En ce jour de solstice où la journée était la plus courte de l’année, c’est aussi la veille du Sol Invictus, où finalement les jours vont d’abord arrêter de raccourcir, et même commencer à s’allonger, petit à petit. Et pourtant c’est le premier jour de l’hiver, et le froid est censé devenir de plus en plus présent et mordant. Les arbres en mode nature morte n’ont pas fini d’étendre leur sombre ramage dénudé sur nos âmes esseulées (je fais du Mylène Farmer, ça marche hein ? ^^ ).
Bref, c’est un peu le retour de l’espoir, mais c’est toujours la grosse merde. Bientôt la guerre, l’IA qui nous mange tout cru, l’extrême droite au portes du pouvoir (avec beaucoup trop de pédés dans ce parti de nazillons), l’écologie qui pisse dans un violon, la biodiversité en décrépitude, les réseaux sociaux qui tuent notre société grâce à nous… Mais bon, on ne sait jamais, peut-être que tout cela se finira vachement bien. ^^
J’ai vraiment bien aimé cette notion de complicité et compromission car c’est aussi ce avec quoi je me bats depuis des années. J’irai même encore plus loin, car c’est ce que je décrie qui est sans doute à l’origine même de ma capacité d’émancipation. C’est à dire que c’est une certaine idée d’une société que je honnis qui m’a donné les clefs et les ressources pour la penser ainsi, de manière critique. Et c’est sans doute une de ces vertus, il ne faut pas l’oublier. Elle sera un peu plus vertueuse quand elle saura aussi évoluer, s’améliorer et progresser sans se révolutionner (pour éviter de jeter le bébé et l’eau du bain), mais se transformer vers un meilleur. Mais c’est justement cela qui est peut-être impossible ?
Nous tous. Nous… sans exceptions.
I love my job. I make a great salary, there’s a clear path to promotion, and a never-ending supply of cold brew in the office. And even though my job requires me to commit sociopathic acts of evil that directly contribute to making the world a measurably worse place from Monday through Friday, five days a week, from morning to night, outside work, I’m actually a really good person.
Cela fait mal. Cela met du poil à gratter là où il faut. Cela replace le sujet au bon endroit. Ce n’est pas un abandon, ni une généralisation. C’est le problème fondamental qui est sous-jacent à toutes nos critiques du système capitaliste. Nous sommes tous complices et compromis. C’est le bon point de départ pour penser à ce que nous devons changer. Toute position de la vertu est vouée à l’échec. Il est impossible d’être vertueux dans le monde courant à moins d’être hors-système. Bon courage dans un monde globalisé. La complicité est une arme beaucoup plus efficace dans la réforme des institutions. Je suis compromis donc je dois penser le changement pour l’être moins.
Saurais-je donc me faire du mal à moi-même pour le bien commun ou pire celui d’autrui ? Les nobles qui soutenaient l’égalité des citoyens pendant la révolution française contre leurs propres privilèges, avaient-ils raison ? Et dans raison, il y a évidemment rationalité et morale, mais aussi intérêt ? Leurs vies ont-elles été plus fécondes ensuite ? Peut-être pas, mais ont-ils au moins mieux dormi la nuit ?
En tout cas, je n’aime pas non plus du tout les positions de vertu et les exemples à donner en partant de soi. Et heureusement que l’on peut aussi réfléchir et élaborer une société plus juste tout en se tirant une balle dans le pied. C’est certes plus difficile, mais c’est cela les Lumières.
