L’été est là, et c’est la fin de la publication régulière de mes podcasts. J’aime bien cette période où ma FOMO1 se calme un peu, et au contraire je me mets à écumer les archives pour essayer de voir ce qui pourrait me plaire dans des épisodes manqués. Et donc j’ai repris notamment les chemins de la Philosophie de France Culture, et j’avais raté cet épisode absolument génial à propos du rôle des femmes dans la science. J’ai eu un peu de mal avec l’arrivée de Géraldine Muhlmann à la tête de l’émission, mais je m’y suis fait, et elle aussi je pense, et je trouve qu’elle a bien trouvé ses marques, et imposé aussi son style.
Je ne vais pas faire genre car j’ai simplement appris pour la première fois tous les concepts et les personnalités dont on parle dans l’épisode. Hu hu hu. Mot-dièse béotien. Mais donc l’épisode disserte largement sur l’effet Matilda qui évoque la minimisation systématique et systémique des femmes dans l’univers de la recherche scientifique. Cet effet Matilda est en miroir (déformant) d’un effet Matthieu qui lui-même traite des méthodes et « systèmes » qui font qu’on ne prête qu’aux riches. J’ai bien aimé que ce soit une origine biblique, et donc de St Matthieu, avec le célèbre « car on donnera à celui qui a, et il sera dans l’abondance, mais à celui qui n’a pas on ôtera même ce qu’il a« .
Mais vraiment, je suis surtout content d’avoir découvert une des invitées qui était Élisabeth Bouchaud. Cette dernière a une palette de talents assez folle puisqu’elle est à la fois physicienne, actrice et dramaturge. Et elle a de quoi bien s’exprimer au sujet de l’effet Matilda, mais on apprend aussi sa contribution à sortir de l’oubli d’incroyables chercheuses et trouveuses qui ont été souvent dépecées par leurs collègues, confrères ou supérieurs hiérarchiques masculins. Pendant l’émission, elle m’a totalement bluffé et conquis avec le jeu en live d’une scène d’une pièce qu’elle a écrite, et dans laquelle elle joue le rôle de Lise Meitner.
Cette dernière a une histoire incroyable puisqu’elle est carrément à l’origine de la découverte de la fission nucléaire ! Alors qu’on balançait des neutrons en se disant que ça alourdirait des éléments (d’uranium), ils étaient plus légers !! Elle a conjecturé, avec l’aide de son neveu, Otto Frisch, qu’on avait de nouveaux noyaux qui avaient été créés par « division » de l’uranium et que cela libérait aussi une quantité dingue d’énergie au passage. Elle a collaboré surtout pendant trente ans avec Otto Hanh, mais elle a subi l’antisémitisme nazi et a dû fuir l’Allemagne. A cause de tout cela, et malgré ses contributions majeures dans ces découvertes, les scientifiques allemands (pas forcément nazis bien sûr) ont publié dans jamais la mentionner. C’est très intéressant aussi évidemment de prendre en considération toutes les autres nuances : misogynes, sexistes ou simple jalousie.
L’épisode parle aussi de Rosalind Franklin dont c’est encore plus fou puisqu’elle est maintenant bien identifiée comme la personne qui a véritablement découvert la forme en double hélice de l’ADN, ses recherches ayant été tout bonnement spoliées par Watson et Crick. La troisième personne souvent citée pour ce genre d’injustice de l’histoire des sciences est Marietta Blau. Elle a été clef dans l’étude des particules, et surtout leurs manifestations empiriques sous forme de traces photographiques.
Bon bah hop, rattrapez donc moi ça mes chéris et chéries ! ^^
Fear Of Missing Out ou littéralement la peur de rater un truc. ↩︎
Si seulement on avait des petites vidéos comme cela faites par le gouvernement pour expliquer le principe de « deep fake » et les stratégies d’arnaques en ligne qui deviennent redoutables grâce à l’usage de l’IA générative.
L’auteur explique : I made this video to warn my parents about AI scams (And to test out Veo 3 to see first hand how these programs are evolving).
J’ai fait cette vidéo pour sensibiliser mes parents à propos des arnaques à base d’IA (et pour tester Veo3 pour tester l’évolution de ces logiciels par moi-même).
