A force de fréquenter les1 réseaux sociaux et avec mon esprit si terriblement wokiste et islamogauchiste (oh yeaaaaah), j’ai parfois des surprises qui ne devraient plus en être. Ou plutôt je réalise à quel point, je peux me faire des illusions quant à ce que je pense sont des progrès bien répandus dans la société. Et un mariage est l’événement idéal pour mettre en pratique des petites expériences éthologiques. Bien évidemment, celui de la semaine dernière m’en a fourni une à laquelle je ne m’attendais absolument pas.
Comme je vous disais, nous avons bien contribué à l’organisation et l’animation de l’événement, et nous avions notamment des petits jeux à mettre en place. La mariée avait notamment concocté des paires de cartes avec des personnages, et il fallait qu’on en distribue aléatoirement une par personne. Le jeu c’est que pendant le mariage les paires doivent se reconstituer. On avait fait ça à notre mariage avec un jeu de tarot coupé en deux, et ça avait super bien marché.
Mais là l’originalité c’était que les personnages était des « couples » célèbres, on avait Barbie et Ken, Titi et Grosminet, Mickey et Minnie etc. Moi par exemple, j’ai eu Fiona, et je devais retrouver Shrek.
On avait un paquet de cartes non triées, et on distribuait cela en expliquant les règles à tous les arrivants à la réception du mariage. Très rapidement, les gens revenaient vers nous l’air gêné en disant « Ah mais je ne peux pas avoir Minnie, je suis un homme ». Et quand ce n’était pas les hommes, les femmes l’exprimaient tout autant pour leurs maris « ah non mon mari ne peut pas être Barbie hein ? ». Et de la même manière, les filles refusaient les cartes masculines, mais avec moins de vigueur, on sentait qu’on aurait pu les convaincre de jouer le jeu. Car on a essayé d’expliquer que c’était un jeu, et que c’était drôle le « mélange des genres », littéralement. Mais ça ne faisait rire personne, et on s’est vite plié à leur donner une carte cisgenrée (laule).
Et attention hein, ce n’était pas un mariage de gens désagréables ou homophobes ou même beaufs, pas du tout. On avait une représentation de la France tout à fait médiane et chouette avec une moitié du Finistère et l’autre du Var. Et en toute sincérité, on a vraiment beaucoup apprécié toutes ces personnes qui étaient absolument adorables et sympathiques.
Mais alors, sur le sujet du genre, moi qui pense qu’on est tous aujourd’hui super détendus du slip sur le masculin et le féminin2, et que le genderfuck est le futur du genre humain. Bah je me suis bien mis le doigt dans l’œil. Les garçons veulent du bleu et jouer aux pompiers ou à la guerre, et les filles du rose et incarner des princesses en faisant la cuisine. Purée que c’est flippant. ^^
Et pour tout vous dire, je savais très bien qui avait eu la carte Shrek, et malgré cela je n’ai pas réussi à m’apparier à lui. J’ai joué les candides et fait un grand tour pendant le cocktail en me présentant en tant que « Fiona » qui cherchait « Shrek » en rigolant. Bien sûr je n’ai pas affiché la personne en question, mais elle ne s’est jamais signalée. Comme il fallait aller faire un selfie pour immortaliser le duo, peut-être que cela la gênait de faire ça avec un inverti3, ou bien c’était en tout cas une incongruité somme toute embarrassante. ^^
Bon bah, la lutte continue hein !!!
En réalité « mes » réseaux donc ceux qui m’apportent une vue parfaitement déformée de la société qui a l’air représentative mais qui ne l’est pas du tout. ↩︎
La série Adolescence sur Netflix me file néanmoins un petit doute je reconnais. ^^ ↩︎
Toutes ces infos qui arrivent, je suis complètement paumé et déprimé. Mes angoisses existentielles ont franchi un nouveau pallier ces derniers temps, je ne sais pas combien j’en ai, et jusqu’où je peux endurer ça. Mais ça commence à m’atteindre sûrement.
L’article date de l’année dernière et il se base sur une vidéo de 2021 où JD Vance, l’actuel VP des USA, explique comment pour lui les profs et les universités sont les ennemis, et qu’il va les attaquer frontalement s’il arrive au pouvoir un jour. Il cite directement Nixon lorsqu’il insiste ainsi sur la dangerosité du corps éducatif, et la manière dont il faut le réformer complètement pour le vider de tout risque d’opposition ou juste de critique raisonnée. Nous y sommes !!! [via Bluesky]
Et juste en écho, Philippe de Villiers qui voit en Hanouna son « JD Vance ». Et hop, la boucle est bouclée !