Et de l’autre côté du spectre, je tombe là-dessus. L’article évoque une toute nouvelle génération de tech bros qui vont à SF pour essayer de percer dans le business de l’IA, à peu près comme on entre en religion… Ils sont dans des neo-ashrams et vibe-codent1 dans une ambiance ascétique les futurs catastrophes planétaires2 avec en plus cette conviction intime de fin du monde. Cela me rappelle ce qu’un ancien collègue et pote m’avait dit dans le tout début des années 2000 : « Nan mais tu sais moi, je m’en fous si la moitié du monde crève, tant que je suis dans la bonne moitié. »
Et dans tout ça, bah chuis paumé, je ne sais plus comment je m’appelle. Ah si, Matoo ou Mathieu selon les dimensions et univers parallèles dans lesquels j’évolue. ^^
Ce sont les développeurs qui utilisent des IA pour majoritairement écrire leur code informatique. ↩︎
En vrai, ils essaient de concevoir des services basés sur l’IA, la couche d’après quoi… Et bien sûr dans aucune conception éthique ou morale : en mode El Dorado… Et c’est finalement très proche des bulles internet d’il y a vingt ans dans la Silicon Valley. ↩︎
C’est marrant mais je suis tombé sur ce post de « Chroniques de Bretagne » qui se plaignait de la dégénérescence de Ouest France, exactement comme on le ferait aujourd’hui de tous ces supports qui perdent leurs âmes en utilisant de l’IA générative et réduisent leurs contenus à des hameçons à réclames. Donc nous voici, c’est notre tour, nous sommes les vieilles et les vieux qui bougonnons sur la disparition de notre monde, notre cadre de valeurs et nos repères.
J’imagine que chaque génération connaît cela, depuis la souffrance de l’enfance sous le joug des adultes, à celui des adolescents qui se plaignent de n’être pas compris, puis la jeunesse qui aspire à changer les choses et conspue les vieux réactionnaires, et des adultes qui peu à peu se meuvent et se moulent dans la mode capitaliste de leur époque… Ensuite viennent les vieillards qui subissent un changement de mode et de régime en plus, et qui sont déboussolés.
Et chaque époque a raison de cette perte de valeur, de ce bouleversement de l’ordre établi. Il est néanmoins très difficile d’en tirer un bilan aussi absolu qu’on voudrait l’imaginer. J’ai tendance à vouloir justement le relativiser, parce que je me souviens bien des boomers qui étaient considérés comme des voyous et des beatniks par leurs parents (et ils l’étaient bien sûr parfois ^^ ), ou bien ma propre génération qu’on disait sacrifiée par la télévision et les animés débiles ou violents, et celle d’aujourd’hui abrutie par les réseaux sociaux. Rien de tout cela n’est absolument vrai, ni absolument faux.
Et pourtant, je lis aussi Thierry qui continue son analyse à la fois clairvoyante et sombre de nos « sociétés en ligne ». Et le tableau clinique est aussi précis que flippant.
Une double injonction : plaire et produire de plus en plus, inonder de contenus, lutter contre les autres producteurs, mais avec la même stratégie qu’eux : satisfaire, combler un vide, alors que le vide est nécessaire pour qu’un mouvement soit possible. Où aller quand ça déborde de partout ? Il me suffit d’ouvrir Netflix pour avoir envie de dégueuler. Un amoncellement de vignettes clinquantes empilées les unes sur les autres. Idem sur YouTube, avec des shorts hypnotiques plus cons les uns que les autres. Je ne supporte plus ce monde, non seulement parce que j’en suis la victime, mais parce que vous en êtes les victimes.
Ploum en rajoute une couche en étant encore plus acrimonieux, et il a raison lui aussi !
Je conchie le « joli ». Le joli, c’est la déculture totale, c’est Trump qui fout des dorures partout, c’est le règne du kitch et de l’incompétence. Votre outil est joli simplement parce que vous ne savez pas l’utiliser ! Parce que vous avez oublié que des gens compétents peuvent l’utiliser. Le joli s’oppose à la praticité.
Le joli s’oppose au beau.
Le beau est profond, artistique, réfléchi, simple. Le beau requiert une éducation, une difficulté. Un artisan chevronné s’émerveille devant la finesse et la simplicité d’un outil. Le consommateur décérébré lui préfère la version avec des paillettes. Le mélomane apprécie une interprétation dans une salle de concert là où votre enceinte connectée impose un bruit terne et sans relief à tous les passants dans le parc. Le joli rajoute au beau une lettre qui le transforme : le beauf !
Oui, vos logorrhées ChatGPTesques sont beaufs. Vos images générées par Midjourney sont le comble du mauvais goût. Votre chaîne YouTube est effrayante de banalités. Vos podcasts ne sont qu’un comblage d’ennui durant votre jogging. Le énième redesign de votre app n’est que la marque de votre inculture. Vos slides PowerPoint et vos posts LinkedIn sont à la limite du crétinisme clinique.