Donc il s’agit de la même technologie dont j’ai parlé il y a quelques jours. Et il faut avouer que cet exemple est encore une fois super convaincant. Il est particulièrement croquignolet de l’avoir utilisé pour démonter des « scams » et c’est très drôle qu’il en fasse lui-même la remarque à la fin en disant que l’on ne peut pas faire confiance à l’IA, mais il fait une vidéo avec de l’IA pour dire que ne pas croire les vidéos faites par IA. ^^
J’ai écouté pas mal d’épisodes du podcast de France Inter « Le code a changé » par Xavier de La Porte, et je vous le recommande, c’est souvent très fouillé, intelligent et remarquablement vulgarisé. Là c’est en lisant les recommandations d’Alex, que j’ai écouté les deux épisodes d’une série consacrée à l’IA qui sont diablement bien troussés.
Vraiment je vous encourage à les écouter, car Xavier de La Porte pose des problématiques passionnantes, et il consulte des experts qui expliquent relativement simplement les concepts scientifiques en œuvre. Le sujet du langage est fascinant, mais aussi celui de la limite de la connaissance des ingénieurs et chercheurs quant à la mise au point de ces grands modèles. Car il est notable qu’aujourd’hui, c’est tellement complexe que personne ne peut exactement savoir comment ça marche !! Et les mecs expliquent que oui c’est un truc qui fonctionne de manière empirique, on modifie des paramètres à l’instinct et on regarde ce qui fonctionne mieux, et on essaie d’éviter les régressions.
L’un des invités, le génial Alexei Grinbaum, explique aussi que les premiers modèles n’étaient pas satisfaisants, et que ça s’est mis à fonctionner vraiment quand on a eu quelques milliards de paramètres. D’un seul coup, bam le modèle s’est mis à être bon. Il rapproche cela du nombre de neurones que l’on a nous-mêmes dans nos cerveaux, comme si nous avions approché cette complexité, et que ça donnait un modèle capable de dialoguer avec les humains. Cela met aussi en exergue qu’une complexité grandissante permet aisément de nous dépasser, et que cette méthode permet aussi de dialoguer avec des chiens ou des baleines, il suffit d’un corpus de base suffisant. ^^
*Ajout du 02/06/2025 :*
En complément de tout cela, vous avez aussi Khrys qui a proposé les diapositives et le discours d’une conférence autour de l’IA, et c’est très bien fichu. C’est un joli recadrage épistémologique et les concepts sont à la fois très justement expliqués et illustrés de manière accessible et simple.
C’est fou mais je parle beaucoup d’IA tout de même dans ces colonnes. Cela m’épate car depuis ces vingt années de déblogage régulier, malgré mon assuétude évidente pour l’informatique depuis mes vertes années, et son lien plus que ténu avec mon occupation laborieuse, j’ai vraiment orienté mon web-log sur des petites choses du quotidien, sur un miroir de l’égo, des fixettes sur mes aventures en Queeritude ou bien le compte-rendu des choses lues, vues, écoutés, senties, goutées, touchées.
Et pourtant j’aurais largement eu de la matière pour parler de web, dont c’est un peu ma spécialité tout de même, ou encore de technologies ou de trucs de geek. Mais non, ça n’a jamais été mon goût pour le blog et pour délier mon écriture. En revanche, l’IA générative me touche tant que je dois en parler de temps en temps. Je sens que ce truc va bouleverser nos existences comme le web l’a fait, mais encore plus vite, mais encore plus fort, et encore plus profondément.
Comme nous le vivons tous avec plus ou moins de difficulté ou d’appréhension, nous avons cette étrange sensation d’une accélération incroyable de tous les « phénomènes » qui nous entourent, et la technologie nourrit à la fois cette capacité et cette demande inexorable. Mais donc on a autant vu cette croissance extraordinaire de l’IA, autant dans son adoption, ses usages, mais aussi ses limites repoussées sans cesse, sa détestation par certains ou son bannissement par d’autres (avant de ne plus pouvoir que s’y soumettre néanmoins). Mais là je note enfin, des limites qui sont intéressantes car elles vont au-delà des histoires de copyrights (qui sont importantes évidemment, mais qui sont malheureusement des imbroglios qui ne résoudront rien, et qui ne seront jamais bien expliquées ou ne trouveront un juste dénouement), et il semble qu’avant même qu’on s’y mette tous, on a déjà des raisons de réfléchir à deux fois. Mais sera-ce suffisant pour reculer ou bien doit-on faire ce pas en avant alors que c’est dans un précipice, et qu’il est bien signalé tout comme il faut.
