Festival REGARD(S) 2025 – courts métrages queer (Cinéma Arvor)

C’était le festival Regard(s) la semaine dernière à Rennes, il s’agit du festival de cinéma LGBT du coin, et ils faisaient une classique séance de courts-métrages en deux parties pendant le week-end. On est allé voir ça, et c’était plutôt une bonne fournée !

C’est toujours chouette les courts avec ce côté mini-histoire souvent comme un fabliau des temps modernes, et toujours un accent singulier de par la thématique queer. Mais en réalité, elle invite autant au drame et à la tragédie qu’à l’humour, l’ironie mordante et parfois diablement revancharde. C’était tout cela, avec en plus un truc (forcément) très jeune et actuel qui fait du bien (de voir que les choses se suivent et se ressemblent, mais se renouvellent également).

ACROBATS

Eloïse Alluyn, Hugo Danet, Anna Despinoy, Antonin Guerci, Alexandre Marzin, Shali Reddy France – 2024 – 8 min

C’était un très beau film d’animation (des Gobelins si j’ai bien vu le générique) très coloré et touchant. Une toute jeune fille reçoit une fleur de son amie, et ça la met en joie. Elle rentre chez elle et c’est une toute autre ambiance, on est dans un univers fantasmagorique avec des idées qui s’incarnent vite en saynètes surréalistes et multicolores. Grosso modo la famille n’est pas très gay-friendly, et leurs pensées à eux sont très ferroviaires (laule) ou au ras des pâquerettes. Heureusement l’alacrité communicative et irrésolue de la gamine ne peut que lui échapper !! C’est très court mais d’une absolue dinguerie et poésie. Jouissif !

YOU CAN’T GET WHAT YOU WANT BUT YOU CAN GET ME

Samira Elagoz et Z Walsh Pays-Bas – 2024 – 13 min

Je ne pensais pas que le procédé pouvait me plaire sur une telle durée, mais c’est tout le contraire. Car il s’agit d’un diaporama en réalité, c’est vraiment seulement une succession de photos, de captures de SMS, de la musique et on suit ces deux personnes, plutôt transmasc dans la démarche (mais ce n’est pas le sujet), qui sont très très amoureux et entrent dans une passion dévorante à distance. Cela fonctionne super bien, et ils véhiculent de merveilleusement bien leurs émotions et le bonheur de se trouver dans ce maelstrom de leur propre quête d’eux-mêmes.

Il y a en plus pas mal de qualité formelle à l’œuvre, donc ça m’a épaté. Juste un bémol, et c’est souvent le cas avec les courts-métrages et c’en est bien le plus difficile exercice : trouver une chute !! Et là c’est un peu décevant, on était sur une aventure très prenante, et on termine un peu en eau de boudin pour moi. Vraiment dommage !

HEARTBREAK

August Aabo Danemark – 2023 – 26 min

Alors là totalement nawak et irrésistible ! Et danois évidemment. Hu hu hu. On suit deux gars qui doivent se marier, et c’est carrément le jour de mariage. Mais la première scène c’est l’un des deux qui est presque à vouloir étouffer son mec sous un oreiller… Oh là, étrange… On comprend alors que réellement l’un des deux a des envies de meurtre, mais ils arrivent de la manière la plus singulière à passer outre ce…kink ? En tout cas, c’est drôle et acide, vraiment d’une irrésistible acrimonie, et ça se termine en apothéose !! (Et il dure tout de même pas mal de temps, mais ça fonctionne !)

CAPITANES

Kevin Castellano et Edu Hirschfeld Espagne – 2024 – 15 min

Alors là évidemment, on est dans le fantasme complet, et en plus avec des espagnols ! Mazette !!! Complètement nawak encore, deux mecs d’une équipe sont renvoyés au vestiaire pendant un match, et ils sont prêts à se mettre sur la gueule, mais ils mettent autrement. Et les équipes reviennent au vestiaire, et c’est assez fou… Surréaliste, barré, un mélange de movida et de foutage de gueule, mais assez agréable à regarder, alors pourquoi pas ? Hu hu hu.

FAMILIAR

Marco Novoa France – 2024 – 19 min

Malgré quelques maladresses de mise en scène, c’est une idée tellement cool qu’elle rattrape les petits défauts initiaux. On voit une jeune femme et son compagnon, on comprend qu’elle a perdu un bébé. Ensuite, on la voit qui suit son compagnon, plutôt compère, lors de ses shows drag, car c’est en réalité Le Filip qui joue le rôle. En parallèle, on suit un gamin qui vient de se faire virer de chez ses parents. Ils vont se croiser, et on aboutit à une petite intrigue très touchante et fantastique. Et ça fonctionne super bien, car on a en plus quelques scènes très bien filmée, et la plongée dans le fantastique est une réussite alors que c’est très casse-gueule.

HABIBI ET LES CRACHEUSES

De Younés Elba France – 2024 – 21 min

C’est dommage car le film est formellement vraiment beau et bien fait. J’aime la manière de filmer les visages et les émotions, mais ça manque juste d’une histoire avec un peu plus de péripéties et de tensions. Pourtant l’intention est super, et on est pris par tout le début avec ce groupe d’amis, un mec gay et ses deux super copines, qui va tout tenter pour l’aider à rejoindre sa mère qui veut enfin lui reparler. Les comédiens et comédiennes étaient top en plus, mais parfois ça tient vraiment à l’écriture, et sans doute juste un avis personnel car le court-métrage a gagné le prix du public. ^^

DRAGFOX

Lisa Ott Royaume-Uni – 2024 – 8 min

Oh le petit bijou queer anglais avec un gamin qui cherche à mettre la robe de sa petite sœur en secret dans la nuit, et qui croise un renard-drag-queen (avec la voix de Ian McKellen évidemment ^^ ). L’animation en image par image est somptueuse, et les chansons sont fabuleuses. Une parenthèse enchantée et une belle évocation de l’identité de genre chez un petit chou !

HELLO STRANGER

Amélie Hardy Canada – 2024 – 16 min

J’ai beaucoup aimé cette tranche de vie plutôt documentaire, mais avec une forme très originale. Cooper raconte comment sa voix est son caillou dans la chaussure d’une transition de genre assumée et évidente. Elle est très touchante et d’une sagacité et clairvoyance qui feront du bien à d’autres. Et j’ai aussi trouvé que formellement, il y avait une maîtrise de l’image et de la narration, même si encore une fois un peu désappointé par la fin du court.