J’ai du mal avec tout cela, car lorsqu’on se met à reprocher des choses, alors on doit se repositionner vers un « meilleur ». Et ce meilleur sera toujours celui de son propre cadre de référence, de son propre modèle aussi décrié soit-il par la génération précédente/suivante pour n autres raisons valables. Il me semble juste qu’on doive pratiquer différemment, et moins par couche successive de générations, au final toutes aussi vénéneuses et au capitalisme destructeur de notre environnement. Mais alors lorsque je m’essaie à un exercice un peu plus subtil, bah c’est trop compliqué, ça ne marche pas. Et pourquoi mon opinion serait-elle meilleure que celle d’un autre imbécile ? Pffff.
Une sorte de voie du milieu si on continue à filer la métaphore de l’IA, c’est celle de Korben qui prend cette nouvelle flippante des « 50% du web serait écrit par l’IA« . Mais « et alors » se dit-il. Parce qu’avant l’IA, c’était des machines à créer du référencement naturel qui truffaient les textes de mots clefs, des journaleux du net qui cherche à faire du clic-bait avec des titres racoleurs qui ramènent du clic. Et donc malgré tout ces artifices, la qualité du fait-main du fait-humain continue et continuera à être remarquée, et à façonner notre futur. Encore une fois, c’est vrai et pas vrai. Oui la qualité et le travail sérieux sont encore des choses qui se « voient », mais si les gens s’abêtissent en même temps que les IA construisent une jolie roue de hamster… Mein gott, qu’allons-nous devenir ?
Quand je ne parle pas de fin du monde explosive, je parle d’IA qui, à sa manière, alimente parfaitement le premier événement, et le rend plus tangible et palpable. Mais je trouve que c’est globalement intéressant de s’interroger sur le progrès technologique, de ses qualités intrinsèques à son aliénation de la société, et il semble que l’un n’aille pas sans l’autre. Dans quel cas, faut-il y renoncer ?
Parce que si l’on devait recouvrer un peu de bon sens on prendrait la bonne décision globale de… Tiens par exemple : supprimer les téléphones portables. C’est une source dingue de pollution, les communications sans fil sont beaucoup plus consommatrices et moins efficaces que les communications filaires, et on se débrouillait bien avec le téléphone et des bêtes ordinateurs. On fonctionnait aussi sans Internet, et ça marchait non ? Mais là, c’est un retour en arrière basé sur moi, mon expérience et mes repères. Un gamin d’aujourd’hui dirait qu’on n’a pas besoin d’IA générative, et ma grand-mère me disait qu’elle vivait bien sans électricité et sans téléphone jusque dans les années 60.
Mais abandonner aujourd’hui nos Internets qui sont si pratiques pour tant de choses, et sur lesquels repose une grande partie de notre économie, nos portables qui sauvent aussi couramment des vies et nous permettent d’être tout le temps en contact les uns avec les autres… Dur dur. Ne parlons pas d’un retour en arrière sur le front de la santé , ou même de la pénibilité de certains emplois. Là aussi d’ailleurs, on glose toujours sur des emplois non qualifiés et déshumanisés, apportés par le taylorisme et le travail à la chaîne, qui sont de plus en plus automatisés, et ce qui serait un bien pour l’humanité ?
Tout ça passe crème jusqu’à ce que l’IA générative vienne taper dans les rangs des professions plus intellectuelles ou créatives. Là ça secoue un peu plus des gens qui ont des voix qui portent un peu plus… Mein gott, que c’est terrible cette hypocrisie absolument généralisée.
