Empathie

Je consomme beaucoup (trop) de séries américaines, et même si de temps en temps il y a des trucs francophones qui sont sympas, il faut avouer que c’est bien trop rare (à mon goût, en tout cas). Cela fait du bien aussi d’avoir régulièrement des coups de cœur sur des productions étrangères, et là c’est en français, mais du Québec, et c’est une réussite extraordinaire à n’absolument pas manquer selon moi.

Empathie est une série canadienne produite par une plateforme de VOD de nos cousins américains, et ce sont dix épisodes qui suivent une héroïne, la docteure Suzanne Bien-aimé, incarnée par une sensationnelle Florence Longpré (elle est aussi la créatrice de la série). Cette dernière est psychiatre, et elle intègre une institution psychiatrique à Montréal (ce n’est pas précisé, mais je pense que c’est sous-entendu). Elle prend la direction d’une petite équipe soignante de « l’aile D », et on va suivre ses pérégrinations au sein de l’hôpital, mais aussi beaucoup de ce qui a fait son parcours et ses propres difficultés vis à vis de sa santé mentale.

C’est sans doute le maître-mot de la série : santé mentale. Et pour donner quelques références, on y retrouve des aspects En thérapie avec une petite ambiance « Vol au-dessus d’un nid de coucou » pour le côté tragicomique et l’attachement aux patients, mais aussi résolument des accents de Rachel Bloom pour les dernières saisons de Crazy-Ex Girlfriend ou Natasha Lyonne pour la seconde saison de Russian Doll. D’ailleurs on retrouve en Florence Longpré le charisme et la trempe de ces deux comédiennes et autrices.

La petite surprise française de la série c’est que Thomas Ngijol joue Mortimer qui est un collègue de Suzanne, et les deux deviennent assez proches aussi en dehors du boulot. Thomas Ngijol est également très bien dans la série, et très convaincant en comédien au registre plus dramatique et varié. On découvre donc que Suzanne a un passé assez lourd et est très perturbée par sa vie privée, mais qu’en plus le job implique des situations également difficiles à gérer au quotidien.

La série démontre par l’exemple que la prise en charge psychiatrique va bien au-delà d’un espace « d’emprisonnement de fous », c’est bien au contraire de cela (en tout cas c’est le propos de la série) un endroit pour soigner et pour aider à libérer des patients en difficulté. Il y a de la tristesse, et quelques scènes parfois compliquées à appréhender, mais aussi quelques moments drôles qui font du bien et permettent de relâcher la tension autour de situations individuelles et sociales particulièrement tragiques.

Les personnages de patients et patientes, et notamment Jacques Dallaire (joué par Benoît Brière) ou Carole Moisan (jouée par Brigitte Lafleur), sont à saluer avec des performances qui forcent l’admiration. Et tout cela est narré avec délicatesse, intelligence et subtilité. Ce n’est pas caricatural, ni pour faire tire-larmes, ni pour du feel good déplacé à l’hollywoodienne, on est vraiment dans un récit digne et beau, avec ses parts d’ombre et de lumière. Les personnages sont parfaitement calibrés en la matière, et si l’alchimie fonctionne c’est parce que la trame est très bien écrite, et parfaitement interprétée (sans doute bien dirigée aussi).

La série se dévore avec bonheur, et on s’attache beaucoup à tous ces personnages, principaux comme secondaires. On a mis les sous-titres en français pour s’aider un peu, surtout pour les patients qui jargonnent beaucoup et on des prononciations un peu ardues. Mais on se fait rapidement à la prosodie québécoise, avec des expressions qu’on intègre rapidement, et cet accent tonique qui fleure bon la Nouvelle-France.

Cela fait du bien de voir une bonne série qui attaque de front le sujet de la santé mentale, et aussi intelligemment et finement. Indispensable, c’est ce que j’ai vu de mieux depuis très longtemps !