Festival REGARD(S) 2025 – courts métrages queer (Cinéma Arvor)

C’était le festival Regard(s) la semaine dernière à Rennes, il s’agit du festival de cinéma LGBT du coin, et ils faisaient une classique séance de courts-métrages en deux parties pendant le week-end. On est allé voir ça, et c’était plutôt une bonne fournée !

C’est toujours chouette les courts avec ce côté mini-histoire souvent comme un fabliau des temps modernes, et toujours un accent singulier de par la thématique queer. Mais en réalité, elle invite autant au drame et à la tragédie qu’à l’humour, l’ironie mordante et parfois diablement revancharde. C’était tout cela, avec en plus un truc (forcément) très jeune et actuel qui fait du bien (de voir que les choses se suivent et se ressemblent, mais se renouvellent également).

ACROBATS

Eloïse Alluyn, Hugo Danet, Anna Despinoy, Antonin Guerci, Alexandre Marzin, Shali Reddy France – 2024 – 8 min

C’était un très beau film d’animation (des Gobelins si j’ai bien vu le générique) très coloré et touchant. Une toute jeune fille reçoit une fleur de son amie, et ça la met en joie. Elle rentre chez elle et c’est une toute autre ambiance, on est dans un univers fantasmagorique avec des idées qui s’incarnent vite en saynètes surréalistes et multicolores. Grosso modo la famille n’est pas très gay-friendly, et leurs pensées à eux sont très ferroviaires (laule) ou au ras des pâquerettes. Heureusement l’alacrité communicative et irrésolue de la gamine ne peut que lui échapper !! C’est très court mais d’une absolue dinguerie et poésie. Jouissif !

YOU CAN’T GET WHAT YOU WANT BUT YOU CAN GET ME

Samira Elagoz et Z Walsh Pays-Bas – 2024 – 13 min

Je ne pensais pas que le procédé pouvait me plaire sur une telle durée, mais c’est tout le contraire. Car il s’agit d’un diaporama en réalité, c’est vraiment seulement une succession de photos, de captures de SMS, de la musique et on suit ces deux personnes, plutôt transmasc dans la démarche (mais ce n’est pas le sujet), qui sont très très amoureux et entrent dans une passion dévorante à distance. Cela fonctionne super bien, et ils véhiculent de merveilleusement bien leurs émotions et le bonheur de se trouver dans ce maelstrom de leur propre quête d’eux-mêmes.

Il y a en plus pas mal de qualité formelle à l’œuvre, donc ça m’a épaté. Juste un bémol, et c’est souvent le cas avec les courts-métrages et c’en est bien le plus difficile exercice : trouver une chute !! Et là c’est un peu décevant, on était sur une aventure très prenante, et on termine un peu en eau de boudin pour moi. Vraiment dommage !

HEARTBREAK

August Aabo Danemark – 2023 – 26 min

Alors là totalement nawak et irrésistible ! Et danois évidemment. Hu hu hu. On suit deux gars qui doivent se marier, et c’est carrément le jour de mariage. Mais la première scène c’est l’un des deux qui est presque à vouloir étouffer son mec sous un oreiller… Oh là, étrange… On comprend alors que réellement l’un des deux a des envies de meurtre, mais ils arrivent de la manière la plus singulière à passer outre ce…kink ? En tout cas, c’est drôle et acide, vraiment d’une irrésistible acrimonie, et ça se termine en apothéose !! (Et il dure tout de même pas mal de temps, mais ça fonctionne !)

CAPITANES

Kevin Castellano et Edu Hirschfeld Espagne – 2024 – 15 min

Alors là évidemment, on est dans le fantasme complet, et en plus avec des espagnols ! Mazette !!! Complètement nawak encore, deux mecs d’une équipe sont renvoyés au vestiaire pendant un match, et ils sont prêts à se mettre sur la gueule, mais ils mettent autrement. Et les équipes reviennent au vestiaire, et c’est assez fou… Surréaliste, barré, un mélange de movida et de foutage de gueule, mais assez agréable à regarder, alors pourquoi pas ? Hu hu hu.

FAMILIAR

Marco Novoa France – 2024 – 19 min

Malgré quelques maladresses de mise en scène, c’est une idée tellement cool qu’elle rattrape les petits défauts initiaux. On voit une jeune femme et son compagnon, on comprend qu’elle a perdu un bébé. Ensuite, on la voit qui suit son compagnon, plutôt compère, lors de ses shows drag, car c’est en réalité Le Filip qui joue le rôle. En parallèle, on suit un gamin qui vient de se faire virer de chez ses parents. Ils vont se croiser, et on aboutit à une petite intrigue très touchante et fantastique. Et ça fonctionne super bien, car on a en plus quelques scènes très bien filmée, et la plongée dans le fantastique est une réussite alors que c’est très casse-gueule.

