Oh un coucher de soleil ?!

Quoi, moi j’aurais la goutte à l’imaginative avec mes titres de posts ??? Nooooon. ^^

Mais bon voilà quoi, encore un coucher de soleil à Kerabas qui valait son pesant de cacahouètes.

Et j’en profite pour vous conseiller cet épisode d’Avec philosophie sur le thème des pouvoirs du silence : Après 1945 : les silences du trauma.

C’est une émission passionnante qui investigue en effet le silence qui a entouré et entoure les familles qui ont été de près ou de loin impliquées dans la collaboration en France ou bien dans le parti Nazi en Allemagne. Là l’échange qui m’a frappé, c’était avec une traductrice allemande dont le grand-père était nazi et une autrice française dont le père était un collabo. Cette dernière explique qu’après un long travail et beaucoup de souffrance, elle a publié un ouvrage qui lui a permis aussi de pardonner à son père, et de retrouver un peu de « souffle » (cette écrivaine est la sœur d’Anne Sylvestre). La traductrice allemande est clairement choquée car elle continue à vivre avec une immense culpabilité, et comme un devoir de mémoire et elle explique qu’on ne « peut pas pardonner une chose pareille », on doit vivre avec une infinie tristesse toute sa vie en somme.

J’ai adoré ce contraste très France/Allemagne selon moi, avec une française qui a besoin de « passer à autre chose » et de renouer avec « son papa », même si elle ne nie pas les horreurs de son passé. Et cette femme franco-allemande qui continue à se flageller comme Sisyphe pour un truc dont finalement elle n’est pas responsable, mais dont elle se sent comme dépositaire pour une essentielle mémoire à transmettre, quitte à en souffrir toute son existence. Evidemment les deux n’ont ni tort ni raison, et c’est très intéressant de les écouter ainsi.

Lee Miller

Voilà exactement le genre de film qui pourrait être un chouïa décevant parce que formellement un peu plat et convenu. Mais c’est tout le contraire, parce que son histoire est juste DINGUE !! Et les comédiennes et comédiens sont impeccables, avec une photo superbe, et juste passionnant par sa narration. Quoi de plus fou que de raconter une histoire vraie qui relie la petite à la grande, et qui en elle-même se suffit avec son héroïne, son action trépidante, ses amours pimentées et qui est presque complètement inconnue du grand public ?

Donc on pardonne le côté un peu maladroit de la mise en scène ou même de son articulation et son rythme. On pardonne aisément car Kate Winslet est incroyable, sur tous les plans et sur tous les plans ! Elle irradie de son charisme, et elle nous fait comprendre l’aura même de cette Lee Miller qui méritait bien qu’on la connaisse après toutes ces années d’un relatif anonymat. Et en plus de cela, on a une Marion Cotillard toujours aussi sublime, et Noémie Merlant que décidément je trouve excellente, ou Alexander Skarsgård qui confirme son talent.

Mais le truc fou et génial du film repose donc sur cette histoire, tout bêtement chronologique, qui raconte la vie de Lee Miller… Une mannequin américaine, devenue égérie, muse puis photographe, grâce à Man Ray, parmi les surréalistes. Et voilà comment elle fréquente en toute intimité Éluard (et son épouse Nusch), Cocteau et Picasso… La guerre arrive, elle bosse pour Vogue à Londres en tant que photographe de mode, et rapidement en tant que photographe et grand reporter de guerre. Elle arrive à partir pour photographier le blitz avec un photographe américain de Life (David Sherman qui sera un amant). Elle couvre aussi une partie du débarquement (on voit St Malo dans le film notamment). De retour dans un Paris libéré, elle comprend que beaucoup de gens ont été déportés et manquent à l’appel, ses anciens amis sont gravement touchés par l’occupation de Paris. Elle prend alors la route en 1945, et avec David Sherman, elle traverse les pays ravagés par les bombardements et la guerre. Et c’est comme cela qu’elle arrive en Allemagne, et qu’elle rend compte dans ses milliers de photos de villes anéanties. Mais elle est aussi là à l’ouverture des camps de Dachau et Buchenwald, et elle documente tout ça.