Le capitalisme fait croire que le progrès n’est qu’un prétexte à créer plus de valeurs, et que par cette nouvelle valeur, même si cela donne lieu à des difficiles et cruelles transitions économiques et industrielles, on crée plus de jobs, et que c’est un cercle vertueux. Mais lorsque nous sommes dans la pure extraction de valeurs comme on le voit ces derniers temps, et que ça va très très vite, à une échelle globale, eh bien ça pue du cul. ^^
Et quand en plus, nous sommes sur des technologies qui ne sont pas rentables, aspirent littéralement l’ensemble des investissements de tous les domaines technos, sont des béhémots consommateurs de ressources rares et ont un impact terriblement nuisible sur l’environnement : bah on ne fait rien, on y va bille en tête.
Mais même avec ça, on peut se dire que l’on trouvera des moyens pour que ça coûte moins cher, pour que ça pollue moins, et on se focalise aussi sur les bienfaits de ces technologies. Et ils existent bien sûr. Et je me dis mais pourquoi refuser ce truc là, alors qu’on a accepté tous les autres. Y compris les calculatrices qui font que je suis incapable de faire la moindre opération d’arithmétique sans utiliser un navigateur (car c’est comme ça que tout le monde fait non ? ^^ ). Alors pourquoi refuser les IA génératives aux gamins qui comme moi avec l’arithmétique auront cette nouvelle béquille tout le temps avec eux ? (IA Générative que j’utilise moi-même couramment pour le boulot ou même un usage personnel depuis que c’est disponible parce que c’est très utile.)
Bon et après évidemment, on remonte à Socrate, dans le Phèdre de Platon, selon qui l’écriture rend les hommes oublieux en ne mémorisant plus, et en leur donnant une illusion de savoir alors qu’ils ne possèdent qu’une connaissance superficielle.
Platon, quoiqu’auteur, met dans la bouche de son maître Socrate une critique incisive de l’écriture. Dans le Phèdre, Socrate critique l’écriture, qui ne favorise pas la mémoire mais au contraire la décharge, et fige la pensée dans des formules. L’apprentissage par l’écriture serait vain en ce qu’il ne fournirait qu’une apparence de savoir, et dispenserait l’apprenant de compréhension propre. L’écriture ne devrait ainsi jamais être qu’un aide-mémoire pour s’aider à retrouver un mouvement de pensée à oraliser.
L’exemple le plus connu de révolte contre la technologie est celui des luddites au 19ème siècle en Angleterre. Cela a donné le courant du luddisme, et celui du néo-luddisme qui correspond à des mouvements très actuels de rejet des technologies (même s’il est peut-être dans ce domaine plus intéressant de lire Jacques Ellul). Ces luddites sont des briseurs de machines de 1811-1812 alors qu’en plein essor d’industrialisation en Grande-Bretagne, des premières machines à tisser viennent révolutionner des corporations bien organisées et des métiers qui se voient directement touchés : les tondeurs de draps, les tisserands sur coton et les tricoteurs sur métier. Et là c’est un bon exemple de réactions à une nouveauté technologique qui vient bouleverser un équilibre, un rapport de force, et vient entamer directement le moyen de subsistance de toute une communauté.
Mais comment ça s’est terminé :
En fait, les trois métiers mentionnés vont quasiment disparaître à l’aube des années 1820.
Mais d’un autre côté, on a arrêté le Concorde et le transport supersonique parce que c’était risqué pour l’environnement, un gouffre financier non rentable, mais ça permettait de faire Paris-NYC en 4 heures pour des privilégiés qui payaient une blinde. Cela paraît fou aujourd’hui, alors que Musk déploie des milliers de satellites en orbite basse dont on redoute la fin de vie, et qui paraissent une hérésie au moins similaire. Aujourd’hui, on garderait le Concorde, on baisserait même artificiellement les prix en misant sur la croissance et le volume, et on spéculerait pour cacher tout ça. Et on dirait que l’avenir nous donnerait sans aucun doute des technologies supersoniques propres et bon marché.
The Luddites were not fighting technology but the enclosure of their future.
We are now facing a similar moment. As artificial intelligence reconfigures every dimension of our societies—from labor markets to classrooms to newsrooms—we should remember the Luddites. Not as caricatures, but in the original sense: People who refuse to accept that the deployment of new technology should be dictated unilaterally by corporations or in cahoots with the government, especially when it undermines workers’ ability to earn a living, social cohesion, public goods, and democratic institutions.