Mais en plus, une petite nouvelle sympathique d’Argentine où Javier Milei a demandé qu’on audite l’ensemble des personnes en situation de handicap bénéficiaires d’aides gouvernementales. Pour cela, le décret s’accompagne d’une sorte de barème du handicap mental comme suit :
Une annexe au décret délimitait ainsi les groupes à handicap mental – « retardés mentaux » dans le texte –, en fonction du quotient intellectuel : « 0-30 (idiot) », suivi d’une description des capacités du sujet (s’exprimer, lire, écrire, subvenir à ses besoins de base, etc.). La liste continuait : « 30-50 (imbécile) », puis « 50-60 (débile mental profond) », « 60-70 (débile mental modéré) », et enfin « 70-90 (débile mental léger) ».
Et comme si tout cela n’était pas déjà très triste et désespérant, voilà que Tim Kruger est mort ce week-end. Nan mais, la plus belle bite du monde qui disparait à tout juste 44 ans. Si c’est pas un signe funeste ça. ^^
Que voulez-vous, j’ai besoin d’équilibrer mon esprit avec des choses très diverses sinon ce n’est pas moi. ^^
[Edit du 04/03/2025] Après avoir lu le commentaire de Valérie ci-dessous, je vois qu’en effet j’aurais pu ajouter à cette série de nouvelles peu réjouissantes, celle très concrète et touchée sur doigt par Dr. CaSo sur son blog. Elle a animé un atelier pour une petite centaine de militaires canadiens et américains, via une association, à propos de méthodes littéraires et en prenant des romans emblématiques en exemple. Eh bien voilà le résultat hallucinant :
La directrice de l’association m’a dit qu’elle avait trop peur de poster ma présentation sur le site public parce que j’avais utilisé des livres, des mots, et des théories censurées par le gouvernement américain;
Elle a bien voulu poster mes diapositives mais a écrit un « avertissement » qui expliquait que j’étais la seule à penser et dire et lire tout ça et que ma présentation ne représentait en rien l’opinion de l’association;
Elle a reçu des emails de plaintes contre le sujet de la présentation qui allait à l’encontre de la politique américaine actuelle;
Plusieurs personnes ont écrit pour dire qu’elles étaient désolées d’avoir arrêté d’assister à ma présentation en plein milieu parce qu’elles avaient trop peur d’être vues dans ce groupe en train de parler de ces sujets;
Au moins 30% des personnes qui ont assisté à toute ma présentation l’ont fait depuis des comptes personnels (alors qu’auparavant, chacun se connectait sur Teams depuis son compte professionnel) et en utilisant leurs initiales ou des pseudonymes au lieu de leurs vrais noms, ce qui n’était pratiquement jamais arrivé auparavant!
Je ne sais pas si vous avez suivi ce truc incroyable qui se passe aux USA avec l’arrivée de Trump, de nouveau, au pouvoir. Mais c’est tout à fait similaire (et je mesure mon point Godwin après 37 mots seulement) aux autodafés (juste à l’arrivée au pouvoir des nazis en 1933) et autres réécritures de l’histoire ou exposition de l’art dégénéré (Entartete Kunst en 1937) par exemple. Et puis c’est pas comme s’ils ne se mettaient pas à nous faire des saluts romains nazis à tout bout de champ. Nous avons tout bonnement un nouveau gouvernement qui fait supprimer les mentions de transidentité de tous les services publics en ligne ou encore les recommandations sur la PrEP qui a disparu du site web de la CDC1.
Ces obligations d’invisibilisation ont aussi été propagées sur les sites internet des National Park Services où dorénavant les trans sont gommés (via un skeet de Xavier) de notre réalité et notre histoire, et y compris concernant un Monument National newyorkais depuis 20162 : Le Stonewall Inn (la photo ci-dessus est celle de mon dernier passage là-bas en 2013, c’est une sorte de pèlerinage majeur pour moi).
Et donc voilà ce que ça donne : ce n’est plus LGBT mais LGB !
C’est d’autant plus choquant alors que le Stonewall en 1969 était largement fréquenté par des personnes travesties et transgenres, et ce sont ces personnes qui étaient déjà les plus discriminées, et qui ont été les fers de lance de notre propre émancipation actuelle.
