible qu’il a fallu l’hospitaliser. Ce jour-là, on a compris que ça ne traînerait pas, on avait intérêt à se dépêcher avant que ce soit trop tard. Il fallait aller le voir et pourtant on n’y allait pas. Il y avait toujours une excuse, et l’excuse nous rendait chaque jour un peu plus minables.
Jusqu’à ce qu’il ne nous soit plus permis de reculer. On est donc allés à Saint-Louis. Je m’en souviens, c’était une fin d’après-midi, il faisait nuit, l’air était humide et un vent glacial balayait les rues. Nous allions faire des adieux, moi fixant le trottoir et Fred le bonnet sur les yeux, en silence, sans parvenir à y trouver un sens. Quand on est entrés dans la chambre, Clément a tourné la tête vers nous en étirant un étrange sourire de squelette, et ça m’a fait mal au ventre de ne pas réussir à le soutenir. On s’est assis sur des chaises contre le mur et on est restés là, ratatinés sur nous-mêmes comme deux moineaux fébriles.

Sur la thématique de la ville, de la banlieue, je ne sais pas pourquoi mais ce texte par exemple m’a énormément parlé. Cette écriture à la serpe et cette crudité des gens « vrais » me touchent.

J’habitais toujours chez mes parents, à Rosny-sous-Bois, en proche banlieue. J’avais dévalé la colline par le sentier de terre battue, par les fourrés du petit bois où les types allaient discrètement bricoler, à l’époque ce n’était pas construit comme aujourd’hui, on était tranquilles pour se tripoter. En sortant du bois, j’avais descendu des rues sinistres bordées de maisons lugubres, et une fois en bas, au centre commercial, j’avais fendu le parking à ciel ouvert pour rejoindre la non moins lugubre gare de Rosny-Bois-Perrier. Sur le quai en plein vent, j’avais allumé une cigarette en attendant mon train. Je fumais des Flash 85, c’était du foin mais je m’en foutais, le paquet était tellement classe. Arrivé à la gare de l’Est, je n’étais pas passé par les pissotières, que j’avais pourtant pratiquées pendant des années, quand on ne sait pas où aller et qu’on est sur les dents on est bien obligé, seulement la lumière agressive des néons, l’odeur puissante et âcre de pisse et de détergent, cette manière qu’ont les hommes de se pencher en avant et de zieuter de travers, coincé entre un timide et un vieux vicelard, le foutre craché sur la faïence comme un mollard, ces décharges qui laissent un sentiment de dégoût, l’impression d’être un déchet parmi les déchets, ce jour-là je m’étais dit non merci, plus jamais.

Ayant passé la majeure partie du milieu des années 90 à toute la décennie 2000 à errer de clubs en soirées ou en bars, j’ai aussi aimé ce passage qui m’a remémoré les moments où j’observais mes coreligionnaires, alors que tout autour de moi s’enfonçait dans les brumes alcoolisées ou chimiques, je me posais souvent un peu à l’écart pour les embrasser de mon regard. La chute n’était pas la même à mon époque, et on est encore à un degré en plus de libération et de quiétude aujourd’hui, ce qui est autant incroyable, qu’inespéré, et une putain de bonne chose. Mais le texte a le mérite de se remettre exactement dans l’année 1995, c’est chirurgical et précis, mais ça fonctionne diablement bien.

Si bien que, ce jour-là, les derniers rayons de soleil, en plongeant à travers les immenses baies, éclairaient les visages, les épaules et les nuques d’une nuée veloutée. La scène m’a paru d’une beauté presque sacrée, l’espace d’une seconde j’ai même pensé que ma présence relevait d’un miracle. Le bar était bourré à craquer, personne ne se bousculait mais personne ne pouvait avancer, il y avait tellement de bruit que les mecs hurlaient, partout des cris, des rires aux éclats et, pardessus le boucan, dans les haut-parleurs Donna Summer chantait son tube planétaire. Sur des plages de synthétiseur, la diva du disco répétait en boucle qu’elle sentait l’amour monter. Ses vocalises de chatte amoureuse coulaient dans la lumière dorée de cette fin de journée, sur tous ces visages radieux, insouciants. L’image était d’une perfection telle que je pensais avoir vécu jusque-là dans l’attente de voir ce jour arriver. Je le sentais dans mon ventre, mon émotion était si vive que j’aurais pu en pleurer. Je ne savais pas si c’était de l’amour, mais moi aussi je sentais quelque chose monter. Le moment était venu de boire une bonne bière fraîche. Je me suis faufilé entre les torses en me disant que ma place était là, je venais de la trouver, il ne me restait plus qu’à la prendre et à l’occuper.