Après cette intense et troublante période, et en plus de l’alcool qu’on comprend a permis aussi de supporter toutes ces macabres découvertes et bouleversante humanité en miettes, elle ne travaille plus vraiment, et c’est son fils qui a finalement redécouvert tout le travail (60 000 photographies au grenier) de sa mère dans les années 90.

Vous comprendrez donc que le film vaut déjà juste pour savoir et comprendre tout de cette vie là, dont l’exception seule vaut le coup d’œil. Mais en plus, avec une Kate Winslet aussi excellente et convaincue, on est suspendu et souffle coupé par le déroulé de cette existence hors norme et si discrète ou invisible à la fois (le fait qu’elle soit une femme n’y est évidement pas étranger). Il est dommage de ne pas avoir eu une manière un peu plus habile et subtile de raconter tout cela, on aurait vraiment frôlé le génie.

On découvre à la fin du film que les différentes scènes sont de parfaites reconstitutions de certaines photos de la photographes, et certaines où elle pose elle-même. On peut saluer là aussi la prouesse de ces reconstitutions, avec des costumes et décors vraiment extraordinaires. Et évidemment les scènes de découverte des camps de la mort sont aussi insoutenables que brillamment « montrées », avec notamment l’expression des soldats ou photographes à l’odeur qui émane des wagons, aux portes cadenassées, plein des cadavres en putréfaction des prisonniers qui sont morts avant même d’arriver dans les camps. Elle a aussi photographié les presque-survivants qui rodaient alors dans les baraquements, hagards et les yeux dans le vide… Terrible vision.

Et comme une ironie du sort, dont la véracité frappe l’imagination, il fallait vraiment que ce soit vrai pour qu’on puisse écrire une scène pareille. Lee Miller s’est retrouvée par hasard dans une maison d’Hitler, occupée par des soldats américains qui s’y restaurent et reposent. Il y a l’eau chaude courante dans la salle de bains. Elle se fait couler un bain après des semaines d’errance sans hygiène. Elle demande à David (Andy Samberg) de l’y photographier avec un portrait d’Hitler, en mettant en scène quelques éléments en plus de ses chaussures crades sur le tapis de bain. Cette photo dépasse bien sûr l’entendement.

On se dit tout de suite après la fin du film qu’elle et son œuvre devraient avoir une place de choix dans des musées ou même un lieu pour elle. En tout cas, il est bienheureux qu’un tel film existe pour ce coup de projecteur plus que mérité.

La Casemate du Pouldu

C’est marrant le terme « casemate » m’est familier mais tout de même beaucoup moins connu ou usité que « blockhaus » quand il s’agit de décrire cette kyrielle d’installations de bétons de l’armée allemande de la seconde guerre mondiale. Ce « mur de l’Atlantique » n’est pas vraiment pas une idée de l’esprit dans cette région où il subsiste une grande partie de ces constructions à la deutsche qualität impressionnante !!

C’est au Pouldu, à deux pas de la plage des Grands Sables, qu’un blockhaus a été complètement nettoyé et investi par une association. Ils en ont fait un petit espace mémoriel, véritable mini-musée en réalité, qui illustre les usages et le contexte historique de ces machins en béton.

Car ce truc bien évidemment était comme beaucoup d’autres blockhaus complètement laissé à l’abandon. Mais donc maintenant c’est un endroit tout propret et qui a été équipé avec des trouvailles (achats, collections locales etc.) variées qui expliquent le fonctionnement d’un bâtiment pareil. On trouve aussi des détails plus historiques sur les équipements du mur de l’Atlantique sur le territoire de Clohars-Carnoët, et l’implication dans la zone de Lorient durant la guerre. Le site internet de la Casemate du Pouldu est très bien renseigné, et permet d’avoir tout un tas de commentaires scientifiques sur ces constructions.