C’est le pouvoir aussi fascinant que terrifiant que notre monde numérique, celui de pouvoir changer l’histoire d’un simple « chercher / remplacer » sur des centaines de bases de données. Et c’est évidemment à Elon Musk que l’on doit une telle stratégie numérique de mainmise sur ces dispositifs digitaux officiels qui sont des sources de confiance et des repères immuables pour tout un chacun.
Cet exemple n’est qu’un tout petit minuscule effet de cette politique offensive de renormalisation de la société, et elle voit se relever les mœurs les plus rétrogrades érigées en commandements sacrés pour tous et toutes.
Christina Pagel a justement publié un texte très intéressant qui résume tous ces changement en mode Blitzkrieg, et leurs impacts délétères majeurs sur la société américaine, mais au-delà aussi sur cette affreuse galvanisation de nos propres fascismes made in Europe en germination.
Je vous mets un fil de pouets Mastodon qui reprend en synthèse ses propos (je vous le mets en français, puis la VO) :
« Voilà donc comment meurt la liberté… »
Les 3 premières semaines de Trump ont été un déluge incessant d’actions. Il est incroyablement difficile de suivre le rythme.
J’ai passé en revue 69 actions et cartographié le schéma – montrant comment elles s’inscrivent dans 5 grands domaines cohérents avec les États autoritaires.
Les décrets de Trump, les prises de pouvoir de Musk, le démantèlement des institutions plus rapidement que quiconque ne peut le suivre, l’attaque contre la science, le savoir et les organismes coopératifs internationaux et les alliés font tous partie du manuel de l’autoritarisme.
J’ai également regroupé les actions dans un tableau pour illustrer cela.
2 livres (How Democracies die, The Road to Unfreedom) mettent en évidence les étapes clés pour éroder la démocratie : Saper les institutions indépendantes Affaiblir l’opposition Démanteler les protections sociales Se retirer des alliances internationales Instrumentaliser le nationalisme Saper la science Saper les élections libres (y compris la désinformation)
** Presque toutes les actions que Trump a entreprises au cours des trois dernières semaines correspondent directement à ces étapes. **
Applebaum dans son livre de 2020 « Twilight of Democracy » avertit que les démocraties deviennent incroyablement fragiles une fois que leurs élites abandonnent les normes démocratiques…
Trump n’a jamais aimé les normes démocratiques mais les respectait (parfois) en paroles lors de son 1er mandat. Dans son 2ème mandat, il se délecte de les détruire.
Tous les Républicains qui résistaient ont depuis longtemps disparu. Les autres ont soit embrassé le chaos, soit choisi la complicité.
De nombreux Démocrates semblent paralysés.
Pendant si longtemps, les États-Unis ont été le principal allié du Royaume-Uni et de l’Europe, la voix la plus forte pour proclamer sa démocratie.
Mais les États-Unis sont maintenant une menace pour l’économie mondiale, la santé mondiale et la stabilité mondiale. Plus tôt cela sera reconnu, mieux ce sera.
Nos dirigeants semblent paralysés, incapables de parler des États-Unis dans le même langage qu’ils utilisent pour les pays traditionnellement hostiles, espérant que l’œil du tyran les épargnera.
Avant de pouvoir agir face à une crise, il faut reconnaître qu’on y est – il est temps pour nos dirigeants, et nos médias, de se réveiller
La version originale pour les anglophones. ^^
« So this is how liberty dies… »
Trump’s first 3 weeks have been a relentless flood of actions. It’s incredibly hard to keep up.
I’ve gone through 69 actions & mapped out the pattern – showing how they fall within 5 broad domains consistent with authoritarian states.
Trump’s executive orders, Musk’s power grabs, dismantling institutions faster than anyone can track, attacking science, knowledge and international *cooperative* bodies and allies are all part of the authoritarian playbook. I’ve also grouped the actions in a table to illustrate this.
2 books (How Democracies die, The Road to Unfreedom) highlight key steps to erode democracy: Undermine independent institutions Weaken the opposition Dismantle social protections Retreat from international alliances Weaponise nationalism Undermine science Undermine free elections (inc misinfo)
** Almost all of the actions Trump has taken over the last three weeks map directly onto those steps. **
Applebaum in her 2020 book « Twilight of Democracy » warns that democracies become incredibly fragile once their elites abandon democratic norms…
Trump never liked democratic norms but did (sometimes) pay lip service to them in his 1st term. In his 2nd term, he is revelling in burning them down. Any Republicans who resisted are long gone. The rest have either embraced the chaos or chosen complicity.