Mais ce dont j’étais à mille lieues de me douter, c’est qu’au moins la moitié des gens présents étaient contaminés, et donc condamné

  1. C’est fou comme cette personne retombe dans l’inconnu, un peu comme Guillaume Dustan, et même chez les homos. Bien sûr, ces gens sont connus de beaucoup de monde, mais je vous assure qu’en moyenne ils sont bientôt totalement enfouis dans les limbes. ↩︎

LEGOBTQ+

Vous connaissez sans doute l’ensemble des typologies de gay, en tout cas tel qu’elles se déclinent en gros clichés (qui ont comme tous les clichés : la vie dure). Une personne que je connais bien sur Twitter en a fait, à l’aide d’un générateur d’images à base d’intelligence artificielle, des sets LEGO imaginaires plus réalistes que natures.

Cela donne des boîtes très très drôles et sacrément bien foutues par rapport au style LEGO. Et évidemment la caricature est très marrante. ^^

[Source des images : tweet, tweet et tweet de Thibdudu]

Madonna : The Celebration Tour (Accor Arena Bercy)

Cela ne faisait pas si longtemps entre son dernier concert et cette tournée, et j’ai encore le souvenir prégnant de cet étrange, touchant et fascinant spectacle en pleine période COVID, et où elle a éclaté en sanglots cédant à la douleur. Mais je continuais à lui faire la gueule, et à ne pas vouloir lui donner un kopeck, parce que ses performances scéniques ne sont plus vraiment à la hauteur, et ne parlons pas de la performance vocale. Mais bon, le dernier concert était proprement génial, et (oui oui) je suis capable sans problème de me contredire d’une phrase à l’autre.

Et puis il y a eu la première de la tournée, et j’ai compris que c’était « The Celebration Tour » avec une vraie rétrospective de la Reine de la Pop. Madonna en mode 1983-2023 et avec des moyens incroyables, et dans une salle pas trop grande (pas un stade, par l’Arena de La Défense)… J’ai été très tenté !! Et j’ai eu l’opportunité inattendue et géniale d’un copain qui proposait de venir avec lui car il avait une place en plus, et la personne qui l’accompagnait ne pouvait pas venir. J’ai sauté sur l’occasion !

Moi qui suis un habitué des fosses bien placées ou des places où on laisse la peau des fesses, j’ai testé la catégorie 2 de Bercy, et je n’ai aucun regret. Même si j’aurais adoré la voir d’aussi près de certains potes, j’ai pu bénéficier d’un spectacle d’une qualité incroyable, et avec cette vue globale et panoramique qui permet aussi une manière différente d’appréhender le show.

Voilà à peu près ce que ça donnait du perchoir où je me tenais. (Et encore là je zoome, car c’était plus petit en réalité.) J’ai malencontreusement oublié mon appareil photo numérique à Nantes, donc vous aurez droit à des photos de smartphone, mais j’ai fait de mon mieux, et ce n’est pas si mal. En tout cas, l’ambiance globale est donc vraiment bien illustrée, il me semble.

Madonna étant Madonna, elle est arrivée avec 1h30 de retard sur l’horaire indiqué. Et ça au moins c’est un des avantages d’être en gradins, on n’a moins mal aux pattes et au dos que lorsqu’on doit piétiner pendant des insupportables heures d’attente.

