Zaho de Sagazan Symphonique au Zénith de Nantes

Je vous avais dit que nous n’en avions pas encore fini avec Zaho de Sagazan, et voilà sans doute la quatrième et ultime fois qu’on la voit en concert avec ce premier album génial. Et quoi de mieux qu’un orchestre symphonique pour aller avec sa Symphonie des éclairs. Donc c’est dans la lignée des autres concerts, mais c’est un spectacle très différent, surtout dans la forme.

On a donc eu hier soir la chance de la voir sur scène, et c’est bien je trouve de faire un concert un 13 novembre 2025, avec la soixantaine de musiciens talentueux de l’Orchestre National des Pays de la Loire. C’était encore un magnifique show, et donc extrêmement renouvelé avec cette ampleur dingue que peut donner un orchestre complet. On a toute la complexité et la richesse d’une musique à base de what mille instruments, et aussi cette énergie folle qui émane de ces tempêtes symphoniques.

Donc les moments les plus enlevés et lyriques de l’album sont sublimés de la meilleure des manières. Cette réinvention de l’album avec énormément de nouveaux sons et une palette musicale beaucoup plus amples enrichit énormément les chansons de Zaho, en lui donnant comme un côté cinématographique et merveilleusement emphatique, oui j’ai parfois eu l’impression d’être dans une bande originale de film, c’était assez chouette et troublant à la fois. En tout cas, on redécouvre clairement le disque et ses morceaux, et pour certaines chansons on dirait carrément des covers de son propre album.

Le concert revêt également une mise en scène très différente des autres spectacles, parce que l’on est un peu plus dans un cadre formel avec l’orchestre, et la chanteuse embrasse totalement ce nouveau concept. On la retrouve donc avec cette coiffure semi-antique full drag queen et une tunique blanche ample, comme une immense surchemise qui flotte autour d’elle (qu’elle abandonne ensuite au profit d’une petite robe noire en dessous). Elle est dans ce rôle d’allégorie vivante de la musique, mais est-ce Calliope, Érato, Melpomène, ou un peu d’Euterpe et de Terpsichore ? On l’ignore, mais on adore ! ^^

Mais pour vous dire le seul bémol du spectacle pour moi, c’est justement la limite de cette interprétation et de ces choix de mise en scène. Car on a donc une Zaho très différente, elle est mutique et elle enchaîne les morceaux avec une précision millimétrée, et pas de tchatche, pas de messages, pas de contexte ou de connivence avec le public. Et ça bah… ça manque ! Et c’est surtout lorsqu’elle sort un peu de cette représentation figée pour se mettre seule au piano ou qu’elle part dans des interprétations un peu arty, eh bien sans la naturelle Zaho qui explique pimpante ses intentions et ses sensibilités, ça fait un peu « simagrée ».

C’est vraiment mon seul petit reproche. Je trouve que ça fait un truc un peu froid, alors que des petites touches un peu plus personnelles n’auraient pas entamé l’effet global, tout en faisant baisser d’un cran la pression et le corsetage d’un tel orchestre symphonique professionnel. Pourtant à la fin, elle sort enfin de son silence, et elle explique plein de trucs, y compris un petit message « Bataclan », mais c’est « après ». Et je crois que j’aurais trouvé plus habile de faire ça « avant » quitte à passer ensuite à un spectacle entier et sans babil au public.

Malgré cela, c’était un concert irréprochable sur le plan de la musique, de la voix et de la performance, et j’ai adoré de bout en bout. On a toujours un tel bonheur à la voir sur scène avec sa générosité et son talent qui transpirent à chaque pas et chaque note. Le public était évidemment parfaitement conquis…

A noter, en première partie nous avons eu le bonheur de découvrir la violoncelliste Cécile Lacharme qui a joué ses propres compositions, et c’était vraiment très très cool. Elle est diablement douée, et cela m’a donné envie de m’intéresser plus avant à ses créations.