CHICO

Enzo Lorenzo Belgique, France – 2023 – 22 min

Bon là c’est belge hein, alors forcément génial et barré. Cela part dans tous les sens avec à la fois une solidarité des gens qui vivent un peu à la marge, mais aussi le caractère aléatoire, inique et violent de ce genre d’existence un peu paumée. On suit Jojo qui fantasme sur un gars (pas le bon évidemment), et il prend tous les risques pour lui plaire, jusqu’à se retrouver dans une panade pas possible. Mais c’est une belle aventure, et j’ai vraiment adoré ce personnage principal. Il est aussi solaire que maladivement timide et pas assuré, mais il y a un truc qui irradie du comédien et qui m’a profondément touché.

NEO NAHDA

May Ziadé Royaume-Uni – 2023 – 12 min

J’ai bien aimé la photo du film justement, et cette surprise de découvrir ces photographies des années 20 de femmes travesties avec des costumes d’homme et fez traditionnel. Mais le court est un peu court… On suit bien cette jeune femme, mais on s’ennuie un peu, et encore une fois ça manque un peu de substance. Un format documentaire aurait peut-être été plus intéressant, ou carrément plus surréaliste ou encore une intrigue un peu plus épaisse.

GENDER REVEAL

Mo Matton Canada – 2024 – 13 min

Sans doute un des meilleurs courts de la série pour moi, c’est absolument jouissif. Nous sommes sur un trio fabuleux, un trouple genderqueer non identifié, et l’un d’eux a été invité à la fête de « révélation de genre » du bébé de son patron. Vous voyez le genre ? Donc les trois queers débarquent dans un temple du conformisme et de la glorification de la binarité. C’est la totale avec les cupcakes vagin et bite, des trucs bleus ou rose, etc. C’est une succession de scènes vraiment drôles et très déglinguées. On est sur « Est-ce que les hétérosexuels vont bien ? » qui se finit comme un épisode de Happy Tree friends. Vous imaginez ? En plus c’est très bien joué et bien filmé, et on a le bonheur de revoir Lyraël Dauphin qu’on avait adoré dans la série Empathie.

COEURS PERDUS

Frédéric Lavigne France – 2024 – 34 min

C’est plutôt pas mal de prime abord, même si j’ai d’abord été un peu paumé sur la chronologie. Mais il y a vraiment un truc suranné dans ce genre d’histoire en 2024, alors qu’on a eu tant de récits de ce genre dans beaucoup de films ou d’œuvres LGBT en général, pas pourquoi pas. Le souci là c’est encore l’écriture un peu bancale selon moi, et pourtant formellement c’est bien. Bien filmé et très bien joué surtout de la part de Guillaume Soubeyran, on suit l’histoire avec attention, mais la fin m’a dérouté. Le mélange suicide, VIH, transmission est vraiment trop dissonant. C’est dommage car avec justement une histoire aussi classique, je pensais que la conclusion pouvait sortir des sentiers battus.

Alors mon petit classement à moi… (sans le vouloir avec une belle diversité de nationalités !)

  1. GENDER REVEAL (Canada)
  2. HEARTBREAK (Danemark)
  3. DRAGFOX (Grande-Bretagne)
  4. FAMILIAR (France)
  5. CHICO (Belgique)

La Transmance

Je vous avais parlé de Léon lors d’un précédent article sur la transidentité car il était vraiment un militant qui me touchait énormément. J’avais adoré ses émissions sur sa chaîne Youtube dont je vous ai aussi parlé à ce moment là, car ses vidéos avec des parents de personnes trans sont des petits bijoux qu’il faut vraiment regarder en urgence si ce n’est pas déjà le cas.

J’étais un peu tristoune de constater dernièrement que ça faisait un an qu’il n’avait pas publié de nouvelles vidéos, et je craignais qu’on ne voit pas de seconde saison à la « Transmance » (une « bromance » entre adelphes ^^ ). Et là je viens de voir qu’il y a déjà 3 nouvelles émissions, youhouuuuuu. Je suis trop joisse.

Alors c’est marrant, et c’est une des grandes qualités de ces vidéos, car ce sont des épisodes avec des concerné⸱e⸱s et pour des concerné⸱e⸱s. Mais en réalité, ce sont aussi de magnifiques outils militants réalisés avec une authenticité frappante et émouvante, et je pense que ça peut toucher tous les allié⸱e⸱s et au-delà. Moi ça m’a plu à mort comme vous le devinez aisément. Car Léon est génial, il est doué, il s’exprime brillamment, il est didactique et utilise la transparence, la vérité et un exercice de raison à la portée de tous et toutes pour fluidifier et animer les témoignages d’autres personnes trans dans des situations parfois très différente de la sienne.

Celle ci-dessous à propos de l’orientation sexuelle des trans est excellente, car c’est clairement un des sujets d’interrogation, et aussi une des questions actuelles sur une certaine ségrégation entre LGB et T. Car l’identité de genre, l’expression de genre et l’orientation sexuelle sont trois choses différentes, hein ? Et donc on trouve des personnes trans qui sont hétéros, homos, bis ou ce qu’elles veulent, mais pas comme on le pense à l’évidence, et par défaut, hétéros. Et Léon est entouré de deux personnes géniales pour converser de ce sulfureux sujet, de parler cul avec une belle décontraction. J’ai découvert Claude-Emmanuelle qui m’a absolument conquis, et Lou Trotignon dont j’avais déjà parlé ajoute un grain de sel drôle, touchant et indispensable.

Sur la non binarité, la vidéo est ci-dessous est fabuleuse avec des témoignages super éclairants et des personnes d’une clairvoyance et humilité confondantes. J’ai adoré retrouver Sam dont je suis les recettes sur Insta, et dont j’ai parlé dans un cadre tout autre en 2022.

Et enfin, encore un sujet assez épineux dans ses échos médiatiques dont je pense qu’il est essentiel d’écouter les concerné⸱e⸱s : les athlètes trans. Léon reçoit trois athlètes qui témoignent sur les traitements iniques dont elles ont été victimes, mais on découvre en réalité des personnes qui sont avant tout des vaillants sportifs qui veulent simplement s’inscrire dans la compétition. Et il est très intéressant de questionner la manière dont le genre devrait absolument ou pas être le moyen de séparer les participants.

On ressort du visionnage de ces vidéos avec le sourire et pas mal d’espoir. Je sais que c’est la merde, et que les situations des personnes queer n’ira sans doute pas en s’améliorant, mais moi dans mon petit coin avec mon petit cœur, c’est juste un baume dont j’ai besoin.