HABIBI ET LES CRACHEUSES

De Younés Elba France – 2024 – 21 min

C’est dommage car le film est formellement vraiment beau et bien fait. J’aime la manière de filmer les visages et les émotions, mais ça manque juste d’une histoire avec un peu plus de péripéties et de tensions. Pourtant l’intention est super, et on est pris par tout le début avec ce groupe d’amis, un mec gay et ses deux super copines, qui va tout tenter pour l’aider à rejoindre sa mère qui veut enfin lui reparler. Les comédiens et comédiennes étaient top en plus, mais parfois ça tient vraiment à l’écriture, et sans doute juste un avis personnel car le court-métrage a gagné le prix du public. ^^

DRAGFOX

Lisa Ott Royaume-Uni – 2024 – 8 min

Oh le petit bijou queer anglais avec un gamin qui cherche à mettre la robe de sa petite sœur en secret dans la nuit, et qui croise un renard-drag-queen (avec la voix de Ian McKellen évidemment ^^ ). L’animation en image par image est somptueuse, et les chansons sont fabuleuses. Une parenthèse enchantée et une belle évocation de l’identité de genre chez un petit chou !

HELLO STRANGER

Amélie Hardy Canada – 2024 – 16 min

J’ai beaucoup aimé cette tranche de vie plutôt documentaire, mais avec une forme très originale. Cooper raconte comment sa voix est son caillou dans la chaussure d’une transition de genre assumée et évidente. Elle est très touchante et d’une sagacité et clairvoyance qui feront du bien à d’autres. Et j’ai aussi trouvé que formellement, il y avait une maîtrise de l’image et de la narration, même si encore une fois un peu désappointé par la fin du court.

CHICO

Enzo Lorenzo Belgique, France – 2023 – 22 min

Bon là c’est belge hein, alors forcément génial et barré. Cela part dans tous les sens avec à la fois une solidarité des gens qui vivent un peu à la marge, mais aussi le caractère aléatoire, inique et violent de ce genre d’existence un peu paumée. On suit Jojo qui fantasme sur un gars (pas le bon évidemment), et il prend tous les risques pour lui plaire, jusqu’à se retrouver dans une panade pas possible. Mais c’est une belle aventure, et j’ai vraiment adoré ce personnage principal. Il est aussi solaire que maladivement timide et pas assuré, mais il y a un truc qui irradie du comédien et qui m’a profondément touché.

NEO NAHDA

May Ziadé Royaume-Uni – 2023 – 12 min

J’ai bien aimé la photo du film justement, et cette surprise de découvrir ces photographies des années 20 de femmes travesties avec des costumes d’homme et fez traditionnel. Mais le court est un peu court… On suit bien cette jeune femme, mais on s’ennuie un peu, et encore une fois ça manque un peu de substance. Un format documentaire aurait peut-être été plus intéressant, ou carrément plus surréaliste ou encore une intrigue un peu plus épaisse.

GENDER REVEAL

Mo Matton Canada – 2024 – 13 min

Sans doute un des meilleurs courts de la série pour moi, c’est absolument jouissif. Nous sommes sur un trio fabuleux, un trouple genderqueer non identifié, et l’un d’eux a été invité à la fête de « révélation de genre » du bébé de son patron. Vous voyez le genre ? Donc les trois queers débarquent dans un temple du conformisme et de la glorification de la binarité. C’est la totale avec les cupcakes vagin et bite, des trucs bleus ou rose, etc. C’est une succession de scènes vraiment drôles et très déglinguées. On est sur « Est-ce que les hétérosexuels vont bien ? » qui se finit comme un épisode de Happy Tree friends. Vous imaginez ? En plus c’est très bien joué et bien filmé, et on a le bonheur de revoir Lyraël Dauphin qu’on avait adoré dans la série Empathie.

COEURS PERDUS

Frédéric Lavigne France – 2024 – 34 min

C’est plutôt pas mal de prime abord, même si j’ai d’abord été un peu paumé sur la chronologie. Mais il y a vraiment un truc suranné dans ce genre d’histoire en 2024, alors qu’on a eu tant de récits de ce genre dans beaucoup de films ou d’œuvres LGBT en général, pas pourquoi pas. Le souci là c’est encore l’écriture un peu bancale selon moi, et pourtant formellement c’est bien. Bien filmé et très bien joué surtout de la part de Guillaume Soubeyran, on suit l’histoire avec attention, mais la fin m’a dérouté. Le mélange suicide, VIH, transmission est vraiment trop dissonant. C’est dommage car avec justement une histoire aussi classique, je pensais que la conclusion pouvait sortir des sentiers battus.

Alors mon petit classement à moi… (sans le vouloir avec une belle diversité de nationalités !)

  1. GENDER REVEAL (Canada)
  2. HEARTBREAK (Danemark)
  3. DRAGFOX (Grande-Bretagne)
  4. FAMILIAR (France)
  5. CHICO (Belgique)

Maison Blanche et Miroir Noir

Le contrôle et la mystification de l’information est une stratégie claire et effective de l’administration Trump aux US, et je parlai il y a quelques mois du bruits des bottes à ce sujet, avec notamment cette invisibilisation terrible et inique des LGBT dans les sites officiels américains, y compris le Stonewall. Mais là, c’est encore au-delà de mon entendement… Le site web de la Maison Banche a en effet mis à jour une frise historique qui explique les évolutions du bâtiment depuis le début de sa construction en 1791.