Many Democrats seem frozen.
For so long the US has been the core UK & European ally, the loudest voice in proclaiming its democracy.
*But the US is now a threat to the global economy, to global health and to global stability. The sooner this is acknowledged the better.*
Our leaders seem paralysed, unable to talk about the US in the same language they use for traditionally inimical countries, hoping that the bully’s eye passes them over.
Before you can act on a crisis you have to recognise you are in one – it is time for our leaders, and our media, to wake up.
Le bar est inscrit au Registre national des lieux historiques en 1999 et désigné site historique national en 2000, puis monument national en 2016 par Barack Obama↩︎
Evidemment qu’on n’a pas en France de statistiques ethniques et pas non plus de statistiques sur l’emploi des LGBT. Mais Baptiste Coulmont le petit sociologue malin et champion des inférences statistiques a simplement pris les données du recensement. Et que se passe-t-il si on regarde les professions des personnes en couple avec des personnes de même sexe puisque le recensement ne recode plus le sexe du conjoint (ou de la conjointe) quand le couple est de même sexe.
Un ensemble de photographies de mexicains, prétendument arrêtés pour homosexualité en 1935, fait partie de la collection de la Photothèque Nationale de l’Institut National d’Anthropologie et d’Histoire (INAH) au Mexique. Ces images proviennent de la prison de Lecumberri à Mexico. On sait très peu de choses sur les détenus eux-mêmes, si ce n’est que ces photos ont été prises dans cette prison tristement célèbre pour ses conditions inhumaines. Jusqu’en 1976, les hommes homosexuels y étaient souvent emprisonnés dans le pavillon J, ou « Jota ». Le terme « joto », dérivé de cette lettre, reste un terme homophobe courant au Mexique.
J’ai vu ces photos sur Insta, et j’ai cherché quelques références complémentaires, mais ça tourne en boucle. Néanmoins, je reste fasciné par ces photographies nonagénaires qui figurent ces types plus fierce et Yassss Queen que jamais. Je ne sais pas si c’était de la déconnade alors qu’on cherchait à les ficher, ou s’il y a autre chose derrière, mais j’aime tellement leur attitude bravache et espiègle, avec des poses que ne renieraient pas des Queens d’aujourd’hui.
Mathieu Avanzi, qui en plus d’être beau comme un dieu, n’est pas du tout trop con (et chercheur en sciences du langage), pond régulièrement des cartographies marrantes sur singularités idiomatiques et leurs provenances parfois très locales ou régionales. Un exemple parmi d’autres :
Et là, il propose un test rapide avec quelques questions qui permet de vous situer linguistiquement sur une carte !!! Cela a l’air de bien fonctionner pour plein de gens, mais pas pour moi !!
J’imagine que mon parler d’origine est celui du Val d’Oise (ouaiche ma gueule) mâtiné de parigot (atmosphère, atmosphère), mais résultat je parle comme un bourguignon franc-comtois !!! Bah merde alors ! ^^
Cela fait une dizaine d’années que j’écoute le podcast de France Culture les pieds sur terre, et ils ont publié aujourd’hui une émission bien singulière !! Je vois à quel point l’IA progresse à pas de géants, semaine après semaine. Et on a beau essayer de décrier le truc, c’est un raz de marée. La progression est si exponentielle, elle dépasse vraiment l’entendement, et tout ce qu’on a pu connaître en croissance d’un quelconque phénomène.
Nous avons ainsi droit à une émission singée par l’IA, depuis la voix si reconnaissable de Sonia Kronlund, mais aussi ses tics de langage, et exactement ce qu’elle pourrait dire. Il s’agit d’un clone vocal, et des contenus qui ont été entraînés sur un millier d’émissions.
Pour le moment évidemment, c’est une démonstration flippante, un peu comme le podcast que je vous avais généré avec le blog. Et là on est dans l’imitation pure, sans créativité et assez limitée par une simple caricature de propos moyens et moyennés, une simple approche médiocre des choses. Mais on n’y voit entend QUE DU FEU !!! Sa mère, sa race !
Je testai récemment au boulot une IA en « speech to speech », et il y a encore quelques intonations un brin artificielles qui la trahissent, mais ce n’est vraiment rien du tout, et je suis persuadé que je pourrais me faire avoir déjà par 50% des IA conversationnelles actuelles, alors que cette technologie n’a que quelques mois. Dans quelques semaines, ce sera juste parfait.