En cela, l’article de Ploum est édifiant dans sa liste de toutes les « fins » qui ont été atteintes ces derniers temps en lien avec les IA génératives. Que ce soit les décisions trumpistes sur les taxes de douane, des médecins qui remettent en question leurs propres intuitions ou expertises, mais surtout la nécessité d’apprendre que ce soit une langue, un système informatique ou un truc un chouïa complexe, bref plein de ressources très intéressantes à aller creuser.
Dans ces liens, j’ai bien aimé celui de Luciano Nooijen qui explique sa prise de conscience d’abord par l’usage du système de conduite autonome de son véhicule. Il a vite réalisé lorsqu’il a voulu reconduire, qu’il avait perdu à une vitesse incroyable des tas de compétences très intuitives. Et cela vaut aussi pour les développeurs qui utilisent l’IA pour se mettre le pied à l’étrier ou carrément pour accélérer leur création de code, ou parfois plus que cela. Il n’a pas laissé pour autant tomber ces outils qui ont une utilité, mais que l’on doit maîtriser au risque de perdre tout ce qui fait le cœur de ses compétences.
Et d’ailleurs dans ce domaine, il y a des trucs qui arrivent assez terribles, avec déjà des nouvelles méthodes pour infecter les modèles d’IA avec des bouts de code vérolés à qui bien des béotiens pourraient faire confiance par manque de savoir. Et cela sans voir bien sûr que le web se remplit à vitesse incroyable de contenus générés par des IA, et ces contenus étant eux-mêmes utilisés pour les entraîner, on arrive sur une entropie de l’information qui est digne d’un roman de hard SF. Le plus inquiétant c’est la manière dont on pourrait entraîner ces IA à avoir telle ou telle opinion selon qu’on lui a fait ingérer des tas de textes de telles ou telles obédiences. L’IA ne fait que proposer des textes plausibles, statistiquement cohérent avec votre demande, et en imitant des morceaux de textes préexistants. Ce n’est qu’une illusion de réflexion, un miroir aux alouettes qui mimique parfaitement l’érudition d’un physicien nucléaire et peut le recracher dans le style de Martine à la plage si c’est ce que vous voulez.
Il suffit d’exploiter l’IA au quotidien pour en mesurer les limites, mais aussi une flippante utilité.
Et je ne sais pas si c’est lié mais j’ai adoré cet article qui explique comment les milieux de la technologie sont passés de gauche à extrême droite. Les gourous de l’IA ne sont pas les derniers à militer dans une direction similaire. ^^
On peut aussi rapidement tomber sur ce genre d’expérience malheureuse qui rappelle qu’il faut se méfier. La personne ci-dessous explique qu’elle a demandé une traduction d’un doc chinois à chatGPT. La traduction était exactement ce qu’elle attendait, et donc ça n’a pas du tout éveillé ses soupçons. Mais comme il y a eu une couille dans le potage, elle a fait vérifier par un tiers, et la traduction était totalement fausse, complètement fantasque !
L’IA n’est pas pernicieuse per se, donc elle reconnaît que le fichier envoyé n’avait rien de lisible, et elle a donc proposé un texte qui était cohérent avec la demande et les échanges précédents « to be helpful ».
Cela m’arrive aussi couramment, et c’est parfois très difficile à détecter. ^^
Il y a 9 mois, je vous avais démontré ce service Gougueule qui permettait de tester de la création audio à partir d’un corpus de documents. Cela permet de créer des épisodes de podcasts à partir de quelques documents et des sites web par exemple. Le service est maintenant disponible en français, j’ai donc réessayé simplement en proposant l’URL du blog en source. Il n’est pas allé plus loin que la page d’accueil, mais en lisant simplement les titres et le s débuts de posts, il produit un truc très crédible et bluffant.
Et pourtant quand on écoute c’est un ramassis de banalités… Et il y a ce truc très drôle du « 178 av LLM » qu’on trouve en maxime sous mon blog. Evidemment un LLM pour le commun des mortels ce sont les Large Language Models qui sont justement les pierres angulaires de ces IA génératives. Et j’adore que le système brode sur mon ironie qui va jusqu’à sous-entendre que je blogue depuis 178 années avant l’invention de l’IA en gros. Hu hu hu.