Show drag au Marquis de Sade (Rennes)

On vient de débarquer à Rennes, alors forcément moi je cherche les activités LGBTQ+ de mes coreligionnaires bretons. En fouillant un peu sur Instagram, j’ai trouvé cet événement, et j’ai bien compris que ce serait un truc peu à la marge, mais exactement ce qui me plaît dans la créativité et l’inventivité queer du moment. Les shows drag avec Drag Queen en mode « pageant1 » c’est très bien, mais ce n’est pas tout.

Maintenant que des Drag Queens sont à la télévision dans une émission récurrente ou aux JO, et ont gagné une sorte de respectabilité (même si largement à géométrie variable au sein de la société). Et d’ailleurs je ne conspue pas du tout une forme plus « acceptable » et consensuelle qui permet de diffuser des messages au plus nombreux. Mais on peut aussi s’intéresser à tout le spectre de cette queeritude, et s’intéresser à des formes moins lisses, mais tout aussi stimulantes, hautes en couleur, réjouissantes et militantes. Et surtout, on gagne à jeter un coup d’œil du côté de nos copines lesbiennes et tout simplement nos frangines et adelphes.

J’avais adoré découvrir quelques drag kings et queers locales nantaises, ou plus dernièrement à Paris des créatures un peu plus protéiformes et difficiles à cerner. Bien sûr je pense aussi à feu les Paillettes avec leurs shows militants et fabuleux. Et j’ai l’impression que c’est du côté queer de la Force, que la nouveauté se trouve, mais également aussi un ferment intelligent, sensible et savoureux qui ne mérite que d’être découvert et apprécié à sa juste valeur.

Et puis clairement, on sait bien que le combat le plus aigu est celui qui consiste à protéger et aider les personnes trans, et lutter pour leurs droits. Quand je repense à ce moment à Quimper, je tremble encore d’effroi.

Donc là, on est à Rennes avec ce collectif « king » qui s’appelle Kingkea2, alors évidemment ça va être très artisanal et militant. Mais on peut avoir de très bonnes surprises avec ces shows (et j’en ai vus une palanquée), et assurément c’en était une pour nous. Et d’autant plus, qu’on a, je pense, un peu fait se retourner quelques têtes avec nos statures de pédés quadras (avancés) bobo white cis. D’ailleurs on a bien ri quand le monsieur Loyal, Soleil, a plaisanté sur le fait d’être né en 1997 et d’être donc le plus vieux de l’assistance… Hu hu hu.

Mais je m’en balance, et tant qu’on ne fout pas en l’air l’ambiance ou la concorde de l’endroit en faisant peur aux gens (ce qui pourraît arriver, je mesure parfaitement cela, et on est venu car ça paraissait ouvert à toutes et tous). J’insiste un chouïa là-dessus, car je me rappelle très très bien ma propre appréhension lorsque j’avais 19 ans et que je voyais débarquer des hétéros en boîte gay. J’avais besoin d’être avec des gens comme moi, c’était absolument essentiel pour moi, et pour être moi-même une condition sine qua non. La simple présence, toujours trop emphatique, de personnes hétéros me rendait complètement parano et craintif, forcément renfermé…

Or on était clairement dans une (petite) population queer au sens large : trans, non-binaire et jeunes fluides de toutes parts. ^^

L’endroit déjà, c’est un bar qui s’appelle donc le « Marquis de Sade », il faut avouer que ça en jette comme nom ? Hu hu hu. J’adore ce genre de bar libertaire, qui me rappelle exactement les rades parisiens alternatifs qui sont dans la même veine, avec une arrière-salle qui permet d’accueillir des groupes, et donc là quelques personnes assises pour un show. Et le show en question était en réalité précédé par la finale de l’émission de téléréalité : King of Drag. C’est la toute première saison d’une émission comme celle-ci dédiée à des Drag Kings, et présentée par Murray Hill, que je connaissais pour la série Somebody Somewhere.

Mais le plus intéressant c’était la suite et les performances des quelques drags qui étaient invités ce soir. Soleil était le présentateur mais aussi un artiste drag qui a présenté deux performances très engagées avec un drag parfois presque possédé par son show. J’ai beaucoup aimé son visage très mobile, et les détails du maquillage qui masculinisent son visage. Et puis il y a une énergie fascinante qui se dégage de lui, entre BDSM et puissance contrariée, sans doute un peu inabouti mais intéressant !

En réalité, c’est Sylvestre qui a démarré les hostilités, avec une fabuleuse interprétation planante de Si j’étais un oiseau de Bertrand Belin. Excellent lip sync et avec une présence d’une intensité peu commune, c’était vraiment cool.

Après c’était GORKI qui joue sur le registre Drag Queer en démarrant par un classique du drag king dans le rôle du cowboy viril et couillu. Hu hu hu.

Je l’ai préféré pour son second passage avec un personnage encore un peu plus mascu toxique, et jouant merveilleusement avec les codes et tous les brouillages de signaux qui vont bien.

Soleil est également revenu avec une performance, mais quand le lip sync ne suit pas, j’avoue que je décroche… Mais il reste doté d’un sens esthétique et d’une maîtrise de l’espace qui est cool.

Sylvestre est revenu dans une forme plus chimérique avec cette belle créature, et encore une fois un lip sync impeccable, et remarquablement interprété.

Et enfin le clou du spectacle c’était avec PEES dont la performance m’a fait penser à La Gouvernante qu’on avait vu au Warehouse pour une Pride nantaise. On est dans un genre de drag très singulier mais vraiment impliqué, dans l’extrême don de soi et la performance artistique. Il se peint le corps avec une substance noirâtre, et il s’agrafe à même la peau des morceaux de textiles, sur la poitrine puis sur le visage, tout en effectuant un excellent lip sync, et tout en se transformant en une inquiétante créature mi-kafkaïenne mi-frankenstein. ^^

Ah oui, c’est pas votre petit show propret avec des robes à volant et des paillettes, mais c’était cool, c’était drôle, c’était engagé et déroutant ou dérangeant parfois. J’étais content d’y assister, dans mon propre cheminement de découverte de cet art du drag si complet, et de cet air du temps qu’on ne peut mieux saisir qu’en ayant le bonheur de voir comme cela du spectacle vivant à fleur de peau et servi par des doux-durs à queer.