Alors après tout est dans l’implémentation et l’usage, et même si ce truc imite à la perfection encore faut-il lui donner des bonnes données en entrée, car « shit in shit out » comme on dit dans mon patelin. ^^
Mais c’est vraiment la fin des haricots ma bonne dame, je vous le dis !!!
Il y a un extrait édifiant de ce film de propagande américain de 1943 qui circule sur les Internets, et je trouve que ça valait le coup de le mettre en ligne ici.
C’est fou qu’il y a 80 ans, on faisait aux USA un film pareil qui explique comme à des enfants pourquoi il ne faut pas être raciste ou s’en prendre à des minorités, et les dangers du fascisme, mais on est revenu à l’instauration insidieuse d’un système factieux dans ce même pays aujourd’hui. Et comme d’habitude, nous nous récupérons ce qu’il se passe aux US avec quelques années de décalage (de moins en moins d’ailleurs avec la globalisation allant crescendo), donc cette chienlit est l’exacte situation dans laquelle nous sommes aussi.
Voilà quinze jours que j’ai modifié ma manière de contribuer sur les réseaux sociaux. Bien sûr c’est lié à l’arrivée (de nouveau) de Trump à la Maison Blanche et l’implication d’à peu près toutes les plateformes dans son élection et la célébration de celle-ci. Et cela brosse large : d’Apple à Google, en passant par Meta (Facebook, Instagram, Whatsapp), Amazon, Spotify et Twitter. Donc c’est au-delà même des réseaux sociaux, et c’est globalement l’ensemble des outils numériques utiles à la vie (sur les Internets) de tout un chacun, et gratuits en apparence (mais on le sait « si c’est gratuit, c’est que c’est toi le produit »).
Ce n’est pas évident de quitter tout cela, et c’est à la fois pour des raisons pratiques, mais surtout parce que j’ai des habitudes très ancrées et que personne n’aime changer. Les réseaux sociaux sont des rites de fréquentation du quotidien, et me concernant une véritable assuétude pas toujours positive et rarement féconde, mais c’est aussi une source d’information, d’échanges conviviaux et de divertissements (et de bites) non négligeable.
J’ai peu à peu beaucoup limité mes interactions à des publications de photos, d’abord sur Instagram, puis dupliquées partout où je suis inscrit, et des liens vers des articles du blog, en plus de maigres échanges avec des pairs. La polarisation extrême des expressions et des opinions m’a fait me fermer peu à peu à tout débat en ligne, et je ne le vis pas plus mal depuis. Comme tout le monde, je me replie derrière les lignes de mon camp, et je vois les mêmes travers des deux côtés, mais je trouve ceux d’ici un peu plus acceptables évidemment. ^^
Donc depuis deux semaines, je ne publie plus sur Twitter, Facebook ou Instagram, mais je suis toujours inscrit, et je m’y connecte assez peu car j’ai simplement supprimé les applications mobiles pour Twitter et Facebook (j’ai conservé Instagram). Donc je garde des accès par navigateur old school ce qui limite naturellement et pratiquement mes occasions de me rendre dessus.
Facebook est tellement impraticable et inutile que cela ne me peine vraiment pas. Mais c’est un lieu où des membres de ma famille prenaient des nouvelles, il y a aussi le groupe de Clohars-Carnoët qui était assez pratique pour avoir des news de la maison, mais bon on peut imaginer à quoi ressemble ce genre de forum (full boomer imprécheune)… ^^ Et les liens vers mes articles de blog étaient de moins en moins montrés à mes contacts. Je garde le compte, mais je vais vraiment le faire mourir d’inanition.
Pour Twitter, je pensais que ça serait plus difficile, mais non. Il y a tout de même en face deux réseaux de choix qui sont une très bonne substitution : Bluesky et Mastodon. Le premier est un succédané de Twitter (fondé par Jack Dorsey, le co-fondateur de Twitter) et a l’air d’avoir remporté une première bataille du micro-blogging post-X. Et c’est vrai qu’on y retrouve nos marques, avec quelques éléments encourageants en termes de modération des échanges, mais aussi de maîtrise de ses contenus. En revanche, c’est une plateforme qui devra monétiser des choses pour s’en sortir un de ces quatre, mais pour le moment ils continuent leur stratégie « don’t be evil« . Ils remportent aussi la mise car ils réduisent les barrières à l’entrée, et ont une stratégie de conquête de nouveaux utilisateurs, donc rien de très nouveau dans le monde du marketing digital… J’y retrouve en tout cas absolument l’ensemble de ma communauté Twitter (et anciennement diariste), même si quelques irréductibles ne changent pas de bauge, ce qui est drôlement triste (pour moi).