« 178 av LLM » est une boutade d’il y a une vingtaine d’années qui s’est répandue sur quelques blogs alors que la presse et « tout le monde » faisaient des gorges chaudes sur Loïc Le Meur comme l’inventeur des blogs, ses initiales, LLM, devenant rapidement une manière discrète de parler de lui. Des gens s’étaient mis à afficher depuis combien de temps ils bloguaient « avant LLM ». Et moi donc, je blogue depuis 178 jours avant Loïc Le Meur. ^^
Podcast fabriqué par l’IA de Google depuis le service NotebookLM à partir de matoo.net
Bon pour finir, je dois aussi lier cet excellent article de David (qui continue aussi à écrire avec une constance que j’admire sur des sujets dont je ne comprends souvent que les trois premiers paragraphes ^^ ). Je souscris vraiment à toutes ses assertions sur le sujet, et notamment sa toute dernière pensée qui est saisissante.
La liberté de l’accès à l’information était un fondement essentiel du Web : si la concurrence à l’entraînement des IA, en rendant gratuitement précieux ce qui était un commun, crée des barrières là où il n’y en avait pas, c’est un dégât collatéral bien plus grave que toutes les questions de consommation d’énergie ; et l’invocation du démon de la propriété intellectuelle, loin de détruire les IA, ne va qu’empirer ce problème.
Mon chéri a testé sur mon blog un service d’IA qui propose de créer ex nihilo un podcast à partir d’une série d’informations. Là c’est simplement en fournissant le lien du blog, et c’est ABSOLUMENT FLIPPANT !!! (Seulement en anglais pour le moment.)
Evidemment ce n’est pas parfait, et on est sur des éléments très banals, mais on doit tout de même être sur un truc qui tient à la route à 70/80%, et c’est complètement automatique, et tout nouveau. Donc d’ici quelques mois, ce sera absolument bluffant.
Cela m’a fait repenser à mes petites interventions bloguesques dans une émission de radio entre 2006 et 2008. Je parlais aussi quelques minutes de certains blogs, et on peut facilement se rendre compte que la forme n’est pas aussi bonne, même si le fond évidemment est beaucoup plus personnel et avec une certaine « saveur ».
J’ai découvert ce podcast il y a un peu plus d’un an, et il est vraiment sympa. Ce sont deux américains dans leurs « late fifties » qui évoquent ce que ça fait d’être des vieux pédés. Cela parle de relations amicales, amoureuses, sexuelles ou simplement de la société, et j’avais été particulièrement attentif à un très intéressant épisode où ils évoquaient un véritable PTSD (Syndrome de Stress Post Traumatique) pour les gens de leur génération quant aux (pire des) années SIDA.
C’est cette période bien sûr des années 1980 à 95, où les gays tombaient comme des mouches alors que les traitements n’existaient pas, puis peu jusqu’à ce qu’enfin les trithérapies se répandent, et redonnent une vie à des gens qui se pensaient irrémédiablement condamnés. Les deux compères évoquent leurs expériences en la matière, et ce que ces années de détresse ont pu laisser comme marque et séquelles chez certains older gays qui seraient à présent un peu fâchés avec la vie et naturellement empreints d’une certaine animosité envers le monde et leurs prochains.
J’ai naturellement pensé à mon oncle Raymond, le frère ainé de ma maman, qui malgré son homosexualité n’a jamais été quelqu’un de très proche, même si nous avons toujours eu une certaine connivence, mais avant tout celle d’être deux geeks devant l’Éternel. Il m’a donné mes premiers ordinateurs et plein de trucs de PC époque 486 DX2-66 (ceux qui savent…) qui faisaient totalement mon bonheur, et on partageait vraiment clairement cet amour de l’informatique (et de la bite donc). Hu hu hu. J’ai déjà parlé de lui quelques fois dans le blog, que ce soit pour évoquer notre homosexualité, le fait qu’il parte rejoindre son mec en Australie rencontré sur Internet à 64 ans, ou bien mes péripéties lorsque je lui piquais ses cassettes de cul. ^^
Il m’avait avoué dans une carte postale qu’il avait découvert et qu’il lisait mon blog de manière très sympathique d’ailleurs.
Lui est né en 1941, c’est donc encore une génération avant, mais il a toujours été très mutique avec moi sur sa vie intime. En revanche, lorsque nous sommes passés à Perpignan lors de nos vacances à l’été 2021, nous avons été invités par un ex petit copain de mon oncle, Claude, un type que j’ai connu des années en couple avec mon oncle (avant même ma naissance), et qui m’a donc connu tout minot. C’est chez lui et son mari que j’ai reluqué son génial miroir de Belle !!