Jusque là tout va bien hein, en cliquant sur la droite, on avance dans le temps, et on découvre les différentes additions architecturales ou d’aménagement décidées par tel ou tel gouvernement. Et on arrive aux années 70 avec Nixon, et…

Mein gott, sur le site officiel, ils ont très officiellement mis des éléments totalement hors sujet ou putassiers, ou carrément surréaliste et toxique sur leurs opposants. C’est carrément Le Gorafi ou des mèmes affichés sur le site web officiel du siège du gouvernement, c’est complètement dingue. Ce règne des idiots est vraiment officiel aussi du coup. Là c’est indéniable. Et attendez car ça continue bien sûr, l’islamophobie ne pouvait pas être le seul attentat à la bienséance de ce « redesign »…

Et voilà côté Biden, avec cette histoire de cocaïne, et bien sûr une dose de transphobie éhontée. Imaginez si Biden avait mis en boîte de la même manière Trump sur sa présidence… Et là c’est fait bien sûr avec un goût douteux, avec vulgarité et indécence. Je sais que l’on peut dire que ce n’est pas incroyable car on reçoit des news comme cela toutes les semaines depuis janvier, mais la somme de toutes ces exactions commence à représenter une rupture incroyable dans tout ce dans quoi on pouvait croire… Mais quelles valeurs ont ces gens ?

On entend depuis longtemps maintenant les expulsions et les détentions dans des conditions inhumaines des équipes ICE (Immigration and Customs Enforcement : service de l’immigration et des douanes des USA) qui font partie de Homeland Security (Département de la Sécurité intérieure des USA, soit l’équivalent du ministère de l’Intérieur en France, mais avec beaucoup plus de prérogatives). Sur Twitter, ils font la promotion de leurs services pour recruter des agents ICE pour continuer leurs méfaits. Récemment, ils ont utilisé l’imagerie Pokemon et le slogan bien connu « Attrapez les tous » pour promouvoir ce métier. Et là, ça va encore plus loin puisque c’est carrément le jeu vidéo HALO.

Donc là ce n’est plus question d’attraper, mais bien de tuer, détruire, annihiler des « aliens ». Et c’est officiel.

Cela me fait penser à cet épisode de Black Mirror, avec des soldats à qui on a mis un implant et cela leur fait voir les civils d’un pays ennemis comme des monstres informes. Comme cela, ils les éliminent en mode FPS1, et ils n’ont plus ce scrupule de tuer des êtres humains.

Il n’y a plus à avoir peur des dérives fascistes, le fascisme est déjà là, à l’œuvre.

  1. First Person Shooter : ces jeux vidéos en vue subjective où le joueur est le tireur. ↩︎

La Transmance

Je vous avais parlé de Léon lors d’un précédent article sur la transidentité car il était vraiment un militant qui me touchait énormément. J’avais adoré ses émissions sur sa chaîne Youtube dont je vous ai aussi parlé à ce moment là, car ses vidéos avec des parents de personnes trans sont des petits bijoux qu’il faut vraiment regarder en urgence si ce n’est pas déjà le cas.

J’étais un peu tristoune de constater dernièrement que ça faisait un an qu’il n’avait pas publié de nouvelles vidéos, et je craignais qu’on ne voit pas de seconde saison à la « Transmance » (une « bromance » entre adelphes ^^ ). Et là je viens de voir qu’il y a déjà 3 nouvelles émissions, youhouuuuuu. Je suis trop joisse.

Alors c’est marrant, et c’est une des grandes qualités de ces vidéos, car ce sont des épisodes avec des concerné⸱e⸱s et pour des concerné⸱e⸱s. Mais en réalité, ce sont aussi de magnifiques outils militants réalisés avec une authenticité frappante et émouvante, et je pense que ça peut toucher tous les allié⸱e⸱s et au-delà. Moi ça m’a plu à mort comme vous le devinez aisément. Car Léon est génial, il est doué, il s’exprime brillamment, il est didactique et utilise la transparence, la vérité et un exercice de raison à la portée de tous et toutes pour fluidifier et animer les témoignages d’autres personnes trans dans des situations parfois très différente de la sienne.

Celle ci-dessous à propos de l’orientation sexuelle des trans est excellente, car c’est clairement un des sujets d’interrogation, et aussi une des questions actuelles sur une certaine ségrégation entre LGB et T. Car l’identité de genre, l’expression de genre et l’orientation sexuelle sont trois choses différentes, hein ? Et donc on trouve des personnes trans qui sont hétéros, homos, bis ou ce qu’elles veulent, mais pas comme on le pense à l’évidence, et par défaut, hétéros. Et Léon est entouré de deux personnes géniales pour converser de ce sulfureux sujet, de parler cul avec une belle décontraction. J’ai découvert Claude-Emmanuelle qui m’a absolument conquis, et Lou Trotignon dont j’avais déjà parlé ajoute un grain de sel drôle, touchant et indispensable.

Sur la non binarité, la vidéo est ci-dessous est fabuleuse avec des témoignages super éclairants et des personnes d’une clairvoyance et humilité confondantes. J’ai adoré retrouver Sam dont je suis les recettes sur Insta, et dont j’ai parlé dans un cadre tout autre en 2022.

Et enfin, encore un sujet assez épineux dans ses échos médiatiques dont je pense qu’il est essentiel d’écouter les concerné⸱e⸱s : les athlètes trans. Léon reçoit trois athlètes qui témoignent sur les traitements iniques dont elles ont été victimes, mais on découvre en réalité des personnes qui sont avant tout des vaillants sportifs qui veulent simplement s’inscrire dans la compétition. Et il est très intéressant de questionner la manière dont le genre devrait absolument ou pas être le moyen de séparer les participants.