Journalists, academics, policymakers, and educators—people whose work shapes public understanding or steers policy responses—have a special responsibility in this moment: To avoid reproducing AI hype by uncritically acquiescing to corporate narratives about the benefits or inevitability of AI innovation. Rather, they should focus on human agency and what the choices made by corporations, governments, and civil society mean for the trajectory of AI development.
This isn’t just about AI’s capabilities; it’s about who decides what those capabilities are used for, who benefits, and who pays the price.
Et cela vient d’un think tank américain plutôt centriste, on n’est pas dans une stance bolchévique altermondialiste qui n’aura, malheureusement, pas grand espoir de percer.
Je me demande donc si on appuiera ou pas sur le bouton…
Mais avec tout ce qui précède ? A t-on le droit, l’impudence, est-ce même éthique au vu de nos actions passées, de notre hypocrisie à tous ? L’abîme est-il inexorable ?
Merveilleuse illustration de l’optimisme légendaire de l’artiste Joan Cornellà.
Sacrip’Anne et moi j’ai l’impression qu’on est dans une résonnance qui parfois me file le vertige. Alors qu’on s’est vu une demi-fois dans nos vies mais qu’on se lit depuis toujours, je pourrais faire mien tant de ses articles…
[…] Je crains, profondément, viscéralement, que les années à venir seront terribles, qu’on a mangé notre pain blanc et que la fin de nos vies (pour les gens de ma génération) sera beaucoup plus sombre que le début. On est trop nombreux, on a trop foutu en l’air tant de choses essentielles à notre survie, on n’a pas trouvé moyen de faire entendre raison au club des superpuissants.
[…] Mon système de survie, celui qui me rend capable de me lever le matin et de faire ce que j’ai à faire, à ma microscopique échelle, c’est de cultiver les bonheurs à ma portée, plus ou moins intenses, plus ou moins fugaces.
[…] Ce qui se présente à nous comme portes ouvertes sur le bonheur, c’est tout ce qu’il y a. Même incertain, même fragile, même risqué. Tout ce à quoi on puisse prétendre. Alors tant que je peux, je resterai là, bras et coeur ouverts. Même si ça fait, aussi, parfois hurler de douleur, d’être capable de ressentir ça. Inconsolable, peut-être. Mais jamais incapable d’amour, j’espère. Même quand viendra le pire.
Alors il y a sans doute notre proximité en âge et extraction, et globalement en expériences, mais cela va au-delà. Peut-être un marqueur générationnel de ces jeunes quinquas ou en devenir ( ^^ ), mais clairement on n’arrive plus à s’enchanter d’un monde qui dépérit à vue d’œil à tant d’égards. Et malgré tout cela, on essaiera. Toujours, toujours.
J’ai lu cet article et ça m’a rendu vraiment triste… Ce garçon, qui était schizophrène, est tombé amoureux de ChatGPT, et a nourri un imaginaire complet sur sa relation avec l’IA. Cela s’est terminé par un arrêt de prise de médicaments et une crise aigue (il voulait parler à « Claude », une autre IA), et il a été abattu par la police car il était carrément devenu menaçant et potentiellement dangereux.
Et le sujet est compliqué, car c’est aussi la beauté de l’IA dans ses capacités génératives (de textes) de fonctionner avec les contraintes les plus extrêmes et variées. Mais comme c’est un « chat » (GPT), ce sont devenus des conversations, et donc des dialogues, et des gens déjà équilibrés peuvent s’y perdre (on n’arrête pas de lire des exemples de personnes se faisant influencer ou dominer par leurs IA génératives), mais alors évidemment pour des personnes fragiles ou carrément malades, mais l’usage peut en être catastrophique.
J’imagine très bien que les IA iront encore s’améliorer et détecter ces problématiques, mais là l’essuyage de plâtres fait très très très mal.