Comme j’ai beaucoup beaucoup de compliments à faire sur le concert, je vais commencer par les défauts. Le vrai seul défaut hallucinant et vraiment inadmissible c’est clairement la qualité sonore. Mein gott, ce que ça m’a fait mal aux oreilles, c’était terrible. Trop fort, inaudible à certains moments tant cela saturait certaines bandes de fréquence, une sorte de couac d’ingénierie du son et de mix incompréhensible mais à certains moments c’était presque douloureux à mes tympans. J’ai l’impression que c’était la même chose la veille, et donc je ne sais pas si ça tient aux équipements de Bercy, mais j’avais rarement eu un son aussi pourri en concert, surtout pour une star comme cela. Et d’autant plus quand on a besoin d’avoir un soin tout particulier apporté à la « mise en valeur » de la voix de la chanteuse.

Car, non ça n’a pas changé, Madonna ne chante pas bien, et ça ne s’arrange pas avec les années. Mais là au moins, on voit clairement qu’elle chante sur sa propre bande-son « live », et c’est très bien comme cela. J’approuve totalement le stratagème. Et au final, les quelques moments où on l’entend bien ne sont pas trop mauvais, et c’est en tout cas parfaitement authentique et sincère.

Petite déception tout de même sur le fait que ce soit une bande-son et pas un groupe avec des musiciens, il m’a manqué le petit côté « direct » des instruments et d’une musique « jouée sur place ». Vraiment rien d’acoustique donc, mais on bénéficie du coup de remix assez géniaux, et d’une réinterprétation de ses standards vraiment d’un très bon niveau de production. Mais ça, on ne pouvait que s’y attendre, et sans surprise ça le fait carrément.

Le dispositif scénique est faramineux et à la hauteur de la star, c’est à la fois riche et foisonnant, très moderne et à la pointe de la technique, mais ce n’est pas pour les paillettes ou cacher la misère, c’est simplement un outil imparable qui sublime l’œuvre et la carrière de Madonna. Elle est accompagnée et très visiblement du début à la fin, et c’est très beau. Que ce soit Bob The Drag Queen qui accompagne tout le show, l’introduit, le conclut et devient à un moment MC d’une ballroom scene plus vraie que nature, ou bien ses enfants qui interviennent, et les souvenirs des disparus qui hantent avec une absolue bienveillance chaque tableau du concert.

Bob est géniale, magistrale et impériale, la Drag Queen a gagné là toutes ses lettres de noblesse en haranguant une foule enragée qui veut voir sa Reine. Mais Bob c’est Bob, et ça fonctionne terriblement bien, entre hilarité et admiration sincère lorsqu’elle débarque en Marie-Antoinette toute MTVesque qui fleure bon les années 90.

Et puis, c’est Madonna qui débarque et qui est sublime et majestueuse. Nothing really matters démarre, et tout se met en place.

Ensuite, on comprend le principe c’est à chaque fois une période de sa vie et de sa carrière qui se déroule avec quelques illustrations. Mais au-delà des chansons des années 80 ou 90 qui sont une merveille à réécouter aujourd’hui, il y a bien plus que cela. Toute la scène et toute la salle se met au diapason, il y a une kyrielle de danseurs et tous sont habillés pour rappeler Madonna de l’époque, ses costumes, son style et ses coiffures iconiques sont partout. Les images, les vidéos et les effets produisent comme des flash-backs d’une redoutable efficacité et acuité, et pendant quelques minutes on est vraiment de retour en enfance (me concernant ^^ ).

Cet accompagnement permet aussi à la chanteuse de s’économiser et c’est aussi une bonne chose, car elle fait moins de cabrioles mais ce qu’elle fait elle y excelle, et elle a encore un peu de souffle pour pousser la chansonnette sans trop de dommages vocaux.

On est vraiment sur le principe assez actuel de ces shows où la scène est gigantesque et serpente dans une fosse divisée en plusieurs zones. Les gens ne verront pas tout, mais ils seront à un moment très très très proches de leur star, et ça a l’air de satisfaire tout le monde. Idem pour les gens plus éloignés qui continuent d’avoir les écrans en pis-aller, mais qui ont l’opportunité de se rapprocher de la star lorsqu’elle se perche sur une nacelle et fait le tour de la salle suspendue. Le spectacle est aussi travaillé dans sa globalité, avec des éclairages et des effets qui sont visuellement très impactant lorsqu’ils sont vus de loin et dans leur globalité.