Mon oncle est autant mutique que Claude est bavard, et il était absolument disert sur tous les sujets les plus indiscrets pour notre plus grand plaisir. Ainsi lors de ce court séjour, j’avais appris énormément de choses sur eux, et notamment qu’ils sont sortis ensemble à partir de 1963, que Claude draguait dans les parcs, au bout des ponts, dans les pissotières et partout où cela se faisait. Et surtout qu’ils ont passé leur temps à se piquer des mecs, à se tromper et plein d’autres joyeusetés. C’était assez fun de découvrir tout cela, en plus de photos à poil de mon oncle des années 60 et 70 bien conservées par son ex et qu’il s’est empressé de me montrer. Ah ah ah. Après, il y avait aussi une homophobie criante et omniprésente dans toute la société, des descentes de flics et une peur globale et insidieuse qu’il a aussi exprimé. Chaque époque a ses marqueurs…
Malgré tout cela, Claude nous a aussi bien expliqué qu’il a eu son lot de mecs morts pendant l’hécatombe SIDA des années 80, et que c’est aussi quelque chose qui l’a beaucoup marqué. Ce qui a été génial pendant ce moment c’est qu’on a aussi découvert qu’ils formaient avec tous leurs potes une vraie communauté (mon oncle habite à Carcassone) d’entraide et de soutien. En tant que vieux pédés, souvent en rupture avec leurs familles, et la plupart du temps sans parents, assez régulièrement aussi avec des enfants d’un premier lit « cishet », ils ont véritablement construit et investit cette notion de famille qu’on se choisit. Et il faut les voir, tous dans leurs 70 voire 80 ans, à se draguer, et se targuer de leurs présences sur les apps, et leur prérogatives de polar bears assumés.
J’avais bien suivi que mon oncle était parfaitement actif sur les RSA1, où il avait rencontré son ex australien (il est revenu en France, après sa rupture donc), et où il badinait selon son bon plaisir. En revanche, ce n’était vraiment pas ce qu’on peut appeler un type très affable ou sympathique. Au contraire, souvent à faire la tronche, à faire des remarques pas très agréables, et très très égocentré, on se disait tout le temps dans la famille que ce n’était pas un cadeau et que ça ne s’arrangeait pas avec le temps.
Je pense aussi à Guillaume et ses podcasts sur la sexualité que j’ai déjà évoqué, car il a souvent parlé de son propre oncle, dont il a appris l’homosexualité. Et il nourrit un imaginaire riche sur ce que/qui pouvait être cet oncle, ses histoires d’amour, de famille, et le lien quasi transgénérationnel entre eux. Cela me fait sourire avec mon oncle ronchon et renfrogné, mais comme souvent chez ces personnages avec un truc attachant, dont j’ai appris finalement plus de choses par son ex.
Evidemment et inexorablement, la santé de mon oncle s’est mis à décliner peu à peu, et dans l’année de ses 83 ans, il y a quelques mois, il est décédé. Il était encore parfaitement indépendant et vivait dans sa maison à Carcassone, mais il a eu des malaises, et il a dû être hospitalisé. Il a appelé son ami B., qui est immédiatement venu de Paris pour le voir, et prendre soin de lui, et en réalité l’accompagner dans ses derniers jours.
B. c’est encore une autre histoire. Lorsque ma mère m’a expliqué que mon oncle lui avait dit qu’il était en relation avec un algérien de 25 ans qui faisait ses études en France. Alors oui bien sûr, on a été un peu interloqué et on a eu des doutes. Et un bon petit racisme ordinaire s’est répandu dans la fratrie et au-delà. Mais les années passant, force était de constater que la relation était toujours là. Et même après la rupture, l’amitié ou en tout cas le lien absolument indéfectible. Raymond pouvait toujours compter sur lui, d’abord dans le sud, puis depuis quelques années à Paris. Je ne l’avais jamais rencontré, mais ma môman me disait que ça avait plutôt l’air d’un mec sympa (elle l’avait notamment vu au mariage de Claude, où mes parents étaient invités), même si elle ne comprenait vraiment pas la nature de leur relation.
Mais voilà, B. a été là, et a tenu informé ma maman de l’hospitalisation, et du décès trois jours plus tard. Il a fallu ensuite organiser les funérailles et nous rendre à Carcassonne pour vider sa maison. Personne d’autre que nous sommes descendus pour cela (compliqué pour toute la famille en Île de France, et une fratrie vieillissante peu mobile), ma mère, mon père, mon frère et moi. Ma mère était à l’ouest, et ça a été compliqué de tout faire en très peu de temps, et moi je télétravaillais faute de pouvoir prendre des congés. Tout le monde était sur le fil de se foutre sur la gueule, mais on a tenu bon. On a réussi à tout faire, et on a assisté à la cérémonie précédant sa crémation.