On ressort du visionnage de ces vidéos avec le sourire et pas mal d’espoir. Je sais que c’est la merde, et que les situations des personnes queer n’ira sans doute pas en s’améliorant, mais moi dans mon petit coin avec mon petit cœur, c’est juste un baume dont j’ai besoin.

Drag Race France Live All Stars « Royal Tour 2025 » au Zénith de Nantes

Bon, ça commence à devenir un rendez-vous habituel et incontournable, et il faut avouer que c’est non seulement à chaque fois un plaisir, mais qu’en plus les shows sont de plus en plus beaux et professionnels. La première saison était clairement un truc pas vraiment pensé, la seconde avait déjà corrigé les défauts grossiers et donnait à voir un vrai show, la troisième c’était déjà un truc aux petits oignons avec une qualité qu’on ne pensait pas vraiment voir en France pour un Drag Show.

Donc là c’est épatant à constater mais c’est encore un « glow up », et donc on s’en prend plein les mirettes pour les costumes, maquillages, danseurs, habillages vidéo etc. Mais si j’avais un petit bémol, ce serait que le prix des places s’est également envolé, et je ne pense pas qu’un drag show aussi bien troussé soit-il valent une centaine d’euros. En tout cas, là en l’occurrence, même si c’était très bien, je trouve que c’est un peu trop cher, et que ça en limite tout autant l’audience bien sûr. Malgré tout la salle était archi pleine et nous étions donc 5300 personnes !

Les défauts les plus criants ont été corrigés, et notamment cette année : le son est tout à fait correct !! Youhouuuu !

Là où cela diffère aussi des autres années, c’est que l’on n’est pas exactement sur une saison de Drag Race, et donc on n’est moins dans la connivence et le rappel de l’émission. Je ne sais pas si c’est bien ou pas… Au moins on est dans un show hyper pro et cadré, mais le petit défaut c’est que ça perd un peu en retrouvailles sympathiques, en petite discussion sur chacun et chacune, c’est un peu plus froid quoi. J’ai été également un peu déçu qu’on ne soit pas plus sur une célébration plus marquée de la grande gagnante. On a l’impression d’un show qui était prévu avant même la fin de la production de la saison en réalité.

Mais sinon là où les points continuent d’être marqués c’est dans l’animation de Nicky Doll, et l’état d’esprit général de la soirée. Et cela vaut autant pour le spectacle que pour le public. Et le public nantais, qui était largement aussi au vu des plaques d’immatriculations, angevin, rennais, brestois, tourangeau et même rochelais, est aussi vraiment beaucoup pour la réussite d’hier soir. L’ambiance était absolument géniale et haute en couleur, avec des tas de gens maquillés, draguifiés, lookés, et tout le monde qui se lève, et danse et crie et fait la fête avec des rires, des sourires, des gestes d’affection et une atmosphère globale très apaisante, bienveillante et festive.

Le thème du show est cette fois de reprendre un peu l’histoire du drag en partant des ballrooms des années 90, vers l’émergence pendant le clubbing, puis les combats pour l’émancipation (notamment contre le VIH) et enfin la Pride et ses aspects à la fois vindicatifs et festifs. Il y a quelques bons moments, je repense à Elips et son évocation des actions ACT-UP ou encore Soa de Muse qui met toute sa rage sur scène, mais ce sont tout de même plus des prétextes pour les numéros.

Et en réalité, comme les spectacles dépendent aussi un peu des talents en présence, on remarque surtout les performances de Misty, Mami ou Piche, ou encore la superbe d’Elips, et donc je suis un peu déçu que Punani n’ait pas trop trouvé sa place avec un peu plus de moments où son humour aurait pu poindre dans un show assez tonitruant et « busy ». De même Moon est clairement toujours dans le cœur du public, et je la trouve un peu trop en arrière-plan. Mais bon, c’est compliqué à organiser ces choses là, et je comprends que ce soit une équation assez insoluble.

Alors que je célébrais récemment un petit show indépendant dans la pure militance, et que je fustigeais un show un brin désincarné qui manquait d’âme, je me dois de reconnaître les nombreuses qualités de celui-ci. Déjà d’être un grand spectacle professionnel tout en étant vraiment d’une certaine sincérité dans les discours et les messages militants (les choses sont souvent dites et très clairement). Et je suis persuadé que c’est la bonne alchimie pour à la fois toucher un public large et agir sur la société, tout en ne reniant pas ses valeurs et sa raison d’être.

J’étais tellement content que la fin soit sur cette reprise des chansons à la française qui étaient tellement drôle pendant cette saison. On a donc eu droit à Liberté té té té té et Oui oui j’adore, et c’était sans doute un des moments les plus barrés et sympas du show (sinon encore une fois un chouïa froid dans son exécution).

Je recommande à tout le monde d’aller voir ces spectacles qui sont une belle représentation de la chose drag actuelle. Et c’est un des rares trucs qui allient vraiment dans un magnifique élan pédés, goudous, trans, nb et alliés, avec une atmosphère joyeuse et sensée, une fête où on danse, on chante et on crie, et un beau manifeste sur notre capacité à lutter avec nos armes pour un monde meilleur : à coups de talons, de strass et de paillettes.