On en avait parlé avec monsieur mon Mari l’année dernière alors qu’il a beaucoup testé ChatGPT en essayant de lui inculquer l’ensemble des bases de son univers mental « Widow-Creek ». Pour les anciens qui s’en rappellent peut-être mon mari Alexandre que tout le monde connaît comme « Colin Ducasse » (oui c’est compliqué) a utilisé le blog pour mettre en place et « en vie » l’ensemble de ses « personnalités » (purée, je vais devoir en mettre des guillemets partout). Donc c’était une démarche de schizophrénie éclairée dirons-nous. ^^
ll avait créé autant d’auteurs et d’autrices que de personnalités, et elles interagissaient et écrivaient des articles à propos de leur petite communauté qui évoluait dans la ville de Widow-Creek1. Il y avait même une église au nom prophétique. Hu hu hu.
Il a mis des semaines à décrire à l’IA toutes les personnalités en question, et cette ville, et en réalité tous les principes logiques inhérents à ce système doté de ses propres valeurs. Ensuite, l’IA a pris la main et a proposé des extensions, des portraits avec des histoires, des péripéties, des liens entre les personnalités, et même les photos de ces gens etc. L’exercice a aussi bien foiré à d’autres égards, mais ce n’est pas le sujet.
On peut comprendre l’intérêt pour un auteur (qui peut vérifier par exemple l’aspect plausible ou logique de ses intrigues entremêlées) par exemple, même si on vivait très bien sans cela. Mais si des gens un peu trop galactiques se mettent à converser avec des IA, mais ça peut avoir des conséquences catastrophiques… Et ces outils ne sont pas faits (à l’origine en tout cas) pour être des trucs intelligents justement, ni érudits ni sages, ce ne sont que des générateurs de textes statistiquement probables (et vous ne savez jamais le degré de probabilité, c’est juste le plus probable selon des paramètres aujourd’hui mystérieux2). Mais il se trouve que cette statistique est incroyable, et que si on lui donne à manger tous les Internets, les probabilités peuvent nous faire croire qu’un incroyable démiurge a rejoint la conversation.
Il est d’ailleurs proprement fascinant de tester ces interactions, et de voir comme l’IA peut petit à petit comprendre et adapter son style et le fond pour vous répondre parfaitement. Et clairement toutes les IA génératives sont en train de mettre des tas et des tas de garde-fous pour empêcher certains sujets, certaines infatuations, idéologies etc. Mais donc il faut lui donner une philosophie, un cadre moral et donc normatif, mais lequel ? Lequel est-il le bon ? La masse des infos qu’on trouve sur les Internets ?
En attendant, je trouve très triste que cette personne soit décédée, et que l’IA ait sans doute été un facteur déclenchant très direct dans l’entretien de sa psychose. Mais basiquement, c’est une machine qui a juste fait ce qu’on attendait d’elle…
Et en gros cela représente sa psyché à lui, vous aurez compris. ↩︎
J’ai déjà expliqué, mais il n’est plus humainement possible de suivre ou maîtriser la raison des résultats. On peut juste mettre des indicateurs et se rebrancher sur des voies moins statistiques : par exemple si on détecte une intention de suicide, on peut remettre en obligation pour l’IA tout un scénario pour convaincre du contraire en envoyer vers des autorités sanitaires, et donc ne pas aller dans le sens du demandeur (ce qui est pourtant le b-a BA de la machine). ↩︎
Après une année 2024 record, puisque c’était la seule année depuis 1997 où je n’avais assisté à aucune marche des fiertés, j’en suis déjà à ma deuxième cette année (après Genève la semaine dernière). Eh bien je peux affirmer que j’aime ça, et que ça fait drôlement du bien de renouer avec cette saine pratique annuelle. Cette session nantaise s’est déroulée sous les meilleurs augures avec un temps grisâtre, mais au moins pas trop chaud et sans risque d’insolation, et j’ai trouvé vraiment beaucoup de monde.
J’ai surtout retrouvé cette superbe ambiance nantaise hyper conviviale et sympathique des bonnes Prides. Absolument tous les gens croisés lors de cette marche étaient souriants, abordables et bienveillants. Il y avait ce qu’il fallait de revendications et de pancartes politiques, mais aussi des fétichistes de tous les genres, des créatures indéterminées et puis des tas de gens dans le spectre de l’humanité multicolore.