Mon oncle en avait rien à foutre de son héritage au propre comme au figuré, et il avait prévenu ma mère qu’ils devraient se démerder (les frères et sœurs) car il n’avait pas un rond, et n’en avait rien à foutre de son devenir une fois passé l’arme à gauche. Au moins les choses étaient claires, et c’était tout à fait cohérent avec son caractère.
Mais nous avons réussi à être encore surpris par mon oncle, et ces moments de rigolade nous ont fait du bien. Car à peine avions-nous commencé à débarrasser la maison que des voisines sont arrivées pour nous exprimer, les larmes aux yeux, comme Raymond était un type adorable, serviable, gentil et sympathique, qui était très connu et aimé de la communauté du lotissement, et qui serait énormément regretté. Une voisine est même venue pour la crémation en représentation du voisinage pour exprimer leurs condoléances. C’était surréaliste, et ça nous a bien fait sourire.
Claude était là, ainsi qu’un autre ex que j’aime beaucoup et qui était là avec Raymond à notre propre mariage, et c’était touchant de voir ces personnes âgées tenir à être là pour Raymond en souvenir de leur temps passé ensemble.
B. est resté jusqu’au bout, et je suis content d’avoir eu l’opportunité de rencontrer ce mec adorable (de 37 ans maintenant) et sympathique, vrai compagnon de route et d’une certaine destinée de mon oncle. Il a toujours été là, ami et confident, sans doute amant bien sûr, à la loyauté certaine et indéniable, et en pleurs ne pouvant cacher son profond et sincère chagrin. Et cette situation tragicomique où le pauvre devait réagir positivement à tous les vieux qui lui parlaient de l’Algérie Française qu’ils avaient connu pendant la guerre, avec des gens vraiment très gentils. Mein gott, comme j’avais envie de le secourir de ce racisme ordinaire qui se voulait bien sûr tout le contraire, mais qui était à cent lieues j’imagine de ce qu’il avait envie d’avoir comme conversation.
Je garde cette image, avec son chat, car on avait aussi cela en commun après tout. ^^
Autre élément qui m’a beaucoup fait sourire, et tellement typique de lui. Il avait contracté moins d’une année avant un crédit avec une de ces banques à logos verts d’une somme non négligeable pour s’acheter une voiture, mise au nom de son ami B. Nan mais qui accepte de faire crédit à un mec de bientôt 83 ans. Eh bien, en voilà un pour les pertes et profits, joli dernier pied de nez au capitalisme.
Nous sommes repartis avec l’urne contenant ses cendres, et ma môman voulait organiser une petite cérémonie pour ses frères et sœurs qui n’avaient pu être là. Fin juin, nous nous sommes donc rassemblés à Osny, j’étais là aussi donc, et ma maman a eu la meilleure des idées en faisant placer l’urne dans la tombe de ma grand-mère. Je pense que ça lui aurait fait plaisir, vraiment j’en suis convaincu, d’être de retour à Osny, et avec ma grand-mère. C’était un beau moment au cimetière, et j’étais content d’être venu pour cela.
J’ai toujours été curieux de ce Jean-François Michel, dont ma grand-mère m’avait expliqué qu’il était mort bébé d’une méningite foudroyante. Ma tante m’a alors expliqué que c’était une histoire assez sordide en réalité, nous étions donc en pleine seconde guerre mondiale, en pleine occupation, et lors du décès de cet oncle, des corbeaux ont dénoncé à la police des maltraitances sur l’enfant. Ma grand-mère a donc été inquiétée en plein deuil et en pleine détresse. Il a fallu une autopsie qui a conclu à cette méningite, et a innocenté mon aïeule. La perte de l’enfant, ce soudain opprobre et en passer par une autopsie pour son bébé ont été de sacrés coups du destin pour ma grand-mère à ce moment-là.
RSA = Réseaux Sociaux de l’Amour, soit les apps de rencontre. ↩︎
Je vous ai déjà parlé de Guillaume qui fait des podcasts passionnants à propos des cheminements de sexualité queer, mais là c’est un épisode un peu spécial et c’est une anecdote dans celui-ci qui m’a énormément intéressé. Son invité lui a expliqué avoir trouvé dans une chambre de bonne parisienne, dont il est devenu propriétaire, un fascicule tapé à la machine, et qui se refilait sous le manteau, qui doit dater des années 60.