Show drag au Marquis de Sade (Rennes)

On vient de débarquer à Rennes, alors forcément moi je cherche les activités LGBTQ+ de mes coreligionnaires bretons. En fouillant un peu sur Instagram, j’ai trouvé cet événement, et j’ai bien compris que ce serait un truc peu à la marge, mais exactement ce qui me plaît dans la créativité et l’inventivité queer du moment. Les shows drag avec Drag Queen en mode « pageant1 » c’est très bien, mais ce n’est pas tout.

Maintenant que des Drag Queens sont à la télévision dans une émission récurrente ou aux JO, et ont gagné une sorte de respectabilité (même si largement à géométrie variable au sein de la société). Et d’ailleurs je ne conspue pas du tout une forme plus « acceptable » et consensuelle qui permet de diffuser des messages au plus nombreux. Mais on peut aussi s’intéresser à tout le spectre de cette queeritude, et s’intéresser à des formes moins lisses, mais tout aussi stimulantes, hautes en couleur, réjouissantes et militantes. Et surtout, on gagne à jeter un coup d’œil du côté de nos copines lesbiennes et tout simplement nos frangines et adelphes.

J’avais adoré découvrir quelques drag kings et queers locales nantaises, ou plus dernièrement à Paris des créatures un peu plus protéiformes et difficiles à cerner. Bien sûr je pense aussi à feu les Paillettes avec leurs shows militants et fabuleux. Et j’ai l’impression que c’est du côté queer de la Force, que la nouveauté se trouve, mais également aussi un ferment intelligent, sensible et savoureux qui ne mérite que d’être découvert et apprécié à sa juste valeur.

Et puis clairement, on sait bien que le combat le plus aigu est celui qui consiste à protéger et aider les personnes trans, et lutter pour leurs droits. Quand je repense à ce moment à Quimper, je tremble encore d’effroi.

Donc là, on est à Rennes avec ce collectif « king » qui s’appelle Kingkea2, alors évidemment ça va être très artisanal et militant. Mais on peut avoir de très bonnes surprises avec ces shows (et j’en ai vus une palanquée), et assurément c’en était une pour nous. Et d’autant plus, qu’on a, je pense, un peu fait se retourner quelques têtes avec nos statures de pédés quadras (avancés) bobo white cis. D’ailleurs on a bien ri quand le monsieur Loyal, Soleil, a plaisanté sur le fait d’être né en 1997 et d’être donc le plus vieux de l’assistance… Hu hu hu.

Mais je m’en balance, et tant qu’on ne fout pas en l’air l’ambiance ou la concorde de l’endroit en faisant peur aux gens (ce qui pourraît arriver, je mesure parfaitement cela, et on est venu car ça paraissait ouvert à toutes et tous). J’insiste un chouïa là-dessus, car je me rappelle très très bien ma propre appréhension lorsque j’avais 19 ans et que je voyais débarquer des hétéros en boîte gay. J’avais besoin d’être avec des gens comme moi, c’était absolument essentiel pour moi, et pour être moi-même une condition sine qua non. La simple présence, toujours trop emphatique, de personnes hétéros me rendait complètement parano et craintif, forcément renfermé…

Or on était clairement dans une (petite) population queer au sens large : trans, non-binaire et jeunes fluides de toutes parts. ^^

L’endroit déjà, c’est un bar qui s’appelle donc le « Marquis de Sade », il faut avouer que ça en jette comme nom ? Hu hu hu. J’adore ce genre de bar libertaire, qui me rappelle exactement les rades parisiens alternatifs qui sont dans la même veine, avec une arrière-salle qui permet d’accueillir des groupes, et donc là quelques personnes assises pour un show. Et le show en question était en réalité précédé par la finale de l’émission de téléréalité : King of Drag. C’est la toute première saison d’une émission comme celle-ci dédiée à des Drag Kings, et présentée par Murray Hill, que je connaissais pour la série Somebody Somewhere.

Mais le plus intéressant c’était la suite et les performances des quelques drags qui étaient invités ce soir. Soleil était le présentateur mais aussi un artiste drag qui a présenté deux performances très engagées avec un drag parfois presque possédé par son show. J’ai beaucoup aimé son visage très mobile, et les détails du maquillage qui masculinisent son visage. Et puis il y a une énergie fascinante qui se dégage de lui, entre BDSM et puissance contrariée, sans doute un peu inabouti mais intéressant !

En réalité, c’est Sylvestre qui a démarré les hostilités, avec une fabuleuse interprétation planante de Si j’étais un oiseau de Bertrand Belin. Excellent lip sync et avec une présence d’une intensité peu commune, c’était vraiment cool.

Après c’était GORKI qui joue sur le registre Drag Queer en démarrant par un classique du drag king dans le rôle du cowboy viril et couillu. Hu hu hu.

Je l’ai préféré pour son second passage avec un personnage encore un peu plus mascu toxique, et jouant merveilleusement avec les codes et tous les brouillages de signaux qui vont bien.

Soleil est également revenu avec une performance, mais quand le lip sync ne suit pas, j’avoue que je décroche… Mais il reste doté d’un sens esthétique et d’une maîtrise de l’espace qui est cool.

Sylvestre est revenu dans une forme plus chimérique avec cette belle créature, et encore une fois un lip sync impeccable, et remarquablement interprété.