  1. Pageant = beauty pageant = concours de beauté du type Miss France, donc des shows consistant à montrer de beaux travestissements exclusivement « en femme » avec de belles personnes bien maquillées dans de beaux vêtements. ↩︎
  2. Jeu de mot sur « kinky » soit une excentricité sexuelle au sens le plus littéral (classiquement les pratiques sexuelles BDSM, mais en gros tout ce qui sort de la norme, quelle que soit votre acception de la chose… ^^ ) ↩︎

NO vamos a volver a los márgenes

Je ne sais pas si vous connaissez Carla Antonelli, mais si ce n’est pas le cas, alors il faut réparer cela d’urgence. Elle est sénatrice espagnole et aussi députée de l’assemblée de Madrid, et c’est également une femme trans. Elle a fait un incroyable discours il y a quelques jours qui fait beaucoup de bien, en plus d’y trouver cette verve et morgue toute almodovarienne qu’on aime tant !!! ^^

Source : Instagram (pour les sous-titres en anglais) et Instagram (celui de la sénatrice et députée en question).

Cela fait des jours et des jours, et avant cela fait déjà quelques mois que j’en parle hein, que je vois des attaques de plus en plus prégnantes de toutes les extrêmes droites contre les droits des trans, mais aussi contre la transidentité en général, et les progrès même plus importants, selon moi, que la société a réalisés grâce à cette inclusion. Et donc ce coup de gueule libérateur m’a fait un bien fou (la droite espagnole attaque depuis quelques années la Ley trans). Car purée, mais les trans c’est moins de 1% de la population, ce n’est pas possible que ce soit une telle problématique, surtout quand on voit que ce serait une telle engeance à vous retourner la société entière. On dirait notre copine homophobe favorite qui nous promettait la colère de Dieu…

Un des célèbres moments de la campagne homophobe contre le mariage pour tous (23/10/2012)

Carla Antonelli le dit haut et fort, les personnes trans ne seront plus marginalisées et reléguées !

BAMBI à la Rotonde (Moissy-Cramayel) par le Théâtre de l’Estrade

Je voulais la voir cette pièce hein, je suis allé jusqu’à Moissy-Cramayel, dans le 77, pour cela !! Parce qu’une adaptation de la vie de Bambi sur les planches, je ne vois pas ce qui serait plus dans mes cordes. ^^ Bambi c’est Marie-Pierre Pruvot, qui est née en Algérie en 1935, et qui fut une des premières femmes trans de notre pays. Elle fut connue comme une meneuse de revue et danseuse de cabaret, mais elle a surtout été enseignante et autrice une bonne partie de sa vie.

La compagnie du théâtre de l’Estrade crée des œuvres qui sont autant de supports de médiation culturelle avec des lycéens, et donc c’est une démarche de fond assez différente des processus de création plus conventionnels. En revanche l’intérêt manifeste là est de proposer des opportunités de travaux avec des lycées de la région sur le sujet de la tolérance et plus globalement de la diversité sexuelle et de genre. Donc l’œuvre présentée est à la fois une proposition de la compagnie, mais aussi un outil de travail pédagogique, et la résultante des échanges avec les élèves, et aussi des interactions avec Marie-Pierre Pruvot.

L’idée c’était de reprendre le roman autobiographique de Bambi qui s’intitule « Marie parce que c’est joli », et qui rend compte chronologiquement des étapes importantes de la vie de l’artiste. Ainsi, on suit différentes saynètes qui nous montrent les moments charnières de sa vie, depuis son enfance, puis adolescence et vie adulte jusqu’à la transition de genre et au-delà avec notamment le passage au cabaret, chapitre après chapitre du livre. La mise en scène est très dynamique et enlevée, et j’ai aimé que ce soit si vivant et syncopé.

Le recours à des vidéos et des écrans secondaires sont aussi de chouettes ajouts qui aident à la compréhension, et donnent aussi beaucoup de peps à la mise en scène. Après je regrette un peu que l’écran déporté (qui était une bonne idée) ne soit que peu utilisé (très bien vu en revanche pour la scène du confessionnal), et devienne un peu un gadget. Mais on a aussi une musique très présente et tout cela rend le spectacle vraiment agréable et fluide.

La volonté est clairement de se concentrer sur la vie de Bambi, mais en la rendant la plus universelle possible. J’ai regretté justement que ça ne soit pas plus « daté » et « référencé », mais j’ai compris que c’était manifestement conçu de cette manière à dessein (on a pu discuter en fin de spectacle lors d’un « bord de scène »), un peu comme pour 120 BPM. De même on est sur une pièce un peu trop courte à mon goût, mais je crois que c’est une forme qui devait seoir à des adolescents, donc un peu taillée aussi pour cela.

Il y a 3 comédiens et 1 comédienne sur scène, cette dernière incarnant Bambi à tous les âges, et globalement j’ai bien aimé leurs performances. Les acteurs jouent plusieurs rôles à chaque époque de l’artiste, et il y a un mélange des genres qui est très bien senti, l’un des comédiens jouant notamment la maman de Bambi, et chacun pouvant porter des talons hauts ou du maquillage. On sent bien la volonté d’ouvrir les possibles et les chakras des spectateurs.

J’ai passé un bon moment, mais j’ai trouvé que c’était une œuvre un peu limitée par son format à destination des lycéens. C’est bête car cette qualité profonde et sincère de travailler le spectacle dans un cadre pédagogique a finalement, selon moi, oblitéré sa portée potentielle. Bien sûr l’initiative est géniale, et il faut absolument la soutenir. Mais je regrette que ce travail de base très riche et intéressant n’ait pas pu servir aussi à nourrir une œuvre avec un peu plus d’ampleur et d’ambitions.

Emilia Pérez (Jacques Audiard)

De la part d’Audiard, on pouvait compter sur un film de bonne facture, car il y a des hauts et des bas, mais c’est vraiment le cinéaste français le plus doué de sa génération. Et j’ai vraiment bien aimé Emilia Pérez, évidemment les résultats de Cannes avait déjà donné quelques indices à ce sujet.

C’est un film français étonnant puisqu’il est hispanophone, et l’histoire se passe principalement au Mexique. En plus de cela, c’est un film de femmes et avec un prétexte queer tout à fait singulier et saisissant, et c’est un film musical, pas vraiment une comédie musicale, mais un truc proche selon moi d’Annette et sa vigueur « opératique ». Les héroïnes, Zoe Saldana, Selena Gomez et évidemment Karla Sofía Gascón, sont parfaites et merveilleusement solaires dans leurs rôles respectifs, et rien que pour elles, le film en vaut largement la peine.