Concernant Mastodon, c’est vraiment à l’image de ce blog sous WordPress. Mastodon est un système de micro-blogging ouvert et mutualisé. Donc il faut que quelqu’un ouvre un serveur Mastodon et le maintienne, exactement comme je maintiens mon propre blog ici. Mais ensuite, on est complètement libre et sans aucune contrainte marketing. Néanmoins inutile de dire que la barrière à l’entrée est assez importante car ce n’est pas une seule plateforme mais des milliers dans le monde entier, et que c’est encore un truc de geek un peu fou furieux. Moi je trouve ça plutôt simple et intuitif, mais bon je suis tellement dans la cible. Hu hu hu.
J’ai trouvé par hasard un serveur tenu par un chouette pédé de Seattle et c’est l’url qui m’a tapé dans l’œil : super-gay.co1 !! Eh bien aujourd’hui sur cette instance, il y a 68 personnes inscrites. C’est un peu comme si on était 68 auteurs sur un même blog, avec la même url en début d’adresse de blog. Mais à partir de notre instance, on peut suivre n’importe qui sur n’importe quelle instance. Il suffit de connaître son identifiant et son serveur, donc pour moi par exemple : « @matoo@super-gay.co« , un peu comme une adresse email en réalité. Je donne deux euros par mois à l’admin pour filer un coup de main sur les coûts d’hébergement, mais la plupart d’entre eux assument seuls ces charges.
Donc c’est plus compliqué qu’une seule plateforme uniforme, sur laquelle on peut chercher des gens. En revanche, si on pratique comme d’habitude de proche en proche, en allant piocher dans les conversations et les listes de « suivis/suiveurs » de ses potes, ça marche très bien. Et là, j’ai nourri une communauté qui se recoupe avec les autres, mais qui est également assez différente. On est sur beaucoup plus de nerds des Internets libres et open-source, mais aussi des altermondialistes, des queers à la pointe de la queeritude, des pirates de toutes les obédiences, et de militants de tout poil (et aux cheveux bleu et rose). Inutile de préciser que je m’y sens comme un poisson dans l’eau. Je retrouve un peu l’ambiance des débuts du net, avec énormément de contacts dans le monde entier. Je trouve ça très cool de convoler avec des pédés anglais, américains ou globalement anglophones, et de se lier comme cela numériquement comme j’avais pu le faire avec Yahoo! à la fin des années 902. ^^
Mais bon je comprends ceux qui trouvent ça trop relou et compliqué. Et j’aime cette barrière à l’entrée aussi élitiste soit-elle. En revanche, ça ne donne pas spécialement à ces plateformes le vent en poupe, alors que c’est un outil fantastique et complètement détaché de toute monétisation. ¯\_(ツ)_/¯
Donc depuis quinze jours, c’est photos et liens vers le blog depuis ces deux plateformes de micro-blogging. Bah ça va. J’ai survécu. Hu huhu. Et je dois constater que les statistiques du blog sont absolument exactement les mêmes, ce qui m’épate, mais c’est vraiment ça.
Whatsapp ne sera pas trop compliqué à remplacer par Signal sans doute. Je dois encore faire ma mue pour me détacher de Google, et comme ce sont des outils je peux là encore en geekant trouver des solutions acceptables3. Je crois que le plus difficile ce sera de ne plus consommer Instagram, car c’est une source de contenus qui me plaît et divertit beaucoup (Youtube aussi mais c’est un usage très très ponctuel pour moi).