Il s’agit d’un impressionnant document de 36 pages qui détaille par le menu l’ensemble des droits et des risques légaux attachés à des comportements homosexuels à l’époque. Et on parle d’une époque de grande répression puisque nous sommes quelques années après l’amendement Mirguet qui a officiellement inscrit l’homosexualité comme « fléau social » en 1960, ce qui a aggravé les outrages à la pudeur, par exemple, quand ils sont commis par des homos.
Ces pages ne parlent pas d’homosexuels mais d’homophile et on souligne assez directement la « dignité » qui est recommandé comme l’attitude à suivre pour les homophiles qui se respectent. L’élément juridique le plus vieux date de 1963 et c’est un jugement de cassation, donc j’imagine que ça donne une bonne idée de la période où ce document a été conçu et tapé à la machine. Donc tout cela fleure bon l’époque Arcadie et la plume des affidés d’André Baudry. Inutile de dire que ce n’est pas trop ma came, mais o tempora, o mores. On retrouve bien trop encore aujourd’hui ces homos follophobes et qui ne cherchent qu’à se conformer et lutter contre leurs propres droits, tout en profitant allègrement de ceux gagnés par leurs coreligionnaires hauts en couleur et en militantisme.
Là ce qui est drôle c’est qu’en prologue et épilogue, on rappelle que ces conseils ne sont utiles qu’à ceux qui justement manquent de cette dignité des homophiles qui ne sont pas censés draguer aux Tuileries, mater dans les vespasiennes, baiser dans les bains de vapeur etc. Mais tout de même, ça vaut le coup de connaître ses droits, et de savoir comment se comporter si on se fait arrêter. Et en cela, cela ressemble aussi aux conseils qui sont donnés à tous les militants lors des manifestations ou des actions de guérilla urbaine.
Evidemment la liste des délits donne là un vertige étourdissant. C’est tout de même une trentaine de pages pour évoquer tous les risques à envisager, et pour avoir le maximum d’armes pour se défendre et survivre dans une société répressive autant légalement que moralement. Et tout cela n’a que 60 ans…
Iwak c’est Inktober with a keyboard, donc tout le mois d’octobre : un article par jour avec un thème précis.
Le mot du jour m’a fait pensé à un truc pour lequel je ne suis pas doué. Parmi la kyrielle de trucs pour lesquels je ne suis pas doué, mon frère a toujours insisté sur ces machins pour me faire comprendre que j’étais une nullité complète par rapport à lui. Il y avait ce truc d’avoir le réflexe de je ne sais quoi, tu peux être certain que je me prenais des baffes ou des pichenettes.
Mais rapidement, j’ai appliqué ma méthode du bonze imperturbable. Cela fut dès l’enfance un vrai mécanisme de défense. Et je crois que ça a dû me venir de petit scarabée dans Kung-Fu, c’est drôle mais il me semble que c’est aussi con que ça. Donc on s’en branle de l’esquive car on doit rester immobile et impassible, le truc c’est la résistance et la résilience, tout finit par passer. Little Buddha en 1993 m’a confirmé que c’était mon truc le bonze marmoréen et immarcescible. (Ouai c’est ça les références du prolo de mon époque. ^^ ) Et l’ataraxie des stoïcien est venue me convaincre un peu plus profondément et viscéralement que c’était VRAIMENT mon truc.
Dans le genre « esquive », il y a ce paradoxe moral vieux comme le monde où on vous dit qu’un tram arrive à un aiguillage, il se dirige pour écraser 5 personnes sur les rails. Mais si on active l’aiguillage et qu’on le dévoie, alors il n’écraseraqu’une seule personne. 90% des gens trouve moral de faire cela, et pense qu’il faut dévoyer et sauver le maximum de gens. Mais une variante de cette histoire consiste à dire qu’une autre manière de sauver ces gens est de mettre un poids important sur son passage. Et vous êtes sur un pont au-dessus des voies, il y a un homme obèse penché sur le parapet. Il suffit de le pousser pour sauver les gens ? Est-ce qu’on le pousse ?
C’est un dilemme, car 90% se refuse à accomplir ce sacrifice, alors que dans les deux cas pourtant, il ne s’agit que de sacrifier un homme. Hu hu hu.
