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Le cow-boy nu

Je vous partage ce post Facebook public de Romain Burrel parce qu’il est très important, et sa lecture m’en paraît tant indispensable que je me permets de le le recopier ici en entier.

J’en avais fini avec Lil Nas X. Jeté, classé, plié. Depuis ce concert pathétique au Zénith, ambiance karaoké TikTok, plus rien n’avait de goût. Les singles qui ont suivi son album Montero ressemblaient à des brouillons Spotify, et je m’étais dit : voilà, encore un one album wonder, un météore qui s’écrase plus vite qu’il n’a brillé. Internet l’avait rayé de ses playlists, j’ai fait pareil.

Mais le voir, récemment, déambuler en slip (pas nu, non, juste slip + santiags), ça m’a troué le cœur. J’ai pensé au Naked Cowboy de Times Square, ce monument kitsch redneck qu’on célèbre depuis vingt ans parce qu’il se balade en slip kangourou avec sa guitare sèche. Alors pourquoi lui, le cowboy blanc, est-il fun et folklorique, quand Lil Nas X, le cowboy noir et gay, devient objet de malaise ou de moquerie ? J’ai mon idée mais vous allez m’accuser de voir du racisme partout (Le racisme est partout).

La vérité, c’est que Lil Nas X va mal. Comme nous. Comme moi. Il croit qu’il gère la came mais pas du tout. Il se défonce, il décompense, il déraille. Mais lui quand il déconne, ça finit sur TMZ.

J’ai pensé à George Michael. Lui aussi cloué au pilori, humilié pour son goût du cruising ou de la MD dans la boîte à gants. La presse a vendu des giga tonnes de papier sur son dos. On s’est beaucoup moqué. Mais George était magique. Il avait ce don de transformer la honte en tube, la déchéance en flamboyance. Jusqu’à ce que la magie s’éteigne pour de bon.

En avril dernier, Lil Nas X postait un TikTok où il proclamait embrasser sa “flop era”. J’ai trouvé ça drôle sur le moment. Aujourd’hui, ça sonne sinistre. Ça me rappelle le documentaire de Questlove sur Sly Stone, dont le titre claque comme un couperet : le fardeau du génie noir. Ce soupçon permanent chez les artistes noirs que la chute est inévitable, même au sommet, parce que rien ne leur appartient vraiment, et qu’on peut tout leur reprendre en une seconde.

J’ai lâché Lil Nas X. Et je m’en veux. On dit que les pédés sont le public le plus loyal, mais c’est vrai uniquement pour les divas blondes et brushées, celles qui se relèvent toujours parce que nous tenons la corde pour elles.

On est capable de faire comme si Gloria Gaynor n’était pas républicaine mais pour Lil Nas, pas de filet. Pas de grâce accordée. Et vous savez pourquoi ? Parce qu’il nous ressemble trop. Et qu’on déteste se regarder dans une glace.

Publié le 27/08/2025 par Romain Burrel sur un post Facebook public

Ce manque de bienveillance pour notre prochain, et encore moins pour celui queer en encore encore moins pour celui non blanc, est flagrant, et je le trouve merveilleusement illustré par Romain ci-dessus. C’est fait avec autant plus d’impact que c’est bien écrit, concis et implacable (à mon goût).

0 réflexion au sujet de « Le cow-boy nu »

  1. Ce texte est parfait ! L’artiste, qui plus est quand il est noir et gay, est fragile, il faut le protéger, lui accorder (évidemment) le chemin tortueux qu’on accepte souvent qu’en théorie, nous qui consommons les artistes comme on consomme des boîtes de conserves.

  2. Je ne sais pas si Lil Nas X est « fini ». J’entends Hotbox en club et dans les bars ici, même si le single n’a pas eu un gros impact dans les charts. Le narratif de la chute et de la renaissance du phénix, c’est assez fréquent dans la pop pour que tout n’apparaisse pas « joué d’avance » et « déjà foutu » pour lui (même si, en effet, cela semble plus souvent s’être appliqué à des Britney ou des Lindsay). Mais je comprends pourquoi la dimension « homme gay racisé » interroge.

  3. Je suis globalement assez d’accord, mais pour moi le paragraphe qui compare avec le Naked Cowboy est très foireux.

    Comparer
    un homme blanc en slip, de jour, pas visiblement sous l’emprise de substance
    avec
    un homme noir en slip puis a poil, de nuit, et visiblement sous l’emprise de substance

    Et dire que la différence de traitement est due à la couleur de peau c’est quand même osé.

  4. Perso, j’ai beaucoup déchanté sur LilNasX après avoir vu son concert au Zenith : un full playback de 45 minutes, entre showcase et foutage de gueule. J’ai découvert son EP de cette année 3 mois après sa sortie en catimini. La première écoute m’a laissé de marbre, aucun titre ne m’a sauté aux oreilles. La seconde écoute m’a confirmé qu’on était bien en dessous de l’album précédent. Pour ce qui est de ses frasques, ayant complètement décroché d’Instagram et des actus people, on ne peut pas dire qu’elles ont influencé mon écoute. C’était juste un EP, j’attends quand même de voir l’album. Ou un prochain, même si je doute vouloir retourner l’entendre sur scène.

    Pour ce qui est du texte de Romain Burrel, j’ai presque envie de dire Captain Obvious quoi… Oh my gode, #LesGens n’ont pas la même attitude fonction de la couleur de peau d’un artiste ? Bientôt on va apprendre aussi qu’on sera plus facilement bienveillant avec le flop d’un artiste bogosse plutôt qu’avec celui d’un pouilleux-vieux-et-tout-moche…
    Et puis la conclusion en mode « Et vous savez pourquoi ? Parce qu’il nous ressemble trop. Et qu’on déteste se regarder dans une glace ». Mort de rire. Romain Burrel a le chic pour (souvent) me faire eyeroller. On adoooore se regarder dans la glace. Surtout quand on écrit des critiques culturelles, où tout n’est prétexte qu’à parler indirectement plus de soi (de SES goûts, de SA perception de la chose, de pourquoi ON la décrète comme étant super ou nulle, de comment ON explique le succès ou l’échec…) plutôt que de l’objet artistique en lui même.

    Un flop de LilNasX sera toujours plus intéressant à écouter que la lecture des papiers qui en parleront. Je dis ça juste pour faire une phrase choc en guise de conclusion… :mainbouche:

    1. Je reconnais tout ce que tu dis, mais moi Romain me touche souvent même avec des ressorts aussi « simplistes » en apparence. Mais voilà hein. :sourire:

      1. En fait, je crois que je fais un blocage sur lui depuis un de ses papiers (ou bien était-ce un long thread sur feu Twitter) incendiaire sur Guillaume Gallienne il y a très longtemps au moment de la sortie du film « Les garçons et Guillaume, à table ! ». Une incapacité à concevoir une identité floue, aux antipodes de ce qu’il définissait comme étant la norme lgbt, une identité qui ne rentrait ni dans les lettres ni dans les cases de sa vision… Un papier très bitchy, très PD langue de pute en terrasse à l’Open Café… Je ne sais plus si c’était avant sa période Têtu ou après, aucune importance, mais justement, un papier très Têtu, très parisien du marais autocentré…
        Si Gallienne avait eu la jeunesse, la beauté athlétique, ou la couleur de peau d’un LilNasX, peut-être que Burrel aurait eu plus de bienveillance à l’époque…

        Je viens de vérifier, le film de Gallienne date de 2013 !!! Tavu comme je suis rien qu’une vieille rancunière ! :rire:

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