On a aussi des rappels très marqués des anciens concerts, avec la mythique boule à facette du Confessions, et vraiment tout qui est fait pour replonger avec elle dans sa carrière, dans ce qui l’a construite comme une icone aussi importante dans nos vie culturelles et sensibles.

Les années 80 et début 90, ce sont aussi les années SIDA qui ont tué le plus le personnes, et qui l’ont laissé particulièrement meurtrie. Elle marque là un point incroyable en mettant en scène d’extraordinaires photos du AIDS Memorial dont j’ai beaucoup parlé ici. Elle défile ainsi suspendue dans ces photos ultra émouvantes de toutes ces personnes décédées, entre personnalités et quidams, et toute la salle était en choc. Une émotion à laquelle je ne m’attendais pas m’a étreint, et après avoir joué sur la nostalgie et la fête des années 80, elle fait mouche en suscitant un moment d’une beauté surprenante et d’une noirceur lacrymale peu commune.

Et ce n’est pas fini car vient Like a prayer et tout le monde chante comme un seul homme à tue-tête. Et il faut entendre tout Bercy chanter comme un seul homme ! Elle respecte presque une certaine chronologie, mais tout en donnant parfois quelques « easter eggs » ou en jetant un truc nouveau au milieu, certaines chansons en interlude sont un curieux mais très chouette amalgame de tubes qui contribuent encore à retracer la vie musicale de la chanteuse en même temps que notre propre parcours.

On la retrouve avec sa fille sur un piano, ou sur un lit dans une posture très érotique, elle n’arrête pas. Le concert propre un rythme tonitruant, il n’y a presque aucune pause, et les enchainements sont d’une rapidité impressionnante, avec même pour les interludes des raisons d’être debout, de continuer à danser, à chanter, et à… célébrer.

Et c’est vraiment cela, on fête un anniversaire, on est vraiment là pour elle. Et elle est là pour nous. Cette vieille bitch de Madonna se montre d’une générosité qu’elle n’a jamais montré avant, et elle se permet enfin d’exprimer sa vulnérabilité, sa créativité, ses facéties et aussi son amour immense d’autrui, au-delà de sa misanthropie de diva de façade.

L’autre moment qu’on attend et qui arrive avec une magnificence absolue, c’est « Vogue » et là c’est incroyable. Bob The Drag Queen est devenue MC d’un ball des années 90 à NYC, et la voilà qu’elle annonce les catégories et que les Queens de tout poil s’avancent et WERK WERK WERK. Ce moment est fabuleux car il dure longtemps, et il est savamment orchestré et chorégraphié, il est encore un de ces symboles d’une époque, c’est aussi encore un clin d’œil à la communauté LGBT et à des communautés racisées qui ont inventé le voguing qui l’a rendue, elle, si célèbre.

Les danseurs et danseuses sont d’un niveau assez fou pendant tout le show, et sont à fond dans leur rôle et dans leur « époque ». Et on retrouve vraiment tout son univers, du gothique, sombre latex et vinyle, et jusqu’aux fringants cowboys de l’Ouest. Et pour couronner encore le tout, et ne vraiment rien laisser de crypto à l’importance des queers pour elle, Madonna débarque drapée d’un drapeau LGBT+. Je ne vous dis pas les clameurs dans le public, et le soutien renouvelé de toutes les folles (littéralement) hurlantes dont je faisais fièrement partie.

On arrive un peu plus vers notre époque contemporaine, et Ray of light s’incarne littéralement dans un jeu scénique de folie à grands renforts de lasers colorés et d’un effet (très con mais) très efficace consistant à filmer et retransmettre une vidéo du dessus dans un autre « plan ». On a déjà ça à un moment au début du concert où Madonna et les danseurs sont filmés du dessus et retransmis en direct. Leur chorégraphie est assez classique de face, mais du dessus cela donne un dessin géométrique bluffant qui figure un œil qui s’ouvre et se ferme.