On suit les péripéties d’un narco-trafiquant mexicain (Karla Sofía Gascón) qui enlève une avocate, Rita (Zoe Saldana), et qui lui demande de l’aide pour faire une transition de genre et changer radicalement de vie. Il devient alors Emilia Pérez, se fait passer pour mort, et met sa famille à l’abri en Suisse. Mais quelques années plus tard, Emilia ne tient plus et fait revenir sa famille au Mexique en se faisant passer pour une cousine du trafiquant décédé. Rita et Emilia s’associent pour lancer une association qui recherche les personnes victimes des trafics de drogue, et cette dernière tente ainsi de se racheter.

Je rapprochais donc le film d’Annette car on est sur une sorte de tragédie en quelques actes avec des intermèdes musicaux qui viennent soit relever, alléger ou rendre encore plus graves et « passionnelles » certaines scènes. Les chansons sont particulièrement réussies, et les quelques scènes musicales sont vraiment utiles à la narration, tout en ajoutant une dimension surréaliste et une mise en avant marquée des émotions des personnages. Avec la langue espagnole et ces héroïnes hautes en couleur, on est forcé (en tout cas, moi ^^ ) de faire des comparaisons avec le cinéma d’Almodovar. On retrouve vraiment des similitudes selon moi, même si ça peut paraître un peu léger.

Mais surtout le film est, comme toujours chez Audiard, remarquablement filmé, avec aussi sa dose de violence (ambiance cartels mexicains…) et d’actions qui donnent un rythme très soutenu à ces 2h10 de film. Entre cette histoire plutôt palpitante, les scènes musicales (Zoe Saldana lors de la soirée de bienfaisance est notamment un moment génial) qui sont comme suspendues dans la narration, et le jeu des trois comédiennes, on est pris et enveloppé dans l’intrigue, et le tout est fichtrement haletant.

Après sur le traitement de la transidentité, il faut en dire un mot. En tant que petit cisgenre, et comme beaucoup de me coreligionnaires, j’ai trouvé qu’Audiard, en boomer accompli, n’a pas fait de conneries énormes. Certes ce n’est pas un film pour donner une bonne image à une héroïne transgenre, mais on a une histoire qui met merveilleusement en valeur une superbe actrice trans, et on comprend parfaitement l’espoir qu’elle nourrit en faisant une transition qui est une émancipation, mais surtout une réconciliation avec son être profond et sincère.

En revanche, c’est toujours important de saisir les remarques des concernées, et j’ai mieux compris les critiques de certains et certaines en la matière. Notamment dans les deux fils de touites suivant.

https://twitter.com/illiskaa/status/1826170243342873003

Alors autant je trouve gonflé qu’on parle de « nanard » ou de film raté, autant j’ai compris et suis carrément d’accord avec le fait qu’on est dans un récit de transidentité qui est vraiment daté. Et Audiard a fait quelques grosses erreurs et maladresses en effet dans la manière dont il insiste sur la chirurgie et la transition physique, esthétique et le « devoir » de la personne trans. Clairement il me fallait un peu de jugeotte fournie par des adelphes pour le réaliser, et en effet mon cis-gaze1 rendait l’exercice difficile.

En y repensant, en effet, on est dans une situation et des modèles très proches de la série Transparent (qui date de 2014) ou encore Veneno (que j’ai tant aimé !!) qui nous place encore dans une époque où on parlait de transsexualité, et nous sommes bel et bien à l’ère de la transidentité. Il y aurait donc eu sans doute une manière plus habile et « moderne » de raconter cette histoire.

Je suis donc circonspect sur le film, car je l’ai bien aimé. Mais en effet rétrospectivement, cette vision de la transidentité désuète comment la qualifier ? Si on transposait cela à de l’homosexualité, je n’aurais aucun problème à expliquer qu’un film nous refait la « cage aux folles » en 2024. Et pourtant l’intention peut être bonne, et il ne faut peut-être pas tout jeter aux ordures ? Bref, je ne sais pas. Mais je sais que je ne sais pas. ^^

  1. La simple manière dont je vois « la vie » à travers ma situation de personne cisgenre. ↩︎

Un petit line-up queer pour le Fringe Festival d’Édimbourg

On est tombé par hasard sur le Fringe Festival à Édimbourg qui est un gros truc, et la ville vrombit des spectacles plus ou moins grands de rue ou de salles. C’était difficile de trouver un show mais là j’avais vu qu’on avait la possibilité de voir assez tard un échantillon de quelques stand-upers du festival qui en gros essaient de donner envie qu’on aille voir leurs shows complets. C’est ainsi qu’on s’est retrouvé au Gilded Balloon, et qu’on a vu 5 artistes queer nous faire quelques minutes chacun de leurs numéros.

Le premier c’est le choupinou Mark Bittlestone que je ne connaissais que d’Instagram pour avoir vu ses vidéos, et il était assez marrant en live (mais très très classique twinky gay musclé qui parle de GrindR et consorts). La chouette découverte c’est Ciara qui s’est montrée en quelques minutes extrêmement douée, et pleine d’un humour grinçant et mouillé d’acrimonie et de dérision comme j’aime. Elle nous a vraiment cueilli et c’était un plaisir de l’écouter, et de nous faire rire très spontanément.

La personne qui présentait et introduisait les artistes était un certain Jeremy Topp, mais je n’ai pas été super convaincu par sa prestation. Enfin pour enrober le truc, ça le faisait.

Le dernier, Otter Lee, était vraiment intéressant mais extrêmement malaisant à la fois. Il était très drôle mais totalement largué et à l’ouest, et paraissant parfois vraiment à la limite du burn-out sur scène. On s’est demandé si on devait vraiment rire, ou si l’auto-dénigrement comme cela était obsolète, même dans le stand-up, depuis Hannah Gadsby. Mais il avait une sorte d’énergie du désespoir et une fragilité queer qui m’ont beaucoup touché et fait rire, donc difficile de statuer. ^^

Mélanie Vogel au Sénat sur la transidentité

Oh ça fait du bien d’entendre un discours pareil, simple et implacable, faisant appel à une raison toute basique et humaine. Mélanie Vogel, Sénatrice écologiste, explique en quelques minutes l’injustice en cours consistant à discriminer les trans, juste parce qu’ielles le sont.

Source de la vidéo : compte twitter de Public Sénat

Épidémie fulgurante de transphobie

Trois semaines après avoir écrit à propos de transidentité, et voilà qu’on voit une crise majeure nous frapper à ce propos. Un bouquin dégueulasse a été écrit par deux TERFs1 et il professe des horreurs sur les trans et la transidentité. C’est un monceau de mensonges, de rumeurs débiles et de théories fumeuses dignes des documentaires de RMC Découvertes sur les Anciens Astronautes. Mais en réalité c’est aussi un ramassis de doctrines complotistes d’extrême-droite et pour preuve : on en voit la promotion active par Marion Maréchal et d’autres personnalités du même piètre acabit.