J’ai surtout noté que la meilleure idée était de venir avec des pistolets à bulles, alors là je peux vous dire qu’on a eu du succès !! J’ai encore fait mon Utakata et, grâce à mon ninjutsu des bulles de savon, les gens ont beaucoup aimé danser dans des flots de bubulles !!! Cela m’a ragaillardi d’être dans une telle atmosphère. ^^
(Oui vous noterez que j’avais mis mes faux-cils pour l’occasion. Hu hu hu.)
Il n’y a pas longtemps je pensais que l’année prochaine : ça fera 30 ans que « Dans ma Chambre » de Guillaume Dustan est sorti. Et il y a peu de temps, Madjid a pondu un article sur Dustan. Cette synchronicité m’a fait sourire, et encore plus avec ce brûlot qui n’est pas exactement un panégyrique de l’écrivain. J’adore qu’il en parle avec des guillemets de ce Guillaume Dustan qui a été un fouteur de merde pas possible, qui a certes rué dans les brancards, et en a tiré une certaine gloire qu’il a également réussi à éclater par terre.
Et je suis d’accord avec ce qu’en dit Madjid, il y avait une certaine médiocrité chez Dustan et un truc bourgeois assez insupportable au fond. Mais surtout sa contribution directe au mouvement de « relapse » (relâche quant à la protection contre le VIH) pour une revendication du bareback (le fait de monter à cru soit baiser sans se protéger) qui était une affirmation très individuelle de la prise de risque a mis en difficulté tous les militants et militantes en lutte contre le SIDA. Et lui en tant que séropo voulait tout faire péter, en avait assez de porter cette honte de la maladie, et voulait que chacun prenne ses responsabilités, et lui aucune en l’occurrence.
Cela a conduit à une période assez sombre dans mon souvenir, avec une guerre fratricide assez violente entre « pro » et « contre », et des trucs assez fous comme des gamins qui demandaient à se faire plomber (contracter le VIH de manière volontaire et assumée) en fantasmant sur le don du VIH (les séropos étaient alors des donneurs valorisés pour leur cadeau). Il y a eu le développement de tout un imaginaire surréaliste autour de la maladie qui n’était plus mortelle grâce aux trithérapies, et qui, pour certains, était aussi un clan désirable, une sorte de culture gay ultime avec sa communauté, ses codes, son identité, une certaine liberté recouvrée (car rien ne pouvait arriver de pire), et une énième resucée en réalité du classique Eros et Thanatos.
Je pense aussi au roman de John Rechy qui m’a tant troublé, ou même à la mini-polémique d’il y a vingt ans1 qui avait vu un blogueur très « connu » se faire vilipender parce que soi-disant chantre du bareback (et ce n’était pas du tout le sujet). J’avais essayer d’apporter, avec mon expérience et sans doute mes humbles maladresses, mon propre éclairage à cette trouble période. Et la réalité c’était aussi ce relâchement général et cette lassitude qui nous engourdissaient tous. Et mettre un couvercle dessus, même avec le poids moral d’une prévention essoufflée le plus écrasant, ne suffit pas à retenir la pression qui croît irrémédiablement.
Et donc pour des personnes comme Madjid ou Lestrade, il a fallu lutter contre ce mouvement qui risquait la vie de bien des gens. Et ils ont bien fait je pense, le truc était trop grave et palpable. En revanche, cette parole si étrange et sulfureuse, même si l’imposture était manifeste, était là, et elle a marqué son temps. Oh c’était très léger et ça n’a pas duré. A peine de souvient-on d’un énergumène avec une perruque moche chez Ardisson, mais pour moi ce sont plutôt des romans troublant qui disaient des vies à la fois en résonnance avec moi, et parfaitement opposées.
Lorsque Dustan est mort, il était déjà complètement oublié. C’est dire si ça a été une apparition fugace et discrète, même s’il a imprimé une marque durable chez certains, et reste un horrible personnage pour beaucoup. C’est pourquoi c’était vraiment incroyable de voir une pièce (réussie) adaptée de son premier roman il y a cinq ans sur scène à Paris.