[Source]

Et voilà le plan du blockhaus qu’on peut visiter.

[Source]

C’est vachement sympa à visiter car il y a plein d’explications partout, et des petits trucs à voir (pas forcément toujours lié à la fonction de la pièce) qui sont dans le contexte de la seconde guerre mondiale. L’endroit est évidemment très exigu et en s’y faufilant on comprend bien la claustrophobie des soldats de l’époque, qui vivaient dans ce sarcophage de béton. Et on est un peu serré quand les visiteurs s’amoncellent dans une pièce.

Ce qui est génial dans le cadre de cette visite, c’est qu’il y a trois spécialistes et passionnés qui sont là pour expliquer l’endroit, son fonctionnement et plein d’anecdotes ou d’informations sur l’histoire ou l’usage de ces blockhaus. J’ai appris comme cela que le découpage super alambiqué de la côte bretonne a requis des tas de constructions alors qu’on en a eu besoin de beaucoup moins dans les Landes par exemple. Il fallait être en capacité d’arrêter des armées qui arrivaient par n’importe quel angle de l’océan, mais ce bunker en particulier, dont on voit bien sur la première image qu’il pointe sur la plage des Grands Sables, date de 1944, et c’est en réalité un complément au mur de l’Atlantique. Sa vocation était d’attaquer une éventuelle percée de la première ligne du « mur », d’où son orientation vers l’intérieur des terres.

Ce qui est étonnant aussi c’est qu’il a été fini à une date très très proche de la libération, et qu’en réalité on doute qu’il est jamais servi (ou très peu). C’est donc un exemple « flambant neuf » et de dernière génération.

La partie la plus intéressante selon moi est celle avec les couchettes et l’espace de vie des 6 soldats. On y voit concrètement comment ils pouvaient subsister, se reposer, mais aussi filtrer l’air en cas d’attaque (avec démonstration en live de cette machine filtrante qui fonctionne vraiment), ou bien monter un périscope pour voir ce qui se passait à l’extérieur, ou encore téléphoner puisqu’ils étaient reliés, en filaire, à tous les blockhaus du coin et à des commandements plus distants. C’est super intéressant de voir tous ces appareils d’époque, et remis en contexte.

En revanche, on reconnaît (et on loue) bien les passionnés et historiens ou collectionneurs amateurs qui ont mis tout cela en place, et il y a clairement une grande érudition dans tout cela, mais on peut aussi noter un petit manque « muséologique » à la visite. Beaucoup d’informations sont assez superflues et anecdotiques pour le visiteur moyen, et on n’a pas vraiment un fil rouge qui permet à la fois de découvrir les pans historiques, puis des activités plus militaires ou plus de la vie quotidienne etc. Pour le moment, c’est un peu posé comme cela, et cela manque un chouïa de « story-telling ».

Mais il faut saluer l’initiative et la qualité globale du lieu et de son animation. Cela deviendra sans aucun doute un incontournable du coin !!

Le petit livre rouge

A l’été 2020, l’ami F. avait passé un peu de temps avec nous en Bretagne, et il promenait avec lui un curieux petit carnet rouge. Il nous l’a montré plus en détail, et il s’agissait d’un journal de bord et intime de son grand-père qui racontait jour après jour son expérience en Allemagne dans le cadre du STO. F. commençait déjà à décrypter la petite écriture manuscrite de son aïeul pour la retranscrire dans un document informatique. Et voilà qu’il a lancé un passionnant blog qui va publier tous les jours les textes qui correspondent au même jour à 80 ans près.

Samedi 1er janvier 1944, mon grand-père commence son STO dans le 3ème Reich. Il durera jusqu’à la fin de la guerre.
À son départ en 2009, il me laisse un petit livre rouge où chaque jour, il a gravé ses souvenirs d’une écriture minuscule.

Le petit livre rouge