En plus de cela, c’est un déluge de reportages sur les chaînes et émissions de merde avec des interviews qui ont l’air de dater des années 70 lorsqu’on invitait des homos à s’exprimer. Ou c’est à peu près ce qu’on disait ou lisait lors du Mariage pour Tous il y a dix ans sur certains médias. C’est tellement choquant de voir un journaliste qui mégenre éhontément une femme trans, qui lui demande si elle est opérée ou pas, et qui mène sont interview avec un fiel évident et la morgue aux lèvres.

Et ce qui est horrible aussi, c’est que les personnes non informées sont surement influencées par ces reportages et entretiens bâclés. Les idées reçues, les préjugés et les discriminations n’ont pas fini de gangréner notre société. Vraiment c’est exactement comme il y a dix ans.

La plupart des personnes que je vous ai proposées de suivre évoquent cette shitstorm, et cela me rend tellement triste et en colère. On est vraiment dans des discours rétrogrades et totalement ignorants de personnes haineuses, et, encore un fois, contre la quête de bonheur de leur prochain, et qui ne touche en rien leurs propres libertés.

La solution est toujours la même, il faut continuer la lutte et le soutien à nos adelphes !!!

  1. TERF ([tɛʁf[, également écrit terf), acronyme de Trans-exclusionary radical feminist (« Féministe radicale excluant les personnes trans » en anglais). ↩︎

Adelphité trans

Cela fait quelques années (mais pas plus de quatre, il me semble) que je vois le terme « adelphité » fleurir dans la communauté queer au sens large, mais surtout trans. C’est un terme épicène qui combine donc les notions de fraternité et de sororité (qu’on emploie aussi plus souvent depuis relativement peu de temps). J’ai tout de suite trouvé que c’était drôlement euphonique adelphité, et j’adore lire des personnes parler ainsi de leurs adelphes… Récemment, je m’interrogeai sur mon usage de certains termes et c’était curieux de constater que par exemple :

Ce qui m’épate, en passant, c’est qu’en 2005 je te mettais des “transsexuels” en veux-tu en voilà, c’est marrant comme je n’écrirais plus cela aujourd’hui. Et en réalité, si je regarde l’occurrence des mots-clefs de mon blog, j’ai utilisé ce terme jusqu’en 2008, après je parlais de “trans” tout court, et à partir de 2011 c’est le terme “transgenre” qui est uniquement usité (et c’est le terme correct encore aujourd’hui). 

Article Hedwig and the Angry Inch de ce propre blog ^^

Donc je tenais à commencer à faire fleurir ici aussi pour ce printemps 2024 un si joli mot.

Cela pourrait paraître curieux de prime abord de se dire qu’on a juxtaposé et mélangé ces lettres : LGBTQIA+ (j’ai l’impression que c’est l’acronyme qui résiste ces dernières années) pour décrire les minorités sexuelles1. J’utilise moi-même souvent le terme queer comme un terme général pour englober tout ce qui sort de la norme qu’elle soit sexuelle ou même culturelle (j’aimais du fond de mon cœur l’appellation TorduEs, et la marche qui allait avec, c’était une belle traduction à la fois littérale et singulière, mais malheureusement elle n’a pas percé ^^ ). Mais en réalité, on mélange des orientations sexuelles et des identités de genre ou des cheminements dans ces deux « univers », certes connexes mais après tout disjoints.

Car on est plus aujourd’hui à se considérer sur le spectre de l’orientation sexuelle comme sur celui du genre, et même ces notions là me semblent en réalité de plus en plus illusoires, ou simplement un besoin assez trivial de mettre les gens dans des boîtes et de leur mettre des étiquettes. Et ce n’est pas que pour des trucs mauvais hein, les étiquettes ça permet aussi de savoir à qui on a affaire et comment mieux communiquer, faire le moins d’impairs et se montrer poli. Les pansexuels et les agenres dans la salle peuvent sourire narquoisement, d’accord, d’accord.

Ces spectres ont tout de même un intérêt pédagogique, et de redonner à chacun la liberté de sortir des limites perçues par son éducation et son environnement, et ça c’est tout de même très très cool (Kinsey avait bien commencé en 1948, avec selon moi le même pouvoir émancipateur sa fameuse échelle). Dès lors qu’on comprend les carcans dans lesquels on se trouve, on n’aspire très rapidement qu’à en sortir ou au moins à ressentir le grisement de ressentir ce nouveau souffle de liberté possible.

Là où ça se corse et je trouve cela merveilleux, c’est dans cette nouvelle norme qui consiste à ne pas savoir justement à qui on a affaire (et le quasi-boomer que je suis en souffre grave, mais j’y survivrai car je suis pas trop fragile dans le genre ^^ ). Mais comme la règle d’Or dans ce domaine, comme dans tous les autres, c’est la suivante. On devrait normalement vivre dans un monde bien meilleur.

Flash débat : la transidentité – Groland Le Zapoï du 09/12/2018 – CANAL+

En réalité, la raison pour laquelle on a accolé le T aux LGB, et pour laquelle ces spectres sont si intimes, est surtout très pratique et empirique. Beaucoup de trans dans leur cheminement de vie passent par la case homosexualité, ce qui doit être une première tentative de réponse à leur quête d’épanouissement. Ce sont donc totalement nos frères et sœurs (nos adelphes ^^ ) de lutte et nous partageons un destin commun, et bien sûr ils représentent une frange de la communauté encore plus discriminée. Parce que nous avons une histoire commune, et qu’on a souvent été potes au début, bah on ne va pas se lâcher comme ça. Et je suis heureux de constater que cette intersectionnalité là fonctionne un peu. (Même si la transphobie est présente chez les gays et lesbiennes, j’en pense la prévalence plus faible que dans la population générale.)

J’ai eu moi-même beaucoup de préjugés, et mon propre cheminement. Je me rappelle m’être demandé par exemple pourquoi les trans allaient vers tant de difficultés et de douleurs dans la société, plutôt que de se contenter d’être pédés ou lesbiennes. Et puis j’ai fait le (facile) rapprochement avec certains hétéros qui m’avaient dit exactement la même chose sur le fait d’être pédé2 dans les années 90. Hu hu hu. Et puis il m’a suffi de constater d’un peu plus près l’épanouissement de quelques trans (dans mon cercle à moi uniquement des femmes trans), notamment d’anciens pédéblogueurs, pour avoir une véritable épiphanie à ce sujet. Je me suis retrouvé quelque part avant et après mon propre coming-out. Ces personnes sont simplement devenues elles-mêmes, pas autrement que ce qu’elles avaient toujours été au plus profond d’elles.