Et enfin le clou du spectacle c’était avec PEES dont la performance m’a fait penser à La Gouvernante qu’on avait vu au Warehouse pour une Pride nantaise. On est dans un genre de drag très singulier mais vraiment impliqué, dans l’extrême don de soi et la performance artistique. Il se peint le corps avec une substance noirâtre, et il s’agrafe à même la peau des morceaux de textiles, sur la poitrine puis sur le visage, tout en effectuant un excellent lip sync, et tout en se transformant en une inquiétante créature mi-kafkaïenne mi-frankenstein. ^^

Ah oui, c’est pas votre petit show propret avec des robes à volant et des paillettes, mais c’était cool, c’était drôle, c’était engagé et déroutant ou dérangeant parfois. J’étais content d’y assister, dans mon propre cheminement de découverte de cet art du drag si complet, et de cet air du temps qu’on ne peut mieux saisir qu’en ayant le bonheur de voir comme cela du spectacle vivant à fleur de peau et servi par des doux-durs à queer.

  1. Pageant = beauty pageant = concours de beauté du type Miss France, donc des shows consistant à montrer de beaux travestissements exclusivement « en femme » avec de belles personnes bien maquillées dans de beaux vêtements. ↩︎
  2. Jeu de mot sur « kinky » soit une excentricité sexuelle au sens le plus littéral (classiquement les pratiques sexuelles BDSM, mais en gros tout ce qui sort de la norme, quelle que soit votre acception de la chose… ^^ ) ↩︎

Du tac au tac

Al Green est un élu texan de la Chambre des Représentants des USA. Lorsque, récemment, un autre élu a affirmé que « Dieu était contre les droits pour les personnes trans », voilà ce qu’il a rétorqué.

Heureusement dans cette époque sombre, il y a encore un peu de décence et des personnes éclairées pour nous montrer la voie, et péter un bon boulon quand il le faut. ^^

NO vamos a volver a los márgenes

Je ne sais pas si vous connaissez Carla Antonelli, mais si ce n’est pas le cas, alors il faut réparer cela d’urgence. Elle est sénatrice espagnole et aussi députée de l’assemblée de Madrid, et c’est également une femme trans. Elle a fait un incroyable discours il y a quelques jours qui fait beaucoup de bien, en plus d’y trouver cette verve et morgue toute almodovarienne qu’on aime tant !!! ^^

Source : Instagram (pour les sous-titres en anglais) et Instagram (celui de la sénatrice et députée en question).

Cela fait des jours et des jours, et avant cela fait déjà quelques mois que j’en parle hein, que je vois des attaques de plus en plus prégnantes de toutes les extrêmes droites contre les droits des trans, mais aussi contre la transidentité en général, et les progrès même plus importants, selon moi, que la société a réalisés grâce à cette inclusion. Et donc ce coup de gueule libérateur m’a fait un bien fou (la droite espagnole attaque depuis quelques années la Ley trans). Car purée, mais les trans c’est moins de 1% de la population, ce n’est pas possible que ce soit une telle problématique, surtout quand on voit que ce serait une telle engeance à vous retourner la société entière. On dirait notre copine homophobe favorite qui nous promettait la colère de Dieu…

Un des célèbres moments de la campagne homophobe contre le mariage pour tous (23/10/2012)

Carla Antonelli le dit haut et fort, les personnes trans ne seront plus marginalisées et reléguées !

Le bruit des bottes

Je ne sais pas si vous avez suivi ce truc incroyable qui se passe aux USA avec l’arrivée de Trump, de nouveau, au pouvoir. Mais c’est tout à fait similaire (et je mesure mon point Godwin après 37 mots seulement) aux autodafés (juste à l’arrivée au pouvoir des nazis en 1933) et autres réécritures de l’histoire ou exposition de l’art dégénéré (Entartete Kunst en 1937) par exemple. Et puis c’est pas comme s’ils ne se mettaient pas à nous faire des saluts romains nazis à tout bout de champ. Nous avons tout bonnement un nouveau gouvernement qui fait supprimer les mentions de transidentité de tous les services publics en ligne ou encore les recommandations sur la PrEP qui a disparu du site web de la CDC1.

Ces obligations d’invisibilisation ont aussi été propagées sur les sites internet des National Park Services où dorénavant les trans sont gommés (via un skeet de Xavier) de notre réalité et notre histoire, et y compris concernant un Monument National newyorkais depuis 20162 : Le Stonewall Inn (la photo ci-dessus est celle de mon dernier passage là-bas en 2013, c’est une sorte de pèlerinage majeur pour moi).

Et donc voilà ce que ça donne : ce n’est plus LGBT mais LGB !

C’est d’autant plus choquant alors que le Stonewall en 1969 était largement fréquenté par des personnes travesties et transgenres, et ce sont ces personnes qui étaient déjà les plus discriminées, et qui ont été les fers de lance de notre propre émancipation actuelle.

C’est le pouvoir aussi fascinant que terrifiant que notre monde numérique, celui de pouvoir changer l’histoire d’un simple « chercher / remplacer » sur des centaines de bases de données. Et c’est évidemment à Elon Musk que l’on doit une telle stratégie numérique de mainmise sur ces dispositifs digitaux officiels qui sont des sources de confiance et des repères immuables pour tout un chacun.

