Présences arabes (Art moderne et décolonisation. Paris 1908-1988) au Musée d’Art Moderne de Paris

Forcément quand j’ai vu ce thème très ambitieux, j’ai foncé et j’y suis allé avec toute ma candeur mais aussi les attentes exigeantes d’un habitué et féru de l’Institut du Monde Arabe. Eh bien force est de constater qu’ils ont de la graine à prendre de l’IMA… Ce n’est pas bon du tout selon moi, voire carrément raté.

Pourtant la décomposition de l’exposition avec un choix chronologique et des thématiques clefs paraissait plutôt bien sur le papier, et on trouve en effet dans la scénographie globale les 4 chapitres qui suivent.

1-Nahda : Entre renaissance culturelle arabe et Influence occidentale, 1908-1937 :
Face à l’influence occidentale, la Nahda (renaissance culturelle arabe) se développe ; plus particulièrement en Égypte, au Liban et en Algérie grâce notamment aux écoles d’art, à la presse… En parallèle, à Paris, les grandes expositions dites universelles, dont la plus importante, L’Exposition coloniale de 1931, incluent des artistes issus des pays colonisés.

2-Adieu à l’orientalisme : Les avant-gardes contre-attaquent.
À l’épreuve des premières indépendances (Égypte, Irak, Liban, Syrie), 1937-1956 :

Certains artistes renoncent à des références importées et imposées pour se saisir d’une expression artistique enracinée dans l’histoire locale (Égypte, Tunisie) mais aussi se connecter directement aux avant-gardes européennes. À Paris, les salons modernistes mettent en avant l’abstraction et accueillent les artistes arabes. C’est le temps des premières indépendances (Égypte, Irak, Liban, Syrie).

3-Décolonisations : L’art moderne entre local et global.
À l’épreuve des deuxièmes indépendances (Tunisie, Maroc, Algérie), 1956-1967 :

Dans une période marquée par la violence et l’enthousiasme des indépendances nationales, notamment nord-africaines (Algérie, Maroc, Tunisie), l’Art moderne arabe se mondialise. Les expositions à Paris, comme la biennale des jeunes artistes reflètent largement cette nouvelle dynamique.

4-L’art en lutte : De la cause Palestinienne à « l’apocalypse arabe », 1967-1988 :
Le « salon de la jeune peinture », à Paris, est dominé par les questions politiques et les luttes anti-impérialistes internationales, de la guerre du Vietnam à la cause palestinienne. L’artiste libanaise Etel Adnan fait paraitre, en 1980 à Paris, son grand texte poétique « l’Apocalypse arabe ». L’exposition se termine par le sujet de l’immigration arabe en France traitée par les musées parisiens (années 1980).

Site Internet du Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris présentant l’exposition.

Mais voilà, l’exécution à l’intérieur des salles est complètement erratique et bordélique, on ne comprend rien, il y en a partout, dans tous les sens, et sans aucune signalétique claire pour suivre un quelconque cheminement. Mais vraiment il y a des frise temporelle hyper précise sur des événements que je ne connais pas du tout1, et sans réelle contextualisation entre ce qu’il se passe à Paris, en Algérie, Turquie ou en Egypte, ensuite tu as des panneaux spécifiques qui zooment sur un ou une artiste, et des œuvres à droite à gauche. Mais aucun lien n’est fait, et en réalité on voit que c’est aussi sans doute parce que 1) c’est complexe et 2) ils ont surtout exposé ce qu’ils avaient sous la main et essayé de broder autour ?

Mais là où le bât blesse encore plus, c’est quand on creuse les explications autour et accompagnant les œuvres. Déjà, on ne fait pas toujours le lien avec la thématique ou la chronologie (ils essaient sans doute de se raccrocher soit à l’un, soit à l’autre), mais surtout c’est un mélange bizarre (surtout parce que sans contextualisation) avec des œuvres de français de métropole qui sont allés en voyage, de français installés au Maghreb, de français pro-décolonisation et qui clairement s’engagent aussi dans leurs œuvres, et d’artistes arabes et/ou autochtones, mais aussi des artistes qui sont passés par Paris, et donc on se retrouve aussi avec des artistes arabes mais rien à voir avec de la décolonisation… Bref, je n’ai rien compris. Et j’ai senti qu’on n’a pas cherché à m’expliquer quoi que ce soit.