Là avec ce cube géant, la chanteuse est « sur le sol » mais reproduite sur toutes les faces du dé futuriste. Et ensuite, elle prend encore sa nacelle pour un dernier petit tour en tenue glitter lamée argent et lunettes de trekkie.

Et tout cela dure vraiment un temps très long, on en a clairement pour son argent, avec en plus le déluge de tubes, de show et d’énergie communicative. Et alors qu’on avait eu droit à tous les hommages et images d’Épinal de la diva de la Pop, voilà qu’arrive un inattendu duo virtuel irrésistible entre Madonna et Mickaël Jackson, avec un mash-up géant entre Billy Jean et Like a Virgin. Cela fonctionne du feu de dieu, et j’étais vraiment ému de les voir ainsi tous les deux.

Alors dans tout cela, je peux comprendre en revanche la frustration de certains (plus) jeunes qui ne sont peut-être pas spécialement férus de la Madonna des débuts. Car le show est vraiment focalisé sur l’âge d’Or des débuts, et moins sur les succès (pourtant majeurs) très dancefloor de ces dernières décennies. Et donc les références qu’elles soient dans les styles, les époques, les chansons, ou bien le ballroom ou encore le SIDA, peuvent paraître obscures ou absconses à certains. Moi-même qui suis très amateur de la Madonna des années 2000, j’ai été un peu frustré de ne pas avoir aussi droit à des trucs plus récents. En revanche, pour tous les 35-50 ans je pense que c’était un vrai bonheur de concert « madeleine de Proust ».

Le final est à l’image de celui d’un feu d’artifice, c’est la totale et ça explose dans tous les sens. Tous les danseurs et danseuses se présentent comme autant de Madonna de toutes les époques, des seins (i)coniques à Maryline, en passant par le punk ou le SM. Et Madonna est là avec son look d’aujourd’hui, tout autant avant-gardiste et hallucinant, avec Bob qui revient en Marie-Antoinette pour clore le show. La célébration s’achève dans un délire musical et chorégraphique qui n’est vraiment pas sans émotion, et ça c’est assez inédit pour un concert de Madonna.

C’est vraiment formellement et dans le fond le meilleur concert auquel j’ai pu assister, avec un un niveau de recherche et de conception très abouti, un live généreux et inventif, des effets spéciaux et des danseurs qui subliment les chansons et la carrière de l’artiste. Et puis, elle est vraiment « bien » là, à faire ce qu’elle sait faire de mieux, vieillissante mais victorieuse et glorieuse, mémérisée mais toujours moderne et actuelle, agaçante dans ses discours lénifiant mais militante et galvanisante au possible.

C’était vachement bien, purée que c’était bien !!!

Iwak #16 – Ange

C’est drôle, j’ai tout de suite pensé à cela… Les anges de Laramie, Wyoming, qui ont ainsi inventé une tenue pour obstruer le discours de monstres homophobes alors que Matthew Shepard était décédé. L’ange en figure de proue de l’article était Delphine dans « Le projet Laramie » monté par mon cher et tendre en 2012, un merveilleux souvenir de théâtre pour moi (je l’avais vu en 2006 au théâtre à Paris également).

Et je me suis ainsi rendu compte qu’il y a quelques jours, le 12 octobre, nous étions le 25ème anniversaire du meurtre homophobe de Matthew Shepard. C’est fou, tout me ramènera toujours à cet homonyme dont je me sens si proche. Né la même année que moi, il aurait donc le même âge. Et je me souviens tellement bien de cette année 1998, de toute ces découvertes et expériences d’émancipation. Le souvenir de Matthew est de plus en plus diffus, il est presque totalement ignoré des générations actuelles, et souvent une vague réminiscence pour les plus anciens. 1998 n’était pas encore assez versée dans les Internets pour que l’on puisse trouver des tas de traces dans la presse, et pourtant dieu sait que les médias ont fait couler de l’encre, aux US bien sûr, mais aussi chez nous.