Je comprends qu’avec le recul de ces années, le personnage puisse avoir un côté inclassable, singulier et punk qui plaise, mais donc c’est bien d’avoir le son de cloche de Madjid qui est également très juste. Quant à moi, je ne peux pas choisir, je ne peux pas trancher. Je prends le connard et l’auteur, le queer et le bourgeois, l’émancipateur et le danger public comme un tout inaltérable, irréconciliable et paradoxal.
Si seulement on avait des petites vidéos comme cela faites par le gouvernement pour expliquer le principe de « deep fake » et les stratégies d’arnaques en ligne qui deviennent redoutables grâce à l’usage de l’IA générative.
L’auteur explique : I made this video to warn my parents about AI scams (And to test out Veo 3 to see first hand how these programs are evolving).
J’ai fait cette vidéo pour sensibiliser mes parents à propos des arnaques à base d’IA (et pour tester Veo3 pour tester l’évolution de ces logiciels par moi-même).
Donc il s’agit de la même technologie dont j’ai parlé il y a quelques jours. Et il faut avouer que cet exemple est encore une fois super convaincant. Il est particulièrement croquignolet de l’avoir utilisé pour démonter des « scams » et c’est très drôle qu’il en fasse lui-même la remarque à la fin en disant que l’on ne peut pas faire confiance à l’IA, mais il fait une vidéo avec de l’IA pour dire que ne pas croire les vidéos faites par IA. ^^
J’ai écouté pas mal d’épisodes du podcast de France Inter « Le code a changé » par Xavier de La Porte, et je vous le recommande, c’est souvent très fouillé, intelligent et remarquablement vulgarisé. Là c’est en lisant les recommandations d’Alex, que j’ai écouté les deux épisodes d’une série consacrée à l’IA qui sont diablement bien troussés.
Vraiment je vous encourage à les écouter, car Xavier de La Porte pose des problématiques passionnantes, et il consulte des experts qui expliquent relativement simplement les concepts scientifiques en œuvre. Le sujet du langage est fascinant, mais aussi celui de la limite de la connaissance des ingénieurs et chercheurs quant à la mise au point de ces grands modèles. Car il est notable qu’aujourd’hui, c’est tellement complexe que personne ne peut exactement savoir comment ça marche !! Et les mecs expliquent que oui c’est un truc qui fonctionne de manière empirique, on modifie des paramètres à l’instinct et on regarde ce qui fonctionne mieux, et on essaie d’éviter les régressions.
L’un des invités, le génial Alexei Grinbaum, explique aussi que les premiers modèles n’étaient pas satisfaisants, et que ça s’est mis à fonctionner vraiment quand on a eu quelques milliards de paramètres. D’un seul coup, bam le modèle s’est mis à être bon. Il rapproche cela du nombre de neurones que l’on a nous-mêmes dans nos cerveaux, comme si nous avions approché cette complexité, et que ça donnait un modèle capable de dialoguer avec les humains. Cela met aussi en exergue qu’une complexité grandissante permet aisément de nous dépasser, et que cette méthode permet aussi de dialoguer avec des chiens ou des baleines, il suffit d’un corpus de base suffisant. ^^
*Ajout du 02/06/2025 :*
En complément de tout cela, vous avez aussi Khrys qui a proposé les diapositives et le discours d’une conférence autour de l’IA, et c’est très bien fichu. C’est un joli recadrage épistémologique et les concepts sont à la fois très justement expliqués et illustrés de manière accessible et simple.
Il y a un extrait édifiant de ce film de propagande américain de 1943 qui circule sur les Internets, et je trouve que ça valait le coup de le mettre en ligne ici.
C’est fou qu’il y a 80 ans, on faisait aux USA un film pareil qui explique comme à des enfants pourquoi il ne faut pas être raciste ou s’en prendre à des minorités, et les dangers du fascisme, mais on est revenu à l’instauration insidieuse d’un système factieux dans ce même pays aujourd’hui. Et comme d’habitude, nous nous récupérons ce qu’il se passe aux US avec quelques années de décalage (de moins en moins d’ailleurs avec la globalisation allant crescendo), donc cette chienlit est l’exacte situation dans laquelle nous sommes aussi.