Pour les deux auxquelles je pense, je dois réfléchir assez intensément pour retrouver leurs morinoms. Les mégenrages3 qui sont forcément des erreurs communes au début de transition (appeler elle en il, ou utiliser le prénom de naissance), et qui le reste un peu plus longtemps chez les proches (pour la famille notamment), est un truc qui m’échappe tant je trouve que l’on oublie purement l’ancienne personne (et sans aucun effort vraiment).

Il faut savoir qu’il y a une immense4 polémique en ce moment dans la communauté des contributeurs Wikipédia. En effet, s’oppose la volonté de ne pas indiquer les morinoms ou dead-names des personnes trans ou même d’évoquer leur transition puisque ce n’est pas forcément pertinent ou même en accord avec le désir de la personne, et celle de loguer ces événements qui sont autant détails biographiques d’une personne.

Les réseaux sociaux ont cette qualité (parmi beaucoup de défauts) de faire émerger des tas de gens très bien qui militent et informent via des contenus écrits, audios ou vidéos sur la transidentité. Et surtout, c’est pour moi une vraie petite fenêtre sur des coreligionnaires queers que je n’aurais jamais été amené à rencontrer ou connaître (notamment par des générations qui nous séparent aujourd’hui au vu de mon statut de vieillard cacochyme approchant dangereusement la cinquantaine). J’ai été fasciné comme beaucoup de gens par la non-binarité, qu’elle s’exprime sur le domaine sexuel ou du genre, ou même lorsqu’on considère les différents spectres autistiques sur lesquels on se trouve en tant que neuroatypique par exemple. Donc c’est clairement une tendance de fond assez importante, mais qui ne nie pas non plus la binarité, elle étend juste le champ des possibles, et reconnaît les nuances, la fluidité, le changement ou parfois simplement l’indécision5.

J’avais évoqué Brieuc dans le blog qui était un de ces non-binaires qui a publié des dizaines de vidéos géniales à ce sujet, et globalement sur la transidentité. J’ai appris mille choses grâce à cette précieuse personne. Il se trouve qu’elle a (de nouveau) transitionné depuis, et elle a malheureusement supprimé tout ce contenu (pour mettre de côté justement le morinom, l’apparence et tout ce qui se rapporte à un passé qui devient difficile dès lors qu’on est passé à autre chose j’imagine). Comme je la cite en tant que Brieuc, je ne vais pas moi-même faire le lien avec sa transition actuelle. Mais elle fait partie de ces merveilleuses personnalités qui depuis la transition irradie de bonheur et de bien-être. Et ça me rend juste tellement heureux de la voir ainsi !! ^^

Comme pas mal de personnes trans d’ailleurs, il est très drôle de constater, et elle en plaisante elle-même beaucoup, qu’elle est aujourd’hui assez binaire et revendique un schéma très classique où elle est « très meuf » et dans des relations tout à fait « hétéronormée ». Et c’est ce que j’aime dans ce qui peut paraître comme des choses nouvelles et qui pourraient faire peur ou être prises pour des positions politicardes visant à faire changer tout le monde. Ce n’est pas du tout le cas, il ne s’agit que d’ouvrir le champ des possibles, tout en respectant les comportements d’avant, c’est juste qu’ils ne sont plus la norme ou l’obligation.

Il y a en revanche une chose qui a tout changé, et qui est à la fois géniale et qui m’agace au plus haut point : le passing. Evidemment que c’est majeur et important d’être reconnu, pour des personnes binaires, dans son genre. Et les innovations extraordinaire en médecine, tant pour les hommes que pour les femmes, ont grandement amélioré la vie des personnes trans et leur intégration à la société, puisque « ça ne se voit plus ». Et dès lors qu’on ouvre cette boîte (de Pandore), on se frotte forcément à ce putain de privilège de la Beauté6 (qui m’insupporte). Et alors, on en vient à faire des différences et des jugements de valeurs dégueulasses. Il y a alors les bons trans et les mauvais etc. De la même manière que l’acceptation grandissante des gays dans la société est valable et validée pour ceux qui sont beaux, musclés et doués en décoration.

Mais d’un autre côté, ces ambassadeurs et ambassadrices ont un pouvoir extraordinaire et font bouger les lignes. Donc ça m’interpelle et me trouble… Et j’en suis moi-même une énorme victime influençable, alors que je m’émerveille de transitions qui aboutissent à des personnes belles en dedans comme en dehors (j’avoue que le passing a cet effet).

J’avais bien aimé en cela les deux séries TV avec un thème trans très poussé qu’étaient « Pose » et « Transparent ». Et étonnamment, là où la première se passe dans les années 80 et 90 à l’époque NYC, VIH et Ballroom, on avait des comédiennes trans qui étaient « trop » belles par rapport à une représentation historique qui se voudrait fidèle. Mais après tout, quel intérêt ? Et leurs physiques sublimes ont parfaitement servi l’intrigue… Pour la seconde, avec « Transparent », c’est le contraire puisque la série est contemporaine mais montre justement des trans « qui se voient » avec un côté plus naturaliste certes (surtout avec des trans plutôt âgées), mais qui fait justement l’impasse sur les personnes au passing plus abouti. Et encore une fois, ce qui est plutôt cool au final, c’est l’ensemble de ces représentations, et la diversité qui est présentée. Ce qui est cool aussi c’est enfin d’avoir ces représentations dans des séries, et qui arrivent à transcender ce sujet même de la transidentité.

Sur un sujet connexe, je me suis fait la même réflexion sur la mini-série gay du moment « Fellow travellers » où on a deux mecs homos qui vivent une histoire singulière entre les années 50 et 80. Les deux mecs sont Matt Bomer et Jonathan Bailey, et ils ne sont absolument pas crédibles en mecs pédés dans le placard des années 50, dans le sens où à cette époque les mecs n’avaient absolument pas des corps aussi secs, dessinés et musclés avec des abdos taillés à la serpe. Or, la série est aussi là pour montrer des magnifiques pédés aux corps parfaits comme on les célèbre aujourd’hui. Je trouve ça naze, et un manque criant de fidélité à une reconstitution historique. ^^

Bref, j’arrête avec ce privilège de la Beauté, mais il faudra que j’en fasse une tartine un de ces quatre.