Le Projet Laramie est une pièce de théâtre de Moisès Kaufman de 2000. Il s’agit d’un principe de pièce assez génial. Moisès et sa troupe sont allés à Laramie quelques jours après le crime, alors que Matthew était encore à l’hôpital, et ils sont restés même après son décès. Ils ont interviewé les gens du coin exactement comme dans un documentaire, mais la pièce consiste donc en des comédiens et comédiennes qui « jouent » ces entretiens incroyables.

En 2002, HBO a adapté la pièce dans un film extraordinaire que je vous conseille ardemment : « Le Laramie Project« . Les moindres figurants du film sont ultra-connus aujourd’hui, soit dans des séries, soit dans des films. Ce long-métrage semi-docu est vraiment fabuleux, et le jeu des acteurs et actrices absolument hors norme selon moi. Je reste hanté par ces images qui permettent aussi de réaliser quelle ville tranquille et classiquement américaine est Laramie, Wyoming.

Il y a aussi tout un passage terrible qui décrit l’endroit où Matthew a été laissé pour mort, sur une barrière. Cela me rappelle aussi cette citation du film. On imagine aussi ce qu’il voyait, les lumières de Laramie, qu’il aimait regarder de loin…

Cette histoire d’ange est l’idée de la meilleure copine de Matthew, qui est incarnée par Christina Ricci dans le film.

Pendant que Matthew est à l’hôpital et durant le procès de ses assassins, le révérend Phelps, tristement célèbre, est là avec ses zélotes. Il est là à crier et ahaner que le SIDA guérit de l’homosexualité et que god hates fags. C’était insupportable je pense de voir ces vociférations (légales) devant le tribunal et tous les journalistes qui s’entassaient là.

L’amie de Matthew a alors l’idée de découper de grandes toges blanches avec des ailes immenses d’anges, pour dissimuler complètement les homophobes. La scène est d’une puissance redoutable dans le film.

C’est ça des anges.

Al Dente World Tour (Matteo Lane) à l’Alhambra

C’était tellement cool d’avoir l’opportunité de voir en live un tel comédien de stand-up !! Comme beaucoup de gens (pédés ^^), je vois ses vidéos depuis quelques années, et j’admire son humour « camp » irrésistible et son immense talent de réparti. C’est vraiment l’archétype du comédien new-yorkais de stand-up qui tchatche, et improvise même, en interagissant avec des spectateurs sur fond d’un mur de brique dans un sous-sol d’un café-théâtre. Mais là en plus, c’est pédé à mort, et donc c’est trop cool. Hu hu hu.

Autant je me rappelle avoir vu Margaret Cho dans un cadre assez exceptionnel il y a une dizaine d’années (c’était à la Java !!!), autant maintenant on a assez de gens intéressés par des shows en VO pour avoir récemment vu Hannah Gadsby au Trianon. Et là ce sont donc des comédiens et comédiennes queers ce qui les place, j’imagine, dans une niche rendant encore plus compliqué leurs venus. C’est sans doute très chouette et émouvant pour eux de savoir qu’ils ont autant de fans dans le monde entier, et pour nous de voir ces génies de la scène en France1.

J’ai adoré ce moment de pur stand-up à l’américaine avec un Matteo Lane qui enchaîne les histoires, et qui a un chouette rythme et une jolie habileté à placer ses blagues et ses chutes, ce qui est tout le talent de ce genre d’exercice. J’étais surpris de cela, mais même à Paris, il a réussi à interagir avec des personnes du public, et à les mettre en boîte de manière très sympathique. J’ai retrouvé quelques blagues que je connaissais déjà, mais c’était malgré tout une grande découverte, et j’ai vraiment ri de bon cœur.

J’avais un peu peur car récemment je trouvais qu’il était un peu trop sûr de lui, ou jouant un peu trop sur son côté gym-queen, tout dans l’apparence et « fake« , et je redoutais que ça devienne un peu trop « A-Gay »2 pour moi. Mais le voir en live et avec surtout la manière ultra-décomplexée qu’il a de jouer sur son côté folle et bottom, j’ai plutôt été rassuré.