Symphonie n° 7 « Leningrad » (Dmitri Chostakovitch) par l’Orchestre national du Capitole de Toulouse

Je ne connaissais pas vraiment cette symphonie (et le compositeur que de nom en réalité), et j’ai juste écouté ça deux fois avant de venir à la Philharmonie. Mais c’était l’occasion d’écouter une personne que je suis sur les Internets et qui est violoniste dans cet orchestre. Je ne connaissais pas non plus Tugan Sokhiev, mais les applaudissements nourris à son égard m’ont fait dire que ce n’est pas loin d’être une rock-star dans son domaine. ^^

Et puisque c’était la soirée des découvertes, j’étais en catégorie 2 et juste au premier rang, bille en tête dans les cordes !! Ce n’est pas vraiment la position idéale pour avoir une écoute équilibrée et la plus harmonieuse, mais il n’y a pas à dire : c’est une expérience incroyable pour vivre au cœur des instruments, et même si j’ai perçu « plus fort » la partie de l’orchestre dont j’étais le plus proche, j’ai eu l’occasion de voir de plus proche que jamais les instrumentistes et tous ces incroyables artisans de la Grande Musique1.

En plus, j’étais plutôt bien placé avec un violoniste assez agréable à regarder pendant 1h10. ^^

Ensuite, la symphonie en elle-même était une merveilleuse pièce à ressentir comme cela en « live ». Et pour une fois, en tout cas c’est assez rare pour le signaler, le programme était très intéressant et un vrai vademecum pour accompagner les morceaux. On comprenait déjà le thème « Leningrad » et toute la complexité des relations du compositeur avec le régime soviétique. Donc cette symphonie pouvant à la fois être une célébration de la résistance de Leningrad contre les allemands pendant la seconde guerre mondiale, mais également l’image de ce qu’elle a elle-même subi du régime stalinien quelques années auparavant.

On pouvait y lire également une description plutôt bien fichue (parce que proposant des pistes d’interprétation, mais sans fioriture ni style ampoulée, et même avec du conditionnel, d’un commissaire d’exposition qui aurait trop fumé) qui permet de s’y retrouver dans les différents mouvements, et qui donne quelques métaphores possibles avec la guerre ou les émotions que la ville a pu susciter à l’auteur. Cela m’a permis de suivre correctement le spectacle et j’ai l’impression de vraiment bien en profiter.

J’ai vraiment été conquis par deux passages très différents, mais les deux sont superbes selon moi. D’abord c’est ce truc tellement pompier que ça ne pouvait que me plaire. Dans le premier mouvement, j’avais lu qu’on avait une partie qui était analogue au fameux (et répétitif avant l’heure) Boléro de Ravel, c’est à dire un truc qui commence petit, avec un motif musical reconnaissable, et puis une amplification progressive, avec des instruments en plus, et une répétition de plus en plus forte, ample et emphatique. Et là la tronche dans un orchestre philharmonique, je peux vous dire que ça donnait à fond les ballons !! On est clairement dans une sorte de marche militaire qui finit dans une apothéose qui est à la fois jouissive, bordélique et l’annonce d’une destruction complète de toute vie. Mais il y a eu à ce moment un élan assez fantastique, et les musiciens étaient à fond et avaient l’air de bien prendre leur pied aussi (l’autre avantage d’être à deux centimètres de leurs pompes).

Il y a eu plusieurs moments comme cela, mais pas aussi forts, et cette symphonie N°7 n’est au moins pas du tout un truc chiant ou atonal (je n’ai rien contre, mais parfois c’est chiant ^^ ), c’est au contraire une vraie musique de film qui raconte énormément de choses. J’ai aussi beaucoup aimé un passage principalement concentré sur les violons et les cordes dans le troisième mouvement, c’était très très mélodieux, puissant et romantique à la fois, un truc qui m’a plongé dans un moment et un état très singulier, difficile à décrire.