Cet exemple n’est qu’un tout petit minuscule effet de cette politique offensive de renormalisation de la société, et elle voit se relever les mœurs les plus rétrogrades érigées en commandements sacrés pour tous et toutes.

Christina Pagel a justement publié un texte très intéressant qui résume tous ces changement en mode Blitzkrieg, et leurs impacts délétères majeurs sur la société américaine, mais au-delà aussi sur cette affreuse galvanisation de nos propres fascismes made in Europe en germination.

Je vous mets un fil de pouets Mastodon qui reprend en synthèse ses propos (je vous le mets en français, puis la VO) :

« Voilà donc comment meurt la liberté… »

Les 3 premières semaines de Trump ont été un déluge incessant d’actions. Il est incroyablement difficile de suivre le rythme.

J’ai passé en revue 69 actions et cartographié le schéma – montrant comment elles s’inscrivent dans 5 grands domaines cohérents avec les États autoritaires.


Les décrets de Trump, les prises de pouvoir de Musk, le démantèlement des institutions plus rapidement que quiconque ne peut le suivre, l’attaque contre la science, le savoir et les organismes coopératifs internationaux et les alliés font tous partie du manuel de l’autoritarisme.

J’ai également regroupé les actions dans un tableau pour illustrer cela.


2 livres (How Democracies die, The Road to Unfreedom) mettent en évidence les étapes clés pour éroder la démocratie :
Saper les institutions indépendantes
Affaiblir l’opposition
Démanteler les protections sociales
Se retirer des alliances internationales
Instrumentaliser le nationalisme
Saper la science
Saper les élections libres (y compris la désinformation)


** Presque toutes les actions que Trump a entreprises au cours des trois dernières semaines correspondent directement à ces étapes. **

Applebaum dans son livre de 2020 « Twilight of Democracy » avertit que les démocraties deviennent incroyablement fragiles une fois que leurs élites abandonnent les normes démocratiques…

Trump n’a jamais aimé les normes démocratiques mais les respectait (parfois) en paroles lors de son 1er mandat. Dans son 2ème mandat, il se délecte de les détruire.

Tous les Républicains qui résistaient ont depuis longtemps disparu. Les autres ont soit embrassé le chaos, soit choisi la complicité.

De nombreux Démocrates semblent paralysés.

Pendant si longtemps, les États-Unis ont été le principal allié du Royaume-Uni et de l’Europe, la voix la plus forte pour proclamer sa démocratie.

Mais les États-Unis sont maintenant une menace pour l’économie mondiale, la santé mondiale et la stabilité mondiale. Plus tôt cela sera reconnu, mieux ce sera.

Nos dirigeants semblent paralysés, incapables de parler des États-Unis dans le même langage qu’ils utilisent pour les pays traditionnellement hostiles, espérant que l’œil du tyran les épargnera.

Avant de pouvoir agir face à une crise, il faut reconnaître qu’on y est – il est temps pour nos dirigeants, et nos médias, de se réveiller

La version originale pour les anglophones. ^^

« So this is how liberty dies… »

Trump’s first 3 weeks have been a relentless flood of actions. It’s incredibly hard to keep up.

I’ve gone through 69 actions & mapped out the pattern – showing how they fall within 5 broad domains consistent with authoritarian states.


Trump’s executive orders, Musk’s power grabs, dismantling institutions faster than anyone can track, attacking science, knowledge and international *cooperative* bodies and allies are all part of the authoritarian playbook.
I’ve also grouped the actions in a table to illustrate this.


2 books (How Democracies die, The Road to Unfreedom) highlight key steps to erode democracy:
Undermine independent institutions
Weaken the opposition
Dismantle social protections
Retreat from international alliances
Weaponise nationalism
Undermine science
Undermine free elections (inc misinfo)


** Almost all of the actions Trump has taken over the last three weeks map directly onto those steps. **

Applebaum in her 2020 book « Twilight of Democracy » warns that democracies become incredibly fragile once their elites abandon democratic norms…

Trump never liked democratic norms but did (sometimes) pay lip service to them in his 1st term. In his 2nd term, he is revelling in burning them down. Any Republicans who resisted are long gone. The rest have either embraced the chaos or chosen complicity.

Many Democrats seem frozen.

For so long the US has been the core UK & European ally, the loudest voice in proclaiming its democracy.

*But the US is now a threat to the global economy, to global health and to global stability. The sooner this is acknowledged the better.*

Our leaders seem paralysed, unable to talk about the US in the same language they use for traditionally inimical countries, hoping that the bully’s eye passes them over.

Before you can act on a crisis you have to recognise you are in one – it is time for our leaders, and our media, to wake up.

  1. Un juge fédéral a ordonné un retour en ligne de ces informations hier. ↩︎
  2. Le bar est inscrit au Registre national des lieux historiques en 1999 et désigné site historique national en 2000, puis monument national en 2016 par Barack Obama ↩︎

BAMBI à la Rotonde (Moissy-Cramayel) par le Théâtre de l’Estrade

Je voulais la voir cette pièce hein, je suis allé jusqu’à Moissy-Cramayel, dans le 77, pour cela !! Parce qu’une adaptation de la vie de Bambi sur les planches, je ne vois pas ce qui serait plus dans mes cordes. ^^ Bambi c’est Marie-Pierre Pruvot, qui est née en Algérie en 1935, et qui fut une des premières femmes trans de notre pays. Elle fut connue comme une meneuse de revue et danseuse de cabaret, mais elle a surtout été enseignante et autrice une bonne partie de sa vie.