Le podcast explique, et c’est passionnant, que des recherches autour du cerveau ont prouvé qu’il s’agissait peut-être d’un réflexe très très primitif qui nous empêche de nous tuer les un les autres. D’où le fait que la pichenette pour faire tomber le gros soit inconcevable. Mais si on imagine un procédé technique moins direct, comme actionner un levier, alors on dévie de notre « cerveau primitif » et on est plus dans une sorte de logique rationnelle plus froide.
Le sujet se poursuit sur la thématique des voitures autonomes. Le gros dilemme qui est exactement celui du tram, c’est que l’on ne sait toujours pas aujourd’hui comment on doit programmer les véhicules dans ce genre de cas « cornélien ». Et l’émission cite un exemple assez génial. Lorsqu’on explique aux gens qu’un algorithme de voiture autonome empêcherait un conducteur de foncer sur un piéton, même si c’était pour éviter un accident mortel (genre foncer contre un mur en béton, ou écraser un piéton dans la trajectoire opposée), 90% des gens trouvent ça moral. Quand on explique l’algorithme, et qu’on demande aux gens s’ils achèteraient une voiture pareille, 90% dit que jamais de la vie !!
Je trouvais que ça rentrait pas mal dans le thème du jour. ^^
Si vous ne connaissez pas grand chose sur une de mes héroïnes personnelles, je vous conseille ce court et chouette épisode de podcast à propos d’Ada Lovelace. Elle n’est rien de moins que l’inventrice du tout premier programme informatique ou plus exactement « algorithme » de l’histoire. (Et en plus c’est la fille du poète Byron, rien que ça. ^^ )
Je ne connaissais vraiment que très peu de choses sur Simone de Beauvoir. Vraiment à part la facette féministe d’avant-garde, le deuxième sexe et l’accointance avec Sartre, ça n’allait pas beaucoup plus loin. Cette série de podcasts m’avait été déjà conseillée sur les Internets, et je m’y suis mis récemment en y repensant par un curieux enchainement de pensées.
Je suis vraiment content d’avoir écouté ces 8 épisodes qui sont absolument passionnants. C’est un reportage hyper complet et documenté sur toute la vie de Simone de Beauvoir, mais c’est aussi une approche assez thématique sur les grandes périodes de son existence, et les transformations successives à la fois de la société et du développement de cette femme d’exception. Évidemment cette vie est indissociable de celle de Sartre, mais elle va bien au-delà et on se rend compte de son importance singulière, et autant d’ailleurs par les échos actuelles de ses travaux et œuvres en regard d’un Sartre dont elle n’est plus le simple « side-kick » mais bien un alter ego. La situation s’inverse même à certains égards, où l’on peut aujourd’hui parler plutôt d’elle, et de regarder comment il a pu être là « à côté » de cette femme qui a littéralement révolutionné notre société.
Il y a cette dimension bourgeoise qui est très présente, et sur laquelle j’ai adoré la posture de Simone de Beauvoir. Il y a notamment ce bout d’interview à chaque début d’épisode où un journaliste lui fait remarquer qu’elle a eu une éducation très bourgeoise, pour mieux sans doute mettre en question ses positions politiques de gauche, et qu’elle mouche en quelques mots de bon sens.
– Mais pourtant, vous avez eu une éducation très bourgeoise… – Ce n’est pas une raison pour aimer la bourgeoisie !
Un journaliste de Radio Canada à Simone de Beauvoir
Ce qui est tellement cool avec un podcast comme cela, c’est qu’il n’y a pas vraiment de format contraint, donc on se retrouve avec 8 heures de documentaires, et on a le temps d’avoir de l’histoire, de la philosophie, des digressions, on peut avoir l’approche hagiographique d’un côté, et creuser le côté sombre de l’autre. Cela donne une enquête complète et circonstanciée, qui évoque à la fois la vie de la femme, son travail philosophique ou d’autrice, ses postures politiques et leurs évolutions, l’attitude pas terrible pendant la seconde guerre mondial, et l’espèce de rattrapage extraordinaire de la guerre d’Algérie.
C’est vraiment une série que je conseille ardemment. Cela s’écoute très facilement, et vraiment on en sort beaucoup moins con (en apparence). ^^
J’ai bien aimé cet épisode de Radiolab qui parle du « dilemme » du web et d’un dispositif légal américain qui s’appelle la « Section 230« . Comme d’habitude, l’épisode part sur quelque chose d’assez anecdotique, mais particulièrement frappant. Et ça va vous parler, car c’est une histoire autour de GrindR. Il s’agit d’un garçon qui commence à voir devant son immeuble des mecs qui viennent le voir pour baiser.