Et puis, il faut tout de même saluer Tugan Sokhiev qui a donc été applaudi à tout rompre avec ovations d’une foule en délire (sans déc). Le chef d’orchestre était vraiment incroyable, et encore une fois l’avantage d’avoir le nez sur les musiciens c’est que j’ai parfaitement vu son jeu à lui. C’était fascinant et très instructif quelque part, il a un charisme incroyable et une vraie emprise sur l’ensemble des musiciens. Son regard et les mouvements de son visage étaient sans cesse en agitation et en train de diriger autant qu’avec les inflexions de ses mains. Et la symphonie se jouant quasiment non-stop pendant 1h10, c’est un tour de force qui doit l’avoir complètement mis sur le carreau.

Je n’avais jamais entendu l’orchestre national du Capitol mais clairement ce ne sont pas (littéralement) des petits joueurs. ^^ Bon après, c’est l’avis d’un sacré béotien, mais c’est le mien. Hu hu hu.

  1. Comme disait ma grand-mère pour la musique classique. ^^ ↩︎

L’orchestre de Paris dirigé par Klaus Mäkelä à la Philharmonie de Paris (Thorvaldsdottir, Chopin, R. Strauss)

Cela faisait quelques temps que je n’étais pas allé dans la grande salle de la Philharmonie de Paris, et c’est vraiment un endroit génial, un cocon architectural et acoustique avec une forme asymétrique enveloppante et très chaleureuse.

Et là c’était un petit concert de l’orchestre de Paris avec son jeune et talentueux chef d’orchestre Klaus Mäkelä, qui a l’air complètement dingue mais très doué et dynamique. Le mec vraiment se donne à fond pendant ses concerts, et c’est une sacrée séance de cardio pour lui. Il m’a fait penser à ce célèbre cartoon de Tex Avery.

Attention, le dessin-animé ci-dessous (Magical Maestro de 1952) véhicule des représentations caricaturales, désuètes et parfaitement racistes, qui l’étaient très ordinairement à l’époque.

Ce qui était vraiment très cool, c’était la sélection du soir, car on a eu droit à un assemblage plutôt hétéroclite mais impeccablement dirigé et interprété. Cela a commencé par une œuvre super contemporaine de Anna Thorvaldsdottir (islandaise comme son nom l’indique) qui était d’ailleurs présente (c’était apparemment la première fois que la pièce était jouée).

Il s’agissait de ARCHORA (création française), et j’ai vraiment beaucoup aimé. Cela pouvait être un peu déstabilisant pour les première mesure, mais en réalité on se fait vite happer par l’ambiance globale et les évocations très « organiques » qui viennent tout de suite à l’esprit. Très très cool !!

On aperçoit les tuyaux de l’orgue au fond et les trappes ouvertes permettant de bien entendre l’instrument.

Après on était dans le suuuuuper classique avec un bon Frédéric Chopin de chez nous, et une méga-star au piano avec Daniil Trifonov (qui a aussi l’air complètement dingue comme le bon musicien qu’il est). Mais je ne connaissais pas ce « Concerto pour piano n° 1 » qui est vraiment une œuvre de jeunesse, et que j’ai adoré découvrir ainsi. Il fallait voir l’apparente facilité avec laquelle le pianiste faisait voler ses mains au-dessus du clavier, c’était d’une virtuosité assez épatante et surréaliste. Mais surtout cette pièce est d’une beauté folle, et vraiment tout l’orchestre était à l’unisson pour nous faire apprécier ce petit bonheur musical.

On a fini également par du classique mais un peu plus proche de nous avec un poème symphonique de Richard Strauss : « Une vie de héros ». Et là on était bien dans le post-romantisme allemand bien pompier que j’aime. Mes coreligionnaires ont moins aimé que moi, mais je reconnais que c’est terriblement ma came. Hu hu hu.

Cela m’a donné envie de revenir rapidement, et donc j’ai déjà repris des places, huhuhu.