La compagnie du théâtre de l’Estrade crée des œuvres qui sont autant de supports de médiation culturelle avec des lycéens, et donc c’est une démarche de fond assez différente des processus de création plus conventionnels. En revanche l’intérêt manifeste là est de proposer des opportunités de travaux avec des lycées de la région sur le sujet de la tolérance et plus globalement de la diversité sexuelle et de genre. Donc l’œuvre présentée est à la fois une proposition de la compagnie, mais aussi un outil de travail pédagogique, et la résultante des échanges avec les élèves, et aussi des interactions avec Marie-Pierre Pruvot.

L’idée c’était de reprendre le roman autobiographique de Bambi qui s’intitule « Marie parce que c’est joli », et qui rend compte chronologiquement des étapes importantes de la vie de l’artiste. Ainsi, on suit différentes saynètes qui nous montrent les moments charnières de sa vie, depuis son enfance, puis adolescence et vie adulte jusqu’à la transition de genre et au-delà avec notamment le passage au cabaret, chapitre après chapitre du livre. La mise en scène est très dynamique et enlevée, et j’ai aimé que ce soit si vivant et syncopé.

Le recours à des vidéos et des écrans secondaires sont aussi de chouettes ajouts qui aident à la compréhension, et donnent aussi beaucoup de peps à la mise en scène. Après je regrette un peu que l’écran déporté (qui était une bonne idée) ne soit que peu utilisé (très bien vu en revanche pour la scène du confessionnal), et devienne un peu un gadget. Mais on a aussi une musique très présente et tout cela rend le spectacle vraiment agréable et fluide.

La volonté est clairement de se concentrer sur la vie de Bambi, mais en la rendant la plus universelle possible. J’ai regretté justement que ça ne soit pas plus « daté » et « référencé », mais j’ai compris que c’était manifestement conçu de cette manière à dessein (on a pu discuter en fin de spectacle lors d’un « bord de scène »), un peu comme pour 120 BPM. De même on est sur une pièce un peu trop courte à mon goût, mais je crois que c’est une forme qui devait seoir à des adolescents, donc un peu taillée aussi pour cela.

Il y a 3 comédiens et 1 comédienne sur scène, cette dernière incarnant Bambi à tous les âges, et globalement j’ai bien aimé leurs performances. Les acteurs jouent plusieurs rôles à chaque époque de l’artiste, et il y a un mélange des genres qui est très bien senti, l’un des comédiens jouant notamment la maman de Bambi, et chacun pouvant porter des talons hauts ou du maquillage. On sent bien la volonté d’ouvrir les possibles et les chakras des spectateurs.

J’ai passé un bon moment, mais j’ai trouvé que c’était une œuvre un peu limitée par son format à destination des lycéens. C’est bête car cette qualité profonde et sincère de travailler le spectacle dans un cadre pédagogique a finalement, selon moi, oblitéré sa portée potentielle. Bien sûr l’initiative est géniale, et il faut absolument la soutenir. Mais je regrette que ce travail de base très riche et intéressant n’ait pas pu servir aussi à nourrir une œuvre avec un peu plus d’ampleur et d’ambitions.

Un petit line-up queer pour le Fringe Festival d’Édimbourg

On est tombé par hasard sur le Fringe Festival à Édimbourg qui est un gros truc, et la ville vrombit des spectacles plus ou moins grands de rue ou de salles. C’était difficile de trouver un show mais là j’avais vu qu’on avait la possibilité de voir assez tard un échantillon de quelques stand-upers du festival qui en gros essaient de donner envie qu’on aille voir leurs shows complets. C’est ainsi qu’on s’est retrouvé au Gilded Balloon, et qu’on a vu 5 artistes queer nous faire quelques minutes chacun de leurs numéros.

Le premier c’est le choupinou Mark Bittlestone que je ne connaissais que d’Instagram pour avoir vu ses vidéos, et il était assez marrant en live (mais très très classique twinky gay musclé qui parle de GrindR et consorts). La chouette découverte c’est Ciara qui s’est montrée en quelques minutes extrêmement douée, et pleine d’un humour grinçant et mouillé d’acrimonie et de dérision comme j’aime. Elle nous a vraiment cueilli et c’était un plaisir de l’écouter, et de nous faire rire très spontanément.

La personne qui présentait et introduisait les artistes était un certain Jeremy Topp, mais je n’ai pas été super convaincu par sa prestation. Enfin pour enrober le truc, ça le faisait.

Le dernier, Otter Lee, était vraiment intéressant mais extrêmement malaisant à la fois. Il était très drôle mais totalement largué et à l’ouest, et paraissant parfois vraiment à la limite du burn-out sur scène. On s’est demandé si on devait vraiment rire, ou si l’auto-dénigrement comme cela était obsolète, même dans le stand-up, depuis Hannah Gadsby. Mais il avait une sorte d’énergie du désespoir et une fragilité queer qui m’ont beaucoup touché et fait rire, donc difficile de statuer. ^^