Et ensuite, on sent clairement la difficulté insoluble d’écrire des cartels à la fois pertinent, précis, historiques mais aussi engagés mais alors sans s’engager du tout car c’est un musée quoi. ^^ Donc les explications sur la décolonisation sont claires comme de l’eau de boudin, avec des métaphores incompréhensibles2, aucune prise de position, et au final des rodomontades tiédasse donc qui disent à la fois que ça a été décolonisé, mais que c’était compliqué, et que l’art c’est bien chouette.

Vraiment quand c’est comme cela, il faut laisser faire l’IMA ou alors faire un truc ensemble. Mais là j’étais très très déçu, surtout pour un aussi beau et bon musée habituellement.

  1. Mais ça, je reconnais que je manque sans doute de culture générale. ^^ ↩︎
  2. Encore une fois, c’est peut-être moi qui manque un peu de jugeotte. ↩︎

Rétrospective Jean Hélion (La prose du monde) au Musée d’Art Moderne de Paris

Je suis souvent fan des expos du Musée d’Art Moderne de Paris car ils ont une collection vraiment chouette des peintres et plasticiens de la toute fin du 19e et début 20ème, et c’est une période des débuts de l’abstraction et du chemin vers l’abstraction qui est vraiment exactement ma came. Et ils se focalisent souvent sur les artistes de cette mouvance (notamment Expressionnisme qui est mon truc), et me font souvent découvrir des artistes un peu moins connus mais qui me font un effet assez bœuf.

Et là avec Jean Hélion, je suis partagé. Ce n’est pas pour l’expo qui est de grande qualité, mais pour l’œuvre en tant que telle qui ne m’a pas tant parlé que cela, c’est peut-être parce que l’artiste, même si c’est une pointure reconnue dans son domaine, me paraît plutôt comme un théoricien, expérimentateur et suiveur des artistes de son époque plus qu’un grand inventeur. Et pourtant j’ai bien aimé une bonne partie des tableaux présentés, et notamment ceux qui frôlent entre abstraction et réalisme.

Figure Tombée de Jean Hélion (1939)

Après ce qui est marrant et très intéressant avec ce peintre, c’est qu’il a beaucoup travailler l’abstraction et avec des inspirations à la Mondrian très très « suprématistes », mais qu’il est allé ensuite vers le figuratif (le tableau ci-dessus est son dernier abstrait). Et tout cela est très bien documenté et expliqué dans l’exposition, puisqu’on a énormément d’écrits de témoignages de cet homme, qui a vraiment beaucoup réfléchi sur son art. Il faut dire aussi qu’on est avec un artiste qui est une charnière assez hallucinante avec tous ces artistes qui ont inventé l’abstraction picturale. Jean Hélion (1904-1987) a connu tout jeune artiste les Mondrian, Kandinsky, Klee ou Fernand Léger et tous les artistes qui passaient un jour ou l’autre par Paris. Et il est décédé bien après ce mouvement et tant d’autres. D’ailleurs, il y a des projections avec des interviews filmées super intéressantes (années 60 à 80) où il témoigne de ses rencontres avec ces peintres du siècle dernier (il raconte notamment comme il était considéré comme un gamin par Mondrian et sa clique).

Ce qui est troublant c’est sa manière de tester des choses et de chercher sa voie dans des tas de tableaux dont on sent qu’ils sont sa vision d’une théorie ou du style d’un mouvement. On le voit aller vers le cubisme comme un Braque, ou vers des personnages très proches d’un Fernand Léger, et donc je n’ai pas été totalement sous le charme parce que je me disais « ah oui c’est un peu comme machin mais en moins bien ».

Donc l’expo est bien, mais le gars ne m’a pas totalement conquis, même si sa période figurative avec un certains codes abstraits, comme l’affiche ci-dessous, me plaisait pas mal. J’ai bien aimé aussi sa fixette sur les citrouilles (cela m’a fait pensé aux peintures de Jack Palance dans Badgad Café et à la fois à Frida Kahlo, ne me demandez pas pourquoi). ^^