J’étais déçu qu’il n’y ait pas de rappel, et que ce soit même un chouïa trop court, j’aurais bien aimé encore l’écouter et rigoler avec. Je me dis que ça doit être top dans un vrai contexte de comedy-club à NYC, et que c’est sans doute la meilleure manière de goûter à ce genre d’humour.

  1. Cela montre aussi que le niveau d’anglais a également énormément progresser en France, contrairement à ce que les mythes entretiennent. ↩︎
  2. Je me demande si cela parle à quiconque, je fais référence aux Chroniques de SF où Armistead Maupin évoque ces A gay c’est-à-dire des pédés d’une certaine classe, avec de la thune, musclés, cultivés, masculins et très exclusifs à leur sous-milieu, dédaignant les autres « pas A ». ↩︎

Première Marche des Fiertés du Vignoble Nantais à Clisson

Il y a deux jours, un copain nous envoie cette info : une toute nouvelle initiative d’une Marche des Fiertés dans la région nantaise, mais dédiée au « Vignoble Nantais » et ses patelins. C’était à Clisson qui est une jolie ville du 44 avec un chouette patrimoine historique, mais qui est surtout connue pour abriter le Hell Fest bien sûr. Là on part sur une autre ambiance, et j’imagine bien ce qui devait trotter dans la tête de certaines personnes vues aujourd’hui sur le parcours (Mouahahahaha !).

On est arrivé assez en avance, et on a fait le petit tour classique de la ville qui est vraiment toute mignonne. On est dans une ambiance assez curieuse à Clisson, et elle est connue pour cela, c’est qu’on pourrait presque se croire en Toscane, et alors pas du tout en Bretagne (la ville faisait partie du Duché de Bretagne). La Sèvres Nantaise passe dans le centre-ville avec un pont en pierres absolument pittoresque qui permet de la traverser. Et entre la vue des maisons au bord de la rivière, la forteresse en hauteur absolument gigantesque (même si ruinée) et l’église Notre Dame de Clisson (trèèèèès italienne dans l’architecture), on est dans un décor vraiment cool.

Le rassemblement s’est fait à 16h30 devant la gare SNCF de Clisson, et on a vu peu à peu des drapeaux LGBT divers et variés converger sur le parvis. Finalement, il me semble que ce sont près de 200 personnes qui se sont ainsi retrouvées pour cette première marche des fiertés.

Le parcours était finalement assez ambitieux, et on a marché pendant près d’une heure. Et comme souvent, j’ai beaucoup aimé et remarqué les pancartes des manifestant·e·s, il y avait de belles trouvailles. ^^

Et globalement c’était très fun, ce n’était pas aussi fou et surprenant que celle de Quimper, mais c’était une chouette initiative que je suis content d’avoir accompagné de ma présence. Le seul char présent diffusait de la musique et ce n’était pas vraiment suffisant pour animer l’ensemble de la marche, mais il faut un début à tout. C’était une miniature de camion avec une baffle, et l’image était vraiment drôle en elle-même.

C’est vraiment drôle cette subdivision des marches, et cette appropriation des luttes LGBT dans des zones de plus en plus diffuses. Je revois bien les tronches de certaines personnes de Clisson qui étaient un peu choquées ou en tout cas gênées par la marche. C’est une bonne raison en soi de faire cette manifestation en réalité ! Je me dis toujours que la Pride parisienne faisait dire aux gens en province « oh mais c’est juste à Paris ces gens-là »… Et puis « oh les homos, c’est un truc de grande ville… ». Mais on en est à des villes moyennes avec un maillage en France incroyablement fin, et là on attaque carrément la ruralité. C’est vraiment la qualité première pour moi de toutes ces nouvelles marches, c’est une visibilité absolument utile et nécessaire pour que les LGBT puissent se sentir bien dans leurs baskets où que ce soit.