Je voudrais à présent vous conseiller quelques comptes de référence qui vraiment sont des trésors actuels à propos de transidentité. Il y a d’abord Lexie7 qui est une fabuleuse pédagogue et passeuse de messages, mais qui est aussi truculente, bretteuse et en colère, et qui est aussi capable de nous chier à la gueule au passage. Je suis très très admiratif et fan, et je trouve qu’elle ne fait que s’améliorer avec le temps. Je vois aussi tout ce qu’elle subit sur les réseaux (comme pas mal de militants que je suis), et je n’en suis que plus adoratif de son travail et son opiniâtreté.

Après pas mal d’années d’invisibilisation, les hommes trans sont maintenant beaucoup plus sur le devant de la scène, et ça a changé pas mal de choses en positif (évidemment). J’ai été épaté aussi de constater que beaucoup de garçons trans sont gays, ce qui n’est que le résultat de ma facette de boomer. ^^ (Bah oui, je me dis t’es lesbienne, après tu deviens un mec, forcément t’es hétéro non ? Bah non. ^^ )

Et cette résurgence a aussi provoqué un autre truc drôle et troublant pour moi. C’est que l’on trouve donc à la fois femmes trans et des hommes trans dans le porno actuel. Eh bien je suis plutôt très sensible à des hommes trans pédés (sans organes génitaux masculins, je le précise car c’est dans ce cas et contexte précis important), et pas du tout à des femmes trans qui peuvent même avoir une bite (élément assez essentiel pourtant de ma sexualité). Cela m’a vraiment conforté dans mon identité d’indécrottable pédé, et pas tant que cela accroc à la bite. Bon passons !

En miroir de Lexie, et absolument indispensable, il faut suivre Morgan Noam. Il est passionnant et tout aussi pertinent et convaincant que sa collègue (ils font aussi des vidéos ensemble). C’est tellement génial de suivre ces personnes intelligentes et fines, et qui sincèrement me donnent un peu d’espoir en l’avenir de nos sociétés (ouai je suis déjà mort ^^ ).

Avec Lou Trotignon c’est moins sérieux, c’est même très drôle, mais en même temps les messages passent aussi, c’est juste que le médium est aussi singulier que génial. Ce mec trans non-binaire (c’est déjà un programme) est adorable, à mourir de rire et un comédien de stand-up qui présente des sketchs très drôles et absolument irrésistible sur la transidentité. Tout en finesse et en dérision, il arrive à bien faire passer ses messages, et je trouve que l’humour est un vecteur complémentaire parfait à un militantisme pur jus.

Enfin mon chouchou c’est clairement Léon Chappuis (ou Léon Salin) qui est déjà une publicité vivante pour la transition (il est vraiment canon ce con !!!8). Hu hu hu. Mais surtout il est absolument bisounours et adorable, et il a une tactique très nature et candide. C’est peut-être son côté suisse (romand) qui fait cela, mais lui son terrain c’est l’évidence des parcours trans, les témoignages positifs et vraiment la candeur des échanges. Cela donne des vidéos touchantes à mort qui m’ont fait chialé (ça fait du bien), et des échanges prosaïques qui sont des questions qu’on se pose. Le mec raconte par exemple dans une vidéo avec d’autres mecs trans qu’il lui est arrivé de draguer une meuf qu’il a un bon passing et que c’est cool mais qu’il faut bien qu’il explique à un moment « qu’il n’a pas de bite !!! » et ça le fait chier. Mais en même temps, la confrontations des témoignages est très intéressante, troublante parfois, toujours bienveillante, et démine justement tous les préjugés ou les sujets scabreux et délicats.

On y comprend aussi pourquoi de toute évidence certaines personnes trans préfèrent sortir avec des trans, ou l’impact de l’exotisation de leur transidentité pour certains ou certaines. J’ai adoré aussi les passages figurant Léon et sa petite amie, qui est elle bisexuelle convaincue et militante. On en finit par se dire que c’est peut-être cette bisexualité qui permet d’obtenir un tel équilibre harmonieux avec un mec trans ? Pourtant il est clairement pour moi un mec comme un autre, même selon moi beaucoup trop hétéronormé à mon goût (mouahahahaha). ^^

Bref, c’est super intéressant et je n’ai pas fini de découvrir des trucs, ce qui est toujours agréable et stimulant.

Mais là, où j’ai versé ma petite larme c’est que Léon a interviewé des parents de mecs trans. C’est très drôle car la vidéo des mamans et celle des papas sont différentes les unes des autres, et donc très binaires au final (hu hu), mais elles ont pour point commun de toucher droit au cœur, de revenir à des valeurs belles et simples d’amour (surtout), de respect, d’écoute et d’une ouverture qui finit par aussi donner en retour beaucoup de richesses à ces parents d’exception. Encore une fois, on y trouve une belle candeur, une profonde humanité, beaucoup d’humour et de décomplexion, et cela fait un bien fou.

C’est aussi un autre bon moyen de faire passer des messages, en revenant à des considérations assez essentielles et basiques. Et encore une fois très complémentaires des approches théoriques ou militantes, qui peuvent aussi un peu trop nous courir sur le haricot.

J’en ai fait une sacrée tartine de cet article, mais j’y tenais car ça compte pour moi.

  1. Je déteste cette terminologie, mais c’est toujours celle qui paraît couramment usitée. ↩︎
  2. Ils me conseillaient sérieusement de ne pas me prendre la tête, de simplement me conformer en mettant avec une femme pour faire plaisir à la société tout en évitant les risques, et de vivre une gentille vie sexuelle hypocrite et débridée en parallèle. ↩︎
  3. Le fait de ne pas utiliser les bons pronoms pour interpeller une personne. ↩︎
  4. Tout est relatif évidemment, c’est à l’aune d’une polémique sur les Internets par les gens des Internets. ↩︎
  5. Il est parfois bon de rappeler que l’indécision est aussi une excellente option devant ce maelström de choix. ↩︎
  6. Personne n’en parle de celui-ci alors qu’il est un des plus injuste et universel de notre monde : la beauté ouvre bien des portes, et c’est un privilège qui en intersection avec des ségrégations donnent des équations bien curieuses et alchimiques. ↩︎
  7. Je l’ai connu incidemment à la téloche alors qu’elle participait à un débat sur France Info, et elle m’avait marqué par sa sagacité et sa rhétorique efficace. ↩︎
  8. Oui je sais c’est un privilège et tout, mais laissez-moi faire ma midinette merde !!! ↩︎