En revanche, j’aime beaucoup voir les fameux « créateurs de contenus » justifier leur présence ici ou là avec la notion de « résistance de l’intérieur ». D’ailleurs ce n’est pas une notion complètement viciée, mais c’est juste que ce n’est pas du tout le sujet. Le truc c’est que les plateformes ont rendu captifs les créateurs de contenus qui en dépendent pour se faire voir et connaître du plus grand nombre, et réussir à gagner sa vie directement (pub) ou indirectement (vente de trucs). Et d’ailleurs moi aussi je suis, à ma manière, un de ces créateurs de contenus, puisque je vous dis que je poste des liens vers ici. ^^ En revanche, je n’en dépends pas financièrement, et je pense même qu’offrir ces contenus médiocres doit me coûter de l’argent à moi (les coûts permettant de maintenir ce blog en vie), c’est ce qui me permet d’avoir l’impudence de vous écrire ainsi en conservant une certaine intégrité et probité devant les Dieux des Internets. Et mon seul moteur reste donc mon orgueil démesuré. Ah ça mon hubris, il est toujours là, et bien en forme le bougre. Hu hu hu.
Et donc je ne jette pas la pierre à ces créateurs de contenus qui dépendent de telle ou telle plateforme. Mais quand elles rejoignent explicitement l’extrême droite et les LGTBphobies, cela pose sans doute quelque dilemme à l’ensemble des militant·e·s que je suis depuis tant d’années. En réalité, aucun « gros » compte n’a quitté de plateforme majeure, en se tirant certes une balle dans le pied, mais en étant conforme à son Credo.
Clément Viktorovitch, dont j’adore les live Twitch en podcast avec son Café Rhétorique qui propose des heures et des heures de déblatérations passionnantes sur des sujets politiques, en a parlé récemment lors d’un épisode explicite Faut-il quitter Twitter ? Et il explique clairement que ce n’est pas un crève cœur pour lui car ce n’est pas du tout un réseau avec une forte traction le concernant et donc ça ne le dessert pas trop de s’en séparer, mais il garde tous les autres qui sont tout autant complices de Trump (mais c’est vrai que Twitter est particulièrement vénéneux). Il explique aussi qu’un Mélenchon qui a 3 millions de followers ne peut absolument pas s’en passer, même s’il tente de trouver une justification.
Ce qui m’épate quand j’écoute tous les commentaires à ce sujet, y compris de la part de Clément Viktorovitch, c’est encore autre chose. Aucun d’eux n’a de recul sur leur propre succès sur ces réseaux, et la manière dont ils nourrissent et entretiennent la croissance de ces béhémots à la morale douteuse. Or ces plateformes cherchent plus d’utilisateurs, et le plus de temps passé possible pour collecter un maximum de données et de recettes publicitaires. Ainsi les algorithmes ont été conçus pour organiser et favoriser cette polarisation des opinions et les « clashs » car c’est très efficient pour atteindre leurs objectifs. Si en chemin, on détruit la démocratie, ce n’est qu’un effet de bord.
Après je n’essaie pas non plus de grossir le trait, et c’est également le talent de certains de ces hâbleurs des Internets qui est aussi à leur crédit4. Mais je suis persuadé que c’est également ce qui nourrit la polarisation la plus diamétrale qui est promue aux premiers rangs de ces réseaux. Et je regrette qu’on ne trouve pas plus d’autocritique de cet acabit, même si c’est compliqué de se dire que sa réussite sur les réseaux populaires actuels est la preuve ipso facto de son échec (au moins moral).
Récemment, j’ai été étonné d’une critique acerbe et un rien jusqu’au-boutiste de Mathieu Burgalassi, dont j’ai déjà parlé ici, et dont j’aime énormément les contenus, toujours finement réfléchis, structurés, argumentés et d’une grande probité intellectuelle. Il a créé une vidéo vraiment très importante pour critiquer un très gros compte Instagram avec une grande popularité : L’Esprit Critique.
Ces derniers publient des contenus qui ont eu beaucoup de succès sur les réseaux, et sont promus comme des outils pour mieux comprendre les méthodes de manipulation des politiques. Mais en réalité, Mathieu Burgalassi démontre assez rapidement et implacablement qu’il s’agit d’une campagne marketing pour vendre des formations. Et c’est vrai que ça n’a jamais été dit aussi clairement, même s’il n’y a pas non plus vraiment tromperie sur la marchandise. Mais c’est indéniablement un stratagème de vente, et c’était bien de le mettre en exergue. En revanche, alors qu’on comprend tout ça dans les trente premières minutes de la vidéo, le vidéaste continue à taper sur l’émission, et encore et encore pendant trente minutes de plus.
Et le reproche principal qui est fait c’est que ce sont des gens non engagés, non militants et qui se permettent de critiquer à droite, comme à gauche, et quand c’est à gauche c’est clairement vicié. Alors ce n’est pas faux, et c’est important de noter ce côté « centriste » et se voulant impartial, peut-être dans une simple volonté commerciale. Mais ce n’est pas un crime non plus, et je ne crois pas qu’ils ne se soient jamais fait passer pour des militants justement. Donc je trouve juste que c’est un peu fort de café, un peu agressif et très très énervé de sa part d’être aussi remonté5.
Mais dans le même temps, le (très gros) compte Instagram wikihowmuseum (dont j’ai posté déjà des mèmes ici) qui a toujours été tellement génial et drôle tire à boulets rouges sur le même Esprit Critique. Et je comprends le truc, mais je trouve qu’ils tapent trop fort… Est-ce que je suis trop veule alors ? Bah peut-être bien, en tout cas cela m’interroge.
Et donc cela m’a aussi fait réaliser que je suis évidemment plus à l’aise avec ces contenus, aussi polarisés soient-ils, parce qu’ils sont de ma paroisse. Et malgré tout, je lis encore beaucoup d’injonctions très radicales de militants, mais qui ne sont pas créateurs de contenus per se.
Et donc dans la même paroisse, j’ai ces gens qui disent que rester sur Twitter c’est être collabo, mais je continue à suivre sur des plateformes tout aussi méphitiques des créateurs de contenus de la même obédience, qui sont obligés de rester pour continuer à exister.
Piouuuuu, c’est compliqué la vie. Je continue à suivre le conseil de Joan Cornellà que j’ai posté en tête de l’article. ^^
Quelle meilleure définition de votre serviteur ? ^^ ↩︎
J’utilisais les « Yahoo! Profiles » qui étaient des sortes de pages de profil permettant de se connecter par affinités. ↩︎
Même si les grandes plateformes se sont retrouvées à financer aussi considérablement l’open-source, et en cela rendant essentiel leur implication et leurs usages déguisés. ↩︎
Et cela fonctionne à tous les niveaux et pour tout le monde. Les prolos et les cons ont leurs influenceurs et leurs médias aussi critiquables soit ils. Les gens plus intelligents, fins ou bobos ont aussi les leurs… ↩︎
Même si moi aussi les mecs de ScPo qui vendent des formations pour accéder à ScPo, ça me fait un peu vomir dans ma bouche. ↩︎
S’il y a bien une caractéristique flippante dans nos vies, en tout cas dans la mienne, c’est bien cela : l’accélération. J’ai l’impression que depuis que je suis en âge de comprendre les choses, tout va toujours plus vite. Tous les processus qui m’entourent sont plus véloces, et dépassent depuis longtemps le simple entendement d’un être humain.
L’informatisation a rendu cela exponentiel évidemment. Et l’internétisation a rendu le phénomène omniprésent et omnipotent, en apparence, pour mieux nous donner l’illusion prométhéenne d’être des démiurges, quand nous ne sommes que des créatures de plus en plus sisyphéennes. Nous en sommes à un point un peu fou je trouve, mais chaque jour étant plus fou que le précédent, je n’ose pas m’en émouvoir aujourd’hui. Et comme, on peut lire des témoignages d’il y a 80 ans qui en parlaient déjà1, je ne sais pas à quel point je me leurre à ce sujet.
Mais force est de constater que l’information est tendue comme un slip 24/24, et comme on ne nourrit pas assez la bête, on a droit à des gens qui triturent tout dans tous les sens, épuisant la raison qui se veut réfléchie et posée, et interrogeant sans cesse la passion qui arrive parfaitement bien à sortir des énormités et à en disserter pendant des heures. On demande au boulot des choses pour hier, tout le monde est connecté toute la journée dans des vidéoconférences déshumanisantes, tout s’enchaîne dans un maelstrom d’objectifs qui ne riment plus à rien, tandis que le monde court à sa perte.
Et ce n’est pas que négatif quand on peut comme je le fais communiquer toutes ces merveilles de mots à la con en temps réel dans le monde entier, juste parce que j’en ai envie. Ou encore avoir un presque don d’ubiquité et, pour presque rien2, faire une visio avec un être cher à l’autre bout de la Terre (ou juste une photo par Whatsapp à môman c’est cool aussi). Très positif sauf quand ça a un poids écologique qui contribue à la fin du système même qui le nourrit.
L’avantage c’est qu’on se précipite aussi vers cette fin du monde non ? ^^
Stefan Zweig, notamment, dans son œuvre Le Monde d’hier (1942). ↩︎